XXX. Le Héros
L'odeur familière qui se dégageait de la pièce avait terminé de le faire surgir des profondeurs de son inconscient.
Sans rêve ni pensée, enfermé dans un monde noir où il ne vivait ni ne survivait. Ni de façon onirique et encore moins de façon substantielle Hyunjin semblait pourtant avoir gardé conscience de lui. De sa réalité. D'être là, quelque part, flottant dans l'attente du temps, de la gravité. Que le monde réel revienne avec le reste de son existence en suspens.
Il avait été entrainé par les monstres de ses cauchemars d'enfant si vite qu'il ne s'était pas vraiment senti engloutis. A dire vrai, cela faisait des semaines qu'il naviguait en eaux troubles, ne sachant plus quand il dormait et quand il était éveillé. Son corps lui semblait avoir longtemps pesé comme du plombs, vissé dans son lit comme dans un cercueil. Il se croyait sur la fin, un pied dans l'au-delà bien plus que dans le monde des vivants. Et alors que les voix continuaient de l'appeler, qu'il essayait de ne pas les écouter, il avait sombré et n'en était pas revenu.
Aussi tôt les voix s'étaient faites plus basses encore plus lointaines, pour enfin disparaître.
Il devenait transparent, mourait mais pas de manière physique. Métaphysique. Aspiré par les ténèbres du néant comme s'il n'avait jamais existé et ça ne l'avait pas effrayé. Il ne ressentait même plus rien. Il ne craignait ni n'espérait. Il n'était plus. Tout en subsistant quelque part, comme des grains de sables qui tombaient dans une lenteur insupportable au fond du sablier bientôt totalement vide.
Et puis à nouveau il se sentit remonté, tiré vers la surface. Impossible à décrire mais plus il reprenait du sens, plus il se demandait ce qu'il était et où il était et plus il se sentait revenir jusqu'à totalement ouvrir les yeux et sortir de ce qu'il imaginait être le monde vide de la mort spirituelle.
Le plafond, les voilages, tout était à sa place. L'odeur des jardins qui passait les fenêtres ouvertes s'infiltrait dans ses poumons puis les sels de bains et bientôt le bruit de l'eau, des clapotis réguliers et enfin le timbre grave d'une voix qui fredonnait.
La terre foulée ici est une merveille
Elle ne cesse jamais d'être affamée
Et tout ce que la nature a donné
Elle le reprend aux vivants
Il reprenait vie. Son cœur, le sang pulsant dans ses veines et bientôt la voix encore plus forte réveillait un flot de souvenirs, de sensation, un flot de pensées qui se bousculaient comme s'elles s'étaient tut depuis trop longtemps ou qu'on avait délibérément baisser le volume.
J'ai parcouru la Terre, et si peu ici savent
Combien la nuit est noire
Et à quel point le vent peut souffler froid
Je n'ai plus faim maintenant pour voir où la route ira
Ses pupilles s'écarquillaient et le corps lourd mais gagné par un élan de force soudain, le fit se relever dans son lit et grimacé à la fois sous le tournis brusque qui l'assaillit.
« Je n'ai plus gardé ma chaleur
Que le sang sur la neige
Le sang sur la neige », continuait de chanter la voix grave.
Retenant son gémissement, il secoua légèrement la tête, faisant retomber ses cheveux sombres devant ses yeux. Il passait la main sur sa nuque d'instinct, cherchant une sensaiton qu'il ne trouva pas. Une chaleur, un mouvement sous la chair qui l'avait habité toute sa vie et qui avait disparu. D'un geste sec, sans se soucier des courbatures, il regarda par-dessus son épaule et n'y trouvait que sa peau claire. Limpide. Sans une once de trace, de tâche, de cicatrice. Rien. Juste son grain de peau. Son cœur s'emballait de plus belle. La voix fredonnait toujours de l'autre côté la pièce. Vers les paravents qui cachaient sa baignoire en cuivre.
Il sentait l'émotion lui tenailler la gorge, lui donner le tournis mais il résistait, regardait la silhouette ombragée dans sa baignoire dont il ne percevait que la ligne d'un visage de profil, un bras relevé. La courbure d'une nuque, des mèches de cheveux. Le pli de lèvres qui chantaient doucement.
« Fe... », il essaya d'extraire mais sa voix se mourrait, trop longtemps restée enfermée.
Il avait le cœur qui battait à tout rompre dans sa poitrine, son souffle devenait de plus en plus court. L'espoir. La crainte. La peur de devenir fou, d'être encore prisonnier que tout ceci ne soit qu'un mirage, une dernière pensée agréable, accordée par des dieux inconnus avant de s'effacer pour toujours, comme un dernier souhait. Mais pourtant il était bien là, c'était sa peau qu'il touchait, son corps qu'il sentait, même endoloris par l'immobilité. C'était bien l'odeur des fleurs, le vent dans ses cheveux et la voix de Felix. Si près et si loin à la fois. Il sentait sa vision se brouiller et se mordant les lèvres en espérant retenir un sanglot, il ne put qu'expirer soudainement.
« Fe-lix ! Fe-lix !....»
Il avait les mains tremblantes, lâchant prise, rigolant une puis deux, puis un flot de larmes, il releva la tête alors que la voix venait soudainement de s'arrêter.
« Felix... »
Soudainement repoussant le paravent, faisant fi de sa nudité, Felix lui faisait face. Débout de l'autre côté, trempé mais dans une expression de pure stupéfaction. Le temps s'était arrêté quelques secondes où les deux hommes s'observaient. L'un d'eux estomaqué, l'autre en pleurs et lorsque le temps repris son cours, le visage empourpré, la bouche ouverte et dans de grands gestes maladroits, précipités, le jeune mage se rua, manquant de peu de tomber. Il se rattrapa de justesse au bord du lit sur lequel il rampa, jusqu'à l'atteindre et l'étouffer une puissante étreinte, faisant exploser leurs sentiments communs. De la reconnaissance, envers l'univers, envers tous les dieux quelques qu'ils soient. De la joie, aussi primaire qu'incontrôlée, les faisait hoqueter, jurer entre deux pressions des torses l'un contre l'autre, des cœurs battant à l'unisson manquant de jaillir de leurs cages thoraciques. Supplier que ça ne soit pas un rêve. Prier pour ne jamais se réveiller si c'était le cas.
Ils n'arrivaient même plus à se quitter alors qu'ils s'appelaient, l'un et l'autre, palpaient leurs corps frénétiquement pour s'assurer que tout était réel.
Enfin retrouvés.
« Tu es revenu..., marmonnait Hyunjin la voix brisée.
- Toi aussi », répétait Felix.
Le timbre de sa voix le fit trembler, Hyunjin resserrait encore sa prise, si c'était possible. Enfouissant son visage dans son cou. Il respirait son parfum à plein poumon, expirant d'un souffle tremblant. C'était bien lui. Ça ne pouvait être que lui. Il lui avait tant manqué qu'il aimerait rester ainsi des heures, des jours, ne profiter que de cet instant sans se soucier du sort du monde. La malédiction, le Geai Bleu et ce qu'il en résultait, c'était sans importance.
Felix recula alors de quelques centimètres, simplement pour redresser son visage, le tenir entre ses mains et pouvoir se plonger dans ses orbes noirs. Retrouver son regard éperdu s'assurer de ses sentiments et lui transmettre ses propres mots, ceux qui lui brûlaient les lèvres depuis des semaines, des mois. Il n'avait pas tant changé et pourtant il lui semblait que tout était différent. Chacun d'eux avait vécu, été transformé. Ils avaient grandi et évolué, plus qu'en plusieurs années. Sans que cela ne réduise ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, bien au contraire. Felix sentait l'empressement du cœur à l'exprimer, ses muscles trembler à l'idée de s'en détacher, ne pouvoir réussir à le communiquer clairement. Il pinça ses lèvres comme s'il voulait se retenir, mettre les formes mais c'était trop dur d'attendre.
« Je t'aime. » Il lui dit alors dans un souffle. Ses yeux parcouraient son visage, examinant ses traits avec amour et inquiétude à la fois. « Je t'aime Hwang Hyunjin. » Il répéta. « Plus que tout au monde. Pas un jour, pas une heure ou une seconde ne s'est passée sans que je ressente ton absence comme un poignard. Une douleur lancinante qui me maintenant éveiller, qui me faisait me demander ce que je faisais aussi loin de toi. J'avais la sensation de parfois te sentir tout près, que toi aussi tu m'appelais. J'avais la sensation de sentir ta propre peine, ton besoin de me voir autant que le mien de te tenir dans mes bras. Mille fois j'ai pensé à revenir. A partir parce que tu me manquais trop ! Parce que je n'arrivais plus à le supporter ! Mille fois j'ai espéré que tout disparaisse, d'un seul coup. Le Geai Bleu, la guerre imminente, les responsabilités, la malédiction et tout le reste. Je voulais juste être près de toi...Je voulais juste te sentir. Tes mains sur mon visage lorsque je dors, tes baisers sur mes épaules...Et ta voix. J'ai même commencé à me demander si je n'étais pas juste ensorcelé. Tu m'as ensorcelé Hyunjin. C'est le cas. Je suis complètement à toi. Pour toujours et à jamais. Zephilis ou Felix, je suis à toi. »
Le brun sentit une nouvelle vague le submerger, les yeux brillant d'un amour réciproque, aussi intense que pouvait l'être dans la poitrine de Felix.
Il lui sourit, tendrement, puis ne réussissant à retenir plus longtemps ses rires euphoriques, gagné d'un bonheur qui ne pouvait s'exprimer autrement tant il se sentait à sa place. Le destin lui avait tant pris toutes ces années et il se sentait enfin vivre. Avec Felix à ses côtés, il pouvait tout accomplir, tout devenir. Prince, héritier de Vagari, frère du Roi d'Agora. Empereur.
Avec ou sans pacte, il était avec lui.
« Tu vas me tuer Felix, je peux pas ressentir autant de bonheur, ça va m'achever, il soupira du bout des lèvres.
- Bien sûr que si, lui sourit à son tour Felix, glissant ses doigts dans ses cheveux. Tu es Hwang Hyunjin, plus rien ne peut t'arrêter maintenant que je suis avec toi. »
Et c'était tellement vrai que Hyunjin n'en sourit que davantage, glissant maintenant son regard sur les lèvres tendues de son amant aux cheveux azur, ce dernier laissait lentement retomber son sourire pour une expression plus dense, plus voluptueuse, se perdant l'un et l'autre dans l'expectative d'un contact depuis si longtemps espéré. A peine murmurée.
Embrasse-moi. Sinon c'est moi qui le ferais.
Très lentement, réduisant l'espace, mêlant leur souffle chaud, délicatement. Espaçant leurs lippes, du bout de la langue, pincer en avant jusqu'à s'effleurer. Un frisson, électrisant. Une vibration qui parcourait leurs corps, jusqu'à faire redresser les paupières. Un dernier regard. Et le baiser passionnel tant désiré.
Felix entourait son cou avec plus de force, le pressant contre lui pour approfondir leur chair dans leur danse, regagner un souffle de vie alors que son dos se cambrait, que ses jambes se pressaient autour de ses hanches et que les longs doigts du Prince remontaient ses cuisses jusqu'au creux de ses reins. Appuyant à nouveau contre lui, gémissant contre ses lèvres, Felix eu juste le temps de reprendre son souffle que Hyunjin repartait déjà à la conquête de sa bouche qu'il picorait avec avidité, et de plus en plus empressé. Son cœur lui faisait bientôt mal tant il battait fort, jusqu'à cogner dans ses tempes, faisait rougir ses oreilles et frémir sa peau. Les doigts de Felix remontaient dans sa nuque, accrochant la racine de ses cheveux pour le tirer en arrière et leur deux corps basculèrent. Allongés l'un sur l'autre, Hyunjin se sentait de plus en plus essoufflé et doucement un vertige le gagna.
« Attend... », il réussit simplement à dire.
Il se maudissait de l'arrêter mais il devait se rendre à l'évidence, son corps n'était pas totalement remis et il se rappelait douloureusement à lui. Inquiet, Felix s'arrêta simplement, se sentant coupable, il essaya de se redresser.
« Non, ne t'éloigne pas...J'ai juste...Je crois que je me suis un peu surestimé..., sourit Hyunjin.
- C'est normal. C'est moi, je suis désolé. Tu dois encore te reposer, la cérémonie a épuisé nos forces et les tiennes. »
Hyunjin fit rouler ses lèvres entre elle, partageant un nouveau regard complice avec son aimé avant que ce dernier ne vienne simplement l'embrasser chastement, de la pointe de ses lèvres.
« Mais ce n'est pas grave, on a tout notre temps maintenant...Enfin, bientôt.
- Bientôt ?
- C'est...Je t'en parlerai quand tu te seras reposé.
- Hum, acquiesça Hyunjin sentant alors la fatigue revenir lentement. Mais tu restes avec moi ?
- Bien sûr. Je ne te quitte plus. »
Le Prince était satisfait, Il fit rouler Felix à ses côtés pour se positionner contre son dos, enserrant sa taille dans une prise possessive et venir le tenir tout contre lui. Au milieu de son lit, qu'il avait tant maudit par sa largesse, le vide qu'il représentait chaque nuit depuis le départ du mage, il se sentait soudainement dans l'endroit le plus merveilleux du monde. Un cocon parfait, témoin des derniers instants hors du temps qu'ils avaient vécu ensemble avant son départ et qui devenait à nouveau leur repaire, leur moment d'intimité.
Felix déglutit, se sentant à son tour la douce chaleur le gagner et le besoin de fermer les yeux pour en profiter un maximum. Bien qu'il sût qu'il lui faudra quitter ses bras, pour aller jusque dans la forêt, il voulait donner encore un peu de répit à Hyunjin. Il n'avait pas besoin de lui donner de détails sur les évènements futurs, le plan, la guerre, il en saurait bien assez tôt. Pour encore quelques heures, ils n'étaient qu'un couple parmi les autres, heureux et éperdument amoureux.
« Moi aussi je t'aime Felix, plus que tu ne pourras jamais l'imaginer. Mon Voleur. Mon héros. » Il chuchota contre son oreille avant de lentement sombrer dans le sommeil.
***
Sortir de sa chambre sans se faire une fois de plus rabrouer par tous ses disciples était de l'ordre de l'impossible. Beomgyu en premier lieu, qui l'avait aidé avec de multiples potions, décoctions, pour retrouver ses forces au plus vite. D'autres mages plus jeunes, certains encore étudiant se relayaient pour accélérer sa récupération, puis ce fut Ryujin qui bien que non habituée à la magie essentielle et les sorts de soins, ne pouvait qu'essayer comme elle pouvait de le faire manger, de le faire bouger pour que ses muscles ne s'engourdissent pas.
Pire encore, c'était l'armada que Changbin et Chan avaient désigné pour lui éviter de sortir. Il devait à tout prix rester loin des mages du Geai Bleu et plus particulièrement de Felix. Ce dernier était toujours en lien constant avec la prison multidimensionnelle de la Mère, il aspirait donc tous les pouvoirs de ses frères dès qu'ils étaient trop près et Seungmin en avait tant perdu qu'il risquait même de mourir à venir trop près de lui. Pour ça, un soldat en particulier avait été assigné à la garde de sa porte en plus des autres gardes le long des couloirs qui menaient à ses appartements particuliers.
« Je t'ai dis que je vais bien, il lança à Jeongin qui le regardait avec un sérieux quasi glacial.
- Tu tiens à peine debout. Il te faut encore te reposer.
- Non, on a pas de temps à perdre. Je dois faire en sorte d'être prêt pour envoyer Minho et Jisung à Haendel.
- Tu as encore le temps. Ca ne fait que vingt quatre heure. Sa Majesté a dit que Fenrir n'avait toujours pas bougé et d'après nos espions, il ne le fera pas avant trois jours. Pas avant que d'autres troupes ne débarquent à Vulci.
- Trois jours c'est trop long. Il nous faut agir vite, il faut qu'on est la surprise de notre côté ! Fenrir attend justement notre action.
- Alors pas de surprise, il est déjà sur le qui-vive. Arrête de lutter Seungmin et couche toi. Tu me fatigues, soupira Jeongin en le voyant encore essayer de parcourir la pièce à la recherche d'une échappatoire.
- Tu n'as qu'à m'accompagner, tu restes avec moi et on va jusqu'à mon labo. Tu me tiendras à l'œil, hum ?
- Non.
- Innie ? Murmura Seungmin d'une voix inhabituellement douce.
Le jeune soldat se figea une fraction de seconde, détournant alors les yeux mais restait ferme sur ses positions. Pourtant il avait bien tremblé, il y avait une faille et elle faisait sourire Seungmin qui s'approchait.
- Innie ? Il l'appela à nouveau avec le même timbre doucereux. Viens avec moi, tu feras mon chaperon et je te promets que le Roi ne te dira rien.
- Ho-hors de question, bégaya légèrement le soldat.
Il était troublé, Seungmin continuait de le presser se trouvant bien vite à quelques centimètres de lui, sans pour autant le toucher mais il était clair que ce n'était pas une distance normale pour deux amis, encore moins pour le Mage Erudit et un simple soldat.
« Arrête, ordonna d'une voix qui se voulait ferme le pauvre soldat acculé. T'es injuste.
- Injuste ? C'est toi qui m'interdis de sortir, alors que je suis parfaitement conscient de mes capacités. Qui t'as appris tout ce que tu sais Innie ? Qui t'as aidé à intégrer l'école militaire ? Je sais ce que je fais, alors arrête de vouloir me dire ce que je dois faire.
- Je ne peux pas. J'ai des ordres. Alors n'insiste pas, tenait bon Jeongin.
- Des ordres ? Et notre promesse alors ?
Jeongin leva subitement des yeux surpris sur le mage. Il était perplexe, le haut des joues légèrement rosé.
- Quoi notre promesse ?
- Celle de ne jamais se laisser tomber. De toujours faire de l'autre sa priorité. »
Jeongin cligna une fois de plus des yeux, incrédule. Seungmin se renfrognait mais restait tout près. Il relevait la tête d'un air de défi alors que le soldat se décomposait peu à peu et à son tour se retrouvait agacé par l'audace du brun en face de lui.
« En quoi je suis revenu sur la promesse ?
- J'ai des responsabilités, j'ai un devoir à accomplir et si tu me pièges ici, alors tu fais passer les ordres de Chan avant moi.
- Mais c'est pour ton bien qu'on fait ça ! S'exclama Jeongin subitement excédé par son culot. Le Roi sait parfaitement que t'es une vraie tête de mule quand tu t'y mets, tu te rends compte qu'on a pas le choix de mettre des gardes devant ta porte pour t'éviter de faire des trucs stupides ?
- S'il y a bien de choses que je ne fais pas c'est des trucs stupides ! Tu vas me faire le plaisir de bouger sinon c'est moi qui te bouge !
Jeongin ouvrit la bouche, incapable de répondre tant il avait été choqué. Ses mains tremblaient, il bouillonnait littéralement mais c'était plus fort que lui, il n'arrivait pas à crier sur Seungmin. Mais c'était un bon soldat, l'un des meilleurs. Loyal et surtout conscient que Seungmin surestimait sa résistance comme il l'avait toujours fait. Il se croyait capable de tout assumer seul depuis qu'il était enfant, parce qu'il s'était toujours senti seul au monde et que même s'il était entouré, il ne laissait personne s'approcher de trop près de sa bulle protectrice. Sauf pour Jeongin, pour qu'il avait développé un instinct de protection presque immédiat. Le plus jeune avait été pris sous son aile très vite et l'admirait. Bien plus qu'il n'admirait Changbin ou le Roi. Bien plus qu'il n'admirait même tous ses supérieurs ou professeur. Seungmin était son modèle à atteindre. Il était même plus que ça.
Jeongin se mordit alors lèvres, il n'avait plus le choix. Seungmin posa à peine sa main sur son épaule pour essayer de passer en force mais le jeune soldat lui, avait toutes ses forces, et même si le mage avait eu longtemps le dessus sur lui lorsqu'ils étaient enfant, ce n'était plus le cas aujourd'hui. Il se saisit alors soudainement de son bras et dans un geste précis, maîtrisé et sans réelle violence, il le plaqua contre le mur, le bras dans le dos.
« Arrête », il cingla d'une voix plus autoritaire.
Seungmin écarquilla les yeux. Il ne l'avait pas vu venir celle-là.
« D'abord tu te reposes. Je t'accompagnerai plus tard dans la soirée, seulement si tu dors au moins trois heures.
- In..., souffla Seungmin perplexe. Tu...Tu me fais mal.
- Ne mens pas. Je mets aucune force.
- Innie...S'il te plaît. »
Jeongin ferma les yeux une seconde. C'était dur. Tellement dur et Seungmin était cruel d'en jouer. Il savait à quel point ça lui faisait mal de s'opposer à lui, parce qu'il ne l'avait jamais caché.
« Je suis pas malade...Je t'aime c'est tout. Pourquoi tu me crois pas ?
- Désolé Innie. L'amour, ça m'intéresse pas. Je ne ressens pas les choses comme toi.
- C'est pas grave. Je veux juste que tu me crois. »
« Innie, rappelait Seungmin d'une voix maintenant plus faible. Je te jure, tu me fais mal... »
Il mentait mais il le relâcha quand même en direction de l'intérieur de la chambre, il se repositionna devant la porte, regardant autour de lui pour reprendre constance alors que Seungmin se massait le poignet. Aucune grimace d'inconfort, ni de fierté victorieuse. Il n'y avait que cette tension désagréable, le regard presque indifférent du Mage qui n'avait jamais partagé les sentiments du jeune soldat mais n'hésitait jamais à les utiliser contre lui.
Seungmin était injuste, il était cruel mais il était son ami. Il était le garçon qui lui avait ravi son cœur et qu'il ne pourrait jamais rejeter. Il ne le blessait jamais trop, en tout cas pas intentionnellement, il utilisait simplement sa faiblesse lorsque cela se révélait nécessaire à ses yeux car pour Seungmin, la fin justifiait toujours les moyens.
S'il ne pouvait pas comprendre l'amour, il ne pouvait pas plus comprendre la peine qu'il engendrait lorsqu'il est à sens unique. L'espèce de picotement constant, comme une aiguille qui le pique à longueur de journée jusqu'à finir par le rendre fou.
Jeongin soupira, il restait droit et Seungmin dû se résigner à se rasseoir sur son lit, sans le quitter des yeux, accusateur. Déçu. Et il le savait parfaitement, c'était la pire des punitions pour le plus jeune.
« Tu peux faire la gueule temps que tu veux, lui rétorqua Jeongin. Je tiens plus à ta santé qu'à ton approbation.
- C'est faux. »
Seungmin s'allongea soudainement sur son lit, lui tournant le dos. Jeongin se mordit une fois plus la langue, gardant son ressenti pour lui et laissant filer, comme toujours. Seungmin finira par s'excuser. Comme il le faisait à chaque fois et bien que ça aidait à soigner les petites blessures, des cicatrices il en était maintenant plein.
Ce n'est pas comme s'il pouvait arrêter de l'aimer.
Plusieurs heures plus tard, au milieu de la nuit, Jeongin vit Seungmin s'agiter. Le mage ne pourrait plus le nier, il avait dormi presque cinq heures et tout au long de son sommeil, le soldat avait pu remarquer la fatigue sur son visage. Lorsqu'il se laissait complètement aller, Seungmin redevenait transparent, vivant d'émotions qu'il disait ne pas ressentir au quotidien. Il les feignait parfaitement, réussissait à rire et sourire, jouer avec les autres mais il était bien souvent indifférent. Seungmin lui avait avoué qu'il agissait par imitation, sans penser à mal, il était juste né ainsi.
Ca ne l'empêchait pas de ressentir du bonheur, du plaisir, de la colère ou de la tristesse, il les ressentait à moindre mesure. Sa raison était tout simplement plus forte et à chaque émotion irrationnelle, il trouvait un moyen rationnel de s'en débarrasser. Il estimait ne pas avoir de temps à perdre sur ce genre de choses. Jeongin avait toujours trouvé ça triste, plus qu'inquiétant. Au départ, il pensait réellement qu'il avait simplement besoin de s'ouvrir plus au monde, de trouver quelqu'un, quelque chose qui pourrait lui faire ressentir tout ça alors le plus jeune avait eu à cœur de lui faire découvrir la beauté du monde, parfois la beauté des gens.
Un jour ils avaient même traversé la ville basse au milieu de la nuit, ils avaient passé les portes de la ville après le couvre-feu et s'étaient enfuis pour participer à une fête de village dans les montagnes. Ils avaient des masques d'animaux taillés dans le bois, une fête des esprits nocturnes. Les deux garçons s'étaient gavés de confiseries et avaient bu leur première bière. Seungmin s'était amusé et parfois une petite étincelle jaillissait de ses yeux, particulièrement intrigué, intéressé par les feux d'artifices.
Jeongin pensait alors que l'apprentissage était en cours mais ça ne durait jamais longtemps. Comme un écureuil il gardait ses moments précieusement dans sa mémoire. Il voulait lui en faire vivre autant qu'il le faudra pour lui faire enfin ressentir la puissance des sentiments. Ceux qui font vivre les hommes et qui nous poussent à nous battre.
Il s'acharna à lui faire découvrir des expériences, le monde extérieur, les lumières de la forêt des Quatre Cent Dieux. Débarquer dans une forge regarder le métal en fusion, jouer avec une épée qu'ils forgeraient eux-mêmes, participer à un tournoi amateur et tenter de gagner une course de chevaux clandestine.
Et a chaque fois, il savait qu'il réussissait, quelques heures puis s'intégrant parfaitement, Seungmin redevenait à nouveau le garçon intelligent, sagace. Jeongin l'avait vécu comme un échec, et peu à peu il se sentait insuffisant, bien qu'il ne pût se résigner à s'éloigner de son ami pour qu'il avait des sentiments bien plus profond : parce que la vérité était là, il voulait simplement lui faire ressentir la même chose, de l'amour, pour n'avoir qu'un infime espoir de voir un jour ses sentiments partagés.
L'espoir il n'en a jamais eu et ce n'était pas plus mal. Sinon son amitié serait trop douloureuse à supporter.
Jeongin s'était approché du lit du mage à cette pensée, il s'interdisait lui de franchir la distance que Seungmin persistait à réduire quand il voulait le faire céder. Ce n'était pas faute d'en avoir envie mais il avait appris de ces erreurs. Jamais il ne gagnera, alors autant ne pas se brûler les ailes de soi-même.
Il allait revenir à son poste quand il sentit une main se saisir de son bras et l'attirer soudainement vers le lit, le jeune soldat tomba sans réussir à se préparer pour la chute sur le mage, qui le serrait contre lui, l'emprisonnant dans une prise forte, presque trop car Jeongin ne pouvait plus bouger d'un pouce alors qu'il essayait de reculer la tête, de s'agiter pour se défaire.
« Qu'est-ce que tu fous ? Il pesta en voulant se relever.
- C'est toi qui me regardes dormir. Pourquoi tu fais ça ?
Seungmin avait des questions qui parfois le désarçonnait complètement. N'importe qui aurait compris mais lui, espérait toujours une réponse logique et il n'en avait pas à lui donner.
- Je voulais juste voir si ça allait, tu me libères maintenant ?
- Je sais pas. Tu m'as libéré tout à l'heure ?
- Arrête tes conneries Seungmin, lâches moi.
- Pas envie. Pas encore. »
Seungmin souriait maintenant, fier de sa vengeance. Jeongin sentait une bouffée chaleur l'envahir mais il ne savait pas tellement si c'était la colère, leur proximité et le sourire – bien qu'espiègle – totalement charmeur du mage qui lui donnait chaud. Surement un peu de tout.
« Tu vas le regretter si tu me lâches pas », menaça Jeongin d'une voix grave, ce qui était un exploit.
Jeongin avait toujours semblé plus juvénile qu'il ne l'était, ses camarades aimaient bien l'embêter avec ça, lui ébouriffer les cheveux, même le Commandant Changbin était un peu moins dur avec lui. Mais Seungmin savait qu'il n'en était rien, Jeongin n'était pas un timide petit garçon sans défense, bien au contraire, il pouvait parfaitement se montrer tranchant et impitoyable. Ses éclats d'autorité étaient parmi ses facettes les plus fascinantes aux yeux du mage. A tel point qu'il aimait parfois les provoquer, sans savoir exactement ce qui le poussait à le faire. Il aimait juste le voir plus déterminer, plus féroce. C'était un aspect de sa personnalité qu'il avait d'autant plus du mal à lui montrer et c'était un vrai plaisir coupable de le réussir à le faire sortir de ses gonds.
« Tu ne me feras rien, répondit Seungmin tout à fait sûr de lui.
Irrité, Jeongin se mordit les lèvres attirant de ce fait le regard du mage dont l'étincelle d'intérêt s'allumait dans ses iris. Le soldat retint une seconde son souffle.
- Ne fais pas ça, il avertit aussi tôt mort de trouille.
- Pas quoi ?
- Ce que tu penses faire. Tu vas trop loin.
- Je n'ai encore rien fait.
- Mais tu penses à le faire.
- Innie, tu paniques pour rien. J'ai rien fait.
- Lâche moi.
- Tu te calmes d'abord.
- LACHE MOI ! »
Et il l'avait fait. Il avait juste redressé son visage et l'avait embrassé, emportant tout sur son passage. Le raisonnable, l'estimable, l'honorable. Il avait piétiné leur amitié, ravivé des flammes qu'il essayait désespérément d'étouffer, sans grande conviction. Il avait tout dénigré, son besoin de distance, son envie de s'en sortir et de trouver peut-être un jour, quelqu'un d'autre pour soigner ses plaies, toujours sans grande conviction. Il l'avait enchaîné définitivement à lui de la plus cruelle et tyrannique des façons, parce qu'il ne lui donnera rien.
Alors pourquoi est-ce qu'il en voulait encore plus ?
S'écartant à peine de ses lèvres, Jeongin avait replongé, tête la première au fond du gouffre et les bras de Seungmin auparavant qu'il l'emprisonnaient, étaient remontés jusqu'à son visage qu'il gardait tout contre lui, dérobant chaque centimètre de sa bouche dans un échange vorace tandis que ses propres mains tiraient sur sa tunique noire, remontant alors lentement le tissu, dévoilant les flans nus de sa peau, piquetée des arabesques du Geai Bleu qui sous l'excitation, s'illuminaient d'une légère lueur verte, dans la pénombre de la chambre.
***
Felix regardait les deux derniers arrivant d'un air suspicieux. Jeongin ne croisait les yeux de personnes, se passionnant étrangement pour les arceaux suspendus au plafond de la grande salle des mages, Seungmin lui préférait se concentrer sur son livre et l'incantation qu'il devait prononcer, ne cessant pour autant de se racler la gorge et de se gratter le cou maintenant tout rouge sous son agitation. Felix pencha un peu plus la tête et trouva une trace un peu plus foncée que les autres mais avant qu'il ne puisse même songer à briser le silence, Christopher le devança.
« Alors ? Il demanda à Iris. Tu as compris l'incantation ?
- Oui, ce n'est pas compliqué. C'est une incantation de téléportation basique. Comme je me suis reposé je vais utiliser la téléportation de mes propres pouvoirs pour envoyer Felix aux portes de la forêt, ensuite j'utiliserai le sort du bouquin pour Minho et Jisung, quand Zephilis m'aura transmis assez de puissance.
- Il faut pas trainer, le garder ici nous affaiblit tous, conclut Christopher. Sans vouloir te faire de la peine, dit il cette fois en regardant le concerné.
Felix se contenta de lui sourire, bras croisés sur le torse mais toujours aussi intrigué par l'étrange comportement de Jeongin. Il n'était pas habitué à ce que le soldat l'ignore totalement, ils s'entendaient très bien, dès qu'ils avaient l'occasion, ils passaient du temps ensemble et les mois passés à Pandore avait renforcé leur lien mais là, il sentait clairement que le soldat n'était pas avec eux. C'était dans sa tête ou il s'était passé quelque chose avec Seungmin ? Une étrange tension irradiait des deux garçons et ce n'était pas seulement le lien qu'il partageait avec l'âme immortelle de l'érudit qui lui faisait penser ça.
« T'es prêt Felix ? Demanda cette fois Seungmin le sortant de ses pensées.
- Hein ? Oui. Bien sûr.
- Ok. Ça va être rapide. Promis, je me suis entrainé, lui sourit l'Alchimiste mais Felix se contenta d'hausser un sourcil.
Il n'en croyait pas un mot et Seungmin le savait bien.
- Il faudra parler à Hyunjin. Il dormait encore quand je suis parti, il va se poser de questions, dit il cette fois en regardant le Roi.
- Bien sûr, compte sur moi.
- De toute façon tu ne pars pas pour longtemps, contrairement à nous, reprit Minho. Tu pourras revenir aussi tôt que tu as puisé assez de force pour nous faire décoller. »
Felix affirma. Il prit une profonde inspiration, sentant déjà une légère appréhension. Seungmin partagea un nouveau regard entendu avec lui, il se positionna et ferma les yeux à son tour pour se concentrer. Felix fit tous les efforts du monde pour ne pas aspirer brutalement la magie que Seungmin allait déployer, il était primordial que la téléportation fonctionne, sinon ils allaient perdre encore plus de temps.
Doucement la pièce se chargeait d'une pression spirituelle intense, Felix s'en trouvait presque subjugué. Il avait la sensation que Seungmin y mettait toute son énergie, il était parfaitement concentré et aussi tôt les arabesques sur sa peau s'illuminèrent. Les autres firent un pas un arrière, ce qui aurait pu faire sourire Felix mais il était confiant. L'Alchimiste releva la tête, plantant son regard dans le sien alors que les cercles apparaissaient autour de lui, les runes en langue ancienne.
« Jaenil o macha quarte deus »
En un battement de paupière, le voilà au milieu de la forêt.
Le bruit des oiseaux se dispersant dans les cieux remplaçait l'écho de leurs voix dans la salle des mages. Felix regardait autour de lui, la végétation environnante, la mousse au sol et l'odeur de sous-bois qui lui chatouillait les narines lui confirmait qu'il au bon endroit, sans parler du courant qu'il sentait venir des entrailles de la terre.
Les doigts écartés, observant le tracé de ses veines sur ses bras, il sentit une forte puissance élémentaire jaillir de toute part, complètement l'envelopper comme lorsqu'il était dans la monde spirituel.
Zaen Philis
Zaen Philis
Il regarda lentement les cimes qui l'entouraient et plusieurs sons lui parvenaient. Comme un chant mêlé de créatures divines. C'était palpable, galvanisant, il prenait des grandes inspirations tandis qu'il les entendait tous l'appeler, lui souhaiter la bienvenue. Un grand sourire se dessinait sur ses lèvres, les voix étaient encore plus fortes et la terre trembla légèrement.
Soudainement, du sol jaillissait une grande lumière, déchirant la plaque jusqu'à ses pieds mais il ne bougea pas. Il restait parfaitement immobile et sorti de ses entrailles, la silhouette immense d'une femme au voile bleu, une épée gigantesque dans la main. L'esprit d'une guerrière, elle tendit son autre main dans sa direction avant de l'appeler à nouveau.
Zaen Philis.
Felix restait immobile, imperturbable. Il n'avait aucune crainte, il n'était pas menacé et même si de prime à bord la guerrière géante aurait pu l'écraser d'une main, ce n'était pas lui qui était en réalité en position de faiblesse et son aura en démontrait toute l'ampleur.
Il prit une nouvelle inspiration concentrée, la guerrière recula, et d'un coup d'épée qui tranchait l'air, elle la planta dans le sol créant une nouvelle faille. Une nouvelle lumière jaillit pour monter jusqu'au ciel, couvrant ce dernier auparavant bleu d'une couverture rougeoyante, un rayon puissant, se dispersant et couvrant toute la voûte céleste. Felix le regardait, un sourire sur les lèvres.
C'est le moment.
« Fan Porgon Xwyn ! »
Main tendue, la terre tremblait une nouvelle fois et le vent se leva tout autour de lui, balayant les arbres, les animaux, réveillant les créatures cachées et la guerrière géante au visage masqué qui poussa un cri déchirant se répercutant dans l'air par échos.
« FAN PORGON OM IRIS ! »
Le flux de magie lui brûlait presque la peau, faisant briller ses yeux, ses cheveux, son tatouage et le lien de ses frères vibrait de l'intensité de la magie.
Le Geai Bleu reprenait vie et personne ne pouvait encore imaginer à quel point ces derniers étaient plus fort que tout ce qui avait vu.
« MAINTENANT » S'exclama Seungmin dans la grande salle.
Le flux de magie ébranla toute la citée, les habitants poussaient de cris de détresse en regardant la lumière jaillir du ciel. Le sol tremblait, exhumait cette force concentrée qui trouvait son hôte en Iris. Seungmin serrait les dents sous l'intensité, sa peau brillant comme une constellation.
Minho n'avait jamais vu autant de puissance magique, lui-même se sentait submerger et Jisung peinait même à rester debout. Ses ailes le démangeaient, prêtes à s'ouvrir. Christopher sentait le battement de cœur de Zephilis dans le sien, les pulsations vibrantes. C'était incroyable. C'était impensable. Une émotion incontrôlable le gagnait, le pouvoir était grisant, la force. L'héritage. Il souriait bêtement, observant ses paumes.
Seungmin fit apparaître une cinquantaine de cercles tout autour d'eux, qui tournoyaient à grande vitesse, Minho eu juste le temps de saisir la main du Mage Blanc que déjà leurs silhouettes disparaissaient dans une onde choc qui fit trembler les murs dans la grande salle, jusqu'aux fondations même du château.
Felix bascula en avant. Les mains sur les genoux. Il était essoufflé. Heureux mais essoufflé. Il leva à nouveau ces yeux vers la guerrière, cette dernière était de nouveau calme et retirait son épée géante du sol.
