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CHAPITRE 4 : Le thé

Le vert. Celui des arbres, éclatant, nourri par la lumière du soleil, celui des feuilles qui protègent des pluies  les êtres des forêts. Ce vert clair, chanceux, qui tournoie dans les airs, et habille les lutins. Ce vert rieur, qui danse à l'horizon des clairières, de bon augure. Ce vert qu'on attrape dans ses yeux, sans trop y réfléchir, juste pour le plaisir. Un vert naïf et enfantin, que l'on cache sous son aile, protecteur de l'irréel. Le vert apaisé et assombri des feuilles de thé, trempées dans une eau brûlante et vaporeuse, destinées à disparaître.

Après avoir fait mon choix, je me concertais avec Arthur sur l'endroit où je pourrais me rendre pour avoir la paix. Il rit à mes mots, disant qu'ici, la paix n'existait tout simplement pas en tant que telle, et que le mieux que l'on puisse avoir, c'était un silence dérangé par des rires étouffés. Je levai les yeux au ciel, sans rien dire, et il soupira avant de me répondre que « Le Chapelier Fou savait faire le thé. »

Je prenais ça pour une sorte de réponse comme une autre, mais allant plus dans mon sens malgré tout. Je hochai du menton, lui faisant signe que je le suivais. J'arrêtai brusquement mon geste, électrisée par l'interrogation qui venait de me traverser. 

- Qu'est-ce que tu entends par "Le Chapelier Fou" ? 

Il me regarda incrédule, comme si jusque là, aucune autre de mes questions n'avait été plus sotte que celle-ci. 

- Le Chapelier Fou, aussi fou que son titre l'annonce, donne du sens à notre univers. Il pourrait presque être déclaré le plus sain d'entre nous tous. Sans lui, sans sa lumière, nous serions probablement tous perdus depuis longtemps. Il a un don, à la fois semblable et distinct du tien selon les aspects, affirma-t-il d'un ton grave et solennel, son nez tressautant à la tranquille cadence de ses mots. Il représente le lien qui nous lie les uns aux autres. Sans lui, on ne pourrait se parler, se retrouver, se disputer comme se réconcilier.  Sans lui, nous serions seuls au monde, acheva-t-il, une ombre sur le visage. 

Je fixai son nez quelques instants, interdite. Tout m'apparaissait encore insensé. Cet endroit... avait réellement l'air d'être sorti de ce conte d'enfants. Pourtant, au fond, je comprenais de quoi il en retournait. Comme si c'était inscrit dans mon ADN. Alors même que tu t'es promis à ton départ de l'orphelinat de ne plus jamais te laisser guider par un étranger. Cette promesse, tu l'as cent fois répété en toi-même, comme une prière.

Je me pinçai le bras sans rien dire. Depuis longtemps, j'avais cessé de faire attention aux voix murmurant dans mes oreilles, tendant mes muscles. Mon papa me disait petite qu'il suffisait  de se pincer pour que, trop effrayées, elles se taisent. Être enfant me manquait beaucoup parfois, juste pour croire sincèrement à toutes ces histoires, demeurant prisonnières de mes souvenirs innocents. Mon père avait disparu dans la nature alors que je n'avais que quatre ans. Le mot "maman" n'existait pas dans mon histoire. On m'avait alors placé en orphelinat, car les autres individus composant ma « famille », ne pouvaient ou alors ne voulaient pas de moi. Peut-être même n'avais-je jamais eu de famille. Rejetée, toujours, inlassablement, de façon imperceptible et inhabituelle, sans raison particulière.

Pour détourner mon attention de ces noires pensées, je reprenais la discussion, l'air distraite. 

- Pourquoi avoir dit que "Le Chapelier fou savait faire le thé" ? 

- Parce que c'est lui qui organise les tea days, voyons, s'exclama Arthur, outré, bondissant sur un talus au bord du sentier. 

Devant son expression, je choisis bien sagement de ne pas lui poser plus de questions à propos du Chapelier et des tea days. Je le découvrirais sûrement en temps et en heure, et pour le moment, cela ne faisait clairement pas partie de mes priorités. 

Le chemin serpentait dans cette végétation luxuriante, et égarait mon regard autant que mes pieds ; qui semblaient se donner un merveilleux plaisir à s'emmêler les pinceaux dans toutes sortes de racines languissant au sol. Nerveuse, je retrouvais dans la poche de ma robe, une cigarette écrasée et un briquet noir rayé par les utilisations excessives aux doigts peu assurés. Probablement, je rajoutai une énième griffure, alors que j'allumai entre mes lèvres, le rouleau de papier crème, arme d'un crime addictif. La fumée s'éparpillait dans le ciel, en des ronds cabossés et flous. Je trouvais ça stupide, cette manie qui me volait des minutes de vie, qui noircissait les ballons se gonflant d'air dans ma poitrine. Or si chaque feu en encourageait un autre, ils apaisaient aussi mes craintes, les rendait toujours plus lointaines, incertaines.

Si bien que lorsque le lapin s'arrêta, je lui rentrai dedans, habituée à une cadence dont j'ignorai vers où elle me menait, vers qui ou quoi. Un peu d'air porteur de cette bouffée de poison et j'avais perdu contenance. Mon esprit était parti encore trop loin, quelques instants. Revenir sur Terre ou au Pays des Merveilles, qu'importait, l'endroit auquel je faisais face à présent n'avait rien à voir avec toutes ces histoires.

Un doux parfum de roses dominait l'atmosphère humide. J'aurais pu essayer de déterrer d'autres odeurs, car de partout, des souvenirs poussiéreux reprenaient vie. Il y avait la pâte à cookies qui embaumait notre petit appartement du 20ème arrondissement à Paris le samedi soir, ou encore le miel coulant dans le lait chaud quand un mauvais rhume tourmentait mes nuits. La petite table de cuisine se confondait avec l'image opposée qui se présentait à mes yeux émerveillés. Une grande table s'étalait devant nous, encombrée. Sur celle-ci se dressait, une nappe rapiécée d'étoffes bicolores, aussi clinquantes les unes que les autres, mais étonnamment accordées, dans une même harmonie encore inconnue, échappant jusqu'ici à ma compréhension. Des tasses sales entassées en vrac reposaient de toutes parts, remplies parfois de liquides, sans distinction entre le café et le gin. Des gâteaux, des biscuits, des assiettes de salade roses et violettes, des carnets gribouillés, tout se manifestait sous l'angle d'une joyeuse cacophonie, qui résonnait partout : des murs en pierres de la maison voisine à la verrière qui longeait l'autre extrémité du terrain.

Arthur dût me pousser à l'intérieur de la maison. J'étais hypnotisée par l'aura qui émanait du lieu. Il m'y laissa seule, chuchotant dans sa barbe, quelque chose comme quoi il devait se rendre de toute urgence au château. Le temps de saisir ses mots, il avait bondi à l'autre bout de la plaine, et même si j'avais crié, il ne m'aurait pas entendu, trop occupé par ses prochaines courses, et son chronomètre indomptable.

- Oh, bonne journée, que puis-je faire pour toi, dans mon heureux magasin de thé et chapeaux ensorcelés, entendis-je une voix guillerette lancer du fond de la boutique, comblée par d'innombrables masses de tissus, de mannequins, de têtes à couvre-chefs.

Je m'approchais timidement jusqu'à distinguer une masse de cheveux bouclés enflammés et une silhouette assez élancée, enroulée dans de multiples volants aux couleurs vives. Sa chevelure était coifée d'un immense haut-de-forme rapiécé et usé à la corde, orné de plumes plus ou moins dégarnies. Ce dernier la grandissait de dix bon centimètres et semblait faire partie d'elle, à un point où il paraissait être tout simplement la continuité de son corps, ne faisant qu'un avec ses gestes. Deux grands lacs perçaient le visage pâle, l'un d'un vert d'eau si clair que l'on aurait pu y découvrir des forêts d'arbres entières à l'intérieur ; l'autre d'une noirceur sans fin dont on ne pouvait différencier la pupille de l'iris. D'un côté la clarté du soleil dans un lac d'eau pure, de l'autre le fond d'un puit le soir d'une nouvelle lune. Muette devant ces mirettes loin d'être quelconques, mes pensées s'embrouillaient sans jamais laisser une idée limpide s'installer sur le devant de la scène.

- A-alice...? m'interrogea-t-elle du regard, ce seul prénom semblant me brûler à vif chaque fois qu'il était prononcé.

- Lys, je la corrigeai avec empressement, regrettant mon ton dur dès qu'il força la barrière de mes lèvres.

Les reflets de ses iris dansaient comme si elles riaient continuellement, pleines de bonheur, me laissant pantoise, moi qui d'ordinaire, avait toujours mon mot à dire sur à peu près tout. A mon grand soulagement, elle n'avait pas l'air d'avoir perçu l'intonation sèche provoquée par mon prénom, ou alors elle avait décidé de ne pas m'en tenir rigueur.

Brusquement, elle retourna sur ses pas, me tournant le dos, et poussa une porte rococo, à la peinture écaillée et aux marques de coups de pinceaux secs partant dans tous les sens. Curieuse, je la suivais, écartant tasses de thé, chapeaux, coussins et étoffes de mon chemin, et me prenais les pieds dans toutes sortes de cordes, serpentins et boa en plumes.

La sortie donnait finalement sur une serre immense dans laquelle des bourgeons ouvraient et refermaient leurs pétales et les feuilles recouvraient leurs tiges, nerveusement, dans un cérémonial de bruissements et de chuchotis. Les nuances chaudes et froides des plantes emplissaient l'air, jouaient avec les reflets des ailes de papillons argentés, et s'amusaient avec le relent infime de l'eau dans la mare. Une odeur de menthe, mêlée à la fragrance de la rose, emplissait le lieu, faisant naître un joyeux gargouillis dans mon ventre.

La jeune femme – Chapelier ? Chapelière ? Fallait-il lui accorder ce titre ? – se tenait au milieu de diverses variétés de roses aux piquants acérés et d'hibiscus aux pistils brillants, sirotant du thé vert dans une carafe, l'air perplexe. Elle poussait des branches du bout de ses doigts gantés, et d'elles-mêmes celles-ci lui éclairaient le passage, comme si elles savaient ce qu'elle recherchait et lui venaient en aide, d'une certaine manière.

- Mais où es-tu passée, murmurait-elle en remuant la touillette dans sa boisson déjà bien trouble.

Elle me vit alors et fut comme prise d'une révélation, ses traits s'étirant sous le coup de la surprise, révélant une légère rougeur sur ses joues.

- Mais bien sûr, s'écria-t-elle de sa voix de souris, pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt !

Ses paupières se reposèrent quelques instants sur ses yeux, de long cils noirs charbons balayant les tâches de rousseurs qui ornaient ses pommettes. Un sourire malicieux découvrit ses dents et à ses pieds une tige sortit du sol. Incrédule, j'observais la liane verte tournoyer au-dessus du sol,  jusqu'à ce qu'elle soit arrivée à ma hauteur. Alors une énorme fleur détacha ses pétales doucement, les défroissant soigneusement pour laisser au regard, le délice d'un bleu turquoise.

Un lys.

- Maintenant qu'on a trouvé ta fleur-sœur, que puis-je faire d'autre pour ravir ton cœur, déclara, enchantée, la demoiselle, qui en un claquement de doigt, avait réveillé en moi, l'enfant qui attendait depuis trop longtemps, de se raccrocher à ses rêves. A son coeur. 

Je m'entendais, lointaine, demander ce qu'était qu'une fleur-soeur. Elle m'expliqua, les mots s'enfuyant presque de sa bouche pour s'évaporer dans les airs, qu'une fleur-soeur était un bout de nous égaré à notre naissance, et qui, seul, aurait pris la forme de fleur pour pouvoir être porté au gré des saisons et des vents. Elle finit dans un chuchotis, qu'enfin, c'était ce qu'elle croyait, et les siens avant elle. 

Pétillante, les dernières gouttes du thé s'écoulèrent dans sa gorge, me laissant tout juste le temps de m'évader.


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