I. Complicité / Partie 1
Salle d'attente. Encore et toujours la même émission à la télévision. Les humains assis en face d'elle. Mais, cette fois, le Messager avait hâte de revoir sa psychologue humaine. La femme l'appela et elles entrèrent dans le bureau.
- Comment se sont passés les deux semaines ?, demanda Hélène.
- Très bien. J'ai fait mon grand retour au Ministère. Et je compte m'installer à temps partiel chez mes amis !
- Très bonne nouvelle ! Vous semblez plus souriante que la dernière fois !
- Je le suis. Je suis contente de retrouver cette complicité trop longtemps oubliée...
- Trente-cinq !, s'exclama Marie B à Rama.
Orlando les regarda, à la fois surpris et amusé de leur jeu. Rama, en grand dragueur, avait ouvert sa chemise et de nombreuses femmes présentes dans le bar avaient apposé un baiser sur son torse.
- C'est quoi ce jeu ?, demanda Shinji à Orlando.
- Je sais pas trop... C'est leur trip !, lui répondit-il.
Marie B regarda s'éloigner son frère d'armes vers une belle femme, qui était avec deux autres au bar. Cela la fit sourire. La créature lui fit un signe derrière son dos et elle enclencha le chronomètre de son téléphone. Devant le regard surpris de Ho Sang, elle expliqua :
- Je calcule le temps qu'il faut à Rama pour draguer la nana et, potentiellement, conclure !
- Vous avez des jeux curieux parfois !, s'exclama la Chinoise.
- Moi, j'ai arrêté de chercher..., murmura Orlando à son amie.
Marie B coupa le chronomètre en voyant Rama et la jeune inconnue entrer dans les toilettes. Encore un record de battu pour son frère d'armes. Elle but une gorgée de sa bière tout en continuant de discuter avec ses amis. Malheureusement, la notoriété de Wladimir auprès des humains l'empêchait souvent de les accompagner dans les soirées en bar. Il venait plus volontiers au restaurant ou chez ses amis. La femme soupira en pensant à son ancien tuteur créaturien qui devait être seul, chez lui. Mais elle ne voulait pas commencer à réfléchir, car elle savait que ses pensées seraient bientôt hantées par de nombreux problèmes bien plus complexes. Elle but une nouvelle gorgée, laissant glisser la mousse de sa bière dans son œsophage...
Apophis regardait sa femme achever l'humaine qui venait d'accoucher, à même le carrelage auparavant blanc, mais à présent tâché du sang dû à l'accouchement et à l'épée qui avait traversé de part en part le cou de l'humaine. Apophis regarda avec dédain cette femme. Quelconque, avec des cheveux clairs et un visage aux traits tirés, juste humaine. Une Américaine pauvre et sans famille que Satan avait trouvée trois ans auparavant et qu'il avait fait venir dans son château. Elle n'avait pas été compliquée à convaincre, la créature lui avait promis un travail avec un salaire mirobolant qu'elle n'aurait jamais pu imaginer avoir aux Etats-Unis. Il avait réussi à inséminer au bout de deux années de tentatives ratées. Même s'il savait qu'elle pouvait être compatible avec lui, elle avait tout de même fait deux fausses-couches, et la créature avait dû analyser les embryons pour comprendre où avait été son erreur. Il se demandait parfois comment Satan avait réussi à s'accoupler avec elle... les humaines étaient si laides, comparées aux créatures femelles. Certes parfois, une ou deux femmes pouvaient être moins horribles cependant, elle, ce n'était pas du tout le cas. Mais, peu importe, Satan avait réussi et c'était là le plus important.
Les cris stridents du petit animal qui se tenait dans les bras de son ami Arès le ramenèrent à la réalité. La nouvelle œuvre de Satan venait de naitre. Il était en vie, il respirait. Il criait un peu trop, malheureusement. Mais, bientôt, il ne serait plus ce nouveau-né insignifiant au teint pâle, sans aucun cheveu, et aux yeux proches de ceux de son créateur. Il ne restait plus à Apophis et Arès, les deux anciens principaux alliés de Satan, qu'à le dresser afin de parachever l'œuvre de leur ancien maître.
- Trente-six ! Un de plus, Rama !, s'écria Marie B.
Devant la tête désabusée de la créature, Shinji demanda :
- Tu es déçu ?
- Non, c'est juste que la dernière fois, j'en avais eu trente-sept... Tu m'embrasses, poupée ?, demanda Rama à Ho Sang.
La femme le repoussa en riant. Parfois, le frère d'armes de sa meilleure amie la surprenait. Marie B leur disait souvent que le Rama que les humains connaissaient n'était pas le vrai Rama, son ami. Selon la femme, Rama était quelqu'un de tourmenté, de de torturé, qui savait être doux. Mais Ho Sang voyait surtout en lui un dragueur et un coureur de jupons obsédé par le sexe. Cependant, la Chinoise respectait les choix de sa meilleure amie et supportait donc les allusions de la créature lors des soirées où il les accompagnait.
Rama insista auprès de Ho Sang. Cela l'amusait de voir la femme gênée et à deux doigts de s'énerver contre lui. Il aimait qu'on lui résiste et, plus encore, il adorait ennuyer les amis humains de Marie B. Toujours taquin, il regarda sa sœur d'armes du coin de l'œil. Elle était amusée, mais lui faisait également signe d'arrêter.
- Et toi, ma belle ? Tu ne vas pas laisser ton frère d'armes ainsi ?, lui demanda-t-il.
Marie B se leva, se plaça devant lui et l'attrapa par le jean pour le tirer vers elle. Elle déposa un baiser sur la poitrine de son ami, juste au-dessus du téton.
- Ce sera mon préféré, lui lança-t-il, tandis qu'elle retournait s'asseoir à côté de son mari.
- Cause toujours, sac à puces !, dit-elle en lui faisant un clin d'œil.
Rama retourna au bar. Il offrait une tournée à sa sœur d'armes et à ses amis. Mais, surtout, il sentait le désir monter en lui et, il le savait, Marie B n'était pas encore prête à céder à la tentation...
Wladimir était assis dans son salon de musique pour écrire une nouvelle partition. Après les succès de l'« Edelweiss bleu » et de « Message de paix », la critique lui demandait une nouvelle œuvre. Il avait fini par écouter Rama et prenait ses sentiments pour sa protégée afin de composer. Blanche ne s'était pas fait détrôner par Marie B, mais son amie avait su lui réapprendre à vivre et à aimer. Grâce à elle, ses quatorze dernières années avaient été un rêve, entrecoupé de moments plus compliqués, un brillant soleil parsemé, çà et là, d'immenses nuages. Mais, avec elle, les nuages semblaient moins sombres, l'hiver moins rude, et les petits détails sans importance de la vie prenaient un tout autre sens.
Sa main glissa de sa plume à son Stradivarius, qu'il accorda une nouvelle fois. Il avait envie d'immortaliser cet espoir qu'avait fait renaître chez lui Marie B. La musique vint naturellement jusqu'à ses doigts longs et fins, caressant les cordes de son archet avec la précision d'un chirurgien. Une fois cette musique réalisée, il posa délicatement le violon sur le banc en chêne, recouvert d'une étole de velours bordeaux, à sa gauche. Il reprit sa plume et dessina ses notes sur son livre de compositions.
Une fois sa partition achevée, il leva la tête vers son horloge. Rama et Marie B devaient encore être au bar. Il regrettait de ne pas pouvoir sortir avec eux ; il était souvent reconnu, et préférait l'atmosphère tamisée des restaurants. Cette pensée le mit mal à l'aise, et il s'en détourna aussitôt. Il préféra s'attarder sur le samedi qui arrivait. Ses deux amis devaient venir chez lui passer le week-end.
- Je crois qu'il y en a un qui aurait bien participé, murmura Shinji.
Il posa sa tête sur le ventre de Ho Sang et caressa du bout des doigts le bras de Marie B, qui était couchée sur Orlando.
- Avec le nombre d'allusions qu'il a fait ce soir... comme à chaque fois..., soupira Ho Sang. Tu penses que tu pourrais le faire avec lui, Marie B ?
- Il est mon frère d'armes. Cela nous est interdit...
- Oui... mais sinon ?, demanda Orlando. Vous n'arrêtez pas de vous chercher tous les deux !
Marie B ne répondit pas, se contentant de regarder le plafond. « Craquelé », se dit-elle en observant mieux la peinture blanche. Elle ne voulait pas penser à son frère d'armes. C'est vrai qu'elle était très proche de lui et que la tentation était toujours présente... Elle l'aimait, comme elle aimait Orlando et Wladimir. Elle ne se l'expliquait toujours pas, mais elle l'avait accepté. Après tout, cela faisait juste parti de sa personnalité, et son mari n'avait jamais été gêné par ce fait. Mais elle aurait que Rama puisse trouver l'amour... Comme elle l'espérait également pour Wladimir...
Rama avait invité dans un hôtel sa dernière conquête de la soirée. La femme s'était endormie contre lui, ses formes généreuses et parfaites contre son corps, sa jambe au-dessus des siennes et sa main posée sur son torse. Leur étreinte avait été longue et agréable, cette personne s'étant révélée être très douée à tous les niveaux. Après, ils avaient discuté pendant quelques temps, et elle était également très cultivée et intéressante. La chevelure crépue de sa partenaire dégageait un parfum entêtant, subtil et fruité, et la créature se pencha légèrement pour le sentir davantage. Dans cette soirée, il avait tout pour être heureux. Il était sorti en bar avec sa sœur d'armes et ses amis humains, qui l'avaient accepté tel qu'il était, il avait connu une extase avec une femme dans ce lieu, et avait dans ses bras une autre femme magnifique.
Mais son regard se posa sur son torse. A côté de la chevelure de l'humaine se trouvait la trace de rouge à lèvres que lui avait laissée Marie B. Le seul baiser qu'il n'avait pas enlevé en se lavant au lavabo avant son étreinte avec la femme qui le câlinait inconsciemment en dormant. Malgré toute la tendresse que lui apportait cette inconnue, il pensait à sa sœur d'armes. Il aurait aimé que ce soit elle dans ses bras, ne serait-ce qu'une fois. Sentir sa peau douce contre la sienne, humer son odeur d'humaine, passer délicatement ses doigts sur toutes les parties de ce petit corps. Voir ses grands yeux bleu-gris, ce liseré vert, se lever vers lui, l'implorant de mettre un terme à une attente insupportable. Cependant, il était conscient qu'elle ne serait jamais à lui. Il aurait voulu lui-aussi trouver un vrai couple. Quelqu'un qui l'aime pour qui il était, avec ses qualités et ses défauts. Une personne qui serait là le matin, à son réveil et dont il verrait les doux yeux chaque soir avant de s'endormir. Il aurait aimé être aimé...
- On se retrouve demain soir, ma Licorne !, s'exclama Marie B en voyant la voiture de Rama se garer devant la maison.
Ils étaient rentrés dans les Hauts-de-France la veille dans l'après-midi. Elle embrassa son mari et s'élança vers son ami, direction le manoir de Wladimir.
Orlando regarda partir sa femme. Elle lui manquait déjà. Il se sentait loin d'elle lorsqu'elle était une créature. Marie B avait l'habitude de jongler entre ses deux espèces mais, pour lui, cela était toujours compliqué... Surtout depuis qu'elle était entrée au Ministère presqu'un an avant. Les créatures avaient gardé de vieux restes de leur ancienne vie anonyme et les réunions avaient lieu le plus souvent tard le soir ou dans la nuit. Marie B lui avait expliqué que cela les arrangeait car, pour une majorité, les membres de cette assemblée avaient également un travail « humain ». Orlando avait su dès le début de la vie auprès du Messager de la Vie et de la Mort ne serait pas simple, mais il n'en avait pas deviné toute la complexité...
Et voilà le début du Tome 2 ! Pour ce tome, j'ai décidé de devenir bavarde ^^
N'hésitez pas à : commenter, voter (si vous aimez), en parler, me parler... Je réponds toujours !!!
Sanguinement-vôtre,
Gothycka
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