- Bon, on fait quoi ? demanda Artichaut, qui venait enfin de rejoindre son ami. On ferait peut être bien  de se carapater vite fait bien fait...

-En effet, approuva Haricot. Mais il ne pouvait se résoudre à quitter le lac des yeux, et ses pieds semblaient fixés au sol. Quelque chose en lui ne voulait pas partir. Cela le surprenait. Il ne pensait pas être un héros, pourtant. Il prit sa décision, enfin, et regarda Artichaut avec sérieux. Il ferait ce que son cœur lui dirait.

- Tu as totalement raison. Allez viens on se casse.

Les deux légumes se dirigèrent vers le toboggan express en trottinant.

- Tu m'as fait peur, j'ai cru que tu me laissais et que tu partais les chercher.

- Bah figure toi que j'ai hésité. Mais franchement, j'avais pas envie de risquer de mourir juste dans l'hypothèse qu'ils restent de mourir. Et puis on les connaissait pas trop, monsieur Carotte et madame Omelette. Et puis c'est pas à nous de nous en mêler. Et puis...

- Ouais ouais, j'ai pigé. T'es vraiment pas un héros, toi, ajouta-t-il avec un rire amusé.

- Clairement pas ! renchérit haricot.

Mais alors qu'ils avaient presque atteint le toboggan express, un terrible grondement retentit derrière eux. Les deux légumes se retournèrent d'un même élan et se jetèrent un regard terrifié : le lac venait de déborder de la cuve ! Et il venait vers eux à toute vitesse ! Vite, ils se lancèrent dans une course effrénée vers le toboggan. Malheureusement, c'était trop d'efforts pour ce pauvre Artichaut, qui s'arrêta au bout de seulement 20 centimètres de course.

- Continue... Sans... Moi... haleta le pauvre légume.

Avec un regard décidé, haricot tourna les talons et vint prendre Artichaut sur son dos.

- On s'en sortira... Ensemble !

Mais c'était un haricot. Et Artichaut était un Artichaut. Le pauvre haricot n'eut même pas le temps de faire un millimètre avant de tomber par terre face la première, Artichaut l'écrasant de tout son poids.

- Urghhh, grommela-t-il, la tête pressé contre la dure surface de la cuve.

Mais il n'eut pas le temps de de s'apesantir sur cette sensation inédite, l'eau du lac les heurta de plein fouet.

Il n'y avait plus ni eau ni bas, seulement le tourbillon qui molestait haricot dans tous les sens, le fesant chavirer encore et encore. Heureusement que je n'ai pas besoin d'oxygène, songea le petit légume. Le temps passa. Combien, haricot ne saurait le dire. Mais finalement, la tempête sembla se calmer. Doucement, des bulles d'air montaient vers le haut, et haricot se laissa porter jusqu'à la surface.

Lorsqu'il ouvrir les yeux, il ne comprit pas tout de suite où il était. Au lieu de l'habituel ciel gris couleur cuve, il voyait à la place plus loin. Plus loin !? C'était impossible. Mais beaucoup de choses qui semblaient impossibles s'étaient révélées possibles, en fin de compte. Haricot en tira une leçon très importante : "l'impossible, c'est possible". Tout grave de sa découverte, il passa quelques minutes à philosopher sur la vie éphémère du haricot avant de retourner se concentrer sur cet étrange ciel.

C'était un ciel quadrillé, d'un gris un peu plus clair que la cuve. Et d'étranges faisceaux de lumières illuminaient le lac de leurs regards féroces, faisant mal aux yeux de haricot. Après avoir contemplé cet étrange produit de la nature, haricot se retourna sur le ventre et se mit à nager vers le rivage. Il s'inquiétait pour Artichaut, qui était peut être quelque part au milieu du lac, et dans l'incapacité de rejoindre le bord de la cuve, vu son manque d'endurance.

Haricot accosta sur le rivage et se mit tout de suite à l'appeler. Il courut sur tout le rivage, cherchant en vain son ami, appelant à s'en casser la gorge . Mais pas de réponses. Alors haricot s'assit sur a cuve, en boule, et se prit la tête entre les bras, désespéré.

- C'est ma faute ! Je n'aurais jamais dû hésiter autant à partir, c'était trop dangereux ! Pendant un instant, je me suis senti l'âme d'un héros, et j'ai cru être fort! Mais quel crétin ! Je savais pourtant qu'il avait des problèmes cardiaques, j'aurais dû me dépêcher ! Me douter de quelque chose quand j'ai vu qu'il n'y avait personne ! Quel crétin je suis, mais quel crétin !
Et haricot se roulait en boule par terre, gémissant.

Il fut tiré de son désespoir par une voie inconnue, un appel, qui lui lança ces quelques mots :

- Héeee hooo ! Et toi, le... Euh... Bref, le truc vert allongé qui fait trop de bruit ! Oui toi ! Viens par là !