Chapitre XVI : Ruptures - Partie 1/3
- Alors, ma belle, cette soirée filles, c'était comment ?
- Génial !, répondit le Messager. Gaïa... Elle est toujours aussi adorable, c'est un véritable rayon de soleil !
- C'est vrai... Je suis bien content de ne pas avoir eu à l'éduquer. La pauvre gosse n'aurait pas été ce qu'elle est devenue. Etre Drêrerh et devoir prendre à charge un enfant qui n'est pas le sien est une tâche très délicate... qui laisse souvent des traces chez tout le monde..., soupira Rama.
Natacha était revenue chez elle, près de Moscou, après un passage en Australie, près de l'un des siens. Cette vieille créature, âgé de plus de quatre-cents-cinquante ans, avait requis sa présence pour mourir auprès d'elle. Et c'était ce qui venait d'arriver.
La comtesse franchit la porte du château et, après avoir confié quelques tâches à ses domestiques, monta dans son bureau pour constater la pile de courriers qui l'attendait. Voilà près de quatre jours seulement qu'elle était partie et, déjà, la corbeille débordait de tous les côtés. Natacha se posa, lasse. Elle n'avait que ce mot à la bouche. Elle était lasse de voir des créatures mourir dans ses bras, lasse de se battre au Ministère, lasse de gérer plus de deux-cents-cinquante mille âmes. Et lasse également de constater que ce combat, loin de se résoudre à une sphère que les humains auraient qualifiée de « professionnelle » s'étendait également dans sa vie privée, au sein même de sa demeure, de sa famille et de son couple. Elle avait toujours en travers de la gorge les accusations de son époux. Jalousie. Manque de temps. La connaissait-il donc si peu pour penser cela d'elle ?
Prenant sur elle, elle saisit les courriers les plus anciens et commença à les ouvrir, les classant selon un ordre de priorité. Elle avait fait ses mails durant son trajet en avion. « L'avantage des premières classes ! », avait-elle pensé. Dans tous les papiers qui se trouvaient face à elle, elle recensa deux futurs mariages, deux femelles enceintes, et trois adolescents qui feraient leur cérémonie de passage durant l'année d'après. Elle enregistra toutes ces informations dans son agenda et se leva.
Elle se dirigea vers sa chambre, ôta ses vêtements chauds et fit couler la douche, sous laquelle elle resta longuement. Voilà déjà plusieurs dizaines d'années que son mari n'avait pas posé sur elle ses douces mains, n'avait pas caressé ses formes pourtant très bien conservées, comme toutes les créatures femelles de son âge. Ils ne faisaient pas chambre à part, fort heureusement, mais les horaires parfois décalés de la comtesse ne permettait pas à la femme de s'endormir dans les bras de son époux. Ses journées, lorsqu'elle était chez elle, étaient toujours menées de la même manière. Son réveil avait lieu vers huit heures, elle se lavait, mangeait et buvait un verre de sang. Dès neuf heures et demi, elle entrait dans son bureau pour consulter ses mails, appels, messages et son courrier afin d'avoir des nouvelles de son clan. Puis, sa journée était prise par ses participations à des réunions téléphoniques, pour se terminer vers vingt-et-une heure. Elle retrouvait enfin son époux pour partager le dîner et la nuit, jusqu'à trois ou quatre heures, ils discutaient des améliorations à donner à leur clan, des futurs enfants à naître, des mariages de prévus, des clans alliés ou de leurs problèmes au Ministère, évitant de parler de leur fils ou de celui de Nanna et Baldr. Malheureusement, bien souvent, la comtesse était obligée de retourner rapidement dans son bureau pour consulter ses mails, au cas où il y aurait eu des urgences, et Dimitri partait se coucher.
Sa douche à peine finie, la comtesse entendit du bruit au rez-de-chaussée et se hâta d'enfiler ses sous-vêtements, un pantalon large et un sweat. Puis, elle se dirigea vers le couloir, qui dominait l'intégralité de l'entrée, formant un large espace ouvert qui menait aux escaliers. Dimitri était rentré et elle se dirigea immédiatement vers lui.
- Dimitri ! Alors, comment s'est passée la soirée et le week-end de la cérémonie de la naissance de Gaïa ?
