-FOUTEZ LE CAMP ! Beugla une voix d'homme.

Holmes tourna le bouton de la porte et entra tranquillement dans la chambre du deuxième locataire.

Comme il l'avait supposé, il s'agissait de celle du fameux Crowley. Un riche américain, habitant l'Angleterre depuis plusieurs années, ce qui avait très légèrement adouci son accent. Un homme au visage plutôt rond et aux épaules larges, visiblement très soucieux de son apparence, au vue de sa barbe courte, soigneusement entretenue.

La disparition de Watson ne devait pas l'avoir traumatisé, si on en croyait le cigare d'extrêmement bonne qualité qui se consumait sur la commode, à côté d'un verre de liqueur.

-Qui êtes-vous, et que me voulez-vous ? Grogna le sombre individu.

-Mon nom est Sherlock Holmes. J'enquête sur la mort du docteur Watson.

-Ah, oui, ricana l'américain. Le docteur Watson...

Et soudain, comme s'il avait fait une blague connue de lui seul, il explosa de rire.

La mâchoire crispée, Holmes referma la main autour de la poignée de sa canne, prêt à en faire jaillir la lame et pourfendre le truand qui osait rire de son ami.

-On se calme, on se calme, débita rapidement l'américain en lisant la menace dans les yeux de son vis-à-vis. Je suis bien désolé (il ne le paraissait pas du tout), mais je ne vois pas en quoi je pourrais vous aider. Je ne le connaissais pas, ce docteur.

-Pourtant, rétorqua froidement Holmes en gardant sa main sur la poignée de sa canne – on ne savait jamais – on m'a dit que vous vous fréquentiez assidûment, depuis son arrivé...

-C'était un type jovial, répondit le bourru en haussant les épaules. La seule compagnie acceptable dans cette contrée de merde. Il racontait plutôt bien les histoires. Mais à part ça, croyez-moi, nous n'avions pas tellement de contact...

-Où étiez-vous, hier après-midi ?

-Dans ma chambre, répliqua aussitôt l'autre. En train de me cultiver. Je ne suis ressortit qu'à l'heure du dîner. Qu'ils n'ont même pas servis à l'heure, ces fumiers d'aubergistes !

Holmes avisa le coin d'une revue sortant d'une couverture – certainement rabattue à la hâte au moment où il était entré dans la pièce – et supposa que l'exercice de culture de Crowley impliquait quelques photographies de femmes dénudées.

-Une chose encore, lança Holmes en plantant son regard dans celui de l'américain. Que fuyez-vous, monsieur Crowley ?

L'homme serra les poings en grondant de rage. Ses yeux s'obscurcirent d'un voile de violence contenue.

-Je ne fuis rien ni personne.

-Allons donc. Un homme aussi riche que vous, aller s'enterrer de son plein gré au fond d'une campagne où il s'ennuie à mourir ? Vous vous cachez.

-Ce ne sont pas vos affaires.

-Figurez-vous que si.

-Si vous ne sortez pas de cette pièce dans la minute...

-Vous appellerez la police ? Railla Holmes.

L'autre lâcha un nouveau grognement de rage.

Holmes fit un salut flegmatique, se retourna, et ouvrit la porte.

-Quoi que vous cachiez, monsieur Crowley, je le découvrirai.

Il allait sortir lorsqu'il s'arrêta et tourna la tête et ajouta, d'une voix qui fit frémir l'américain :

-Et si vous avez fait du mal au docteur Watson, de quelque manière que ce soit, je vous tuerai.