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23 Septembre 2013

Assis sur un banc, non loin de la cathédrale Notre-Dame, Alan enfouit ses mains dans ses poches pour en tirer le stylo à bille qu'il utilisait depuis près de trois semaines. Cela faisait maintenant trois semaines qu'il allait à la rencontre de gens qui lui avaient été présentés pour décoder l'As de pique. Mais sans succès. Et il rayait inlassablement les noms qu'il avait noté sur un petit bloc-note jaune. Ce dernier ne quittait jamais sa poche, même lorsqu'il dormait la nuit. Quant à ses journées, il les passait à flâner dans les rues de Paris, ayant totalement oublié son inscription à la faculté de droit et tentant simplement de résoudre son problème informatique sans trop penser. 

Penser, cette activité dans laquelle il excellait. Lorsqu'il se laissait aller dans ses pensées, celles-ci devenaient dangereuses et il divaguait lourdement, laissant son esprit s'inquiéter pour Andrew, pour sa famille à qui il n'avait encore rien dit ou encore imaginant les pires scenarii qui pourraient lui arriver. La nuit n'était plus qu'une peuplade hétéroclite de cauchemars en tous genres où il était poursuivi sans relâche par un groupe d'hommes totalement vêtus de noir. Il les voyait qui se rapprochaient de lui et passaient leurs mains autour de sa nuque, l'étranglant de toutes leurs forces lorsqu'il finissait par se réveiller en sueur, chez lui. 

Cette obsession pour les hommes en noir avait fini par lui tomber dessus peu de temps après l'enlèvement d'Andrew, lorsqu'il avait reçu dans sa boîte aux lettres une enveloppe qui ne comportait ni timbre, ni adresse et dont le seul papier contenu à l'intérieur portait une inscription écrite à la main, d'un style italique : « nous n'avons plus besoin de tes services ». 

Alan avait imaginé l'homme chauve venir frapper chez lui et tenter de le tuer à maintes reprises. Mais personne n'était venu. Il n'y avait pas eu de tueur à gages, il n'y avait pas eu d'enlèvement. Alan était seul, dans son inconfort, dans la peur de se faire avoir. Il pouvait avoir la police sur le dos pour les dizaines d'agressions qu'il avait commises et ce, n'importe quand. Il pouvait avoir Deadline à ses trousses si Andrew dépêchait son nom auprès de leurs sbires. Et, au-delà de tout ça, il avait probablement entre les mains le code qui pouvait ruiner un empire entier, déclencher une bombe atomique au centre de la Terre ou tout simplement libérer un virus qui exterminerait la race humaine, il n'en savait absolument rien. Mais il avait une arme entre les mains, il en était persuadé. Et il avait autant de chances de pouvoir l'utiliser qu'un chihuahua avait de lancer une fusée. C'est pourquoi il l'avait déplacé : une clé USB était bien trop facilement repérable tandis qu'un téléphone portable avec toutes les informations en fichiers cachés passait beaucoup plus inaperçu. 

Il passait son temps sur les forums de jeux en ligne, laissant ses coordonnées pour qu'un geek se croyant plus malin que les autres puisse le contacter et l'aider dans son problème. Cependant, dès qu'il faisait leur rencontre, dans un café la plupart du temps, ceux-ci se débinait dès qu'ils entendaient parler de « fichier volé ». Quant à ceux qui ne prenaient pas la fuite, lorsqu'ils cherchaient à en savoir un peu plus sur le fichier en question et qu'ils comprenaient globalement à qui il avait été volé, ils renonçaient aussitôt à la tâche. Personne n'était assez fou pour se frotter à la mafia, personne excepté Andrew et il le payait sans doute en ce moment même. 

C'est pourquoi Alan était considérablement exténué, perdu et vidé de tout sens. Il avait passé des jours et des jours sur des jeux en ligne, des forums, des guildes de geeks et autres sites incompréhensibles pour un néophyte tel que lui. Et pour l'instant, aucun des 112 noms qu'il avait écrit n'avait correspondu au profil recherché. 

Sur son banc, alors que la nuit était en train de tomber lentement, laissant encore passer quelques rayons d'un pâle soleil couchant tandis que la lune jetait déjà sur lui son regard argenté et goguenard, Alan se rendit compte qu'il s'agissait du dernier nom sur sa liste et qu'il ne pouvait plus compter que sur quelques nuits de recherches supplémentaires afin de continuer son avancée. Il soupira, fatigué de tout ce temps sur l'écran et recommença à penser...

Andrew était peut-être déjà mort finalement. La police était venue l'interroger à son sujet et Alan avait tenté de jouer la surprise à l'annonce de l'enlèvement. Feindre le choc avait été difficile tant il se préoccupait déjà du sort de son meilleur ami. Il avait sur ses épaules la responsabilité de son enlèvement et il le savait pertinemment. Une angoisse aussi sournoise que douloureuse ne quittait plus son ventre et s'attachait à ses moindres faits et gestes. Il ne dormait presque plus, ne mangeait presque plus et ne voulait plus côtoyer le monde extérieur. Il ne vivait maintenant plus que sur ses rentes qu'il avait mises de côté au fur et à mesure que les corrections passaient pour le compte de Deadline. Les sommes qu'il avait touchées allaient de mille euros pour sa première cible jusqu'à dix mille euros pour les tâches les plus difficiles. 

Il se souvenait de cette fameuse nuit, à la fin du mois de Mars où il avait dû s'occuper d'un groupe de cinq racailles des rues avant de pouvoir s'en prendre à leur chef de gang. Cette nuit-là, il avait échappé à plusieurs coups de feu dans un parking désert jouxtant un chantier de construction, à la sortie de la ville. Il avait écopé d'une dizaine de coupures assez profondes, d'un œil poché et d'une fracture de l'index mais il s'en était très bien sorti en comparaison avec la tâche qui lui avait été attribuée. Il n'avait pas su à l'époque que le chef de gang en question était un dealer de CPH4, une toute nouvelle drogue provenant d'Asie et que les jeunes occidentaux s'arrachaient déjà à prix d'or. Sa mise de départ lui avait été offerte par Deadline qui avait vu en lui un très bon investissement. Et cela aurait pu être le cas si la drogue en question n'avait pas fait passer ses consommateurs de vie à trépas, quelle que soit la quantité ingérée, en quelques semaines. Le dealer avait donc gardé toute sa marchandise sans capacité de remboursement et Alan avait été envoyé pour qu'il « trouve une solution » plus rapidement. 

En y repensant bien, Alan n'avait pas joué le rôle de chien de garde mais de chien d'attaque, se jetant sur tout morceau de viande qui aurait pu devenir rapidement avarié. Il l'avait fait au péril de sa vie sur la simple menace que l'association mafieuse aurait pu le condamner à vie pour tous les crimes qu'il avait déjà commis, depuis le premier soir. Et pourtant, il savait ce qu'il ressentait à chaque fois qu'il avait frappé l'une de ses victimes : la jouissance et le pouvoir. Quelque chose de terrifiant était né avec lui lors de ces trois mois d'activité pour Deadline. Et Alan savait que cette chose n'était pas morte, qu'elle n'attendait que le bon moment pour ressurgir et frapper à nouveau, frapper de toutes ses forces. Et le jeune homme savait déjà qui il voulait prendre pour cible, et ce depuis qu'il avait vu Irène dans la même pièce que lui et son contrat et bien plus encore lorsqu'ils avaient fait l'erreur d'enlever son meilleur ami. 

A présent sans le moindre contact avec Deadline ou avec quiconque possédant les capacités pour décoder les données qu'il avait en sa possession, Alan se prenait la tête pour savoir quelle était la marche à suivre. Qu'est-ce qu'il savait de la société ? Quel lien pouvait-il établir avec eux, ne serait-ce que pour leur proposer à nouveau ses services et continuer son enquête de façon discrète ? 

La réponse s'imposa à lui, comme elle aurait dû le faire des semaines plus tôt : l'homme en costume, chauve, au volant de son Audi noire. C'était lui le lien qu'il avait avec Deadline et il pouvait l'aider. Alan se releva d'un coup et fonça à pied en direction du banc auprès duquel il avait l'habitude de venir chercher les enveloppes qui contenaient le nom de ses futures proies. On était mercredi, c'était le meilleur jour pour venir à sa rencontre.

Sur le chemin, Alan se laissa réfléchir un peu plus : l'homme en question avait clairement dit qu'ils n'avaient plus besoin de ses services. Il avait trouvé l'enveloppe. La situation ne serait-elle pas louche de voir un type à qui on a enlevé toute fonction insister pour reprendre du service, un service tout à fait illégal, alors que le meilleur ami de celui-ci était déjà entre leurs mains ? 

Le jeune homme s'arrêta sur le trottoir alors que la nuit était maintenant bien installée. Il était presque minuit alors qu'il n'était plus qu'à quelques centaines de mètres du banc qu'il connaissait bien. Il voyait, au loin, le bar à l'enseigne clignotante qu'il avait tant contemplé lors de ses nuits d'attente. La situation le dérangeait. L'homme risquait de trouver ça louche, de prendre la fuite et d'avertir ses patrons. Il risquait même de se débarrasser de lui si le besoin s'en présentait. 

Alan eut un frisson dans le dos et tenta de réfléchir à autre chose lorsqu'il aperçut la berline, garée dans une rue adjacente. Elle attendait patiemment, ses vitres teintées fermées et les phares éteints. Il était plus prudent de mettre la capuche de son sweat sur sa tête, évitant ainsi d'être reconnu.

Toutefois, s'il y avait bien quelque chose à quoi il ne s'était pas attendu, c'était de voir un autre type à la tête encapuchonnée se tenir à côté du banc qu'il avait autrefois occupé. L'homme en question lui ressemblait au niveau de la corpulence et de la tenue vestimentaire. En revanche, il semblait plus lourd, plus maladroit dans ses gestes comme le laissait présumer sa démarche autour du banc alors qu'il faisait les cent pas pour patienter. 

Sans savoir ce qu'il allait faire par la suite, Alan s'avança près de lui, allant à sa rencontre sans savoir comment engager la conversation. 

Lorsque l'individu finit par le remarquer, il le toisa d'un regard noir et tenta de prendre un air condescendant. Ce qu'Alan entendit, lui, était un chevrotement dans sa gorge et il fallait en profiter. 

– Tu veux quoi ? 

– Je prends le relais ce soir, répondit Alan d'une voix grave et suave, chaque accentuation étant parfaitement calculée pour faire peur à celui qui avait pris sa place. 

– C'était pas convenu comme ça, je crois, tenta de répondre l'autre sans pour autant s'énerver comme Alan s'y était préparé. 

Le jeune homme se pencha à son oreille et lui fit signe d'avancer vers lui. Le type en face s'abaissa doucement, méfiant, et reçu sur la joue une claque qu'il n'avait pas prévu. Celle-ci avait filé vers lui sans prévenir et chauffait à présent sa peau de façon cuisante. 

– Hey mais t'es un malade, toi ! 

La capuche de son manteau était tombée en arrière sous la violence du coup et Alan avait pu voir le visage rondouillard d'un garçon à peine âgé d'une vingtaine d'années. Celui-ci avait tenté de se jeter sur lui pour lui rendre la gifle qu'il avait prise mais Alan fut plus rapide : il esquiva la charge et attrapa son adversaire par la capuche, lui faisant exécuter un demi-tour. Vif et précis, profitant de l'élan de sa victime, le jeune homme saisit la nuque de celle-ci et exerça une pression suffisante pour le bloquer, net. La seconde suivante, son genou fusait vers la tête de son opposant et rencontrait son nez dans un horrible craquement sonore. 

