12- Spoils, ou quand on écrit des chapitres et extraits futurs
Les Chants de Loss est prévu sur neuf tomes... ou exactement trois fois trois tomes, chaque trilogie changeant d'époque (quelques années passent entre chaque trilogie).
Anticiper et planifier 9 tomes, cela veut dire d'une part avoir écrit la fin de la saga, pour commencer, et ensuite avoir un synopsis solide qu'on espère pouvoir tenir... sans compter tout le reste dont je vous parle ici.
Mais cela veut aussi dire avoir envie, parfois, et même besoin, d'écrire ces moments clefs futurs. J'en ai écris beaucoup, allant de chapitres complets à des passages de quelques pages, voir de quelques paragraphes, dont certains sont insérés dans le jeu de rôle qui va bientôt sortir.
Voici mon extrait préféré. Je me suis faite maudire par mes fans et mes lecteurs quand ils l'ont lu, surtout avec la musique qui va avec. Ce sera amusant que vous me maudissiez à votre tour, mais j'espère surtout qu'il vous plaira .
Asclepios n'était pas homme à paniquer aisément. A vrai dire, ses propres compagnons d'armes, tous des vétérans Ordinatorii qui avaient pour la plupart eux-mêmes tout vu, se tournaient cependant vers lui comme le pilier de leur bravoure. Leur capitaine ne pouvait pas plier, pas plus face aux démons, qu'aux morrows ou qu'aux forces des chamans et des hommes. Pourtant, à cet instant précis, il avait peur :
— Mais qu'est-ce que c'est ?... Que se passe-t-il, bordel ?
Il n'y avait plus de ciel.
Partout, les spores des symbiotes se répandaient en autant de vaporeux drapés fantomatiques, éclairés de couleurs changeantes par une bioluminescence noyant tout dans une mer de lumière impossible. C'était comme le flamboiement annonciateur du dernier crépuscule avant la fin des temps.
La voix qui s'éteignait et que seule Lisa avait pu entendre n'était plus Sonia. Mais elle murmura une dernière fois, avant que son spectre se dissipe, dans un dernier sourire, plus éclatant, plus doux, plus humain que jamais elle l'avait été, même à l'aube de sa vie, dans l'innocence merveilleuse de l'enfance :
— N'oublie pas.
Le ciel sembla exploser, sans bruit. Les couleurs étaient si éclatantes que Lisa semblait se tenir dans une mer laiteuse qui aurait voulu réunir en cet unique point toutes les nuances de la création. Partout, la nature s'était tue. Un silence si pesant, si impensable venait de s'abattre soudain. Qui pouvait donc intimer un tel ordre à toute une plaine, toute une vallée, toute un monde entier ?
... puis il y eut une clameur. Partout et, de mémoire de lossyan, jamais cela n'était arrivé et jamais plus cela ne se reproduirait, les animaux poussèrent à l'unisson cris et hurlements. En une seule voix, ils devinrent chorale sauvage, d'une beauté transcendante, d'un éclat à faire hésiter les plus braves guerriers. Un chant à faire trembler le soc des montagnes, un chant à ravager les âmes, un chant qui était pareil à l'impossible harmonie du Chant de Loss. Tous les hommes massés autour de la compagne de Jawaad, qui semblait fixer depuis le sommet de la butte herbeuse quelque chose qu'ils ne voyaient pas, mais que tous savaient pourtant présent, étaient à présent figé par la fascination et la peur.
Asclepios pouvait voir la jeune femme rousse, environnée de bleu irradiant encore dans cette lumière d'outre-monde. C'était comme si elle-même Chantait, mais il savait pertinemment qu'il n'en était rien. Et tout autour d'elle, le moindre brin d'herbe, la plus petite feuille, tout brillait de luminescence en chatoyant, comme si même la végétation avait voulu pulser à l'unisson de cette fantastique musique animale. Et partout des fugaces lucioles balayaient les cieux et l'espace ; des spores de symbiotes, par millions. Tant de clartés et de lumières, c'était impossible ; impossible et magique. Glacé, le capitaine serra le pommeau de son sabre si fort qu'il en garderait la marque des jours durant.
Et enfin, Lisa lui répondit, en se retournant. Elle pleurait, des larmes tombant de ses joues pour maculer sa tunique brodée ; ses immenses yeux couleur de jade brillaient intensément, noyés de peine. Et pourtant elle souriait :
— C'est Loss. C'est votre monde, votre planète qui nous parle ! C'est elle, c'est son dernier cadeau, le dernier message qu'elle vous adresse, c'est son adieu à Sonia, c'est son appel à vous. Vous entendez ? Entendez ! Elle nous dit : n'abandonnez pas, n'arrêtez jamais, je suis avec vous, je suis là, j'ai toujours été là. Et elle sera toujours là, ma chère Sonia : ils ont crus la tuer, et nous mourrons peut-être aussi, mais voyez ! Personne ne meurt jamais, vous ferez partie d'elle, vous en avez toujours fait partie. Ho mon dieu.... si j'avais su comme elle peut nous aimer...
***
Eïm releva la tête, quittant le regard maintenant sans vie de Sonia. Il la reposa doucement dans la poussière fumante des décombres. Autour de lui, environné de ces luminescences qui avaient dévorés le ciel sous des drapés fantasques de couleurs impossibles, les Ordinatorii étaient figés. Ils ne pouvaient pas comprendre ce qu'ils voyaient : rien dans toute leur vie, leur éducation et leur formation ne contenait l'once de l'explication de ce qui se passait.
Mais s'ils eurent peut-être souhaité comprendre, ils n'en eurent jamais le temps. Eïm, désarmé, se redressa, après une dernière caresse tendre à la joue de son amante. Il pleurait. Leur faisant face, les arabesques de son symbiote passèrent brutalement d'une luminescente bleue à rouge, liseré d'un éclat pareil à celui, si magique, de ces lucioles fantomatiques. Le sourire qu'il leur adressa les terrifia :
— Vous allez tous mourir.
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