- Très bien. Et toi, ça a été ?
- Marius est mort. Je suis arrivée juste à temps pour lui parler.
- Je suis désolé pour lui... et pour toi...
- Bon. Cessons ces faux semblants ! Tu avais des choses à me reprocher, je crois ? Alors pourquoi prendre ton temps ?, interrogea la comtesse, agacée.
Dimitri regarda son épouse, ne sachant comment s'y prendre pour lui parler calmement. Il avait de nombreux points à aborder et il se doutait que cela n'allait pas plaire à la comtesse.
- Si nous allions dans le petit salon pour discuter autour d'un bon thé ?, proposa-t-il.
- Ou d'une bonne vodka, maugréa son épouse.
Ils traversèrent l'entrée pour se rendre dans la pièce du fond, leur salon, décoré de manière sobre et élégante. Quelques photographies et peintures trônaient sur les murs, en particulier de leur fils, mais également de Rama ou des créatures desquelles ils étaient les plus proches. Les sofas d'inspiration russe étaient disposés autour d'une grande cheminée en fonte, posés sur un immense tapis colorés.
Ayant compris le message de sa femme, Dimitri sortit deux shooters et les remplit de leur vodka avant de s'installer sur le canapé, en face de son épouse.
- Natacha. Il faut que tu comprennes que les décisions que tu prends nous impactent tous les deux...
- Ce n'est pas toi qui est en froid avec notre fils, dois-je te le rappeler ?
- Tu n'aurais pas dû menacer cette gosse...
- Le problème n'est pas la personne en tant que telle. Le problème est son espèce et ce qui pourrait être créé à partir d'elle.
- Tu n'as même pas essayé de la connaître !
- Me prendrais-tu pour quelqu'un de machiavélique ?, s'énerva la comtesse en se levant. Je ne vais pas devenir son amie pour lui mettre ensuite un poignard dans le dos ! Elle sait très bien qu'elles sont mes intentions à son égard, je ne lui ai jamais caché !
- Tu es beaucoup trop intransigeante, Natacha !
- Et toi, beaucoup trop gentil ! Tu ne prends pas attention à la réalité des choses. Tu n'as pas à te battre au Ministère ! Tu n'as pas le poids de toutes ces responsabilités dont tu m'accuses ! Me dire à moi, que je n'avais pas pris assez de temps pour notre fils ! Tu sais pourtant combien cela m'a pesé ! Tu sais que j'en ai souffert ! Que l'absorption du clan Thorsen dans le nôtre a été un moment très dur !
- Tu n'as jamais accepté Rama ! Tu...
De rage, Natacha lança le verre vide aux pieds de son époux, et le bruit de verre brisé coupa la parole à Dimitri, qui la regarda, intrigué. Jamais son épouse n'avait réagi ainsi à une telle accusation. En temps normal, elle se contentait de rabâcher les mêmes choses, que Rama était un enfant turbulent, instable, agaçant...
- Ce n'est pas que je ne l'ai pas accepté. Mais crois-tu qu'il était facile de voir cet enfant ? De l'entendre parler de cette nuit d'horreur qu'il avait vécu, sans savoir qui avait tué ses parents et Sha ? J'aurais dû être là pour les aider ! J'aurais dû ! Ils étaient mes meilleurs amis ! Nanna m'a tout appris de la vie, quand je me suis retrouvée sans mes parents ! Tu le sais très bien ! Ils m'ont appris le métier de chef de clan, ils m'ont soutenue au Ministère ! Ils étaient mes principaux alliés ! A chaque fois que je voyais les yeux de Rama, je revoyais Nanna ! Tu crois que c'était simple pour moi ? Je n'étais pas là assez souvent pour qu'il puisse s'attacher à moi ! Alors autant qu'il s'attache à toi ! C'est ce que je me suis dit ! C'est la décision que j'ai prise !
Dimitri se contenta de regarder sa femme, effaré des découvertes qu'il faisait au fur et à mesure de son monologue. Elle n'avait jamais eu le temps de lui parler, prise dans son rôle de cheffe de clan. Elle avait vécu seule, rongée par ses décisions et lui, loin de l'aider, n'avait pas pris le temps de discuter.
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