Lucifer s'allongea, ravi, sa femme blottie contre lui. Il caressait de sa main la peau ébène, douce, et perlée de gouttes de sueur d'Uranie. Elle s'était endormie après leurs ébats qui avaient été très éprouvants, longs et sauvages. Les cheveux crépus de sa femme lui chatouillaient les narines, et il passa sa main dans cette chevelure ébène qui sentait bon les huiles dont elle les enduisait chaque jour. Elle était si belle, si différente des autres créatures. Il n'avait toujours eu d'yeux que pour elle, depuis qu'il l'avait rencontrée. Dès qu'il l'avait vue, il avait su qu'elle serait la seule à faire chavirer son cœur. Grâce à elle, il avait compris que sa famille avait pris le mauvais chemin et avait pu faire marche arrière avant d'aller plus en avant dans les exactions de son ancien clan. Il lui devait sa vie actuelle et ce n'était pas quelques écarts qui entacheraient l'amour qu'il lui portait.

Il serra le corps parfait de sa femme contre lui. Il avait enfin retrouvée sa panthère noire. Il ne l'avait pas interrogée sur sa discussion avec Rama, mais les faits étaient là, et il avait enfin son Uranie. Sauvage, mordante, amante parfaite et femme aimante. Son bonheur était à nouveau parfait. Du moins, le croyait-il...

- Alors, cette escapade chez Rama, c'était comment ?, demanda Orlando lorsque sa femme pénétra dans l'appartement.

- Géniale ! Tu me sers un verre le temps que je défasse ma valise, s'il-te-plait.

Une fois que ses quelques affaires furent rangées, Marie B se posa à table, où son mari triait ses cartes de jeux. Orlando sentit tout de suite le regard de sa femme, posé sur lui, dans l'attente d'un signe d'intérêt. Il releva la tête vers elle et attendit qu'elle lui parle.

- Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Nous avons violé la loi.

L'homme fut surpris par cette annonce. Non pas qu'elle eut été brusque, car sa femme n'était pas vraiment diplomate, mais il s'étonnait qu'ils aient enfreint cette loi créaturienne.

- Et vous ne craignez pas les représailles ?

- Bien sûr que non ! Nous n'étions que nous trois ! Penses-tu vraiment que Rama ou Wladimir irait dire au Ministère que nous avons fait une entorse au règlement ?

- C'est vrai que ce serait stupide ! Et alors, c'était bien ?

Marie B répondit par la positive. Elle gardait un très bon souvenir de cette soirée, qui ne s'était terminée qu'avec le lever du soleil. Elle ne se doutait pas un seul instant qu'Uranie avait tout vu et préparait une vengeance hors norme...

La réunion des anciens esclaves créaturiens avait lieu dans deux semaines et Arès se préparait à y aborder Uranie. Infiltrer le clan Kergianov serait une aubaine pour eux, et il ne devait pas échouer. Si leur plan d'infiltration fonctionnait, ils pourraient enfin kidnapper la première version du Messager de la Vie et de la Mort. Grâce à elle et Hermès, ils accompliraient la légende et aurait enfin ces armes contre les humains qui leur avaient manqué depuis si longtemps. Dans un premier temps, ils n'auraient qu'à faire éclater le clan Kergianov. Une fois ce clan décimé, les autres créatures n'auraient plus assez de pouvoir pour se hisser face à eux. Ils pourraient utiliser toutes les armes qu'ils auraient pour infiltrer les plus gros gouvernements humains. Et, une fois cela fait, il ne restait qu'à attendre le moment propice pour que les Hommes s'entre-tuent. La bombe nucléaire pouvait s'avérer très efficace, ils en avaient eu la preuve à Hiroshima et Nagasaki soixante-dix ans auparavant. Et, une fois les humains dépassés, ils pourraient leur proposer leur aide, contre une belle rémunération. Les créatures deviendraient les maîtres des Hommes, comme cela aurait dû être depuis le début, si ces animaux ne s'étaient pas reproduits aussi vite. Il serait bientôt temps pour les Messagers de la Vie et de la Mort d'être ce qu'ils auraient toujours dû être. Les porteurs d'un message. Celui de la fin de la dictature et de la folie humaine.

En voyant le couple que formaient Apophis et sa femme, il repensa à celle qu'il avait aimée. Elle avait été tuée par des esclavagistes humains devant ses yeux et, si Satan ne l'avait pas acheté pour le libérer, il aurait connu le même sort. Ces monstres l'avaient massacrée sans aucune espèce de pitié, la transperçant de part en part alors qu'elle attendait leur enfant. Hermès lui permettrait de se venger, de la venger, de venger ce fœtus si désiré, et il était prêt à tuer quiconque se placerait sur sa route...

Uranie se regarda dans le miroir, tandis que son époux venait de partir. Elle avait feint de dormir pour ne pas lui parler, craignant de dévoiler son sentiment d'amertume qui pesait en elle. Après qu'elle ait entendu la porte de la villa se refermer et le moteur de la voiture s'éloigner, elle s'était levée, lasse, et avait pris une douche pour décontracter ses muscles endoloris par la pression.

Ses grands yeux ébène étaient rougis. Elle pleurait. Des larmes de rage contre celui qu'elle avait tant aimé. Des larmes de haine contre Marie B, qui l'avait trahie. Elle connaissait ses sentiments pour Rama, et pourtant cela ne l'avait pas empêché de s'éteindre avec lui... Quelle alliée ferait une telle chose ? Ils avaient brisé l'alliance. La créature se sentait donc libre de tout faire, même ce qui aurait été inimaginable quelques mois plus tôt...

Wladimir recevait Marie B ce soir-là. Ils devaient préparer une nouvelle proposition de loi pour le Ministère, mais Rama n'avait pas pu se libérer, soi-disant occupé à un tatouage sur une célébrité. Il était vrai que les talents de tatoueur de son frère d'armes étaient reconnus dans de très nombreux pays et que, en dehors du Ministère, il effectuait cet art en grande partie sur des membres très riches de la communauté humaine. Mais Wladimir émettait des doutes quant à cette impossibilité de décaler son rendez-vous. Rama avait toujours été libre, et il était très fréquent pour lui de modifier ses jours ou horaires de travail. Ses œuvres étaient adulées, et ses clients se sentaient toujours privilégiés s'il daignait les tatouer, peu importe s'il décalait trois fois le rendez-vous... Alors, pourquoi pas aujourd'hui ?

Mais son esprit partit vers d'autres contrées, balayant les yeux dans son salon et s'arrêtant sur une photographie de sa protégée. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas vu seul à seule elle, et le souvenir de cette transgression, deux mois plus tôt, trottait encore dans sa tête. Il essaya de chasser cette idée, seulement il ressentait encore en lui la chaleur de ce petit corps qu'il avait tant aimé. Peut-être aurait-il dû s'inquiéter davantage pour lui que pour Rama, car il craignait que le feu brûlant en lui ne le consume entièrement.

Rama avait préféré inventer un prétexte pour ne pas venir chez son frère d'armes. Personne n'avait pris rendez-vous ce soir-là pour un tatouage. Certes, il recevait bien un humain pour son art, mais seulement le lendemain matin. Il aurait très bien pu aller chez Wladimir et revenir. Mais c'était au-dessus de ses forces. Lui qui avait pensé pouvoir se soigner des sentiments qu'il éprouvait à l'égard de sa sœur d'armes se trouvait maintenant dos au mur. Il l'aimait encore plus qu'avant, et cet amour le faisait souffrir. Wladimir avait eu raison, comme toujours. Il s'était brûlé les ailes. Marie B ne l'aimait pas comme elle aimait son mari. Elle ne serait jamais sienne. Et lui, resterait à jamais malheureux. Il avait envie de l'oublier et de trouver enfin quelqu'un pour lui...

- Rama n'est pas là ?, demanda Marie B, étonnée et peinée, en entrant chez son ancien tuteur créaturien.

- Non, il doit tatouer quelqu'un.

- Bon. On va bosser sans lui, alors !

Ils travaillèrent dans le salon une bonne partie de la nuit, assis dans le canapé. Beaucoup de projets de lois avaient été proposés à la dernière réunion, et ils les examinaient afin de savoir s'ils devaient, ou non, les porter. Un travail long, fastidieux et quelque peu rébarbatif. Mais c'était leur travail, en tant que membres du Ministère, de veiller à ce qu'il y avait de mieux pour les créatures.

Wladimir aurait voulu s'empêcher de regarder le décolleté de sa protégée. La dernière fois fut celle de trop, puisque Marie B intercepta son regard.

- Si ça ne te dérange pas, Wlad, tu pourrais regarder ma vraie paire d'yeux quand je te parle !

- Excuse-moi, Petit loup. C'est juste... je vais aller me changer les idées et je reviens...

Alors qu'il se levait, la femme l'attrapa par le bras, et ce geste poussa la créature à ne plus avancer et à se retourner vers elle.

- On a transgressé une fois, on peut bien le refaire. La punition sera la même de toute façon...

Après avoir prononcé ces paroles, Marie B se mit debout et lui mordit le cou. Chez la plupart des créatures, il s'agissait là d'une zone érogène, car proche des veines et du sang. Wladimir n'écouta pas cette petite voix intérieure qui l'implorait de cesser et se hâta de déshabiller la femme avant de l'enlacer délicatement.

- Bien dormi, Petit loup ?

- Très bien, mais nous avons encore beaucoup de boulot pour les projets de lois. Je vais prendre ma douche et je descends !

Pendant ce temps, Wladimir décida de téléphoner à Rama.

- Quelle est la véritable raison pour laquelle tu n'es pas venu hier ? C'est à cause de tes sentiments pour Petit loup, c'est ça ?

- Je pensais parvenir à m'exorciser, mais je n'y arrive pas, mon frère. Elle occupe mes pensées jour et nuit. La prochaine femme intéressante que je croise, je crée une histoire sérieuse avec elle !

- Ne fais pas n'importe quoi avec n'importe qui, non plus. Tu pourrais bien te brûler les ailes...

- Elles sont déjà en feu ! Je me consume petit à petit, voilà la vérité !

Wladimir hocha tristement la tête. Comme il l'avait craint, sans le vouloir, Marie B avait détruit son frère d'armes...

Et voici la première partie de ce chapitre !!!

Alors, que pensez-vous d'Arès ?

Et Uranie ? 

Les liens entre Rama et Marie B ?

Comme toujours, n'hésitez pas à voter, commenter, blablater !!! ;)

Sanguinement-vôtre, 

Gothycka