Chapitre 20 - Sauvetage (Partie 1)
6 Avril 1665 – suite
Quelques temps plus tard, Edward et moi avions réuni une dizaine de pirates donc Diego, Pedro et Méga. Nous avons peaufiné les derniers détails du plan et j'ai donné le signal du départ.
Nous avons traversé un bras de mer pour arriver devant l'entrée principale de la ville. Puisque le 'passage secret' n'était plus si secret et était gardé, nous allions entrer au vu et au su de tous.
L'entrée se constituait d'un pont levis enjambant l'embouchure d'une petite rivière. Des gardes contrôlaient chaque personne. Un flot continu de paysans et d'artisans entrait et sortait de la ville.
– Mes amis, c'est notre jour de chance, ai-je annoncé. C'est le marché !
Quelques minutes plus tard, j'ai aperçu une jeune fille au visage avenant, remontant l'allée centrale, suivie de son troupeau de vaches. J'avais pris soin de revêtir une jupe par dessus mon pantalon afin de paraître moins suspecte et de cacher mon sabre. Un foulard blanc noué dans mes cheveux me donnait, je l'espérais, l'allure d'une bergère.
Je me suis approchée de la jeune femme, suivie discrètement par mes compagnons.
– Bonjour Mademoiselle, l'ai-je abordée. Je cherche à me rendre au marché de Caracas. Pourriez-vous m'aider ?
Comme je m'y attendais, elle m'a répondu – oh grand hasard ! – qu'elle s'y rendait aussi et pourrait me montrer le chemin. Je l'ai donc suivie jusqu'aux portes de la ville. Un garde nous a arrêtées.
– Bonjour Léanna, a-t-il dit, s'adressant à la jeune bergère. Rien à signaler ?
– Rien de spécial, non, a-t-elle répondu.
– Qui est cette jeune fille ? a-t-il demandé en me désignant du menton.
– Oh, c'est juste une de mes cousines, arrivée depuis peu. Elle m'aide à m'occuper des vaches.
J'ai offert mon plus beau sourire au garde, tout en me demandant ce qui avait bien pu pousser Léanna (puisque tel était son nom) à mentir aussi effrontément en ma faveur.
Le garde nous a laissées entrer et j'ai jeté un coup d'œil derrière pour voir si mes hommes avaient réussi à se cacher correctement parmi les vaches pour tromper la vigilance des soldats. Visiblement, le subterfuge avait fonctionné.
J'ai remercié ma compagne de son aide. Elle m'a dit que ce n'était rien. J'avais du mal à comprendre ses motivations. Était-elle simplement gentille ou avait-elle quelque chose derrière la tête ?
Nous sommes arrivées sans encombres au marché. Là, j'ai de nouveau entamé la conversation, de la façon la plus innocente possible.
– Dites-moi, Léanna, savez-vous si l'on peut entrer dans le château ?
– Oh non ! Seulement les nobles et quelques artisans qui ont affaire avec le gouverneur peuvent y pénétrer ! Il est assez paranoïaque, le gouverneur. Il voit le mal partout. En un certain sens, c'est mieux ainsi car, d'après ce que j'ai entendu dire, cela a permis de capturer de dangereux pirates cette nuit.
Elle a dit cela en me lançant un drôle de regard, comme si elle voulait me percer à jour.
– Ah... me suis-je contentée de répondre. Et vous ? Avez-vous affaire avec le gouverneur ?
– Non ! Je suis une simple paysanne ? Comment pourrais-je être d'aucune aide aux nobles ?
– J'avais oublié que ces gens ne veulent pas se mêler à ceux qui les nourrissent et leur procurent toutes leurs richesses...
Elle m'a sourit puis m'a indiqué la route à suivre pour parvenir à l'entrée du château. Je l'ai laissée à ses vaches et me suis dirigée vers la sortie de la place du marché. C'était vraiment notre chance. La place grouillait de monde, ce qui nous permettait de nous fondre dans la masse. Et, à l'extérieur du marché, les petites ruelles étaient vides.
Mes hommes m'ont retrouvée peu à peu.
– Tout le monde est là ? ai-je demandé.
– Il manque Monsieur Hawkins, Ariana, a dit Diego.
J'ai soupiré et leur ai ordonné de rester ici le temps que je le retrouve. J'ai fendu la foule, cherchant Edward des yeux. Je l'ai trouvé accoudé à un puits, en grande discussion avec une jolie demoiselle qui rougissait de plaisir. J'ai levé les yeux au ciel. Incorrigible.
J'ai essayé d'attirer son attention avec quelques signes discrets. J'avais grande envie de sortir mon pistolet et de tirer en l'air, juste pour lui remettre les idées en place. Mais ce n'était pas la meilleure façon de passer inaperçue.
Au bout de quelques minutes, il a enfin remarqué ma présence, a fait ses excuses à la demoiselle et m'a rejointe.
– Enfin Edward ! Nous avons d'autres choses à faire, lui ai-je chuchoté en prenant un air courroucé.
– Si on ne peut plus s'amuser... m'a-t-il répondu avec un sourire.
J'ai secoué la tête et ai guidé Hawkins jusqu'aux autres. Heureusement, nous n'avions pas encore été repérés.
Nous nous sommes faufilés dans les petites rues, plus silencieux que des ombres. J'avais choisi mes hommes pour leur discrétion. Nous avons failli tomber en plein milieu d'une patrouille, mais Pedro, que j'avais envoyé en éclaireur, nous a avertis à temps.
Nous sommes arrivés devant le château. Il fut décidé que j'irais demander une audience au gouverneur et que, si l'on m'ouvrait la porte, les pirates entreraient et se chargeraient des gardes. S'il y en avait trop, ils battraient en retraite et me laisseraient seule dans la place.
J'ai donc avancé jusqu'à la porte et j'ai frappé. Une petite fenêtre s'est ouverte dans le panneau de bois.
– C'est pour quoi ? a demandé un homme dont je n'apercevais que la barbe.
– Je... Il faut absolument que je vois le gouverneur. C'est très important, ai-je dit, en prenant un faux air terrifié.
– Il va falloir me donner plus de précisions, s'est enquis l'homme.
J'ai regardé autour de moi, comme si je craignais qu'on ne nous écoute et j'ai chuchoté, sur le ton de la confidence :
– Je sais où est le bateau du capitaine Shark.
J'ai immédiatement entendu la clé tourner dans la serrure. Le battant s'est entrouvert et on m'a tirée à l'intérieur. Le garde m'a entraînée à sa suite et j'ai cru un instant que le plan n'avait pas fonctionné. C'était sans compter sur la vivacité d'Hawkins qui s'était jeté en travers de la porte, ouvrant le passage à ses compagnons.
– Piraaaaates ! a hurlé un soldat avant que les premiers sons d'épées s'entrechoquant ne retentissent dans l'entrée.
Le garde qui était avec moi s'est retourné. Mes hommes submergeaient déjà les soldats du gouverneur. Une vague de pirates déferlait dans le château.
– Oh non ! Ils m'ont suivie, ai-je murmuré, en prenant mon air le plus horrifié.
– Ayez courage, Mademoiselle. Prenez ce couloir et fuyez, je me charge d'eux, m'a dit le garde.
– C'est à vous que je souhaite bien du courage, ai-je marmonné dès qu'il a eu le dos tourné. Cette situation m'amusait beaucoup.
Pour autant, je n'ai pas perdu une seconde. J'ai pris le premier couloir et j'ai essayé de me diriger vers les étages inférieurs. En général, les cachots étaient enfouis au plus profond des châteaux.
Les couloirs étaient vides. La plupart des soldats devaient être en train de surveiller le marché. J'ai croisé quelques domestiques mais ils avaient l'air trop préoccupés pour se soucier de moi. J'ai arpenté les couloirs le plus vite possible mais cette demeure était un labyrinthe. Impossible de trouver le chemin des cachots.
Je me suis adossée contre un mur pour reprendre mon souffle. Non seulement je ne parvenais pas à trouver mes amis, mais en plus, je n'avais aucune idée du chemin du retour. Dans ma précipitation, je n'avais prêté aucune attention aux couloirs que j'empruntais.
Alors que j'étais seule, dans le noir, contre la pierre froide, et que j'allais abandonner, j'ai entendu un cri qui m'a glacé le sang. Will !
La suite dans la prochaine partie !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro