3 - Panique
Le temps était mort. Sauvagement assassiné par ce titre absurde, horrible, grotesque. Rien ne bougeait plus. Ni dans la pièce, ni dans la tête du détective.
Il n'y avait que le vide. Le néant infernal.
Enfin, ses genoux se plièrent, et il s'affala plus qu'il ne s'assit sur le sol.
Hagards, ses yeux parcoururent les lignes mal imprimées.
« Le docteur Watson, célèbre chroniqueur des aventures de Sherlock Holmes pour le Strand Magazine, a été retrouvé assassiné ce matin d'un coup de poignard, dans un petit village du Sussex. »
La suite du texte était floue. Les mots dansaient devant ses yeux, sans sens, sans points ni majuscules. Un « Sherlock Holmes » par ci. Un « meurtrier inconnu » par là.
Les mains de Holmes s'étaient affreusement crispées sur sa robe de chambre, qu'il empoignait si fort qu'il en avait mal.
Watson ? Mort ? Ce ne pouvait pas être vrai. Ça ne pouvait pas être son Watson. Ce n'était qu'une coïncidence...
Et soudain, quelque chose d'énorme grandit dans la poitrine du détective. Une terreur immense, une panique incontrôlable qui submergea toutes ses défenses mentales, embarquant avec elle ses pensées et ses raisonnements. Et si c'était vrai ?
Il fallait qu'il contacte Scotland Yard. N'importe qui. Mais il avait peur... Si peur... Il était terrifié, tétanisé à l'idée que la nouvelle soit vraie. Que Watson soit partit pour toujours. Comme ça. Sans qu'il ait le temps de lui dire quoi que ce soit, sans qu'il puisse même le défendre. Parti en silence, sans un adieu. Loin de lui.
Pour toujours, la solitude. L'affreuse solitude.
Un rire horrible lui déchira la gorge. Il fallait qu'il fasse quelque chose. Il ne pouvait pas rester ainsi, allongé sur le sol...
À cet instant, la porte du salon s'ouvrit et madame Hudson déboula dans la pièce, le visage congestionné, la main crispée sur le Times.
-Monsieur Holmes ! Cria-t-elle en le cherchant du regard.
Elle fut à peine surprise de le retrouver prostré sur le tapis.
-Monsieur Holmes ! Reprit-elle avec un sanglot.
Holmes se leva. Ses gestes étaient mécaniques. Ses pensées vides. Il fit asseoir madame Hudson sur un fauteuil et lui donna à boire. De la réserve secrète du docteur. Mais il ne devait pas penser au docteur. Pas tout de suite. Il devait se concentrer sur ses actions.
Préparer une valise. Fourrer quelques affaires dedans.
Descendre les escaliers.
Devant sa porte se pressaient des dizaines de journalistes, armés de crayons et de carnets.
Les questions fusèrent. Il n'en écouta aucune.
Finalement, une voiture de police s'arrêta sur le trottoir. L'inspecteur Lestrade en sortit et chassa les vautours de quelques gestes excédés.
Une minute plus tard, il était seul en face du détective.
-Holmes... tenta-t-il.
Son interlocuteur lui envoya un regard hagard.
L'inspecteur soupira et sortit de sa poche une enveloppe.
-J'espérais que vous ne l'apprendriez pas par les journaux, dit-il doucement. Mais j'ai bien peur d'avoir été trop lent. Je suis désolé. Voilà tout ce que nous savons, pour le moment, ajouta-t-il en tendant l'enveloppe. Je suppose que vous vous rendez sur place ?
-Vous supposez-bien, répondit le détective en se saisissant de l'objet tendu. Excusez-moi de me dépêcher, inspecteur, reprit-il, la voix posée, mais j'aimerais prendre le prochain train.
-Je comprends parfaitement... répondit l'inspecteur.
Mais devant lui, la rue était déjà vide.
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