Chapitre 13 - Réconciliation
12 Janvier 1665,
Je ne sais pas vraiment quoi te dire aujourd'hui Monsieur Gift. Rien de spécial n'a chamboulé notre quotidien.
Disons, au moins, que tout est rentré dans l'ordre. J'avais peur que les marins ne respectent pas leur parole et continuent de harceler John. Il n'en est rien. Je crois que je les ai jugés un peu trop vite ; d'après ce que je vois, ils sont honnêtes et ont - certaines - règles de conduite. C'est surprenant.
De mon côté, je n'ai pas vu de différence majeure. Une seule fois, un des hommes m'a regardée un peu trop longuement mais je lui ai rapidement remis les idées en place en sortant mon épée pour l'aiguiser. Autant te dire qu'il n'a pas traîné dans les parages !
Ah oui ! Je me souviens de ce que je voulais te dire ! Le plus étrange de cette journée, c'est que je n'ai pas vu Will. Depuis que je suis arrivée, il a toujours pris le temps de venir déjeuner avec moi... Je ne comprends pas. Peut-être est-il occupé ? Peut-être a-t-il été retenu pour cas de force majeure ?
14 Janvier 1665,
Tu ne vas pas le croire, Monsieur Gift. Cela fait trois jours que je n'ai pas vu Will ! À croire qu'il se cache. Non seulement il ne vient pas me voir, mais il ne sort même pas de sa cabine !
Peut-être est-il malade ? Cela doit être ça ! J'irai le voir demain pour prendre de ses nouvelles.
15 Janvier 1665,
Je viens de relire mes dernières lignes d'hier, comme j'étais loin de la vérité !
Ce midi, je me suis donc rendue à la cabine du second avec la ferme intention de résoudre ce mystère. J'ai frappé et attendu pendant une bonne minute. Une voix croassante s'est finalement élevée, à travers la porte :
– Qui est-ce ?
– C'est moi, Ariana, ai-je répondu, inquiète.
Un nouveau silence a brisé la conversation. J'ai tendu l'oreille pour entendre un faible « Va-t'en ». Je ne m'y attendais pas.
– Non, ai-je dit, catégorique. Je ne partirai pas.
La seule réponse fut un bruit sourd, suivi d'une avalanche de cliquetis. Je n'ai plus hésité et j'ai ouvert la porte pour confirmer ce que je pensais : Will venait de s'écrouler sur le sol, entraînant la nappe et tous les objets qui y étaient dans une joyeuse dégringolade.
Je me suis approchée pour le relever, sûre qu'il était bien malade. Quelle ne fut pas ma surprise quand j'ai découvert que son haleine empestait l'alcool fort ! Je l'ai lâché immédiatement. La seule solution pour le ranimer était radicale. J'ai été chercher un seau d'eau froide et je lui ai jeté à la figure.
L'effet a été immédiat. Il a ouvert les yeux et a repris ses esprits. Je l'ai laissé seul un instant pour aller fermer la porte de sa cabine. Il ne devait pas tenir à ce que tous les marins le voient ainsi.
– Will, pourquoi t'es-tu mis dans un état pareil ? ai-je demandé.
– Cela ne te concerne pas, a-t-il répondu, amer. Pars.
– Je crois avoir mal compris... As-tu besoin d'un autre seau d'eau pour arrêter de dire des sottises ?
– Je ne veux plus te voir, a-t-il affirmé, sans me regarder.
– Je crains que cela ne soit pas possible, mon cher. Nous sommes sur le même bateau. Tu ne pourras pas m'éviter indéfiniment.
– Je ferai de mon mieux.
J'ai encaissé ses attaques sans laisser paraître qu'elles me déchiraient de l'intérieur. En le regardant attentivement, j'ai cru comprendre qu'il avait tout de même de plus en plus de mal à me dire de partir. Au fond, il ne devait pas m'en vouloir vraiment. J'ai essayé autre chose.
– Je croyais que nous étions amis, ai-je dit.
– Je le pensais aussi, a dit Will. Mais il semble que tu préfères la compagnie d'Edward Hawkins.
Là. Il a craché le morceau. C'était donc ça.
– Es-tu complètement stupide Will ou est-ce que tu le fais exprès ? ai-je repris, gardant difficilement mon calme. Je déteste cet homme encore plus qu'avant – si c'est possible –. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour John et tu le sais ! Mais ce... ridicule... insignifiant... dégoûtant... baiser ne veut en aucun cas dire que je l'apprécie !
J'ai soupiré avant de continuer, pour moi-même :
– Ce que les garçons peuvent être jaloux parfois...
J'ai dû être convaincante puisque Will a couru vers moi et m'a prise dans ses bras sans que je puisse rien faire. Il m'a serrée contre lui en murmurant que, non, il n'était pas jaloux.
Après cette rocambolesque réconciliation, notre relation a pu reprendre son cours, même si nous étions à présent tout les deux trempés.
19 Janvier 1665,
Je m'excuse Monsieur Gift, je ne t'ai pas écrit depuis plusieurs jours, et pour cause ! Je n'aurais jamais cru que ma vie puisse être encore plus morne qu'avant. Il ne se passe littéralement rien ! Nous voguons depuis des jours sur une mer d'huile, sans apercevoir la moindre île, le moindre petit bout de terre. J'ai beau regarder partout, rien ! Pas même une voile.
Lorsque je ne suis pas à mon poste, j'essaye de sympathiser avec les matelots, mais c'est difficile... Ils se connaissent depuis longtemps et, après les différents événements que je t'ai racontés, j'ai l'impression qu'ils ne savent pas comment se comporter avec moi. Ils sont partagés entre admiration et peur, entre amitié et indifférence. Je ne sais pas plus ce que je pourrais bien faire avec eux. En réalité, j'ai l'impression d'aller de déconvenues en déconvenues. Ceux qui idéalisent la vie de pirate devraient rester chez eux à faire pousser du sucre.
J'espère tout de même que nous allons finir par arriver quelque part parce que les rations d'eau douce se font de plus en plus minces...
C'est un court chapitre cette fois-ci ! En réalité, il était couplé avec le suivant mais l'ensemble faisait presque 3000 mots... J'ai donc séparé en deux parties, qui n'ont pas beaucoup de rapport. La deuxième partie arrivera dimanche !
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
Et que pensez-vous des personnages ?
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