—Tim—

J'ai été réveillé par un puissant remue-ménage juste au-dessus de ma tête. Dans d'autres circonstances, je serais resté immobile en attendant que ça passe. Mais quelque chose m'en empêcha. Une forte source de chaleur contre mon corps, des battements de cœur tout contre ma tête, une respiration régulière et douce...

J'ai brusquement ouvert les yeux. Je ne dormais jamais dans le même lit que quelqu'un. Les souvenirs de ce qu'il s'était passé tôt ce matin me sont revenus en mémoire. Oh bon sang... Je dormais dans le même lit que Sébastien... Le rêve !!

Je souriais, en me remémorant ses caresses et ses baisers... Je crois que je devais rougir, aussi, j'avais très chaud au niveau du visage... Je serrai un peu plus son corps nu contre le mien, profitant de la chaleur qu'il dégageait. Ça et la couverture qui nous protégeait, c'était l'idée que je me faisais du bonheur.

Je ne sais pas combien de temps nous sommes resté comme cela, les heures ressemblaient à des minutes, les minutes à des heures, le temps aurait pu s'arrêter ou passer plus vite que je ne verrais pas la différence tant j'étais bien. Quand j'entendis la porte de ma chambre s'ouvrir à la volée, j'avais l'impression qu'il s'était à la fois passé plusieurs heures et à peine quelques secondes.

Hazel était surpris de voir que j'avais quelqu'un dans mon lit. Moi, j'étais surpris de le voir entrer dans ma chambre. Je me suis caché sous la couverture tandis que Sébastien se redressait en se frottant les yeux. Il prit la parole en baillant :

-J'peux savoir ce que tu fous ici ?

-Je pourrais te poser la même question, rétorqua le Jabberwocky, je te rappelle que tu es à poil dans la chambre de Tim.

-Tu veux les détails ? Il suffit de me demander. Alors, hier matin...

Je lui ai coupé la parole en lui appuyant les deux mains sur la bouche et en tentant de faire part de ma protestation, mais l'éclat de rire d'Hazel me coupa.

-Ah ouais, vous vous êtes bien amusés !!

Je ne voyais pas ce qui lui faisait dire ça... J'enlevais mes mains de la bouche de Sébastien, rabattant la couverture sur mon dos qui n'aimait pas la fraicheur de la pièce. Je jetais un coup d'œil à celui qui était devenu mon amant à peine quelques heures plus tôt en l'interrogeant du regard. Il me chuchota :

-Je crois que tu as quelques petites marques dans le dos et au niveau du cou et des épaules qui sont tout sauf discrètes.

Je me sentis devenir bien plus rouge et retombais contre Sébastien en cachant mon visage, sous les éclats de rire d'Hazel. Mon Loir soupira après avoir eu une réaction amusée :

-Bref, qu'est-ce-que tu nous veux ?

-Je tenais juste à vous dire qu'il y a un flic à l'étage, du coup on doit être discrets. Dante a déjà failli se faire choper parce qu'il est con comme une poule, alors on est censé faire très attention. Il parait qu'il risque de faire une fouille, et je doute qu'il ait envie de voir un Loir et une Souris humanoïdes à poil dans le même lit.

-On t'emmerde Hazel, rétorqua Sébastien. Maintenant, tu seras gentil de bien vouloir te casser de cette chambre, merci d'avance, connard.

-Ah parce que tu insultes les gens maintenant ?

-J'insulte les gens qui rentrent dans les chambres des autres sans frapper ou demander la permission d'entrer. Ah, et au fait, personne n'est au courant pour le moment, donc t'es prié de pas ouvrir ta grande gueule, merci.

-C'est demandé si gentiment, se moqua le Jabberwocky en quittant la pièce.

Je soupirais :

-O-o-on devrait se l-lever, non ?

-Mmh... Pas envie... Et puis il parait qu'on a le temps, non ? Je bloque la porte et on sera tranquilles.

Il me sourit et m'embrassa. Je le serrai contre moi comme si ma vie en dépendait. Et c'est vrai que j'avais l'impression que mon existence entière dépendait de lui.

—Hazel—

Je venais de sortir de la chambre de Tim. Je gloussais encore à cause de la réaction de Sébastien, qui faisait plus vierge effarouchée que la Souris, ce qui était un exploit. Il ne manquait plus que les joues rouges et je mourrais de rire. Curieux, je regardais l'heure qu'il était. 10h piles. Ils ont fait comment pour dormir aussi longtemps alors que Lucie et ses pseudos-automates faisaient un bordel à réveiller n'importe quel dieu de son sommeil millénaire ?!

Mon estomac gargouillant, je montais dans la cuisine pour voir si je pouvais manger quelque chose. D'après ce que j'avais pu comprendre, peut-être que dans pas longtemps, nous aurons la possibilité de retourner au Pays des Merveilles. Ça serait tellement bien...

Je venais d'arriver dans la pièce tant convoitée, dans laquelle je venais de remarquer un cadavre d'ange. En même temps, il était difficile à louper, il baignait dans une mare de sang au milieu de la pièce.