Assommé, l'autre garçon resta à terre, inconscient. C'est le moment que choisit la berline pour sortir de la rue et s'avancer, doucement à la hauteur du combattant. 

Alan ne savait pas comment gérer la situation qui allait se présenter et il sentait son souffle s'accélérer alors que son cœur n'avait pas encore reprit un rythme normal après le court combat qui venait d'avoir lieu. Il devait réfléchir et vite. 

L'Audi baissa sa vitre et Alan aperçut le visage de l'homme chauve derrière le volant. 

– Ça faisait bien longtemps qu'on ne t'avait pas vu, dis donc. 

– J'ai cru comprendre que vous ne vouliez plus de moi. 

– Alors pourquoi t'es là, morveux ? Qu'est-ce que tu cherches ? 

C'était là les questions qu'Alan avait redouté. Son esprit commençait à s'échauffer. Il avait encore en têtes les balbutiements de sa dernière victime et ne savait que faire pour répondre aux interrogations de son interlocuteur. Sur son genou, il sentait encore la trace sombre qu'avait laissé le sang chaud qui avait explosé hors du nez du garçon et il sentait ce même sang lui dicter sa conduite : laissant parler son instinct, Alan se propulsa en avant d'un coup sec et accompagna son geste d'un puissant coup de poing qui atteignit sa cible sans détour. Froid et violent, la touche fit mouche dans la pommette de l'homme chauve et celui-ci tomba inconscient à son tour, sa tête pendant lamentablement sur le côté. 

Ne prenant pas le temps de réfléchir plus longtemps, Alan ouvrit la portière et poussa le conducteur inconscient sur le fauteuil passager, s'asseyant à sa place et démarrant en trombe sans réellement savoir où il allait. 

Sur le tableau de bord, on pouvait voir un superbe GPS allumé qui indiquait au jeune homme la direction qu'il était en train de prendre. Alan était nerveux. Il ne cessait de regarder à sa droite, vérifiant que l'homme chauve était toujours inconscient pour pouvoir continuer sa route. Il savait pertinemment que cet état ne durerait pas indéfiniment et qu'il devait trouver un endroit où le faire parler. Obtenir de nouvelles informations sur Deadline. Et, surtout, se débarrasser du chauffeur avant qu'il ne devienne trop encombrant. 

Alan n'avait pas l'intention de le tuer, loin de là, mais il ne voyait aucune autre alternative pour qu'il n'aille pas révéler ses actes à ceux qui le recherchaient déjà. Il s'arrêta donc dans une ruelle du vingtième arrondissement, éteignant les lumières, les phares et le GPS de la voiture. Il devait être invisible et il devait faire vite. Il se détacha et enroula les mains du conducteur à l'aide de sa ceinture de sécurité. Le nœud ne laissait probablement pas passer le sang mais l'homme devrait s'en accommoder. 

Une fois qu'il fut certain que celui-ci ne pourrait pas faire de mouvements brusques, Alan verrouilla les portes de l'intérieur et donna une gifle à son passager endormi. Ce dernier se réveilla en sursaut et posa les yeux sur son ravisseur avec un certain mélange de terreur et de colère. Il semblait avoir perdu toute la prestance et le charisme qui avait effrayé Alan jusqu'ici. Il n'était plus l'homme redoutable qu'il avait connu. Face à un adversaire plus fort que lui, il s'avouait vaincu et cela se traduisait par une voix presque suraiguë qui failli faire sourire le jeune homme. 

– Je... Je ne voulais pas vous faire du mal, bafouilla l'homme tondu en reculant contre la portière. Je suis juste payé pour les enveloppes. Je vous le jure ! 

– Qui te les donne ? 

– Une femme. Une grande femme, noire, la trentaine, les cheveux bouclés et bruns. 

– Combien t'es payé pour ça ? 

– La voiture et deux mille euros par mois en petites coupures. 

Alan se rapprocha de lui, doucement, jouant sur cette toute nouvelle crainte qu'il inspirait et dont il comptait bien profiter. Il sentit l'odeur âcre de la transpiration mêlée à une touche, plus amère cette fois-ci, de sang, celui-là même qui coulait de son nez. Alan savait qu'il lui faisait peur, une peur rationnelle : l'homme en question lui avait chargé de mettre hors d'état de nuire plusieurs dizaines de personnes et il était toujours revenu, sûr de lui, attendant sa nouvelle victime. Même s'il n'était pas au courant du contenu des enveloppes, il savait, au minimum, la tâche qui était imposée au combattant. Et, à présent, ce même combattant avait décidé de se retourner contre lui, pour quelques informations. Il n'était pas fou, il tenait à la vie. Mais cela ne l'empêchait pas d'avoir peur. 

– Où est-ce que tu rencontres cette femme ? 

– Dans un club privé, près de Pigalle. Les coordonnées sont dans le GPS, la touche représentant la petite maison. Ah et elle s'appelle Nirina, elle est très belle ! Je vous en prie ne me tuez pas, je vous en supplie... 

Alan regarda par la vitre et ne constata pas d'activité inhabituelle. Il se contenta d'adopter son air le plus mystérieux possible afin de garder une quelconque crédibilité. En réalité, il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il ferait de ces informations : aller voir cette femme ? Pour lui dire quoi ? Qu'il voulait des informations sur Deadline ? Qu'il avait l'As de pique ? Il allait lui falloir de bien meilleurs arguments pour se pointer là-bas. 

– Je ne vais pas te tuer, commença le jeune homme sans le regarder. Je ne tue pas les gens. 

– C'est pas ça vot' job ? tenta-t-il d'articuler en reprenant ses esprits petit à petit. 

– Je n'élimine personne. Je tape là où ça fait mal pour obliger ces gens à payer. Du moins c'est ce que je faisais avant... 

 Alan regarda son téléphone pour savoir précisément le temps qu'il avait mis pour faire toute cette opération : près d'une demie-heure, beaucoup trop longtemps à son goût pour aussi peu d'informations valables. Il s'attendait à un endroit précis, un quartier général où il aurait pu se rendre et espionner afin d'obtenir des indices sur la position d'Andrew et sur ce qu'il pourrait bien faire de son fichu programme informatique. L'idée de l'échanger contre son ami lui avait, bien sûr, traversé l'esprit, mais si Deadline était réellement une association mafieuse, il serait tué sur le champ ou peu de temps après qu'ils auraient récupérés leurs précieuses données. Alan était complètement perdu. 

– Vous n'avez pas la moindre idée de l'identité de la personne pour qui vous travaillez, n'est-ce pas ? demanda le jeune homme sans même se retourner.

– J'ai cru comprendre qu'il était surnommé M, d'après la fille dont je vous parle... 

Il perdait petit à petit le ton de frayeur qu'Alan avait perçu au début de leur conversation. Il se rassurait, il avait de moins en moins peur de son interlocuteur. Le jeune homme perdait tout intérêt à écouter les détails qu'il lui donnait concernant la description physique du bonhomme en question. Le pilote l'avait croisé, une fois, alors qu'il recevait les dites enveloppes des mains de la dénommée Nirina. Cependant, Alan l'avait déjà vu dans les fichiers informatiques qu'Andrew avait piraté. Il savait à quoi il ressemblait et que son vrai prénom était Marco. Était-ce de la chance ou simplement le destin qui voulut que le jeune homme écouta au bon moment : 

– ... Il avait une tête de serpent, un peu comme celui de l'enseigne du club où j'ai rendez-vous.

 Alan se tourna brusquement vers lui et l'attrapa par le col de son costume, l'attirant vers lui brutalement. Leurs visages n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. 

– L'enseigne du club est un serpent ? 

– Oui : un cobra qui ouvre la gueule avec deux énormes crocs. Le nom du club c'est « Bite me ».

L'illumination se posa sur ses épaules alors qu'il voyait enfin un intérêt à se jeter dans la gueule du loup : le sigle de Deadline était ce serpent, ce même serpent dévoilant son pouvoir de destruction. La société avait été assez naïve pour donner rendez-vous à ses hommes de main dans ses propres locaux. Et quoi de plus passe-partout qu'un club de strip-tease au milieu de Pigalle ? La couverture était idéale : c'était l'un des meilleurs endroits pour s'adonner à la prostitution, au recel et à la vente de produits illégaux. Un business en or !

Alan avait laissé le chauffeur de la voiture au beau milieu de la ruelle, attaché à l'unique lampadaire à l'aide de la ceinture de sécurité du véhicule qu'il avait arraché de son logement sans plus de ménagement. Il l'avait également bâillonné sans lui faire de mal mais avait tout de même proféré un nombre incalculable de menaces pour le dissuader de mêler son nom à une quelconque révélation auprès de ce fameux M. 

De toute façon, Alan se savait en danger plus que jamais à présent : le chauffeur connaissait son identité et pouvait le dénoncer à tout moment, Andrew pouvait parler d'un instant à l'autre s'il n'était pas déjà mort et pour se protéger, il avait en poche ce mystérieux programme informatique inutile que son ami avait dérobé par mégarde.

Il était à présent devant le club dont lui avait parlé le pilote, un établissement pour le moins douteux avec une façade attirant facilement l'œil des badauds venus ici dans une quête bien précise : assouvir quelques besoins charnels. La baie vitrée était relativement couverte de néons de toutes les couleurs, cachant partiellement la vue que l'on aurait pu avoir de l'extérieur, mettant simplement en évidence le cobra éclairé de rouge vif avec le nom du club entre ses crochets. 

La porte d'entrée, quant à elle, s'enfonçait dans le sol, derrière deux petites marches de béton. Alan regarda dans cette direction, caché derrière la voiture qu'il avait « emprunté » et se demanda s'il était réellement raisonnable de mettre les pieds ici. Après tout, il ne devait pas être le bienvenu dans un tel lieu. Toutefois, il aurait pu se faire une idée précise de l'endroit et préciser si oui ou non ce lieu était le quartier général de Deadline. 

Prenant son courage à deux mains, le jeune homme fit quelques pas dans la rue et pénétra à l'intérieur du bâtiment, calmement. La lumière tamisée n'éclairait pas assez pour qu'il puisse observer autour de lui. Il se retrouva plongé dans une semi-pénombre qui n'était qu'entrecoupée de flash de lumière en direction d'une scène, derrière un escalier de bois quelque part sur sa gauche. En face de lui se tenait un petit comptoir avec un petit homme au teint cireux. Quelques boutons rougeâtres défiguraient son visage tandis que ses yeux semblaient se recroqueviller derrière une paire de lunettes rondes. Il fixa Alan de haut en bas avant d'arborer un petit sourire que le jeune homme trouva glacial. 

– Si vous désirez descendre et admirer le spectacle, la place est à vingt euros. 

Il sortit son porte-feuille d'une des poches de son sweat et remit un billet bleu à l'ouvreur. Il allait se diriger vers l'escalier lorsque le petit homme se racla la gorge. Alan sursauta et se retourna vers lui. 

– Puis-je prendre votre blouson, monsieur ? 

– Non, merci. 

– J'insiste, monsieur. 

Les yeux d'Alan s'étaient habitués à la pénombre et, à présent, il voyait clairement le visage de son interlocuteur devenir véritablement sérieux. Il devait faire le nécessaire pour ne pas attirer l'attention sur lui et lui remit donc son sweat sans oublier d'enlever son porte-feuille et son précieux téléphone qui contenait les données pour lesquelles il risquait sa vie à présent. 

Descendant les marches, il sentit le niveau sonore de la musique augmenter et ses oreilles furent bientôt aussi bourdonnantes que les enceintes qui émettaient ce bruit infernal. Une musique techno, sans aucun doute, mais parsemée de notes plus langoureuses afin que les strip-teaseuses puissent remuer leurs hanches dans un rythme assez sensuel. 

Alan s'avança doucement, observant autour de lui : de nombreux canapés de satin rouge étaient disséminés de part et d'autres de la longue pièce sur lesquels des hommes de tous âges, ainsi que quelques femmes, se tenaient allongés pendant qu'une ou plusieurs professionnelles dansaient autour d'eux. Certains, les plus riches d'entre eux, tenaient entre leurs mains quelques lourds billets d'argent qu'ils glissaient entre les quelques sous-vêtements restants de ces demoiselles. Au vue de l'heure avancée de la nuit, celles-ci n'étaient que très peu vêtues, voire complètement nues. 

Deux barres de pole-dance étaient fixés au milieu de la salle, cassant l'harmonie de la pièce qui ne semblait décorée que de ses canapés, si ce n'était le grand bar planté juste derrière elles, là où un gigantesque barman était en train de mixer quelques alcools d'un geste énergique. 

Alan alla s'asseoir sur l'un des sièges de ce bar et commanda une bière, poliment. L'homme acquiesça sans lui adresser le moindre regard. Il n'en fut que plus soulagé. Il ne savait pas si quelqu'un pourrait le reconnaître dans tout ce petit monde souterrain. 

Il se détendit, l'espace d'une seconde, ne pensant plus à rien d'autre qu'au battement incessant de la musique électro et tentant de remettre ses idées en place : aujourd'hui, à l'heure actuelle, il ne pouvait rien faire du programme, ni le décoder, ni le rendre en échange d'Andrew. Sa seule option était de l'enterrer quelque part et que personne ne le retrouve jamais ou bien le supprimer définitivement de tout appareil électronique. Mais, dans ce cas-là, Andrew serait perdu à tout jamais et il vivrait constamment avec la peur d'être retrouvé par Deadline. Sa deuxième option était donc de démanteler le réseau mafieux afin de mettre un terme à toute cette histoire. Et plus il regardait autour de lui, et plus il était certain que cet endroit appartenait à Deadline : le serpent apparaissait sur tous les murs du club et un « D » rouge ornait la porte au fond la salle. Il était presque certain que cette porte pourrait le mener directement dans les bras de ceux qui retenaient Andrew mais il ne pouvait pas prendre de risque inconsidéré.

Alan termina donc sa bière et s'avança à nouveau en direction de cette porte. Il passa à côté d'une des danseuses dans laquelle il cogna son épaule par inadvertance. 

– Excusez-moi, murmura-t-il. 

– Pas grave mon beau. Tu veux une danse ? 

La jeune femme n'était habillée que d'un haut noir à l'échancrure profonde au niveau de la poitrine et d'un string à paillettes partiellement déchiré qui laissait entrevoir ses courbes féminines les plus intimes. Alan regarda ses yeux lorsqu'il s'en aperçut et vit la profondeur de ceux-ci : ils étaient cernés de noir. Un noir qui ne provenait pas de son maquillage bon marché mais des cernes qu'elle avait autour de ses paupières, provoquées par les nuits blanches et l'absorption de drogues en tout genre. Les vaisseaux sanguins de ses yeux étaient pour la plupart injectés de sang, lui donnant un regard de morte-vivante malgré le sourire radieux qu'elle tentait d'arborer en le regardant. 

– Non, merci. 

La danseuse se détourna aussitôt de lui, reportant son attention sur une autre proie, bien plus riche selon elle, rien qu'à la vue du costume hors de prix qu'il arborait.

Alan fit quelques pas supplémentaires et passa à côté d'une cabine dont le rideau de soie rose était mal fermé : une autre « employée » était en train de faire une fellation à l'un de ses clients richissimes pendant qu'une autre dansait, complètement nue, frottant ses attributs féminins contre le visage de l'homme en question. Les deux femmes bougeaient et vibraient au son de la musique mais l'image de leur corps et de leur visage n'avait plus rien d'humain : leurs traits étaient tirés par la fatigue et l'addiction. Leurs peaux n'étaient plus qu'un tissu grisâtre sous lequel transparaissaient les quelques filaments bleutés de leurs veines, malmenées plusieurs fois par jours, sans aucun doute. 

Alan ne put s'empêcher de tourner la tête et de s'asseoir sur l'un des canapés, occupé par une femme, seule. Le jeune homme n'y fit même pas attention tant il tentait de respirer pour retrouver son souffle et arrêter l'envie de vomir qui lui cisaillait le ventre. Il savait que Deadline était une organisation mafieuse à présent. Il s'en était toujours douté mais il en avait la confirmation avec cet endroit où les humains n'étaient rien d'autres que des morceaux de viande ou d'énormes chéquiers. Il n'y avait aucun milieu pour ces gens-là. Et pour ce qu'il pouvait en voir, le club était assez fréquenté pour obliger une dizaine de filles à faire le show sur une musique aussi angoissante que possible. Il n'y avait absolument rien de sensuel là-dedans. Tout semblait aussi macabre qu'un futur cimetière pourrait l'être. 

Pris d'une nouvelle détermination, Alan se releva et se glissa silencieusement vers la porte qu'il convoitait depuis qu'il était rentré ici. Personne ne le regardait et toute l'attention des clients était focalisée sur les danseuses qui se trémoussaient tant bien que mal. Même le barman ne s'occupait pas de lui. Personne ne semblait avoir d'information quant à l'arrivée imminente et gênante d'un intrus dans leurs locaux. L'infiltré devait en profiter au maximum. 

Il posa sa main sur la poignée et l'abaissa doucement. A peine eut-il jeté un regard à l'intérieur qu'une main se posa sur son épaule, le faisant sursauter une nouvelle fois. Il se retourna et ferma violemment la porte mais le mal était fait : quelqu'un l'avait vu tenter de rentrer par cette porte. Et, en regardant bien, il se rendit compte que ce quelqu'un n'était pas n'importe qui : c'était la femme assise sur le canapé de tout à l'heure. Elle avait la trentaine, grande et la peau noire. Ses cheveux crépus formaient un parfait cercle au-dessus de son visage mais celui-ci était trop peu éclairé pour qu'Alan puisse voir ses traits précisément. La seule chose dont il était certain, c'était qu'elle souriait. Elle ne lâchait pas son épaule et montrait ses dents blanches dans un sourire à faire trembler de peur n'importe qui. Le jeune homme se contenta de rester impassible et attendit que la sanction ne tombe, qu'elle l'emmène vers le fameux M. Mais, au contraire, elle se contenta de se pencher en avant, dévoilant un décolleté impressionnant, et de murmurer à son oreille : 

– Je sais qui tu es. Je peux t'aider. Suis-moi ! 

Elle lâcha son épaule et se retourna. Elle allait se mettre à marcher quand elle se rendit compte qu'Alan n'avait pas du tout l'intention de la suivre. 

– M n'est au courant de rien, lui assura-t-elle. Et j'ai, moi aussi, besoin de tes services, alors suis-moi si tu tiens à la vie et à celle de ton ami. 

L'ouïe d'Alan se tendit lorsqu'elle parla d'Andrew. Il s'agissait bien de la dénommée Nirina et elle était au courant pour l'enlèvement de son ami. Il n'avait pas le choix, il devait la suivre, même si son instinct lui dictait qu'il courait un danger imminent, il n'avait pas la moindre piste à suivre à part celle dans laquelle il venait de se plonger, seul. 

Il emboîta donc le pas à la dame qui monta les escaliers devant lui. En sortant, elle glissa un billet à l'ouvreur qui tendit son sweat à Alan. Il eut juste le temps de la voir poser un doigt sur ses lèvres en direction du petit homme qui se contenta d'acquiescer avant de sortir de l'établissement. Il la rejoignit dehors et ils montèrent ensemble dans la voiture qui démarra en trombe à la demande de la passagère sous le regard vif et interloqué d'une passante qu'Alan n'avait pas remarqué. 

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