Chapitre 1 - Un drôle de personnage
– Bonjour... dit un jeune garçon d'une voix mal assurée. Il avait dit cela comme d'autres auraient demandé « Il y a quelqu'un ? ». Ce bonjour était plus une question qu'une politesse. Cependant, une voix répondit :
– Salut.
Cette fois-ci, c'est la voix d'une jeune femme sûre d'elle qui résonna. Cette voix était presque nonchalante, emplie de confiance. Le jeune homme continua :
– Mon père m'a dit que je ne devais pas venir vous voir.
– Alors, qu'est-ce que tu fais là ?
– Eh ! Vous me devez un peu plus de respect, je suis le fils de votre geôlier !
– Qu'est-ce que tu fais là ? répéta la voix.
Voyant le combat perdu d'avance, le garçon soupira et reprit.
– Je voulais voir ce qu'était un vrai pirate.
En effet, la scène se déroulait dans un environnement un peu particulier. Le jeune garçon tournait le dos à un étroit escalier qu'il venait de descendre pour rejoindre l'endroit où il se trouvait à présent : une petite pièce qui semblait creusée dans la roche à grands coups de pioche. Devant lui, les barreaux d'une cellule le séparaient de la voix. La seule lumière venait de la torche qu'il tenait d'une main tremblante.
A l'invitation du garçon, un mouvement secoua l'ombre qui emplissait la cellule. Un pied apparu dans le halo de lumière, la jambe suivit et enfin, une jeune fille se montra. Elle était bottée de cuir noir jusqu'aux genoux et habillée d'une chemise blanche bouffante que recouvrait une tunique de cuir noisette. Une ceinture rouge ornée de pierres précieuses lui serrait la taille. Finalement, le jeune homme découvrit le visage de son interlocutrice : un joli petit minois encadré de cheveux châtains attachés d'une manière indescriptible mais parfaitement adaptée au bandeau rouge qui lui enserrait la tête.
– Voilà ce qu'est un pirate. Pas si impressionnant que ça, non ? demanda la jeune fille.
Le garçon ne savait que répondre.
– Je... je m'appelle Nicolas, fut la seule chose qui lui vint à l'esprit.
La jeune pirate hocha la tête puis s'apprêta à retourner dans l'ombre de son cachot.
– Attends ! cria Nicolas, tu sais que tu vas être pendue ?
– Oui, je sais.
– Et tu ne trembles pas à cette idée ?
– Non.
– Tu ne peux pas t'échapper. Et tes amis pirates ne pourront pas te sauver. Toutes les précautions nécessaires ont été prises pour qu'ils soient dans l'impossibilité de venir te chercher. De toute façon, je pense qu'ils se moquent bien du destin d'une jeune fille, fut-elle dans leur camp.
– Je ne pense pas.
– Les pirates n'ont pas de cœur, ils sont malveillants et cruels. Que représentes-tu pour eux ? Un fardeau.
– Tu te trompes.
– Non, ils pillent et tuent des hommes sur les vaisseaux de mon père.
La jeune femme eut un sourire en coin avant de répondre :
– Piller pour pouvoir manger, est-ce un crime ? Voler pour survivre, est-ce réellement mal ?
– Vous pouvez payer, comme les autres.
– Le métier de pirate n'est pas très bien rémunéré, répondit la jeune pirate en riant. Tous ceux de ma condition se sont tournés vers la piraterie car ils n'avaient pas de quoi vivre. Le peuple meurt de faim pendant que vous, les petits bourgeois, vous gavez de riche nourriture. Alors, non, je n'ai pas de scrupules à piller sur les navires de tes semblables. Et pour ce qui est de tuer, personnellement, je n'ai jamais tué personne. Je ne me le pardonnerais pas. Je fais toujours en sorte de seulement blesser ou capturer.
– On m'a toujours dit que les pirates avaient pour seule ambition d'amasser le plus de richesses possibles.
– Certes, nous cherchons la richesse. Mais pas n'importe laquelle. Nous cherchons les merveilles de la Terre. N'est-ce pas fantastique de parcourir le monde à la recherche des endroits les plus beaux ?
– Tu ne peux pas me faire croire que les pirates sont bons.
– On t'a raconté bien des histoires sur notre compte. Et j'ai peur que ce soit des contes pour enfants, bien éloignés de la vérité et qui ont pour seule morale : les pirates sont méchants, nous sommes les gentils. Tu ne t'es jamais demandé si tu étais du bon côté ?
– Non...
– Tu vois très bien ce que je veux dire.
– Oui, peut-être.
La jeune pirate s'emporta d'un coup :
– Regarde-toi ! Pourquoi es-tu descendu dans ce cachot sombre et humide ? Pour voir un vrai pirate ! Je serais prête à parier que tu n'as jamais quitté cette ville, peut-être même ce quartier. Tu ne connais rien de la vie, ni du monde. Comment peux-tu choisir le droit chemin ? Les pirates ont sans doute un sens de la morale un peu particulier mais ils savent ce qu'ils font.
Nicolas se tenait la tête entre les mains, le discours de la jeune femme le troublant au plus au point.
– Pourquoi suis-je descendu ? J'aurai dû écouter mon père.
– Combien de temps le laisseras-tu te cacher la vérité ? Tu es descendu parce-que tu rêves d'aventure et me voir te prouve qu'on peut choisir d'être le héros de sa propre histoire.
Un silence brisa la conversation. Puis, la jeune fille reprit plus doucement :
– Écoute, si je n'ai pas peur de la pendaison, c'est pour une seule raison. C'est que je sais que je suis dans le droit chemin. Je sais que ce que j'ai fait est bien et que j'ai pris les bonnes décisions. Ce n'est pas moi qui suis dans l'erreur ; l'injustice est de votre côté.
– Comment le sais-tu ?
La pirate tendit la main à travers les barreaux et posa sa main sur la poitrine de son interlocuteur, à l'endroit où se trouve le cœur.
– Grâce à ça,dit-elle.
Nicolas resta perplexe quelques instants avant de reprendre :
– Comment puis-je choisir ma voie ? demanda-t-il.
– A mon avis, il faut avoir testé les deux côtés pour savoir.
– Mais je ne peux pas quitter mon père !
– J'ai peut-être une solution.
La jeune femme plongea la main sous sa tunique de cuir et en ressortit un petit carnet. Ce dernier semblait avoir traversé des moments difficiles. La couverture était cornée, pliée, déchirée voire même brûlée en certains endroits. Les pages, visibles par endroits, étaient abîmées mais couvertes d'une fine écriture. La pirate tendit ce petit cahier à Nicolas. Il le prit avec précaution.
– Qu'est-ce que c'est ? Demanda-t-il bien qu'il pensait déjà connaître la nature de l'objet.
– Mon journal. Et je ne l'ai pas écrit dans le but de corrompre un gardien en cas d'emprisonnement. C'est bien trop de travail. Lis-le et tu auras vécu une année dans la peau d'un pirate. Comme cela, tu pourras faire ton choix sans quitter ton petit chez toi.
– Tu sembles bien sûre du résultat.
– Je connais déjà ton choix.
– Tu ne m'auras pas si facilement. Je suis un noble. Je ne m'abaisserai pas à faire de la piraterie.
– C'est ce que nous verrons.
Nicolas contempla le carnet un instant et releva la tête. Le jeune femme était retournée dans l'ombre du cachot.
– Attends ! Je ne connais même pas ton nom ! s'écria-t-il.
Le silence lui répondit. Il ouvrit la première page de l'ouvrage et lut : Le journal d'Ariana.
– Ariana... murmura-t-il.
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