47 - La vie continue
Après des retrouvailles mouvementées et larmoyantes, on passe tous quelques jours à l'hôpital. Jo resta un peu plus mais il le prit plutôt bien.
Jamais on aura été plus unis que ces jours-là.
Après l'hôpital, vint l'hôtel. Les gendarmes ayant rouvert l'enquête on ne pouvait pas rentrer à la maison, c'était quand même une scène de crime.
Ils retrouvèrent le corps de Hannah dans l'autel de la chapelle, en partie écroulée. Elle avait son couteau mais aussi une montre gravée au nom de Hugues Tronier, le reliant au crime. On apprit aussi que malgré de multiples fractures, notamment aux bras, Hannah avait trouvé la force de graver dans la pierre de l'autel : je te tuerai.
C'est un peu ce qu'elle a fait, elle s'est vengée.
Pour les besoins de l'enquête, les gendarmes exhumèrent aussi les corps d'Édouard et de Lily.
La conclusion de la mort d'Édouard changea alors. Avec les avancées de la science, les médecins légistes conclurent qu'il était mort par asphyxie avec une grande dose de tranquillisant dans les tissus. En somme, Hannah l'avait endormi avec une dose bien trop forte de chloroforme ce qui a engendré une insuffisance respiratoire et la lourde couverture, mis pour le dissimuler, l'a en fait étouffé.
En voulant le sauver, elle l'a tué.
Mais elle lui a aussi épargné les souffrances que Hugues lui auraient fait subir. Il n'a pu que lui entailler le visage pour faire croire qu'il avait été mutilé comme ses parents.
Grâce à son ADN, Lily fut identifiée et rendue à sa famille qui put enfin faire son deuil.
Hannah, elle, fut enterrée dans le cimetière familiale à côté de son frère.
Ce fut une cérémonie courte mais très forte en émotion. Malgré l'interdiction de mes parents, et avec l'aide discrète de Sébastien, j'ai pu m'y rendre. Il n'y avait que le prête et les deux sœurs aînées, Maryse et Louisette, seules héritières des Hans de l'Outrière.
J'ai bien failli ne pas les reconnaître, surtout la cadette Louisette. Son visage n'était plus que l'ombre de celui que j'avais pu voir dans les souvenirs de Hannah. Elle était marquée par des dépressions successives et émanait d'une aura de tristesse, renforcé par ses cheveux d'un gris sale et ses yeux ternes.
Maryse, malgré ses cinquante-neuf ans était toujours aussi belle à mes yeux. Elle avait le même regard bienveillant qu'Édouard et les fossettes de Hannah quand elle souriait vraiment.
Les deux sœurs m'avaient dévisagé mais n'avaient fait aucun commentaire. Tant mieux, je n'aurais pas su quoi leur répondre.
J'ai rencontré les fantômes de votre frère et de votre sœur, ils étaient des gens bien... ?
Malgré ses nombreuses blessures qui le laisseront paralysés pour le restant de ses jours, Hugues a accepté de tous dire. Je crois qu'il avait peur, peur des fantômes de tous ses crimes.
Il a avoué avoir maltraité les animaux des Hans de l'Outrière puis s'en est pris à Hannah avant de tuer la famille et de mettre en scène ces multiples-assassinats.
Il a raconté sans gêne comment, alors qu'il traversait un parc, il avait été frappé par la ressemblance entre Hannah et Lily, puis comment il l'avait enlevé avant de la mutiler et de la jeter devant le mas du lac afin de faire croire que c'était Hannah.
Il s'est ensuite beaucoup déplacé et on lui incombe au moins dix autres meurtres dans la région.
Alors qu'il revenait vers Verny-sur-Mont, il a eu vent du projet de ma mère en lisant simplement le journal. Craignant qu'on ne découvre le corps de Hannah, et surtout sa montre tombée dans l'autel, il est revenu tâter le terrain en se faisant passer pour un vieil homme inoffensif.
Il a aussi avoué s'être introduit dans la maison au moins une fois dans le but de nous effrayer.
La peur le rongeant, il a fini par renverser Jo avec sa voiture. Il voulait faire partir nos parents pour ensuite nous tuer, pensant que ça serait le seul moyen pour les faire quitter les lieux et donc cesser les travaux.
Puis avec les rumeurs d'un second multiple meurtre il voulait s'assurer que plus personne ne rachèterait la maison, du moins de son vivant. Tout était prémédité avec une extrême froideur.
On le qualifia dès lors de tueur en série, un psychopathe, mais jamais il ne tenta d'expliquer ses gestes. Ni ne sembla en éprouver un quelconque regret.
Revenir à la maison fut difficile.
Bien que nos assurances et autres organismes prirent la peine de nettoyer et de réhabiliter le second étage, personne n'osa retourner dans sa chambre.
On s'entassa tous au premier. Je partageais ma chambre avec Jo, tandis qu'Alix dormait avec Laura et que mes parents faisaient lits à parts.
Un après-midi, alors que le soleil brillait, j'osai consulter mes mails. Comme convenu, l'Écho de nos Campagnes, le journal local, m'avait envoyé tous les articles sur la disparition des enfants et les enquêtes qui avaient suivi.
Le cœur battant, j'avais parcouru la liste des noms et, sans surprise, Lily en faisait partie. Elle s'appelait Lily Chamon, elle n'avait que sept ans et elle vivait à plus de soixante kilomètres de Verny-sur-Mont. Elle était fille unique d'un couple assez aisé qui la décrivait comme étant gentille, polie et serviable. Son seul tort fut de ressembler à Hannah...
Moins d'une semaine après notre réaménagement, les parents nous réunirent tous dans le salon. Malgré le silence quand j'entrai dans la pièce, je sentis qui se passait quelque chose de grave.
La sentence ne tarda pas à tomber : mes parents avaient décidé de divorcer. La situation n'était plus viable pour aucun des deux.
Malgré que je sache que cela était le mieux à faire, j'eus peur. Peur de l'inconnu, peur d'être séparé de mon frère et de mes sœurs.
Cette aventure m'avait fait relativiser les liens familiaux.
La maison fut donc mis en vente. Étrangement, elle trouva rapidement acquéreur, comme quoi quand il y a des histoires sordides ça attire les foules.
Durant notre court séjour au mas du lac, j'essayai à plusieurs reprises d'appeler Édouard, Hannah ou Lily, mais en vain. Je ne sentais même plus leurs présences, ça faisait comme un vide.
Comme si j'avais perdu des amis.
Avais-je tout inventé ? Parfois je me le demandais.
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