-Comment va-t-on entrer là-dedans ? Souffla Dean.

-Eh bien, on a pas de Gollum sous la main pour nous montrer un détour... commenta la jeune fille.

-De toute façon, rétorqua Sherlock, on ne sait pas si les portes ne vont pas disparaître au moment où on détournera notre regard d'elles.

-Je dis peut-être une connerie, intervint Rory, mais si on se déguisait en méchant ?

Il y eut un long silence. Le Docteur, que l'idée ravissait, sourit de toutes ses dents.

-Non, trancha Sherlock. C'est trop risqué. Si tous les « méchants » sont des manifestations de la même personne, il va aussitôt s'apercevoir que nous sommes des imposteurs.

Le Docteur eut la moue d'un enfant privé de son cadeau de Noël.

-Il faut pourtant bien qu'on entre là-dedans, souffla Dean. On a un ange à sauver.

-Ainsi que d'autres héros, finit Sam.

-Oui, aussi, consentit son frère.

Ses yeux s'agrandirent sous l'effet d'une idée subite.

-Tu crois qu'il y aura Batman ?

-Je ne sais pas, Dean...

-Mais Sammy, BATMAN ! Je pourrais avoir un autographe de Batman ! Je me demande lequel ça serait...

Il se tourna vers la jeune fille.

-Celui de Tim Burton ?

-Vous croyez vraiment que c'est le moment ? Coupa John au moment où la fangirl d'une autre planète allait répondre.

Dean le foudroya du regard.

-Je ne voudrais pas vous vexer, intervint Rory, mais il a raison. Ça ne fait pas vraiment partie de nos priorités, actuellement. À vrai dire, c'est même loin derrière « Ne pas se faire tuer ». Très loin.

-Un rêve lucide, déclara soudain Sherlock, s'attirant tous les regards. Il faut qu'elle entre en état de rêve lucide.

Le sourire du Docteur revint aussitôt.

-Je vous avais dit qu'il était génial ! Souffla-t-il à des Ponds légèrement blasés.

-Comme dans Inception ? Demanda la jeune fille.

Le détective lui adressa un regard perplexe.

-Oui, répondit Sam, qui avait une culture un peu plus étendue. Le rêve lucide est un état qui existe réellement. Il y a tout un tas de technique permettant de l'atteindre. Alors, comme dans Inception, tu deviens conscient d'être à l'intérieur d'un rêve, et tu peux le manipuler à ta guise.

-Mais je ne connais aucune de ses méthodes !

-Pas la peine, rétorqua Sherlock. Ces méthodes sont faites pour que tu ais conscience de t'endormir, pour que le rêve ne te berne pas. Mais toi, tu as conscience d'être dans un rêve, ou, en tout cas, une sorte de rêve. Je suppose que ton mystérieux ennemi t'a drogué, pour mieux fouiller dans ta tête. À la recherche de la source d'énergie qui fait vivre ton peuple.

-Vous croyez que je peux agir sur le monde ?

-Tu le fais déjà, inconsciemment, intervint le Docteur. Tu crées des choses, tout autour de toi, pour te protéger. Des lieux familiers. Des scènes d'histoires. Des héros pour te protéger.

-Mais je ne vous ais pas créé ! Je vous ai appelé...

Sherlock et le Docteur échangèrent un long regard.

Ils avaient tous les deux compris. À la minute où ils avaient saisie qu'ils étaient dans l'esprit de la fangirl, il en avait estimés toutes les conséquences.

-Tu ne nous as pas appelé, déclara doucement le Docteur. Tu nous as créés. Tu avais besoin de défenseurs. Ton inconscient a cherché dans tes histoires, et nous as fabriqué.

-Vous n'êtes pas réellement Sherlock, le Docteur, John, Amy, Rory, Dean, Sam et Cas ?

-Si, en un sens, repris le Seigneur du Temps. Mais tu ne nous as pas tiré de nos mondes pour nous emmener au tien. Tu nous as recréé dans le tien, avec toute la personnalité et la mémoire de nos personnages, si bien que je suis le Docteur. Un peu comme un clone.

-C'est la deuxième fois qu'on nous la fait, celle-là, grommela Rory, aussitôt interrompu par un coup de poing sur l'épaule de sa femme.

La jeune fille se taisait, les yeux dans le vague.

Les autres n'osaient rien dire. Les paroles des deux génies avaient trouvées, au fond d'eux, un écho de vérité.

-Sherlock, souffla John dans l'oreille de son ami, est-ce que ça veut dire que nous n'existons pas ?

Sherlock le regarda un moment, un long moment, et sourit doucement. Sa main glissa jusqu'à celle du blogueur, qu'il serra longuement.

-Pour moi, John, tu es tout ce qu'il y a de réel.

Puis il se tourna vers la fille.

-Il faut se dépêcher. Le temps nous est compté. L'autre doit certainement traîner dans les parages, cherchant à te débusquer. Peu importe d'où nous venons. Nous sommes là, ici et maintenant. Bien réel.

-Il a raison, appuya Dean. Nous sommes là, et Cas est là-dedans.

La jeune fille eut un pauvre sourire, et se concentra sur les portes du Mordor, un peu en contrebas du surplomb où ils se trouvaient.

Aussitôt, naissant de la terre comme autant de spectres, une armée vit le jour. Une armée d'hommes et d'elfes, devant laquelle ont devinait quelques hobbits.

-C'est un film, ça, commenta Dean.

Un regard de son frère le fit taire.

La situation passa en accélérée. Le discours du roi. Les portes du Mordor qui vomissent des orcs. Un court échange. Une bataille. Les hommes sont encerclés. Et, soudain, un cri qui résonne dans l'air. Sauron est mort. Les hommes font la fêtes et repartent. Les orcs disparaissent.

Les portes du Mordor restèrent ouvertent.

-Heureusement qu'il ne faut pas un tel tintouin pour ouvrir chaque porte, commenta Dean. Vous imaginez le bordel sinon ?

Il reçut en échange cinq regards blasés.

-Quoi ?

-C'était une bonne méthode, commenta Sherlock, appréciateur. Au lieu de forcer directement la réalité à laquelle elle était confrontée, elle s'est remémorée la dernière fois que les portes avaient été ouvertes.

-Ouais, ouais... lança le chasseur en dévalant la pente. On peu passer, quoi. On y va ?

John vérifia que le phaseur de Kirk était bien dans sa poche. Sherlock vérifia que son blogueur était bien à ses côtés. Amy et Rory échangèrent un regard complice. Le Docteur tapota son tournevis sonique. Sam envoya à son frère un sourire significatif.

-Bon, alors, qu'est-ce que vous attendez ? Conclus l'aîné des Winchester en s'approchant des portes du Mordor.