XXXIX. Le Roi dragonnier
« Zaen Philis... »
Felix au-dessus de son mur avait enfin posé ses pieds. D'une grâce infinie et les yeux brillant de pouvoir, il regardait les créatures qui volaient tout près de lui.
Des monstres cracheurs de feu qu'il n'avait fait qu'imaginer ou revoir dans des souvenirs semblables à des cauchemars. Pourtant à cet instant, ils lui semblaient petits, faibles et désordonnés.
Ils se battaient pour une guerre qui n'était pas la leur et obéissaient obstinément à des hommes qui les avaient brisés. Ils étaient totalement contrôlés, domptés et avaient perdu de leur superbe. En rien comparable avec Ysondre.
Ils étaient fragiles et Felix n'en avait pas peur.
Il fit lever ses mains et changeait les courants, les bêtes étaient déstabilisées, crachaient, soufflaient et les monteurs n'arrivaient plus à les contenir. Le vent s'engouffrait dans leurs ailes de manière anarchique. Les déchirements de leurs cris étaient douloureux à entendre alors qu'ils retombaient sur le sol, impuissants. Felix sautait alors du mur, plongeant dans le vide et emportait avec lui la montagne qui s'effondrait sur les bêtes écrasées au sol, les enterrant définitivement avec leurs maîtres.
Il n'était pas fier d'en arriver là, entendre le rugissement étouffé de majestueuses créatures déjà en voie de disparition lui serrait la gorge mais c'était les conséquences de la guerre et ce n'était pas lui qui l'avait provoqué.
Cette colère il savait contre qui la diriger et elle faisait rayonner son aura destructrice autour de lui. Posant les pieds sur le terre ferme, en même temps qu'il s'avançait au milieu des troupes qui se retournaient sur son passage, il n'avait plus qu'une cible. La commanderie d'Haendel présente, de l'autre côté de la vallée.
« Est-ce que ça va ? Demanda Felix en s'approchant de Seungmin.
- Mieux, maintenant que tu es là », lui sourit l'Alchimiste.
Les deux mages se regardaient dans une discussion silencieuse. Sentant ce lien qui les unissaient depuis des siècles et toutes les batailles qu'ils avaient traversé dans leur vie antérieure.
« Callum est aussi en chemin, il ne devrait plus tarder, répondait Felix à son interrogation imprononcée.
- Espérons qu'il n'arrive pas trop tard. »
Les deux mages se tournaient vers la ligne des dirigeants ennemis, perchés sur leurs chevaux. Un peu plus bas, les chevaliers qui étaient venus en découdre avec Changbin alors qu'il avait essayé d'arrêter les invocateurs, s'étaient arrêtés à bonne distance, l'encerclant sans pour autant l'attaquer. Les invocateurs en avaient profité pour s'éclipser et prendre de la hauteur. Ils se regroupaient avec d'autres mages et sorciers.
Les sorciers utilisaient des objets pour pratiquer leur magie et ne pouvaient utiliser les forces élémentaires, ni l'énergie spirituelle. Ils apprenaient simplement des sorts qu'ils utilisaient, sans pouvoir apprendre à les modifier, les rendre plus fort. Ils étaient limités mais ils étaient utiles sur le front, quand ils se mêlaient au soldat et qu'ils usaient de leur tour pour des attaques combinées.
Les invocateurs étaient une catégorie de mages, ils agissaient nécessairement en groupe et utilisait l'énergie naturelle. Ils étaient proche de la magie de l'Elémentaire et étaient capable également de faire apparaître des esprits et des créatures, comme le faisait les mages du Geai Bleu.
La combinaison des deux factions ne laissait rien présager de bon, Felix était parfaitement concentré, regardant chacune de ses cibles mais il se doutait que les chefs de guerre allaient faire concentrer la magie au maximum pour le retenir et l'empêcher de les attaquer. Au moins jusqu'à l'arrivée des renforts car il l'avait senti en s'approchant de la vallée : Fenrir était en route, et il n'était pas seul.
« Seungmin, commençait Felix d'une petite voix. Rejoins Changbin et occupez-vous des chefs de guerre. Je vais m'occuper de leurs mages.
- Toi tout seul ? Tu en es sûr ?
- Je ne vois que des invocateurs et des mages élémentaires. Rien qui ne m'effraie. Les sorciers déguerpiront que j'aurai rendu leurs forces inutiles.
- Et les nécromanciens ? J'en ai vu quand je suis arrivé. »
Felix savait qu'il aurait plus de mal avec les nécromanciens, ils utilisaient la magie noire, son ennemi naturel mais il balayait une nouvelle fois les rangs adverses, il ne sentait aucun nécromancien autour d'eux.
« Ils ont dû se cacher pour mieux attaquer mais ça ne me fait pas peur. Ne t'en fais pas. »
Felix était confiant et une telle sérénité ne pouvait que rassurer Seungmin. Il se sentait presque grisé par cette sensation de toute puissance de son leader. Il était jeune et encore novice, et pourtant il semblait avoir déjà vécu un millier de vies. Toute l'expérience de ses cycles antérieures l'avait fait murir bien plus vite que n'importe quel être humain. L'espace d'une seconde, il crut voir l'ancien Zephilis aux cheveux blanc et Iris, l'âme immortelle en lui, ne pouvait s'empêcher d'en être excitée.
« Fais attention à toi », conclut alors Seungmin tandis qu'il disparut pour rejoindre Changbin.
Felix portait son regard sur celui qui semblait être le stratège de la commanderie ennemie, la tête relevée et ne montrait aucune faille mais les déglutitions répétées qui faisaient remonter sa pomme d'Adam trahissaient ses réelles émotions : il avait peur. Et c'était une première victoire pour le Geai Bleu, une victoire psychologique et qui leur fera nécessairement commettre des erreurs.
Seungmin réapparut au milieu du cercle formé par les chevaliers autour du Berserker, Changbin ne sursauta même pas en le sentant à ses côtés.
« Un petit coup de main ? » Demanda le brun faisant alors apparaître une lance à la lame longue et aiguisée.
Les gravures sur le manche et sur le tranchant s'illuminaient en même temps que ses arabesques d'écritures vertes phosphorescentes. C'était l'arme de prédilection d'Iris, celle que chaque Alchimiste pouvait faire apparaître comme un prolongement de leur corps. Seungmin ne l'utilisait jamais, il avait même appris que très récemment son existence et en comprenant qu'il pourrait s'en servir il s'était un peu entrainé avec le Commandant. Changbin eut un petit sourire fier sur le coin des lèvres.
« J'arriverai à m'en sortir seul, il dit finalement. Tu devrais plutôt foncer sur eux. Il pointa la ligne des chefs de guerre. Je crois que leur stratège est un mage aussi.
- Oui, confirma Seungmin en le regardant dans les yeux. A n'en pas douter. Mais je ne sais pas encore sa nature.
- Alors va le découvrir. Ici, je peux me débrouiller.
- Tu en es sûr ?
- Pour qui tu me prends ? » Changbin faisait se croiser ses haches et son regardait devenait un peu plus sombre.
Une aura agressive, piquante se dégageait du Berserker.
« Je suis le Commandant des armées d'Agara. Ce n'est pas quatre pauvres chevaliers qui vont me faire peur. »
La force brute du Berserker commençait déjà à en changer la couleur. Seungmin était surpris de voir qu'il commençait peu à peu à maîtriser son état de transe : l'entrainement qu'il pratiquait depuis des mois commençait à porter ses fruits et il ne put que répondre à son sourire d'un petit rire euphorique. Il n'aimait pas les combats mais il devait bien l'avouer, se retrouver en présence d'autant de personnalité à la force brute lui donnait la chair de poule.
Il jeta un coup d'œil aux chevaliers hésitants qui les encerclaient toujours. Aucun d'eux n'osaient s'approcher et le mage savait alors que Changbin mettrait peu de temps à les défaire.
« D'accord. Je te laisse t'en occuper », Seungmin frappait le sol de sa lance, formant à sa pointe un cercle de téléportation et faisant reculer par la même occasion les chevaliers ennemis autour d'eux, craintifs à l'idée que cela soit une attaque.
« Quand tu auras fini, rejoins-moi pour le vrai combat, Majesté. »
L'Alchimiste lui fit un clin d'œil et Changbin quelque peu surpris se souvint finalement qu'il était le seul à savoir pour lui et Chan, et de la promesse qu'ils s'étaient faite. Il se retint de rire alors que le mage disparaissait d'un craquement sonore et qu'il se retrouvait seul face aux chevaliers ennemis.
« A nous », il murmura pour lui-même.
***
En ouvrant les yeux, Jisung eu du mal à se souvenir de qui il était, de ce qu'il s'était passé et de là où il pouvait être.
Son corps tout entier lui faisait un mal de chien et ses yeux n'arrivaient pas à s'habituer à la réalité. Il voyait trouble. Il se redressait presque par réflexe en grimaçant aussi tôt de douleur alors qu'il se tenait les côtes. Elles étaient cassées, et les bandages serrés qui traversaient tout son buste en étaient la preuve. C'est à peine s'il pouvait respirer sans sentir la souffrance lui faire tourner de l'œil.
Ses yeux se plissaient sous la lumière alors même qu'elle ne provenait que de quelques bougies posées sur une table en bois. Il était allongé sur un lit de fortune, fabriqué de tronc d'arbre er recouvert de paille et de feuille. Il sentait une odeur de plantes brûlées dans toute la pièce mais aussi celle du sang. La table était recouverte de tissu imbibé et il savait au fond de lui que ce sang était le sien.
Puis les souvenirs revenaient. Les souterrains du Plais de Cristal, Glass et sa gueule gigantesque, le ton suppliant de Minho quand il comprit le plan de Jisung. Fenrir, son rire, son regard indifférent et le combat. Puis alors qu'il se pensait mourir, les flammes qui avaient déchiré le plafond de la cave.
« Tu es passé tout près de la mort, Mage Blanc. »
Une voix féminine bourdonnait du fond de la petite pièce. Ressortant de l'ombre, vêtue de voile et les longs cheveux blond ondulés, le regard brillant de la dryade se présentait pour la première fois devant Jisung. Elle avait cette aura mystique propre aux créatures ancestrales et c'était la première fois qu'il voyait l'une d'elle avec une forme humaine. Les dryades étaient des êtres de nature, pures. Elles protégeaient les territoires magiques et étaient le plus souvent attaché à des forêts.
Lia était une dryade non moins connue qu'elle faisait le pont avec le monde des hommes. Elle représentait ceux qui ne pouvaient l'être, parlait en leur nom pour les protéger et était le lien constant du Geai Bleu avec le reste de la faune magique. Seungmin la connaissait bien, Minho aussi, elle aurait aidé Felix à achever sa réincarnation en lui montrant la voie et d'après ce qu'il en savait, l'herboriste d'Agora avait même un petit faible pour elle.
Jisung n'était pas un espion pour rien.
Il avait espéré la rencontrer un jour. Seulement son statut de Mage Blanc et surtout de traître lui avait laissé penser que si rencontre il y avait, elle ne se passera pas sous la meilleure des augures.
La dryade était un allié du Geai Bleu, Fenrir l'aurait tué sans aucune hésitation.
« Heureusement pour nous, tu n'es plus un traître, Han Jisung. »
Le barde redressa la tête, surpris. Elle pouvait lire dans ses pensées.
« Pas vraiment dans les pensées. C'est plus un ressenti. »
Jisung essayait de sonder sa propre âme mais la dryade esquissa aussi tôt un sourire alors qu'elle réduisait encore plus la distance entre eux, se retrouvant maintenant aux pieds du lit de fortune, juste en face du jeune mage. Jisung était sur la défensive, devant un mur psychique car elle fermait son esprit.
« Ne sois pas aussi méfiant, tu sais bien que je ne te ferai aucun mal. Je suis un être de neutralité. Que tu sois d'Haendel, de Pandore ou d'ailleurs, je t'aurai aidé de la même façon. Je suis pour l'équilibre. Et il en va du bien de tous les mondes que tu survives. Qui plus est...Je ne peux rien refuser aux esprits divins.
- Tu parles de Falen ? »
Lia sourit une fois encore mais cette fois son sourire était plus espiègle. La pièce était plongée, Jisung pensait même qu'il était dans une sorte de grotte ou de cabane souterraine, comme un terrier, aux vues du sol terreux et humide.
« Viens avec moi. Ils t'attendent tous. »
Elle reculait et Jisung jugea une seconde de son état physique, se demandant s'il n'allait pas tomber dès qu'il se serait redressé. Il prit néanmoins son courage à deux mains et amorça le premier pas. Une vive douleur parcourue tout son corps comme un courant électrique, jusqu'à lui faire pousser un long gémissement de douleur. Il ne s'attendait pas à souffrir autant, il se tenait au rebord de la table, expirant fortement. Ses os, ses muscles, c'était un vrai calvaire et il avait la sensation qu'il pourrait s'effondrer à tout moment, briser comme un vieux sac de viande, rejeté par la mer après un naufrage.
Il parlait en connaissance de cause, ça lui était déjà arrivé.
Le moindre mouvement déclenchait de multiples chocs qui le faisaient trembler, remontant jusqu'au crâne et faisant vaciller sa vue. Mais la dryade restait patiente, elle s'avançait et attendait après quelques pas qu'il la rejoigne sans pour autant l'aider à avancer. Ils longeaient maintenant tous les deux un long tunnel, l'hypothèse du terrier se confirmait à mesurer qu'il avançait en clopinant. Puis, peu à peu, l'air devint plus chaud, le vent plus fort. Ils regagnaient enfin la surface.
La bruit des animaux nocturnes de la forêt fut le premier son qui lui parvenait. Un mélange de grillons et d'animaux marécageux, des grenouilles, crapauds et autres coassements étranges qu'il ne saurait décrire.
L'air était toujours humide mais il se sentait moins oppresser à l'extérieur. Son torse peinait à se soulever sous ses respirations courtes, partagé entre la douleur physique et les bandages qui limitaient ses mouvements. Il était néanmoins soulagé. Il était en vie.
Puis soudainement il entendit un grognement et vu au loin un gigantesque jet de flammes au milieu des arbres, suivi des exclamations d'un homme.
Jisung était bouche bée, la silhouette gigantesque qui se dévoilait dans l'ombre, le brillant des écailles. Devant la bête, main tendue et rouspétant, une voix qu'il connaissait parfaitement comme appartenant au seul être qui avait le pouvoir de réveiller son cœur comme un milieu de tambours de guerre : Lee Minho.
Il sourit, bêtement. Dans les souterrains il avait bien cru ne jamais le revoir et le savoir si près, bien vivant et non pas issu d'un dernier rêve utopique avant le dernier souffle, il n'y avait pas sentiment plus intense. C'était un bonheur qui se suffisait presque à lui-même. Presque.
« Je t'ai dit qu'on ne pouvait pas encore rejoindre le Nord ! On doit d'abord aider mon royaume à repousser les ennemis, ici, à Vulci. Je ne laisserai pas Pandore partir en fumée.
- Fenrir sera là-haut. Plus vite tu en finiras avec Fenrir, plus vite tu pourras sauver les tiens. Le Geai Bleu n'est à son maximum que lorsqu'il est réuni. Ensemble. Au même endroit.
- Je sais ça, pour qui tu me prends ? Stupide reptile.
- Qui tu traites de stupide reptile ? Roi de pacotilles.
- Pacotilles ? Arrête tu m'insultes, se moquait maintenant Minho.
- Tu as raison, grognait le dragon, pourquoi je perdrais mon temps à parler quand je peux te griller comme une brochette ? »
Un rugissement plus fort retentit. Un autre dragon s'avançait. Blanc, immaculé, le regard émeraude brillant même dans la nuit noire et sans lune.
« Ça suffit vous deux. Vous me donnez mal à la tête », grondait le dragon blanc.
Sa voix grave et féminine fit frissonner Jisung qui était maintenant à quelques pas. Aussi tôt le dragon blanc se tournait vers lui, d'un élan calme et qui pourtant manqua de le faire sursauter. Il en avait le souffle coupé, la tête de la bête juste sous ses yeux qui le sondait sans un mot. Minho et Glass se tournaient à leur tour dans sa direction. Il sentit le monarque manquer de se ruer sur lui, mais il se retint quand Ysondre se penchait un peu plus, figeant Jisung qui déglutit devant le dragon mythique. Ysondrait touchait presque le haut de son crâne avec le bout de son museau.
« Enkil... » Elle soufflait, écartant légèrement la bouche.
Son souffle brulant, chargé en souffre faisait grimacer Jisung qui levait les mains en signe de paix. Sans savoir pourquoi puisque c'était la première fois qu'il rencontrait le dragon. Il avait bien essayé de le tuer...Mais ça, Ysondre n'était pas censé le savoir. Pourtant il jouait la carte de la prudence, il ne connaissait l'étendue de sa puissance et il la devinait assez impressionnante pour faire trembler tous les mages de chaque cycle du Geai Bleu. Il baissait presque le dos, sentant l'inquiétude s'insinuer le long de sa colonne.
« Redresse toi, Enkil, rassura finalement la voix du dragon. Tu n'as rien à craindre de moi. »
Jisung osa alors lever les yeux, croisant les prunelles intenses de la bête. Happé par son regard, il se sentait minuscule, impuissant et se demandait comment il avait pu songer une seconde qu'il pourrait l'anéantir. Tous les sorts du monde de tous les plus anciens livres ne pouvaient en venir à bout. Il en était persuadé maintenant et il se serait fait manger à la seconde, si Minho ne l'avait pas arrêté à temps.
« Je suis désolé, dit malgré tout Jisung. Désolé d'avoir même penser à...
- Tout va bien.
Sa voix était calme, presque apaisante maintenant et le dragon se mouvait lourdement, s'écartant assez pour qu'il ne puisse plus se sentir menacer.
- Pourquoi me soucierai-je de ce que tu n'as pas fait, quand je peux me réjouir de ce que tu as décidé de faire ? »
Jisung sentait un poids s'échapper de ses épaules et lui permettait de mieux respirer. Il avait ce regret toujours présent dans son cœur, d'avoir été assez faible pour se laisser emporter par la haine, croire qu'il pourrait en finir seul, en sacrifiant tout le monde sur son passage.
D'un autre côté, il n'avait pas abandonné l'idée de tenir sa promesse envers Jinyoung et cela, Ysondre le sentait aussi. La créature sacrée reculait davantage, laissant complètement le champ libre aux deux mages de se faire face enfin. Glass s'écartait à son tour, intimer secrètement par sa mère alors que Minho avait le regard rivé vers son amant. Son aimé. Son cœur cognait dans sa poitrine jusqu'à lui faire mal, ses pieds bien encrés dans le sol, trépignaient de pouvoir courir pour le prendre dans ses bras mais une retenue inconnue l'en empêchait. Comme une barrière invisible, le risque que tout disparaisse et que ça ne soit qu'un mirage alors qu'il avait réellement cru qu'il était mort. Au point d'avoir été complétement submergé par sa magie, d'avoir risqué de tous les emporter avec lui.
Minho se sentait au moins aussi honteux que Jisung et comprenait maintenant plus que jamais sa douleur. Ce sentiment qui s'extirpait de ses poumons dans un long soupire et fit tressaillir Jisung. Il leva la jambe le premier mais le geste maladroit, difficile, réveilla le monarque qui n'attendit pas plus pour se jeter sur l'ébène. Effrayé à l'idée de lui faire mal, il posait à peine les mains sur ses épaules, le serrait lentement contre lui jusque ce que Jisung lâche un petit rire, attendrit par sa délicatesse.
« J'ai envie de te tuer Han Jisung, pour m'avoir abandonné ou pour avoir cru que tu serais capable de le faire.
- Tu aurais fait la même chose que moi, ne joue pas les victimes. »
Minho s'écartait alors, sérieusement courroucé et surpris Jisung. Au milieu de la colère qui assombrissait son regard, c'était de la peine, de la peur qui le dominait. Il n'avait jamais vu Minho aussi fragile. Lui qui était toujours d'une force d'esprit inébranlable, lui qui ne montrait jamais sa peine, au point qu'il pouvait sembler parfois insensible. A cet instant, Jisung avait l'impression d'avoir le pouvoir de le briser, d'un geste, d'un mot. Et se sentir investi d'une telle emprise sur un être humain, c'était indescriptible. Dangereux et incroyable à la fois. Bien plus que le jour où il avait achevé sa réincarnation. Bien plus que le jour où il avait volé pour la première fois.
« Ne me refais plus jamais ça ! S'exclamait alors le Roi de Pandore. Plus jamais, tu m'entends ?
- Je...Je... »
Jisung n'en trouvait pas les mots. Il était totalement décontenancé, alors que Minho entourait maintenant ses épaules et le rapprochait un peu plus de lui, cachant son visage dans son cou pour mieux étouffer l'effluve de sentiment incontrôlables. Son cœur se gonflait, les lèvres pincées, le barde répondait à son étreinte, empreint de la même pudeur que s'il risquait de le blesser. Et pas seulement physiquement. Son corps chaud contre le sien, profitant de cet instant coupé du temps, du silence pour lui communiquer ses remords mais aussi son amour éternel.
« Si tu savais comme je t'aime..., murmurait Minho.
Jisung sourit.
- Je le sais. Parce que je t'aime aussi. »
Une même pensée qu'il partageait et qu'il les rassurait, les deux hommes se regardaient maintenant dans l'obscurité de la nuit. Minho glissa ses mains sur son visage égratigné, de ci de là, parcourant ses petites blessures en fronçant les sourcils, comme si elles étaient les siennes. Puis il se pencha pour cueillir un doux baiser. Sur la pointe des lèvres, juste pour sceller leurs deux peaux d'un geste tendre. Amoureux. Jisung en frissonna et ne put s'empêcher de sourire davantage, les yeux légèrement fermés, étirant ses lèvres et Minho y répondait d'un autre baiser, un peu plus profond, sans être brutale. Tous deux sentaient le rire poindre, signe du bonheur de se retrouver l'un avec l'autre. Bien vivant.
Après un temps de retrouvaille tout en douceur, les deux mages retrouvaient la dryade et les deux dragons. Minho aidait Jisung à avancer. Même si la salive d'Ysondre avait de forte propriété de guérison, ce n'était pas suffisant lorsque le corps avait pratiquement été broyé. Jisung avait sa magie presque tarie, il ne pouvait même pas utiliser ses sorts de récupération.
« Tu ne pourras pas m'accompagner, tu devras rester ici pour reprendre des forces », lui dit alors Minho.
Jisung ne le contredisait pas. C'était inutile, il ne pouvait même pas ouvrir ses ailes dans cet état.
« Lia s'occupera de te remettre sur pieds, dit il en présentant la dryade. Et une fois que ça sera fait, j'aimerait que tu ailles directement à Calcano.
- Et toi ?
- Je serai à Vulci, pour empêcher les troupes de remonter. Jian a besoin de moi et je refuse d'abandonner mon peuple.
- Même s'ils te détestent ? Tu sais, les natifs de Vulci voient les royaumes comme des traitres, le tien, celui d'Agora, de Londinium. Tous ont tourné le dos à leur Empereur jadis. En plus, ils doivent savoir que tu es du Geai Bleu maintenant. Je les connais bien, tu n'auras aucune gratitude, je suis bien placé pour le savoir, j'ai vécu un temps parmi eux, lui rappelait Jisung.
- Ils n'ont pas besoin de m'aimer. Je suis leur Roi. C'est mon devoir et quoi qu'ils pensent de moi, je les protégerai car c'est ce qu'un Roi doit faire. Jusqu'au bout. »
Jisung sourit devant sa détermination. Ils étaient bien différents, là où Jisung n'aurait pas hésité à partir si sa présence n'était pas désirée, voire à se venger pour l'insulte, Minho était un Roi sur le papier comme dans le cœur. Ce n'était pas simplement l'héritier, il se sentait investi de son rôle, qu'importe qu'il soit le Nécromancien. A n'en pas douter, c'était l'influence de Christopher qui parlait et il ne pouvait s'empêcher d'en être impressionné parce qu'il en serait tout bonnement incapable.
« Tu es un bon Roi, Minho. Je suis honoré d'être à tes côtés.
Le châtain rougissait presque en acquiesçant, ce qui fit grogner Glass, juste derrière lui.
- Que de mièvreries ! Quand est-ce que nous partons ? Monsieur le Grand Roi de Pandore.
- Tu vas me lâcher avec ça ! Tu fais ce que je te dis puis c'est tout, depuis quand un dragon s'y connait en stratégie militaire ? T'as vu la lumière du jour trois fois dans ta vie, alors si tu pouvais m'épargner tes leçons inutiles. » S'énervait une fois de plus Minho.
Jisung regardait la dryade, interrogateur et comprenant que la relation Minho/Glass était un peu étincelante. Lui qui les pensait plutôt sur la même longueur d'ondes. Non pas qu'il les sentait vraiment fâché l'un contre l'autre mais c'était comme de regarder des frères se chamailler. Ce qui pouvait être un peu étrange quand il s'agissait d'un mage et de sa monture. Quoi que, pas si improbable.
« Nous partons dès l'aube, conclut finalement Minho. Il ne tient qu'à toi d'en finir vite, le lézard.
- Et après, tu montes directement à Agora ? Demanda Jisung.
- Je viendrais d'abord à Calcano, pour m'assurer que tout va bien et nous partirons ensemble pour Agora. »
Ce qui est sûr c'est que Jisung ne connaissait rien à la stratégie militaire, il était rusé, du genre à s'occuper des missions d'infiltration et des assassinats silencieux, mais quand il s'agissait de bataille de grande ampleur, il n'avait aucune expérience. Il se laissait donc bien volontiers guidé par Minho, même si l'idée de le laisser partir seul et d'être en retrait ne l'enchantait pas.
Finalement se fut Ysondre qui brisât le silence, elle s'écartait à nouveau du groupe, commençait à battre des ailes et tous comprirent qu'elle allait s'envoler. Les quitter.
Jisung s'apprêtait à parler mais il se ravisa et finalement se fut Minho qui se leva pour s'approcher.
« Mon rôle s'arrête ici, Nécromancien. Je ne peux pas prendre part à la bataille.
- Je sais, tu es le gardien du Lac d'Urenal. »
Un lourd silence semblait brusquement s'abattre autour d'eux. Ysondre regardait Minho avec force et ce dernier sentait alors le trouble s'emparer de l'animal puis la légère agitation dans les propres mouvements de Glass qui redressa la tête, comprenant que quelque chose n'allait pas.
Ysondre, battit lentement des paupières, une mélancolie se dégageait de ses grands yeux vert.
« Il n'y a plus de Lac, dit-elle d'une voix lourde de sens. Plus de passerelle au Nord.
- Comment ça ? Demanda cette fois Jisung.
- Le Lac d'Urenal a été fragilisé par mon départ et je savais qu'en partant, Fenrir en profiterait pour aller chercher sa nouvelle monture dans les tréfonds des Terres Obscures. Et je savais exactement quel dragon aurait son choix même si j'espérais qu'il ne l'en estime pas digne...Le Lac a disparu. Avec lui, ma place dans le monde sensible. C'était mon choix et comme Oro, je dois quitter maintenant cette terre.
- Attend, mais tu m'as sauvé, tout en sachant ce qui risquait d'arriver ?
- Quitter cette terre ? » Demanda cette fois Minho.
Il était perplexe et l'animal continuait de l'observer, sans émotion particulière. Puis il se tournait, laissant le mage dans cette douloureuse réalité, insatisfait. Jisung essayait de s'approcher mais il se ravisait, voyant les grandes ailes du dragon se déployer, il serrait les dents, frustré, il fermait les yeux et les poings, étouffant tous ses mots de protestation qui pourrait vexer l'animal sacré.
« Ce n'est pas toi que j'ai sauvé, Enkil, elle dit alors. C'est ma conscience. »
Jisung releva la tête.
« Il y a longtemps, alors que je pouvais le faire, je n'ai pas agi. J'ai respecté mon serment de neutralité et j'ai laissé les mages se corrompre. Fenrir n'est que le résultat de l'inaction de tous ceux qui avaient le pouvoir de l'en empêcher. Aujourd'hui j'ai fait mon choix. Et c'est vous que j'ai choisi. Alors faites ce qu'il faut. Vous êtes les seuls gardiens aujourd'hui. »
Ysondre battit alors de grandes ailes blanches à plusieurs reprises, elle s'inclina comme un dernier salut puis soulevant des bourrasques, elle s'éleva dans les airs. Sans un mot de plus, jusqu'au plus haut dans le ciel pour enfin disparaître. Laissant ceux restés au sol mue d'une responsabilité nouvelle, Minho ravalait sa salive sentant la résignation de Glass qui regardait à son tour sa mère, pour la dernière fois.
***
L'aube se levait sur Vulci, Jian revenait de la tente de commandement, deux soldats sur ses pas.
« Mon Commandant, vous ne pouvez pas retourner sur le champ de bataille ! Votre plaie va s'ouvrir à nouveau !
- Il a raison, mon Commandant, vous risquez de vous vider de votre sang. »
Mais Jian n'écoutait rien, elle se dirigeait déjà vers son cheval préparé. Des nouveaux bateaux avaient amarré dans la nuit et elle se devait d'aller conduire son armée jusqu'à eux, avant qu'ils n'avancent jusqu'aux terres habités.
« Mon Commandant..., suppliait encore le soldat.
- Mon épée », elle ordonna.
Le garçon dût se résigner et tendre la grande lame que Jian calait sur une accroche, dans son dos. L'épée était si longue qu'elle ne pouvait la porter à la ceinture. Son poids pourrait presque la faire reculer mais elle était en réalité soulagée de la sentir, comme une armure supplémentaire, elle la rassurait. Cette lame avait été forgée spécialement pour elle avec l'ancienne épée d'Eivor lui-même.
Un cadeau de son peuple.
« Commandant, prenez ça avec vous au moins. »
Jian regardait le petit sac de jute tendu par le deuxième soldat. Le garçon était plus jeune qu'elle, presque un bébé à en juger par son visage juvénile. Il ne devait même pas être majeure et il était déjà dans l'armée.
« Qu'est-ce que c'est ?
- Des plantes médicinales. J'ai lu quelques livres et j'ai vu qu'elles pouvaient aider pour arrêter les hémorragies et faire diminuer la sensation de douleur. Avant de commencer la bataille, mâchouillez-en quelques-unes. »
Septique, elle accepta néanmoins, rangeant le petit sachet dans une petite sacoche. Le soldat s'écartait à nouveau et elle les observait, chacun leur tour. De bons éléments, trop jeunes pour mourir, mais ça lui faisait chaud au cœur de voir qu'elle pouvait compter sur leur loyauté, elle eut un léger sourire amer. Elle n'aimait pas la guerre. C'était un Commandant mais elle avait toujours détesté le conflit et c'était précisément pour cette raison qu'elle avait gravi les échelons. Elle espérait les empêcher et à défaut, les faire cesser rapidement. Pour éviter les morts innocentes. Mais c'était peut-être utopiste d'y croire encore.
« Ne soyez pas trop téméraire, sauver votre peau si l'armée d'Haendel arrive jusqu'ici, d'accord ?
- Mais...
- C'est un ordre. »
Et chevauchant au grand galop, elle rejoignait ses troupes qui se mettaient en marche jusqu'à la plage envahi de soldats delions.
Le vent marin dans les cheveux et le courage dans le cœur, elle se battait pour sa liberté et la parole qu'elle avait donné à son peuple. Les forces ennemies étaient encore plus nombreuses, plus fortes que la vieille et elle faisait fi de ses propres appréhensions, de ses douleurs à chacune de ses blessures. Ce jour sera surement son dernier, elle le sentait dans les embruns qui caressaient son visage alors qu'elle chevauchait en tête de son armée, criant pour extérioriser sa peur, son excitation et sa volonté de fer. Mais elle ne voulait pas mourir en guerrière, elle voulait mourir en victorieuse.
Elle n'abandonnera pas.
Croisant le fer avec chacun de ses visages ennemis dont elle ne se souviendra jamais, n'entendant que les voix, les chocs de métal puis le rugissement dans les cieux de deux dragons de glace. Elle se figea au milieu des combats, les yeux grands ouvert alors que les monteurs faisaient trembler son corps tout entier.
Mourir brûler vif, ce n'était pas dans ses projets et serrant les dents, elle pria pour la première fois de son existence. Les nouveaux dieux, les anciens et tous les esprits qu'a connu cette terre sacrée. Déesse de la victoire, dieu de la liberté, s'il en existait un, qu'il se penche au-dessus du peuple meurtri de Vulci et qu'il répare les erreurs du passé. Pour redorer leur histoire et leur honneur.
Les ailes puissantes qui battaient en échos dans l'horizon et ouvraient leur gueule, prêt à les carboniser mais un autre rugissement lui parvint, derrière elle, en haut de la falaise qui surplombait la plage.
« C'est le Roi ! Le Roi Fenrir !
- Non... »
Elle murmura entre ses lèvres en voyant le dragon de deux fois la taille des deux autres, aux écailles de verres, penché la tête et découvrir une aura pourpre debout sur le coup de l'animal. Avec un arc longue distance tendu, au-dessus de lui, la silhouette dressée d'un archer de fumée de la même couleur, couvert d'éclairs.
« Ce n'est pas Fenrir.
- Le Roi Minho », dit alors un autre soldat.
Et la flèche gigantesque se matérialisa, couvert par la foudre et la magie, Minho tira et le monstre de fumée en fit de même. La flèche gigantesque filait vers les deux plus petits dragons ennemis. Le ciel s'assombrit sur son passage, aspirant la lumière du jour comme un trou noir et percuta l'une des créatures. Une énorme explosion dans le ciel, une onde de choc et l'animal criant de douleur s'embrasa de rayons de lumière et explosion électrique. Le dragon de Minho battit à nouveau de ses grandes ailes et rugissant à son tour, fit jaillir de puissantes flammes bleues et qui vinrent brûler le deuxième dragon, le calciner avant même qu'il ait pu riposter.
« Ouha...C'est donc la puissance du Nécromancien.
- Pas le Nécromancien, c'est la puissance de notre Roi, rectifia Jian en resserrant son épée gagner d'un sentiment de fierté. A nous de lui montrer ce qu'on vaut aussi ! »
◯
○
.
Olààààààààà
Comment allez vous mes petits choux à la crème ?
Ca va vite être réglé à Pandore moi je vous le dis...MDR
Avec Glass on fait pas dans la dentelle !
On va se retrouver au prochain chapitre à Londinium avec Hyunjin puis on reviendra sur Agora et Felix 😀
Bientôt le finish
Je dirai encore trois chapitres...
A bientôt !
D.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro