Chapitre 22 - Ariana Shark (Partie 1)
15 Avril 1665,
Tout est prêt. Il m'a fallu quelques jours pour mettre au point un plan d'action réalisable. Il comporte de nombreuses inconnues, c'est vrai. Mais que serait la vie sans un peu de surprises ?
Il est donc temps d'aller rejoindre mes hommes. Je te raconterai tout au retour... si je reviens.
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Me voici, me voilà ! Je suis certaine que tu meurs d'envie de connaître tout de mon expédition hasardeuse, n'est-ce pas Monsieur Gift ?
Commençons par le commencement. À la tombée de la nuit, j'ai retrouvé mon équipe. J'avais choisi Edward pour me seconder. Pedro, Diego et Alfonso, mes meilleurs combattants, étaient là, aux côtés de John, qui se rongeait les ongles à l'idée de participer à notre raid... Même Méga avait laissé tomber ses griefs contre moi pour se joindre à nous. Will voulait venir mais je le lui ai formellement interdit. Il était encore trop faible. Une dizaine d'autres marins s'étaient portés volontaires.
J'ai donné le signal du départ et nous nous sommes glissés dans les chaloupes. Nous avons ramé jusqu'à Paramaribo, la ville qui avait été choisie comme cible idéale par le capitaine.
Une fois arrivés, nous avons camouflé les barques afin qu'elles ne révèlent pas notre présence. Nous nous sommes ensuite avancés dans les rues de la ville.
– Bien, le moment est venu de nous séparer, ai-je annoncé. Chaque équipe sait ce qu'elle a à faire ?
J'ai levé les yeux aux ciels devant le silence de mes compagnons.
– Très bien. Monsieur Hawkins ? l'ai-je interpellé.
– Oui ? a-t-il répondu, avec un intérêt tout ironique.
– J'ai besoin d'une grosse... que dis-je... d'une énorme diversion.
– Énorme comme ? Gigantesque ? Abracadabrante ? Comme une invasion de chevaucheurs de cochons ?
– Exactement, ai-je dit.
– C'est comme si c'était fait ! a-t-il affirmé avec un grand sourire.
Je ne savais pas ce qu'il avait derrière la tête mais je n'aurais pas aimé être à la place de ceux qui allaient devoir lui faire face. Il a fait signe à ses hommes de le suivre et j'ai fait de même. Mon équipe s'est mise en route vers une ferme que nous avions repérée le matin même.
Comme prévu, nous nous sommes discrètement emparés de la charrette qui était dans la cour, n'attendant visiblement que d'être volée. Empruntée. Nous ne faisions qu'emprunter. Bien sûr.
Nous nous sommes mis en route vers la demeure du gouverneur. Au moment même où nous finissions de nous cacher à l'ombre des arbres qui bordaient la maison, la porte s'est ouverte et un flot de lumière et de soldats a inondé la rue principale. Un régiment entier s'est précipité hors de l'enceinte. La diversion d'Edward devait effectivement être énorme. Comme une invasion de chevaucheurs de cochons.
Une fois que la place forte se fut vidée de son contenu, nous sommes entrés avec notre charrette. L'astuce était de faire comme si c'était absolument normal. Nous ne nous sommes pas cachés. Nous avons fait rouler notre charrette en plein milieu de la cour principale et sommes allés au garde manger comme si de rien n'était.
Un seul homme gardait l'endroit. Je me suis avancée vers lui.
– Nous venons chercher de la nourriture pour les pauvres. Ordre du gouverneur.
– À cette heure-ci ? Pour les pauvres ? C'est étrange ma petite dame, a dit l'homme.
– Ordre du gouverneur, ai-je répété, comme si moi-même je n'y comprenais rien mais que je m'exécutais sans discuter.
Il nous a laissés entrer et nous avons chargé la charrette le plus possible. Une pomme de terre de plus et tout s'écroulait. Nous sommes ressortis et j'ai adressé un sourire au gardien. Quel imbécile.
Nous avons tourné le coin pour nous retrouver face à la sortie. Sauf que la sortie n'en était plus une. Le régiment était de retour. Oups.
