XXXII. Le Père
Dans son Palais de Cristal, Fenrir déambulait devant sa table de préparation de guerre. Cette grande carte miniature représentant son monde, celui des humaines. Les montagnes, les terres glacées de son territoire, loin de tout, loin des autres royaumes du Continent. Il avait toujours été isolé, toujours eu une vie coupée du monde. C'était le propre des Sørensen. Resté éloigné pour mieux observer, pour mieux agir. Se forger dans la glace et le froid. Comme si cela suffisait à faire d'Haendel un peuple fort, fier, à faire d'eux des hommes supérieurs.
Foutaises. Il n'y avait que cinq hommes dans ce monde qu'on pouvait mettre au-dessus des autres, cinq hommes qui n'en étaient pas réellement. Tout le reste n'était qu'un ramassis de supercherie, que ça soit les Vagari, les Sørensen, les Bang ou encore les Lee.
Il passa la main sur son avant-bras, couvert du tissu de son uniforme blanc immaculé, en laine épaisse et cousu de mains.
Et parmi eux, un être en particulier les dominait tous.
« Zaen Philis... »
***
Dans la forêt des Quatre Cent Dieux, j'essayais encore une fois de relire le petit bout de papier que m'avait tendu la chamane. J'avais du mal à réfléchir et pourtant je n'avais aucun doute, celui qui avait écrit cette lettre était le Mage Enkil, celui qui avait enfermé Zephilis à Vulci.
Il parlait de son erreur, d'avoir enfermé son ami, son frère. Préférant une vie d'errance, sans attache, forgeant son corps et son esprit pour expier ses fautes, plutôt que de revenir dans la civilisation. Peu à peu, il avait lui-même perdu ses pouvoirs, ayant trahi les siens, il avait la sensation que jamais sa propre réincarnation ne pourrait trouver la paix. Il craignait d'avoir réellement détruit le Geai Bleu, pour toujours.
Mais il avait retrouvé un soupçon d'espoir, au milieu du noir qu'il traversait et des remords qui ne cessaient de le ronger. Il avait rencontré une femme et elle l'avait sauvé. Elle lui avait redonné foi en lui, en l'avenir. Ses épreuves qu'il avait traversées, qu'il avait fait endurer, étaient peut-être là pour une raison qu'il le dépassait. Une raison qui l'avait conduit jusqu'à elle. Celle que son cœur avait choisi.
« ...Je sais que je n'ai pas été le Mage Blanc que le peuple attendait de moi, je sais que je ne suis pas un être qui mériterait le pardon et je ne le demande pas. Mais j'aime à penser que les dieux ont eu pitié et qu'ils m'ont donné la chance d'aimer, une dernière fois. Ils m'ont donné Anya Sørensen. »
Parmi tous les enseignements de Seungmin, il y en avait un qui consistait à apprendre le nom de tous les Rois et Reines de chaque des Royaumes du Continent. Des plus ancien descendant des Vagari connus jusqu'au plus petit des héritiers des plaines de Garagan. Et si je pensais avoir déjà tout oublié, n'étant pas très friand d'histoire, ce nom m'est revenu si rapidement que je cru que mon esprit essayait simplement de l'inventer, comme un déjà-vu improbable et pourtant plus j'y songeais et plus j'en étais certain.
« Anya Sørensen, je répétais alors en lisant le parchemin. Comme la Reine Anya Sørensen d'Haendel, la mère de Fenrir ? Je demandais cette fois en regardant la chamane dans les yeux.
Doren affirma d'un signe de tête.
- Oui, elle avoua. A cette époque, Anya était promise au fils d'un noble de la cour d'Haendel. Un guerrier féroce. L'ancien Roi d'Haendel Vassili. Mais c'était Anya qui faisait partie de la famille ancestrale et en plus d'avoir du sang de dragon dans les veines, elle portait un enfant. Le fils naturel d'Enkil.
- Alors Fenrir est un descendant de notre peuple », je dis à voix haute comme pour graver cette information dans mon esprit.
Le doute continuait de se lire sur mon visage, l'incompréhension mais la chamane hochait à nouveau la tête.
« Le savait-il ? Est-il au courant de la véritable identité de son père ?
- Anya Sørensen ne lui a jamais caché, ni son père d'ailleurs...»
La fin de sa phrase était si lourde de sens lorsque l'on connaissait la réputation de l'ancien Roi, de sa cruauté, que ça soit envers son peuple ou sa propre famille. Après tout, la Reine Anya était morte étranglée par son mari. Ce n'était un secret pour personne, bien que la version officielle parle d'un suicide, tous le Continent savait que c'était son mari qui l'avait tué dans un excès de rage. Mais personne n'avait osé se dresser contre feu le Roi Vassili.
Si le Roi savait que son propre fils était en réalité le descendant d'un des mages, ni de son sang, ni de son peuple, lui qui prônait la pureté, la toute-puissance d'Haendel comme un peuple au-dessus des autres. Sa fierté avait été piétiné par sa femme et son fils lui rappelait chaque jour l'affront.
Fenrir avait il développé une haine du peuple d'Enkil à cause de la souffrance qu'il avait endurée ? Ou contraire, enviait-il qu'ils soient toujours en vie, alors que lui, devait vivre comme l'humiliation d'une vie aux yeux de son père ?
Toute cette colère avait forgé Fenrir au reflet de son père et bien qu'il ne partageât pas son sang, il en avait hérité tous ses traits. Je me demande s'il le déteste aujourd'hui ou si au contraire il l'aime jusqu'à vouloir encore une fois prouver sa valeur, même mort. S'il se sait fils d'Enkil également, est-ce lui l'objet de toute sa colère ? Transposer celle de son père ?
Beaucoup de trop de questions se bousculaient de mon esprit et je me rendais compte de la limite de mes connaissances. De tous mes souvenirs anciens ou nouveaux, aucun mage n'avait eu d'enfant naturel. Il fallait que j'en parle à Seungmin et aux autres. C'était un point crucial, et je ne me rendais pas encore vraiment compte de ce que cela signifiait réellement.
« Les mages pouvaient avoir des enfants ? C'est normal ? Est-ce que cela leur conférait un pouvoir particulier ? Une transmission ?
- Les anciens mages même si du Geai Bleu, ne demeuraient pas moins des hommes. Des hommes avec des pouvoirs particuliers et un héritage conséquent. Le sang du peuple de la forêt coulait dans leurs veines. Tous les mages du peuple de la forêt des Quatre Cent Dieux sont des mages aux grandes capacités. Ceux du Geai Bleu sortent évidemment du lot et la plupart du temps, ne désiraient pas d'enfants car ils craignaient de transmettre un trop gros flux de magie, voire de tuer les femmes en couche si cela arrivait. En réalité, ils étaient normalement voués à une vie de célibat, tout comme les chamanes mais c'était plus une tradition qu'une vraie règle. Fenrir fut le premier, à notre connaissance. Le premier enfant d'un mage du Geai Bleu. Enkil avait dû croire qu'avec la perte de ses pouvoirs il n'existait pas vraiment de risque... Je ne sais pas exactement qu'elles sont les conséquences pour sa puissance, je pense qu'elle est forcément impactée et qu'elle a conduit à des situations qui aurait dû être attribué au hasard mais qui n'en était rien...J'avoue ne pas savoir et je l'ai vécu comme un échec personnel. Ou comme une punition...
- Une punition ? Pourquoi une punition ? »
Elle mordait la langue, ayant trop dit et je sentais qu'elle continuait à hésiter. Elle gardait encore un secret caché entre ses lèvres qu'elle n'arrivait à exprimer. Je pouvais entendre son cœur palpiter, la manifestation même de ses pensées et tout me disait de la pousser pour savoir, que ce qu'elle taisait depuis le début risquait de tout changer.
« Vous ne me dites pas tout mais si vous persistez, je ne pourrai ni vous faire confiance, ni réussir là où mes ancêtres ont échoué, alors dites-moi. »
Elle soufflait, lourdement.
« Tes ancêtres... »
Elle n'arrivait pas à ordonner, plongé dans le passé, faire le tri sur ce qu'elle devait dire, voulait dire. Prendre le risque de bouleverser ma vision du conflit, de l'avenir et même de mes décisions. Je savais pourtant qu'il me fallait savoir, sans cela, je ne pouvais avancer et je savais qu'il me fallait le savoir maintenant.
« Ça n'aurait pas dû arriver, il lâcha au bout d'un moment. Ce n'était pas prévu comme ça, nous avions suivi les instructions mais c'était une magie ancienne que l'on ne maîtrisait pas. Et...Cela nous a condamné, tous, j'ai sacrifié mes amis et ce pauvre petit garçon s'est retrouvé orphelin...Ma fille. Si elle m'avait avoué ce qu'elle avait fait...
- Doren, je ne comprends rien... »
Elle se pinça les lèvres, secouant la tête et je me saisis de ses épaules pour la forcer à lever la tête vers moi. Même à travers son bandeau, je savais qu'elle ressentait mon impatience et ma frustration grandissante, me faisant resserrer ma prise.
« Tu...Tu n'aurais jamais dû être l'hôte. Zephilis...Ce n'était pas toi. Ce n'était même pas lui...Mais c'était risqué, nous le savions. Toute la cérémonie, les risques étaient énormes et les conséquences presque aussi désastreuses mais l'on ne pouvait laisser les choses comme elles étaient. On risquait de tout perdre à nouveau. Enkil avait une terrible erreur, par deux fois...Tous. La concentration de puissance. C'était la fin de notre monde !
- Doren ! J'exclamait soudainement la faisant sursauter. Je ne comprends rien ! Expliquez vous. »
Un long silence remplaçait l'incohérence de ses propos. Elle laissait presque un gémissement s'échapper alors que son corps s'écrasait sur lui-même. Elle leva ses petites mains pour venir les approcher de mon visage, de mes joues qu'elle caressait et je la laissais faire. Je sentais qu'elle en avait besoin pour se rappeler.
« Zephilis avait déjà choisi son hôte. Tout à l'heure j'ai dis que tu étais le premier depuis deux cent ans, mais ce n'est pas tout à fait vrai. Il n'était pas achevé alors nous avons pu le détourner. Nous avons créé un nouveau réceptacle pour son âme réincarnée. Mais nous pensions que cela n'aurait d'effet que sur le fils de Nayeon. Il était tout désigné, il avait eu un premier signe, invisible pour les autres mais moi je le savais. Ce que je ne savais pas, c'était qu'un demi-dieu l'avait déjà choisi et que lors de la cérémonie, l'âme de Zephilis a dû trouver un autre potentiel élu et ma fille...Elle était enceinte. Elle ne m'avait rien dit. C'était encore tout récent et elle-même venait de l'apprendre...Tu...Tu n'étais même pas formé mon garçon et déjà tu avais en toi le poids du monde sur tes épaules. »
Je ravalais ma salive, sentant mes mains trembler. Je battais des cils frénétiquement, essayant de faire les liens, de bien comprendre ce qu'elle me disait.
« Pourquoi ? Pourquoi avoir détourné la réincarnation de Zephilis ?
Son visage se décomposait et une larme solitaire rigolait sur sa joue.
- Il ne pouvait pas être le fils d'Enkil et devenir également le plus puissant des mages sur cette planète ! C'était impossible ! Trop risqué ! »
Je sentais le choc me faire voir flou une seconde. Tout mon corps perdait sa force et ma bouche s'ouvrait alors que je voyais l'image du Roi d'Haendel, Fenrir et ses cheveux blonds. Ses yeux bleus.
« Lorsque l'on a appris vers qui Zephilis s'était tourné pour sa réincarnation, que le tatouage était apparu sur son avant-bras, il a fallu qu'on agisse rapidement. Les chamanes de la forêt des Quatre Cent Dieux et les prêtres du culte du Phoenix. Nous avons fait le choix de changer le destin. Un vieux manuscrit au sein des tous premiers écrits, par les tous premiers mages du Geai Bleu, était détenu dans le Temple, à Calcano. C'était une incantation, doublée de la maîtrise du premier Iris et du premier Felane. La quantité de magie pour venir détourner l'âme du demi-dieu réincarnée allait nécessairement conduire à des pertes humaines, tous ceux qui ont participé à cette cérémonie sont morts. J'étais la seule à survivre avec ta mère et l'enfant. Celui qui devait être le nouvel hôte. »
Je me détachais de la chamane, totalement perdu. Elle s'avança comme pour me retenir mais je faisais plusieurs pas en arrière, incapable de savoir ce que je devais ressentir, si c'était la vérité. J'étais dans l'obscurité la plus profonde et j'avais la sensation de revivre ce moment, ces évènements qu'elle me décrivait.
« C'était peut-être notre châtiment, avoir osé interférer dans les décisions des dieux eux-mêmes. Le petit garçon avait perdu ses parents, il devait devenir Zephilis mais Enkil l'avait déjà choisi...Et Zephilis se réincarna alors en mon petit fils. Dont le père avait été lui-même l'hôte précédent...Le père...O Seigneur...Felix je suis désolée. Tu aurais pu avoir une vie différente. Nous avons tout sacrifié pour ça. Moi j'ai sacrifié mon peuple, ma fille...Mais je ne savais pas, je t'assure, je ne savais qu'elle t'attendait et de qui cet enfant était. Si j'avais su...
- Attendez...L'hôte précédent...Mon père...C'est... »
***
« Le Roi nous tuerait s'il savait qu'on a quitté notre poste, pestait un garde de l'armée delionne.
- Aller mon gars, juste un petit moment en bonne compagnie, ça fait de mal à personne ! L'amadouait le second alors qu'il le tirait pour arriver devant l'enseigne d'un bordel.
- Ici les femmes sont magnifiques, si peu vêtues, souriait un troisième se remémorant surement un souvenir plaisant.
- Leurs corps ondulent, dansent sur toi et mon pauvre...C'est le nirvana. T'es totalement drogué par le parfum, l'encens.
- Des salopes du désert, c'est ça qui vous fait bander ? Continuait de pester le premier.
- Tu te doutes bien qu'elles sont pas du désert, crétin, c'est de la mise en scène. Mais toi tu préfères les frigides d'Alfost ? Qui te recalent à peine tu oses leur adresser la parole ?
- Des femmes fortes, les delionnes ont du caractère !
- Et de la moustache. Aller, fait pas ton puceau et entre là-dedans. »
Ses deux camarades le bousculaient à l'intérieur de l'enseigne rose. Aussitôt l'odeur florale mêlée des épices emplissaient leur narine. Les yeux écarquillés, ils entraient dans un monde de volupté, à la douceur du satin et embrumé de fumée et de voilages. Le tintement de ceintures, de perles et de médaillons agrémentait la musique du oud.
« Bienvenu au Daïli, Messieurs », se présentait une femme d'un certain âge mais au regard charbonneux.
Sa longue robe noire se mariait aux dessins tracés au henné sur tout son corps. Si ses filles n'étaient pas du désert, elle l'était assurément.
« Je suis Sana pour vous servir. Ici, il n'y a ni guerre, ni Roi, ni patrie. Il n'y a que le rêve et le plaisir. Vous n'avez ni nom, ni famille. Vous êtes juste...Vous. »
A mesure qu'elle parlait, deux hommes venaient aider les soldats à se dévêtir, se défaisant de leur fourrure poser sur leurs armures. Puis de l'armure elle-même et de leurs armes, bientôt les trois hommes se retrouvaient en chemise et pantalon léger. On leur faisait même ôter leurs bottes et la sensation des innombrables tapis sous leurs pieds nus leur arracha un petit sourire appréciateur. Le plus réfractaire lui-même se sentait plus léger.
« Suivez-moi », incita chaleureusement la maîtresse des lieux.
Des petits gloussements parvenaient à leurs oreilles, des femmes légèrement vêtus passaient dans le hall d'entrée, descendant les escaliers en colimaçon d'une démarche chaloupée. Elles leur faisaient des clins d'œil avant de s'éclipser derrière leur voile, un éventail dans les mains. Les trois soldats se sentaient subitement impatient, excités et lorsque la maîtresse leur ouvrit un rideau de l'autre côté du hall, ils entraient dans un autre monde.
Un monde de songes aux bandes de tissus colorés qui tombaient du plafond et rendaient leur vision totalement onirique. La musique était tout en douceur, bourdonnante, caressait leur sens du même parfum d'épice. C'était comme de franchir un portail vers un temps révolu, où contes des nomades du désert, épopées d'anciens héros, devenaient réalité. Les voix étaient celles des sirènes et les ventres éclairés à la lueur de faibles bougies derrière des voiles pourpres et orangé étaient parés de petites chaînes d'or. Un mirage. Une oasis dans le désert de glace.
Les soldats se retrouvaient bien vite encerclés de danseuses, de leurs corps exquis et de leurs petites voix espiègles. On les trainait vers des fauteuils bas, de coussins de velours pour les faire boire, fumer sur de grandes pipes. Les vues se brouillaient et les sourires planants, ils se laissaient porter.
Une musique plus entrainante commença et les jeunes femmes sautillaient sur place, toutes excitées, tandis qu'un autre groupe de courtisanes entrait. Toutes vêtues de tissus rouges, pour ce qu'il en restait, de longues jupes aux pieds découverts et remontant sur des cuisses galbées, légèrement brillantes. Un bandeau sur la poitrine, s'attachant au cou alors que le bas de leur visage était couvert d'un voile fin, ne laissant qu'imaginer la pulpe de leur bouche.
L'une d'entre elle attira l'attention du plus jeune soldat, car à l'instant où elle avait levé les yeux sur lui, il se senti comme électriser par la lueur améthyste de ses yeux.
« Le spectacle va commencer, murmura une fille à ses côtés, roulant de son accent du sud. Ouvrez bien les yeux, ce n'est pas donné à tout le monde de voir les Ha'san danser. »
Le jeune homme avait déjà les yeux grands ouvert la bouche qu'il peinait à refermer à cause de son souffle saccadé. Les effluves d'opium rendaient sa peau plus sensible et la vision légèrement plus trouble. Tout lui paraissait plus beau, plus lisse et si proche. Les danseuses se mettaient alors à onduler sous le rythme des instruments, leur ventre se creusait et roulait. Les hanches caressées par leurs mains baguées. Le cou serti de perles qui cachait leur poitrine et toujours ses yeux qui le faisaient se sentir seul, objet de désir et convoité. Il n'avait qu'une envie, se lever et se précipiter sur elle pour l'enlever, lui vouer amour et admiration jusqu'à la fin de son existence.
Il se penchait en avant sans s'en rendre compte, se détachant des filles qui jouaient du reste de ses vêtements. Le haut du torse clair à l'air libre, il se sentait malgré tout comprimé. La danseuse s'avançait alors jusqu'à lui, ses cheveux châtains même si plutôt courts, rendaient son regard encore plus intense. Ses longs cils entouraient la voie lactée de ses iris et battaient lentement, le rendant fébrile et muet.
Il était persuadé que sous son voile, elle avait souri. Ses paupières remontaient très légèrement, alors qu'elle était maintenant tout près de lui, que sa respiration lui parvenait presque aux oreilles. Il étouffait, échauffé jusqu'à la pointe de ses cheveux. Le jeune soldat, se sentait écrasé et totalement à sa merci. Elle aurait pu lui demander de lui baiser les pieds, il en mourrait déjà d'envie.
Mais la courtisane lui tendit simplement la main et le soldat la saisit sans hésiter. Il se leva, entrainer par elle jusqu'au fond de la pièce, passant les bandes de tissus tandis qu'il se perdait sur la forme de son dos, la ligne de sa colonne et la démarcation de ses hanches à la frontière de sa jupe. Des hanches étroites mais une courbure vertigineuse avec un arrondi proprement enchanteur, rien d'étonnent pour une danseuse se disait il. Elle était parfaite.
Bientôt il n'entendait plus la musique et les deux jeunes gens entraient maintenant dans une chambre. Calme, dans la pénombre. La danseuse refermait derrière lui, alluma une petite lampe a huile dans le coin et lorsqu'elle revint vers le soldat il se rendit compte qu'ils faisaient pratiquement la même taille et que sans l'opium pour lui brouiller la vue constamment, elle avait les épaules un peu plus larges. Le soldat se sentit un peu plus petit, soudainement intimidé par une aura qu'il n'avait pas senti tout de suite. Il avait la gorge sèche alors que les deux mains de la danseuse se posaient sur le haut de son torse. Des mains petites mais dont les veines ressortaient presque autant que les siennes. A nouveau il déglutit, il n'en était pas repoussé, bien au contraire, mais il sentait quelque chose d'étrange. Une pointe d'incertitude, de peur, qui s'évanouit presque instantanément dès que ses iris se plantèrent à nouveau dans les siens.
Quelle beauté. Il expira sans retenue, faisant rire la jeune femme. Un rire plus rauque qu'il ne l'aurait imaginé. Elle s'approchait une fois encore, bientôt collé à son corps pour le faire reculer lentement.
« Attend, je... », commença le soldat mais il n'eut pas le temps de finir qu'il tombait déjà à la renverse sur le lit.
Le matelas était si mou qu'il se sentait s'enfoncer et quand la danseuse vint s'asseoir en califourchon sur ses cuisses, il était davantage prisonnier. Son corps au-dessus du sien le faisait complètement dérailler, d'instinct, il posa ses mains sur ses cuisses et la sensation le fit hoqueter. Elles étaient puissantes, fermes. Les palper le rendait déjà extatique, sentant son érection presser contre ses fesses.
« Tu es la plus belle femme que j'ai jamais vu », il osa avouer d'une voix faible.
La danseuse se pencha en avant, son visage près du sien faisant se soulever le voile sur ses lèvres. Sa bouche se révélait encore plus tentante que ce qu'il avait imaginé. Le haut de cette lèvre supérieur légèrement plus gonflée. Quelle supplice de ne pouvoir y gouter, il aurait tout donné pour lui faire franchir les derniers petits centimètres.
« Merci », souffla la danseuse.
Et à l'instant où sa voix avait jailli, le soldat se figea d'effroi. La danseuse se redressa alors et retira complètement le voile qui cachait le bas de son visage. Un sourire en coin. Magnifique elle l'était toujours mais une femme, surement pas.
« Tu n'es pas mal non plus, même si j'ai toujours eu un faible pour les garçons aux belles joues charnues. »
Sur ces mots, le soldat essaya de se redresser mais une force invisible le maintenait contre le matelas, immobile, il n'arrivait plus rien à faire, son corps ne lui répondait plus et les yeux de l'homme qui l'avait dupé devenaient soudainement plus brillant.
« Sois gentil, ne m'oblige pas à te faire mal.
- Qu'est-ce... »
La porte de la chambre s'ouvrait brusquement, ce qu'il croyait être un de ses camarades revêtus à nouveau de son amure entrait de la pièce et refermait derrière lui mais quand il releva son casque, des cheveux ébènes et le visage d'un inconnu les observait maintenant, dubitatif.
« Tu t'amuses bien ? Il demanda en direction de l'autre.
- C'était ton idée je te rappelle, cingla cette fois celui qui était toujours assis sur ses cuisses.
D'un mouvement de hanche, il sortit du lit mais lui, ne pouvait toujours pas bougé le petit doigts.
- Et pourquoi moi j'ai déjà eu le temps d'assommer le mien et lui récupérer ses fringues et toi t'en ai toujours à le faire jouir juste avec ton superbe déhanché ?
- Attention Jisung.
- J'ai dit superbe déhanché quand même. »
Le deuxième se défaisait complètement de ses vêtements, sa jupe, ses chaînes, tout tombait tandis qu'il dévoilait son corps svelte, musclé et bientôt le tatouage d'un oiseau sur le haut de son dos. Le soldat ouvrit davantage les yeux, le cœur palpitant dans sa poitrine.
Jisung sentit leur proie s'agiter et lui jeta un regard bien moins charmant. Le soldat se tétanisa à nouveau, toujours prisonnier d'un sortilège qu'il n'avait même pas entendu.
« Occupe t'en, lui dit alors le châtain. Je vais aller m'occuper du troisième et récupérer ma tenue. On se retrouve devant.
- Bien, Majesté, sourit Jisung ce qui fit rouler des yeux le châtain.
Majesté ? Majesté ! Bien sûr ! Il l'avait déjà vu ! Il se souvient. Une fresque entière était peinte sur un mur à Londinium. Il se souvient avoir été fasciné devant le profile jeune et gracile du nouveau Roi. Il était sur place pour accompagner le Roi Fenrir il y a un an, lors de la présentation du nouveau Roi de Pandore aux autres dirigeants. C'était lui, il en était sûr. Au-delà de ce qu'il représentait, le Roi Fenrir le redoutait car il s'agissait d'un Nécromancien. Un Mage Noire.
« Vous êtes Minho ? Le Roi Minho ? » Demanda alors le jeune soldat.
Minho se tournait en direction de sa victime, l'ayant presque oublié. Il l'avait paralysé mais il avait oublié de l'empêcher de parler. Il levait alors les sourcils d'un air interrogateur, il regardait rapidement Jisung qui haussait les épaules. C'était lui qui l'avait appelé Majesté et il était certain qu'il l'avait fait exprès.
« Nous sommes en guerre ! Vous êtes l'ennemi !
- Il réfléchit vite dis donc, se moquait Jisung sarcastique.
- Fait le taire, on pas le temps de s'amuser.
- Vous allez me tuer ? C'est ça ?
- Pourquoi on te tuerait ? Ça ne ferait que rappliquer le reste des troupes ici, lui dit alors Jisung directement. Oh ! Finalement ça pourrait être un bon leurre. »
Son air détaché, immature donnait des frissons au jeune soldat qui se mordait maintenant les lèvres, terrorisé à l'idée de ne pouvoir se défendre. Il savait qu'il n'aurait pas dû écouter ses camarades, il aurait dû rester à son poste !
« Arrête de faire l'enfant, on va pas mettre Sana dans l'embarras.
- Tu l'appelles Sana maintenant ? Ça fait deux heures que tu la connais.
- Je te signale que c'est toi qui la connais bien, et encore une fois, c'était ton idée.
- Oui, mais moi je l'ai pas dragué ouvertement.
- En quoi je l'ai dragué ? »
Jisung roulait des yeux mais il n'était pas sérieux. En réalité, ce n'était pas Sana qui l'irritait, c'était ce soldaillon qui avait posé ses mains sur son Reis. Qui avait osé le toucher. C'était lui qui l'avait énervé et maintenant il voulait simplement se jouer de lui, et lui faire peur.
« Aller, on doit se dépêcher, Felix doit déjà être revenu au Palais depuis. Je te rappelle qu'il puise dans ses forces pour maintenir la Mère, ça ne peut pas durer des jours, on doit se grouiller.
- Autant faire ça vite alors, je l'égorge et on parle plus.
Jisung sortit sa dague et le soldat tressailli. Son corps entier pourrait trembler de terreir s'il en avait encore le contrôle.
- Ça suffit ce n'est pas drôle », lui dit cette fois Minho d'une voix plus douce.
Le Roi de Pandore posait maintenant sa main sur sa joue droite, l'obligeant à se tourne vers lui. Il apportait ses lèvres aux siennes qu'il effleurait d'un tendre baiser. Chaste mais qui suffit à calmer la tension dans les épaules de Jisung. Son regard se voilait d'un doux sentiment, à peine perceptible mais qui trouvait son écho dans le sourire délicat du Roi.
« On se retrouve en bas. »
Un dernier regard dans sa direction et le Roi sortait de la pièce. La pression sur ses membres disparu et le soldat cru qu'il réussirait à s'échapper mais alors qu'il allait bondir hors du lit, Jisung disparu une seconde pour se retrouver bien vite dans son dos, la dague sur la gorge.
« Tu crois que je m'amusais tout à l'heure, n'est-ce pas ? Mais c'était la vérité. Je pourrai te tuer sans aucun scrupule, ta mort n'apportera ni inconvénient ni avantage. »
Le soldat déglutit en entendant sa voix grave, tranchante, qui sifflait dans ses oreilles. Il n'osait pas parler, de peur que sa pomme d'Adam ne fasse planter la lame dans sa chair.
« Bien. Si tu es malin tu vas faire quelque chose pour moi. Tu vas sortir d'ici dans une heure et tu vas trouver Fenrir. Va lui dire que Han est revenu, et qu'il n'a pas oublié. Je lui donne rendez-vous dans l'enclos à minuit.
- Quel enclos ? Osa demander le soldat d'une voix tremblante.
- Il saura, ne t'en fais pas. Attention, si tu ne fais pas ce que je te dis, je te retrouverai toi, et je t'assure que je n'aurai aucun mal à le faire. Et je n'aurai pas besoin d'arme pour te faire vivre l'enfer. »
Sur ses mots le soldat senti une charge l'étrangler, une aura presque aussi intense que celle du Roi plutôt, quand il l'a immobilisé sur le lit. Et regardant dans le reflet du miroir de la pièce, il voyait la marque sur le cou de celui qui le tenait. Encore un oiseau, qui brillait d'un éclat bleuté.
« Si tu as compris, hoche la tête. »
Le soldat obéit aussi tôt, faisant sourire Jisung qui le relâcha. Ce dernier recula jusque l'autre côté de la pièce, venant palper sa tranchée dont il sentait un petit filet de sang venir s'échouer entre ses clavicules. Jisung essuya sa lame dans le creux de coude puis la rangea, avant de sortir de la pièce, un dernier regard d'avertissement.
« Une heure », il rappela en fermant la porte.
***
« Il est réveillé.
- Mais Felix n'est toujours pas revenu. »
Seungmin était venu voir Chan dès qu'il avait été alerté du réveil de Hyunjin. Il avait pu vérifier ses constantes vitales, la marque qui avait maintenant disparue mais qui avait laissé comme une cicatrice sur sa peau. Le passage du serpent ne serait pas sans laisser de séquelle. Le corps de Hyunjin était fragilisé, déjà par son manque de nutrition sur les derniers mois et en plus par la cérémonie. Il faisait de l'anémie. Beomgyu s'occupait des soins et de l'équilibrage de sa sensibilité spirituelle. Il allait retrouver des forces, mais il lui fallait du temps.
« Il demande après lui, il a l'air inquiet même si je lui ai tout expliqué », dit alors Seungmin.
Le Roi tique une seconde mais il ne proteste pas. Il ne va pas continuer à cacher ses plans à son frère, plus maintenant. Il est plus intrigué par les sens de Hyunjin, sa connexion avec Felix qui n'a pas bougé alors que Maah lui a été enlevée et Seungmin l'anticipe. Il hoche la tête pour lui confirmer ses doutes.
« Je crois qu'il ressent toujours son lien avec Felix, même si Maah n'est plus là. Je ne l'explique pas vraiment, peut-être un résidu.
- Et qu'est-ce qu'il sent ? Demande Chan intrigué.
- Il dit qu'il a un problème. Qu'il ne va pas bien.
- Hum...Je crois qu'il a raison. J'ai moi-même senti quelque chose. Une perturbation de notre lien. S'il a des ennuis, au sein même de la forêt, on doit aller le rejoindre.
- Je vais venir.
- Non. Reste avec Hyunjin, par précaution. Je vais y aller avec Changbin. »
Le Roi Christopher se redressait de son siège, il était en tenue de nuit, légère, Seungmin était venu le voir au beau milieu de la nuit après avoir rejoint Hyunjin.
« J'ai autre chose, lui dit l'Erudit. J'ai vu Ryujin aussi, qui gardait la chambre de Hyunjin quand je suis arrivée et elle m'a donné un message qui est arrivé il y a quelques minutes. Un message de Londinium.
Chan se raidit une seconde puis récupère le petit bout de papier. Il le déroule et le lit silencieusement. Seungmin observe chacune de ses expressions et ses sourcils se froncés subitement tandis qu'il écrasse le parchemin de ses mains.
« Mauvaise nouvelle ?
- Il ne nous donnera aucune aide. Il se met en retrait. Sauf si je décide de me marier avec sa nièce...
- Qu'est-ce que tu veux faire maintenant ? »
Chan baisse la tête, regarde ses mains, son annuaire dépourvu de bague pour le moment. Cette main qui était dans celle de Changbin il y a quelques minutes de ça.
« Tant pis pour lui. Il en paiera le prix, quand nous aurons gagné cette guerre. »
Seungmin sourit, soulagé et fier.
« On ne se promet pas deux fois, il lui dit révélant alors qu'il savait et Chan même si surpris, ne put que sourire à son tour, un tantinet embarrassé.
- Je vois que tu as terminé l'apprentissage de la télépathie. Minho sera content.
- N'oublie pas Jisung. C'est lui qui m'a donné l'astuce pour mieux assimiler.
- Ils forment une bonne paire, finalement. »
Seungmin acquiesça, heureux que Chan acceptât enfin le nouvel Enkil à leur côté. Il ne l'avouera pas clairement encore et surement qu'il gardera une certaine méfiance. Minho est plus qu'un frère d'une autre mère c'est presque une âme sœur. Il l'a protégé, il l'a aidé à évoluer et ils se disputent parfois comme un vieux couple mais c'est ce qui rend leur lien si fort.
Et delà du fait d'avoir été un espion, un tueur à la solde de Fenrir, Jisung a surtout blessé une personne qui lui est cher, autant que sa propre famille. Mais il a confiance en Minho, en son jugement, s'il l'accepte alors il en fera de même. Il fera des efforts sans jamais oublier.
C'était là qu'on reconnaissait un bon ami. Le meilleur. Et ce qui rassurait l'Alchimiste c'était de savoir qu'il ferait la même chose, pour chacun d'entre eux.
Christopher tapota son épaule, sortant de son bureau rapidement pour rejoindre sa chambre et partir à la recherche de Felix.
Seungmin remontait à son tour le couloir, se massant la nuque sous la fatigue. Il avait du sommeil à rattraper et en arrivant devant sa porte, il y trouvait le garçon qu'il avait laissé, étendu nu dans ses draps. Un sourire ravi s'étirait à nouveau sur ses lèvres tandis qu'il rampait jusqu'à lui pour le serrer dans ses bras, parsemant son cou de petits baisers.
◯
○
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Olà !!
Alors vous avez eu votre réponse ?
Fenrir est bien le fils naturel de l'ancien Enkil et mieux il est...le père de...
Oh aller vous le savez, je ne l'ai pas écrit mais vous l'avez compris 😏
Donc nous avions bien deux réponses justes ! la A et la B !
Mais encore plus, puisqu'en plus de tout ça, vous savez maintenant que Fenrir avait été choisi pour être le prochain Zephilis et qu'ils ont tout fait pour le dévier ! Qu'ils ont essayé de le mettre en Jisung mais que ça n'a pas marché et que c'est parti à la place sur Lixie, qui était encore dans le ventre de sa mère ! (OH MY GERALT !)
Et je vous réserve encore quelques surprises parce que cette incantation n'était pas sans conséquences...
Dans le prochain chapitre, on va démarrer avec un peu de nouvelles de Jian qui est sur le front à Vulci ! Je vous réserve un début de chapitre tout en bataille épique !
A bientôt !
D.
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