Lundi 11 Novembre 2019

          Arrivée tôt, je prends mon service vers 10 h, encore groggy par mon week-end mouvementé. Entre le samedi où rien n'allait et le dimanche où j'ai regardé maman dormir, sonnée par les médicaments, j'ai eu l'impression de cauchemarder à nouveau. De nombreux souvenirs sont remontés en mémoire pour mieux me harceler.

          L'hôpital calme de cette matinée m'incite à faire quelques démarches. Je décide de prendre la direction du comico. Sur la route, une pluie torrentielle se déclenches et je cours vers ma destination non sans demander asile à Vince, qui m'accueille avec un plaisir de sale mioche... Placé derrière le comptoir, il commence une discussion officielle que je suis non sans sourire. Nous faisons ainsi mine d'interagir entre deux inconnus comme deux professionnels.

– Que puis-je faire pour vous, madame la docteure ?
– Pardon, monsieur le policier, je viens me réfugier chez vous, car il pleut, dehors...

          Aucun des deux n'est dupe : nous profitons pleinement de la ville encore endormie. Il m'invite à m'assoir, va me chercher une couverture pour ne pas attraper froid, me tend un café... J'en profite pour lui demander les fréquences radio et m'inscrire au PPA... Loin de moi l'envie de le passer, mais ai-je le choix ?

          Le répondeur LSMS sonne...

– Quelqu'un m'attend à l'accueil de l'hôpital...
– Il ne pleut plus, je vais me mettre en tenue, sortir une voiture et venir faire mon don du sang !

          J'abandonne Vince au comico et refait la route en sens inverse. Le temps d'arriver, mon patient est déjà parti... Bon. Une voiture de police se profile déjà à l'horizon. J'en connais un qui s'est encore habillé en 4e vitesse...

          Nous reprenons la conversation formelle du comico, cette fois à l'hosto...

– Bonjour, madame la docteure, je viens faire mon don du sang !
– Bien sûr, monsieur l'officier, suivez-moi...

          Nous rions comme deux gosses et je l'emmène en salle d'examen. Personne n'est là pour nous voir, personne pour se plaindre de sa présence, personne pour venir me rappeler qu'il faut avertir quand on veut s'absenter... Personne. Pourtant, on agit comme s'ils étaient 500 autour de nous. Et c'est ça qui nous fait rire...

          Pendant que je lui pose les questions habituelles, que je le pique et récupère son sang, nous discutons plus normalement. Bien sûr, la discussion s'oriente vers mon état de santé, surtout mental. J'ai du mal à le définir moi-même, sinon que là, à cet instant précis, je me sentais bien.

          Une fois terminés, nous continuons de discuter un peu. La matinée est tellement calme que je songe à aller passer mon permis poids lourd, histoire de profiter de la baisse de la circulation. Vince saute sur l'occasion et m'annonce qu'il va m'aider. Il m'emmène en voiture jusqu'à l'auto-école, je m'inscris et nous voilà partis !

          Grâce à sa voiture et ses gyrophares, il m'évite un tas d'obstacles compliqués lorsqu'on est seul... Je fais néanmoins très attention sur le trajet qui dur près d'une heure. Mais grâce à lui, je l'obtiens du premier coup sans dommage !

          À peine terminé, le répondeur LSMS sonne : Théo. Nous rentrons avec les codes 3 de la voiture de police et je ferme les yeux pour éviter de devoir gérer ma phobie de la vitesse en tant que passagère. J'en oublie d'attacher ma ceinture... et ce qui devait arriver arriva. Nous percutons un citoyen, qui, affolé par le code 3, se décale sur notre voie...

          Mon vol plané me fait mal. Le pire, se sont les souvenirs violents qui claquent dans mon esprit. Vince arrive à mes côtés, affolé. Je remonte en voiture avec son aide, non sans baragouiner quelques mots que ma mémoire n'a pas retenus. Le trajet reprend, cette fois avec la ceinture. J'essaye de gérer les tremblements de l'ensemble de mon corps. Je respire. Je me concentre sur Vince.

          J'ai tout oublié du trajet retour. J'arrive à l'hôpital où le docteur Perrier vérifie rapidement que je n'ai pas été gravement blessée, mais je dois rester sous surveillance aujourd'hui... me voilà bien ! Je clopine jusqu'à l'accueil et y trouve Théo qui me demande immédiatement ce qu'il s'est passé... Je lui explique mon accident, sans mentionner le conducteur. Malgré ça, il comprend tout de suite et contacte Vince...

          J'embarque Théo pour son don du sang et lui demande des nouvelles entre deux questions obligatoires. À notre retour à l'accueil nous attend Vince et les deux commencent à se chamailler... Mon impression de contempler un paysage unique se profile à mon esprit avant d'être balayée d'une main mentale. Inutile de s'inquiéter pour quelque chose qui n'est pas encore arrivé.

          Les garçons se vannent et j'écoute d'une oreille. Ils chahutent un peu et Vince trébuche sur moi... Mon corps n'attendait que cela pour me lâcher et je tombe, semi-consciente. Je les entends m'appeler, me parler, me rassurer, mais sans réussir à bien les comprendre. Lorsque j'arrive enfin à émerger, Théo veut « me finir » pour « mon bien » ! J'essaye de le fuir, mais incapable de courir et sans aide in extremis de Vince, il me rattrape facilement.

          Je sombre cette fois dans l'inconscience...

          À mon réveil, c'est Vince que je vois, penché sur moi avec le défibrillateur. Je grogne et leur annonce que je termine mon service sur ça. Inutile de forcer ! Théo saute néanmoins sur l'occasion pour nous inviter au bar... Ben voyons ! Je lui explique ma façon de penser et les abandonne alors qu'ils discutent d'un sujet que je n'essaye même pas de comprendre.

          Le docteur Perrier grogne un peu, mais place les perfs avant de me laisser au lit. Je regarde le stream d'un quasi-inconnu qui s'amuse avec un hélicoptère avant de sombrer dans les bras de Morphée...