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La Seine a de la chance
Elle n'a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit

Jacques Prévert

PARTIE  I

C'est à la fin du lycée que Léonard quitta sa Bretagne natale pour une minuscule chambre d'étudiant près de Paris-Sorbonne. L'amour qu'il portait à la ville était immense, autant que la haine qu'il vouait à sa bourgade bretonne, d'où il fallait parcourir quatre kilomètres jusqu'à la grande ville voisine pour récupérer le courrier à la poste.

À ses yeux, ces souvenirs futiles relevaient du passé. Certes sa famille lui manquait. Sa mère qui avait la manie de se pomponner avant de dormir pour se sentir belle dans les bras de son mari. Son père qui n'avait que trois passion dans la vie : la bière blonde bon marché, le football et la française des jeux. Et son grand-frère, resté au village pour travailler dans un bar, qui le gratifiait occasionnellement de caresses ébouriffantes sur le haut du crâne et plus souvent de bagarres fraternelles qui terminaient en rire général.

Mais les rues parisiennes remplies d'inconnus maussades le mettaient en joie. Toute cette population grouillant sur les trottoirs comme des fourmis autour d'une pomme d'amour oubliée sur une table de pique-nique lui faisait comprendre que les petits villages de 150 habitants étaient tellement ennuyant.

***

Léo n'avait jamais rêvé comme tout un chacun. D'abord, il se souvenait de ses rêves sans le moindre effort quand un autre avait à peine le temps de s'étirer que les événements de la nuit se dissipaient comme un brouillard dans son esprit. Par contre il n'avait jamais eu le sentiment de vivre ses nuits, Léo voyait plutôt son corps se mouvoir comme s'il l'observait posséder par une autre entité que lui même, comme une caméra suivant docilement son acteur sans jamais pouvoir intervenir.

***

- Léonard Thomas Théodore Valère ! T'es encore en retard ! hurla Floriant.

Léo se redressa et prit sa paire de lunettes. Un goût amer entre les lèvres et les yeux à peine frottés, il se souvint de cette sieste, de la neige épaisse de ses songes et de cette chatte noire qui y laissait, lors de ses promenades, les marques de ses coussinets. « Il fait chaud pour une journée d'hiver, d'ailleurs , que fais tu dehors? » avait-elle miauler à son corps.

- Mais, tu t'es endormi ? Et la fête ?

- Désolé j'étais fatigué.

Floriant ferma la porte de la petite chambre d'étudiant pendant que Léo enfilait le gros pull en laine de son pyjama qu'il portait à chaque occasion sauf pour dormir. Personne ne su jamais pourquoi.

- Bon tu te grouilles, on va rejoindre Nico et sa meuf.

- Pourquoi ?

- Pour préparer la fête gros bêta.

***