J'ai croisé le regard du chef des gardes et j'ai su immédiatement qu'il ne croyait pas une seconde que nous étions d'innocents paysans. Re-oups.
– Chargez ! ai-je hurlé.
Mes hommes se sont précipités à la rencontre des soldats et le combat s'est engagé. Nous étions en (grande) infériorité numérique. J'ai donc fait la première chose qui m'est passée par la tête : je suis montée sur le cheval qui tirait notre charrette et, après plusieurs essais infructueux, j'ai réussi à le faire partir au galop. Les soldats se sont écartés sur son passage et mes hommes ont emboîté le pas au chariot fou.
Cependant, le chef des soldats n'était pas prêt à nous laisser partir indemnes. Il a ordonné de fermer la porte. Il était trop tard pour ralentir. Le cheval était lancé au galop. Heureusement, il est passé entre les deux portes, juste à temps, et la charrette a heurté violemment les battants, envoyant valser une partie des provisions. J'étais saine et sauve, et le chargement l'était plus ou moins aussi. Plus de la moitié de mes hommes ont réussi à se faufiler à ma suite. J'ai demandé à Diego de filer avec la nourriture et je suis retournée combattre.
John et Pedro étaient en mauvaise posture. Avec mon aide et celle d'Alfonso, ils sont venus à bout de leurs assaillants. Cependant, pendant que nous combattions ces deux soldats, les autres avaient formé un cercle autour de nous. Mes autres hommes avaient fui sur mon ordre. Nous étions quatre contre une vingtaine.
J'ai levé les bras en l'air et j'ai lâché mon sabre. Il n'y avait plus d'échappatoire. Mes compagnons ont fait de même.
– Ah ! Vous ne pensiez tout de même pas parvenir à vous échapper ? a dit le chef de la garde.
– Si je puis me permettre, ai-je répondu, il me semble que le plus gros de l'effectif est passé entre les mailles du filet.
– Silence, petite insolente, a crié l'homme en me giflant.
– N'essayez même pas de la toucher encore une fois, a sifflé Alfonso.
– Oh, mais on dirait qu'elle est importante, la fillette, a enchaîné le chef en s'approchant d'Alfonso. Et que vas-tu faire, si je la touche encore ?
Il s'est retourné, dans l'intention de me tirer les cheveux ou autre, mais une voix l'a arrêté net.
– Assez !
Le gouverneur est apparu, suivi par une dizaine de conseillers.
– Qui vous autorise à maltraiter les prisonniers ?
Le chef a baissé la tête, confus. Le gouverneur s'est approché et m'a soulevé le menton.
– Qui êtes-vous jeune fille ? m'a-t-il demandé. On m'a dit que c'était vous qui aviez organisé cette opération qui a presque réussi.
– Oui, c'est moi, ai-je dit en me dégageant de sa main. Je suis Ariana.
– Ariana ? a-t-il répété. Mais vous devez bien avoir un nom. Ce sont grâce à leurs noms que les pirates font régner la terreur sur les mers.
Le gouverneur me faisait penser à un vieillard qui aurait mangé trop de friandises. Il était gras et son langage était sucré.
– Je suis Ariana Shark, ai-je annoncé.
Il est parti d'un rire tonitruant.
– Mais bien sûr ! s'est-il exclamé en s'essuyant les yeux. Il en pleurait de rire, le sot. Et moi je suis la reine d'Angleterre !
– Il y a bien un air de ressemblance, ai-je dit avec un sourire insolent. Vous avez la même corpulence.
Le visage du gouverneur est passé du blanc-crème-fouettée au rouge-cerise-sur-le-gâteau.
– Seriez-vous en train de vous moquer de moi, fillette ?
– Non... je n'oserais pas, ai-je répondu, toujours avec un grand sourire.
– Qu'on la jette aux cachots ! s'est-il époumoné. Libérez les autres.
– Mais... Monsieur... a dit le chef de la garde, qui voulait s'interposer.
– J'ai dit, libérez-les ! a hurlé le gouverneur. Nous allons bien voir si c'est la fille du capitaine Shark...
Suite partie suivante !
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