Au poste
Le Capitaine de police Hakim Brunet faisait les cents pas dans son bureau du commissariat de Harmsbruck. Cela faisait à présent plus de quinze heures qu'il était au poste et n'en pouvait plus pour ne pas être vulgaire. Plus que trois petites minutes et il pourrait y aller, ce serait la fin de son service. Il confierait la garde du poste à ce jeune blanc-bec... Comment s'appelait-il déjà ? Il ne s'en souvenait plus... Ah si ! Lucas. Il se nommait Lucas. Bientôt vingt-trois heures, courage. Ensuite, il rentrerait chez lui et s'installerait devant la télévision. Il s'endormirait devant comme chaque soir et se réveillerai le lendemain matin pour une nouvelle journée de boulot. Il y avait longtemps qu'il ne dormait plus dans son lit. Depuis que sa femme l'avait quitté en emmenant leur bébé en fait. Des larmes lui montèrent aux yeux. Hakim avait du mal à accepter ce qui s'était passé. Sa femme était partie, sans rien dire, emmenant avec elle l'enfant encore dans son ventre. Il n'a jamais su si ça avait été une petite fille ou un garçon. Elle n'avait donné aucune nouvelle, ni d'elle, ni de l'enfant, laissant Hakim seul, profondément accablé. Il avait gardé cette situation de célibataire et c'est ainsi qu'à quarante-trois ans, il se retrouvait à passer ces soirées avec pour seule compagnie une bouteille de panaché et la télévision. Brunet releva la tête et regarda l'heure. Vingt-trois heures passées. A force de se perdre dans ses pensées, il faisait des heures supplémentaires ! Il aperçu à ce moment là son collègue, l'ancien Capitaine Georges Gambini, Georgi pour les intimes, se faire couler un café.
- Qu'est-ce-que tu fais encore là Georgi ? Tu ne devais pas rentrer chez toi ?
- Si, si. Mais il me restait quelques dossiers à classer, dit-il tout en tournant son café à l'aide d'une petite cuillère en plastique. A propos, tu te souviens du cas de Thomas Ackson ? Un sacré coco celui-là ! Il s'est fait exécuter il y a quelques années... Et bien pour te dire, son dossier était encore sur mon bureau ! Il était vraiment tant que je fasse du rangement ! rigola Gambini.
Il bût une gorgée du liquide brunâtre, posa sa tasse puis s'essuya la moustache.
- Thomas Ackson ? C'est celui qui a zigouillé une quinzaine de gosses ?
- N'exagérons rien. Une bonne dizaine... En tout cas, c'est pour ça qu'on l'a condamné. Heureusement ! Tuer comme ça des mômes ! Il faut être vraiment timbré !
Il sortit un paquet de cigarettes et un briquet de la marque Igniser.
- Ça te dérange si je fume ?
- Non vas-y... l'autorisa Brunet.
Il prit une cigarette et l'alluma. Il tira quelques bouffées. Un grand silence régnait dans la pièce. Nerveux, Georges le brisa.
- T'en veux une ?
- Non merci... refusa poliment Hakim puis se sentant obligé de se justifier ajouta, je tente d'arrêter.
- Tu en du courage. Moi j'me dis qu'à mon âge, on ne craint plus vraiment grand chose...
Georges Gambini était un policier en fin de carrière atteignant la soixantaine. Il avait des cheveux poivre et sel, un visage rond et doux arborant une belle moustache. Il était plutôt corpulent et avait l'air un peu niais bien que cela ne fusse pas du tout le cas. Devant le mutisme de Hakim, Gambini reprit la conversation.
- Toi tu es persévérant et tu en veux mon petit. C'est bien. Tu feras de grandes choses dans ta vie.
Hakim acquiesça bien qu'il pensait entièrement le contraire. La seule chose qu'il réussissait était sa carrière professionnelle. Du côté de sa vie privée... N'en parlons même plus.
- Et le jeune qui est arrivé récemment, qu'est-ce-que ça donne ?
Hakim répondit dans un soupir.
- Lucas ? Il n'est pas très compétent pour l'instant. Pour dire, ça ne m'étonnerait qu'à moitié qu'il ait reçu son diplôme dans une pochette surprise...
Georges afficha un sourire narquois.
- D'ailleurs, il était sensé arriver pour prendre ma relève au poste. Mais comme tu peux le voir, et bien, il n'y a pas grand monde. Je crois que je vais rester là toute la nuit, ajouta Hakim en étouffant un bâillement. Pourtant, j'irai bien faire un petit tour dans les bras de Morphée moi !
Gambini consulta sa montre.
- Me concernant, je ne vais pas tarder à y aller. Ma femme m'attends à la maison. Je vais me faire tirer les oreilles, plaisanta-t-il tout en commençant à ranger ses affaires.
A ce moment-là, le téléphone au poste sonna. Les deux amis se regardèrent longuement avant que Gambini n'aille décrocher d'un pas nonchalant et de mettre la conversation sur hauts-parleurs.
- Commissariat de police de Harmsbrucks. Que puis-je faire pour vous ?
- UN CADAVRE ! s'écria la voix à l'autre bout du fil.
Puis on raccrocha le combiné.
- Une mauvaise blague très certainement, râla Gambini.
- Nous verrons bien si la personne rappelle, observa Hakim.
- C'est ça ! lâcha le capitaine Gambini tout en mettant la main devant sa bouche pour bailler. Enfin toi, moi je vais y aller... compléta-t-il. Bonne soirée.
Sur ce, il prit ses affaires, rinça sa tasse et la posa sur l'évier puis partit en claquant la porte. Le Capitaine Brunet se retrouvait seul, encore. Hakim s'installa sur son siège de bureau et s'assoupit. Trente minutes plus tard, il se réveilla en sursaut. Le téléphone sonnait. A peine eut-il le temps de décrocher l'appareil que la voix stridente déjà entendue auparavant lui cria, non, lui beugla dessus.
- ENFIN! ENFIN QUELQU'UN QUI ME RÉPOND ! ON SE DEMANDE FRANCHEMENT A QUOI SERVENT NOS IMPÔTS !? CA FAIT QUINZE FOIS QUE J'ESSAYE DE VOUS JOINDRE !
- Je suppose que vous n'appelez pas pour me parler de vos problèmes financiers, rétorqua Hakim, donc, qu'y a-t-il ?
Cette femme avait réussi à le mettre de mauvaise humeur en moins de trente secondes.
- En effet, cracha cette dernière vexée. Voilà, il se trouve que j'ai retrouvé un corps, sans vie, je précise, dans le lac.
Hakim Brunet eut un rictus. Allons bon, une folle encore... Il prit son ton le plus poli et observa :
- Madame, il me faudrait quelques précisions. De quel lac parlez-vous ? Où vous-trouvez actuellement pour qu'on puisse envoyer des hommes ? Et quel est votre nom ainsi que votre âge ?
- Je me trouve actuellement au lac de Dammhaige là où j'ai trouvé le corps.
Cette voix criarde lui disait quelque chose, une impression de déjà vu. C'était étrange.
- Je m'appelle Emilie Brunet, j'ai quarante et un ans.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro