Taehyung se rongeait nerveusement les ongles, une tension fiévreuse l’étreignant dans la salle d’attente, un espace devenu étriquée et oppressant pour ses pensées tourmentées. Le tic-tac de l’horloge résonnait dans son esprit, s’insinuant dans chaque recoin comme une mélodie sinistre. Chaque minute semblait une éternité, mêlant l’angoisse à une vigilance exacerbée. Ses nerfs étaient à vif, vibrant au moindre frémissement de l’air. La nuit précédente, il avait été frappé par un insomnie déchirante, dérangé par des pensées obscures et des images cauchemardesques qui défilaient sans relâche dans son esprit.

Alors qu’il attendait que son ami Namjoon le fasse entrer dans son bureau, son esprit revivait les événements de la veille, une scène gravée dans sa mémoire qui le faisait trembler encore maintenant.

Il avait proposé à Jungkook de dormir chez lui, pensant qu’un changement de décor pourrait l’aider à apaiser ses tourments. Mais la nuit lui avait réservé une surprise terrifiante. Alors qu’il était sur le bord du sommeil, Taehyung avait été éveillé par une présence dans la pièce. Une silhouette se tenait là, dans l’obscurité, encadrée par des ombres inquiétantes. Les yeux de Jungkook, plats et vides, étaient devenus d’un noir profond, semblant absorber toute lumière. Taehyung pouvait encore entendre cette voix dédoublée, un murmure suave qui serpentait autour de lui.

Haletant, il avait tenté de comprendre, d’interagir, mais chaque mot semblait s’évanouir dans l’abîme. Puis, un frisson l'avait traversé alors que la silhouette disparaissait, le laissant dans un froid glacial, comme s’il avait été témoin d’un phénomène hors de ce monde.

Il se laissa submerger par ses pensées tourbillonnantes alors qu’il franchissait finalement le seuil du bureau de Namjoon.

"Bonjour Namjoon," murmura-t-il d’une voix à peine audible, s’efforçant de paraître calme.

Le sourire chaleureux de Namjoon fut une lueur réconfortante dans l’obscurité de ses pensées, mais il savait que ce jour ne serait pas facile. Il s’assit, son cœur battant à tout rompre dans sa poitrine.

"Taehyung, nous travaillons dans le même hôpital, mais ces derniers jours tu es resté insaisissable. Qu'est-ce qui t'amène aujourd'hui ?" interrogea Namjoon, son ton plein de curiosité et de sympathie.

La voix de Taehyung se bloqua dans sa gorge. "Je... penses-tu que les crises de psychose peuvent se transmettre ?" balbutia-t-il, ressentant le poids de ses mots comme une pierre.

Le visage de Namjoon se figea, trahissant une surprise qui se transforma rapidement en préoccupation. "Bien sûr que non, Taehyung," répondit-il doucement, essayant de poser une main apaisante sur le bras de son ami. "Que t’arrive-t-il vraiment ?"

L’inquiétude de Namjoon ajoutait à la pression qui pesait sur Taehyung. Ses pensées s’entremêlaient, se battant dans une cacophonie de doutes et de peur. Comment expliquer ce qu’il avait ressenti, et ce qu’il avait vu ? L’angoisse le rongeait.

Taehyung esquissa un rire fébrile, tentant de masquer l’angoisse qui l’étouffait. "Tu sais quoi, je crois que j'ai juste besoin de prendre du recul," articula-t-il avec un effort désespéré. "Je vais prendre quelques jours de repos et rendre visite à mes grands-parents. L'air frais de la campagne me fera du bien," ajouta-t-il à toute vitesse.

"Attends," commença Namjoon, mais Taehyung avait déjà quitté le bureau, fuyant cette conversation qui faisait resurgir ses démons. Les couloirs de l’hôpital paraissaient labyrinthiques, chaque pas résonnant d’une manière angoissante alors qu’il essayait de quitter cet endroit.

Mais alors qu’il s’approchait de la sortie, une sensation oppressante s’empara de lui. Un frisson glaçant parcourut son échine, et il avait l’étrange impression qu’un regard sinistre le fixait depuis un coin obscur. C’était comme si les ombres elles-mêmes prenaient vie, guettant tel un prédateur affamé.

Ses pas s’accélérèrent, alors qu'une détermination frénétique s’emparait de lui. Il devait trouver des réponses, plonger dans l’obscurité, déterrer la vérité qui se cachait sous la surface. Et quelque part, tapie au plus profond de lui, une pensée terrifiante le hantait : et si Jungkook avait raison ? Que se passait-il réellement autour de lui ? Que deviendrait-il s'il ne pouvait pas échapper à cet état d'incertitude insupportable ?

"Il ne faut pas…" murmura-t-il, ses propres pensées lui semblant résonner comme un avertissement. "Je veux des réponses… mais à quel prix ?"

Dans la lumière blafarde du couloir, Taehyung sentit son cœur sombrer dans la mélancolie et la peur, dévoré par une angoisse qui menaçait de l’avaler tout entier, tout comme Jungkook semblait être englouti par ses propres démons.

°

Engourdi par les vestiges d’une nuit tumultueuse, Jungkook peinait à se concentrer sur les explications de son enseignante. L’euphorie de la fête d’hier résonnait encore en lui, enveloppant son esprit d’une brume épaisse. Il rêvait déjà à l’arrivée tant attendue de midi, ce moment propice à retrouver ses amis et à assouvir enfin son appétit affamé. Entre la fatigue qui le happait et la faim qui le taraudait, il s’impatientait, indifférent aux paroles qui se perdaient dans le vide de sa conscience ensommeillée.

Sa meilleure amie, Ji-hye, semblait être absente depuis trois semaines maintenant, un phénomène troublant dont il ne parvenait pas à saisir l’importance. Il gardait l’espoir que tout s’arrangerait bientôt, que sa joie de vivre reprendrait le dessus. Alors qu’il se préparait à quitter l’amphithéâtre pour rejoindre ses camarades à la cafétéria, un cri de sa professeure le fit revenir à la réalité.

"Monsieur Jeon, la prochaine fois que vous vous assoupissez dans mon cours, je vous demanderai de quitter la salle," lui asséna-t-elle, son regard tranchant comme une lame.

Jungkook, la voix mielleuse, tenta de masquer son embarras. "Désolé, madame Han. Cela ne se reproduira plus," rétorqua-t-il, malgré la honte qui l’envahissait. C’était un mensonge qu’il savait évident, prononcé avec désinvolture, alors qu’il réalisait que son besoin irrépressible de sommeil après cette soirée arrosée était devenu une obligation sinistre.

En naviguant à travers les couloirs encombrés de l’université, son téléphone à la main, Jungkook défilait les photos de la soirée sur Instagram. Les clichés capturant des moments de joie éclataient sur l’écran, dévoilant leur éclatante réalité au monde numérique. À chaque nouveau follower, il ne pouvait s’empêcher de sourire, un sourire qui cachait un vide insupportable. "Bientôt les cinq mille abonnés," pensa-t-il, se sentant soudain comme une célébrité éphémère.

"Jungkook ?"

La voix familière le fit stopper net. À travers la foule, il distingua Ji-hye, enveloppée dans un pull bien trop grand, son visage pâle et fatigué, en guerre contre des ombres invisibles.

"Ji-hye ?! Je pensais que tu n'étais pas là aujourd'hui," dit-il, la surprise et l'inquiétude mêlées dans sa voix.

Un regard désespéré dans les yeux, elle s’avança, la voix tremblante. "J’ai besoin que tu me croies, si… si nous ne faisons rien, ce sera ton tour." Ses mots résonnaient avec une détresse poignante.

Jungkook soupira, une fatigue lancinante pesant sur ses épaules. Les paroles de sa meilleure amie ne faisaient que l’inquiéter davantage. Depuis qu’ils avaient participé à ce guignol appelé jeu, Ji-hye semblait glisser dans un abîme de folie.

"Écoute, tu devrais vraiment voir un psychologue, ce n'est pas..." commença-t-il, mais elle l’interrompit, son amertume l’animant.

"Tu ne me crois pas," dit-elle, le ton amer, avant de s’éclipser en courant, laissant derrière elle un tourbillon de doutes et de questions.

Quelques jours plus tard, le monde s’écroula pour Jungkook. Ji-hye était internée dans un hôpital psychiatrique, et il reçut l’horrible nouvelle qu'elle s’était donnée la mort. Le choc inonda son cœur, transformant son univers en un tourbillon obscur. Le déni devint son refuge, sa seule façon de supporter ce vide insoutenable, jusqu’au jour fatidique de l’enterrement.

Face aux tombes silencieuses et aux visages sombres du cortège funèbre, l’émotion jaillit de lui. Les larmes, aussi chaudes que la douleur, inondèrent son visage. "Pourquoi n’ai-je pas pris ses mots au sérieux ? Pourquoi ne l’ai-je pas aidée ?" songea-t-il, submergé par un flux de regrets. Il avait ignoré ses appels à l’aide, considérant ses paroles comme de simples délires.

Après les funérailles, Jungkook s’enferma dans sa chambre, fuyant la lumière du monde, s’enveloppant dans l’obscurité de sa douleur. Les jours se succédaient, prisonniers d’un isolement silencieux, jusqu’à ce qu’une nuit, tout bascule. Un schéma terrifiant, identique à celui de sa défunte amie, s’immisça dans sa vie. D’abord, se furent des voix, des murmures insaisissables qui appelaient son nom. Puis, cela devint plus troublant, une présence sombre et menaçante s’installa dans son quotidien.

Ignorant tout de la nature de ce phénomène insidieux, Jungkook était désormais convaincu d’une seule chose : une force malveillante se tapissait dans l'ombre, l'observant avec avidité. Le souvenir de Ji-hye le hantait, et alors, il comprit : son tour était venu.

Et comme lui avec sa meilleure amie, personne ne le crut.