Hm... Cela me faisait penser à un sort que j'avais appris il y a un moment déjà, à l'époque où j'étais un humain. Quand Lucie me disait sataniste, elle n'avait pas tout à fait tort, seulement, je n'étais pas vraiment sataniste, même si ça y ressemblait. J'avais appris toutes ces choses d'une démone, qui était bien jeune d'ailleurs, lorsque j'étais juste un petit humain misérable et idiot. Et malgré tout, elle m'avait appris plein de choses. Notamment un sort particulier, à base d'ange, qui pouvait créer une forme de poche temporelle. Ce n'était pas long à faire, mais cela requerrait une grande concentration. Et il fallait que je trouve l'espace nécessaire.

Oh et puis merde ! Je peux toujours essayer ! Après tout, qu'est-ce-que je risque ?! J'étais revenu d'entre les morts par la seule force de ma volonté et parce que j'avais réussi à trouver LA faille du monde des morts après des années de recherches, je pourrais me sortir de n'importe quelle situation, je suis invincible !!

J'ai chopé le corps de l'ange, ai fait de mon mieux pour récupérer la plus grande quantité de sang possible dans un bol, avec un plein paquet de gros sel, et je me suis envolé en direction de la forêt qui entourait cette baraque. Dante m'avait dit qu'il ne serait pas étonné si des "creepypastas" vivaient dedans. Quoique cela veuille dire, je ne comprenais pas toujours ses délires d'humain du 21e siècle, donc je laissais faire sans comprendre malgré ses explications, la plupart du temps.

J'ai fini par arriver dans un coin assez reculé, bordé d'une petite rivière, et ait déposé l'ange au centre de l'endroit. J'ai mélangé le sang au sel jusqu'à obtenir des sortes de petits cristaux rouges et les ai disséminés en cercle tout autour de la zone que je souhaitais voir transposée dans cette poche temporelle et arrachais les ailes de l'ange, que je plumais avec rapidité en tentant de me souvenir des paroles exactes de ce sort si important, à cet instant. Certes, je devrais arriver à rattraper le coup, si je me trompais, cependant je souhaitais réussir dès la première. J'ai en horreur mes propres échecs.

Je fis le tour de la zone en lançant des plumes et en psalmodiant en langue démoniaque. Je remerciais ma puissante mémoire, qui ne m'avait pas fait faux bon, lorsque je continuais le rituel. Le plumes restaient suspendues en l'air, comme pour délimiter un espace. Je continuais ma litanie murmurée, qui devenait au fur et à mesure plus forte. Je marchais le plus lentement possible pour être sûr de couvrir correctement la zone. Je semblais presque en train de crier, et je sentais que j'allais détruire ma voix si je continuais. Honnêtement, maintenant que j'étais arrivé aux trois quarts de mon rituel, j'étais assailli de doutes.

Et si je me trompais et que je n'étais pas capable de rattraper cela ? Et si j'en mourrais et que la faille du monde des morts était refermée ? Et si j'étais perdu entre différentes dimensions ? Est-ce-que je disparaitrais pour toujours ?

Ça serait trop bête... J'y suis presque, pourquoi tout arrêter maintenant ?! Qu'avais-je fait de ma belle détermination, celle qui guide chacun de mes actes et chacune de mes pensées ? Celle qui faisait que j'avais accompli énormément de choses ? Certes, elle m'avait guidé jusqu'à la mort, deux fois, même. Mais ce n'est pas le doute qui avait réussi à me maintenir envie, bien au contraire.

J'inspirais à fond, interrompant ma litanie quelques fractions de seconde, et repris avec plus de conviction lançant les plumes en l'air dans d'amples mouvements que j'espérais gracieux. Et, enfin, je prononçais la dernière syllabe. J'allais savoir si j'avais eu raison ou non.

L'estomac noué, je fermais les yeux et attendis. Quand je les rouvris, je vis que j'étais au centre de ce qui me semblait être une forêt dans une boule à neige, comme si les arbres se trouvaient dans une pièce donc les murs étaient faits de verres foncés opaques. Il y avait de la place entre le sol et le ciel. Le ruisseau qui traversait le bout de forêt que j'avais tenté de transporter dans ladite poche temporelle était également présent. L'endroit était étrangement éclairé, tout en prenant en compte la noirceur de ses limites. L'herbe y était verte et tendre. J'imaginais bien une forme de grand manoir au milieu de cette zone. Quoique... Un petit village serait tout aussi élégant, et plus intime.

Maintenant, restait à savoir comment en sortir pour pouvoir accéder au monde humain... Je devais trouver les ailes d'ange. Cela ne devrait pas être compliqué. Je les vis graver sur le tronc d'un arbre d'âge moyen, qui se trouvait près de la sombre paroi. J'appuyais dessus en murmurant "passage", et me retrouvais instantanément en-dehors de cet endroit protégé du monde. Je regardais ma montre. 10h30.

Il était grand temps que j'annonce la bonne nouvelle aux autres.