« Bienvenue, Zaen Philis »
Sa voix grondait, un puissant écho, avant de s'évaporer dans un écran de poussière. Felix lâcha un profond râle de fatigue, son corps était devenu aussi lourd qu'une enclume. Il se laissa tomber, assis à même le sol, bras tendus en arrière alors qu'il essayait de reprendre son souffle.
« Bordel...C'était...C'était dingue..., il murmura pour lui-même. Alors c'est ça ? La forêt des Quatre Cent Dieux. Là, où tout à commencer. »
Les mains sur le sol, au milieu de la terre, il ressentait tout. Chacune des vies présentes, mortels ou immortels. Chaque esprit, chaque âme qui habitait la forêt ancestrale. Ils l'accueillaient tous. Il souriait à nouveau bêtement, se laissant tomber en arrière, bras en croix sur le sol lorsque des gouttes commencèrent à tomber sur son visage. Il ouvrit les yeux, étrangement serein. Apaisé et bientôt trempé sous pluie orageuse qu'il avait surement provoqué.
Le souvenir de sa dernière venue dans la forêt alors qu'il pleuvait des cordes lui revenait à l'esprit. Un souvenir qui ne lui appartenait pas personnellement, le souvenir de son ancienne vie, tenant Callum dans ses bras. Felix perdait de son sourire, il se redressa, entendant les innombrables gouttes sur les feuilles, le sol, il regardait autour de lui comme si quelqu'un ou plutôt quelque chose essayait de l'appeler.
« Ça ne peut pas...Non impossible. »
Felix se leva, commençant à arpenter les bois. C'était presque facile. Vue de l'extérieur, les lieux paraissaient brousailleux, hostiles, impraticables mais comparer aux marécages de Pandore, la forêt était un havre de paix. Grouillante de vies. Ou bien était ce parce qu'il était l'Elémentaire qu'il se sentait aussi à l'aise ? Léger. La végétation se poussait pratiquement pour le laisser, le conduire jusqu'au cœur de celle-ci, au point culminant. La densité magique était encore plus forte et Felix sentit qu'il franchissait une sorte de seuil quand il vit un immense lac. La pluie battait sur la surface. Tout autour de lui, il commença à remarquer de légères habitations, coincées dans la végétation qui les recouvrait de mousse, de lierre.
« C'est...Ici ? »
Il continuait à marcher sur ce qui ressemblait à un sentier, lentement, il regardait chaque petit muret, chaque espace plus large, moins dense dont les souvenirs de vies, d'habitants, se superposaient à la réalité. Des espaces conviviales, de fêtes. Des équipements communs, les femmes qui lavaient leur linge au bord du lac, les rites des chamanes. Felix avançait toujours jusqu'à se retrouver aux pieds d'une petite colline. Une sorte d'arche en bois taillé lui faisait face.
Le souvenir d'un homme aux cheveux bleus, une tenue de guerrier en cuir et un sourire enjôleur. De légères fossettes, le portrait craché du Roi Christopher le précédait sur le sentier, lui tendant la main pour qu'il le rejoigne. Lui-même métamorphosé en Zephilis aux yeux bleus et aux longs cheveux immaculés.
« Notre maison... », murmura Felix.
Il gravissait la petite colline, les pieds dans la boue, puis après une dizaine de minutes, il se retrouvait à nouveau sur du plat et au bout du sentier, une nouvelle habitation en pierre et à la toiture effondrée. Son cœur battait la chamade, la nostalgie, la tristesse l'envahissait bien que ce n'était pas vraiment la sienne. C'était celle de sa vie antérieure, celle de l'ancien Zephilis qui avait pleuré son bien aimé juste ici.
Felix pivota sur lui-même, regardant le bas de la colline où le reste du peuple vivait, derrière le rideau de pluie.
Un instant de recueillement, Felix regardait ces terres, priant secrètement pour toutes les vies qui s'étaient éteintes ici, priant pour que leurs âmes trouvent le repos mais au moment d'ouvrir à nouveau les yeux, le craquement d'une branche le fit se retourner brusquement. Main sur la poignée de son épée, il distingua une silhouette se découvrir du amas de végétation qui avait envahi la vieille bâtisse.
« Felix, c'est bien toi ? Non, je devrais t'appeler Zephilis maintenant...»
Felix sentit son cœur manquer un battement. Cette voix, il la connaissait. Il l'avait déjà entendu. Les yeux bandés, les cheveux blancs et le dos courbés. Une vieille femme s'avançait devant lui et l'image fugace d'un instant passé, de son passé, loin de ces terres, sur une île, avant d'être embrasé et jeté dans un bateau.
« Cache toi Felix ! Ne sors sous aucun prétexte ! Tu m'entends ?! »
« Qui...Qui êtes-vous ?»
La vieille femme s'arrêta, assez loin pour ne pas risquer de l'effrayer davantage mais assez prêt pour totalement distinguer son visage ridé, vieilli. Son aura, sa signature magique lui était familière.
« Je suis la chamane des Quatre Cent Dieux mais surtout, je suis ta grand-mère. »
◯
○
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Bien le bonsoir (pour ceux qui lisent en direct)
J'ai écris super vite ce chapitre, je suis assez contente !
Et oui, je vous ai sorti un dernier ship de derrière les fagots haha !
A la base je voulais juste les mettre dans un chapitre bonus à la toute fin de l'histoire mais finalement j'ai préféré les introduire en avance.
Pour le plaisir !
J'espère que vous avez aimé !
Et en guise de surprise on a un membre de la famille de Lix qui va lui en apprendre un peu plus sur son passé. Ainsi que celui de Jiji...
En attendant le Minsung s'est envolé pour Haendel, le chapitre suivant sera plus centré sur eux et leur rencontre avec Glass puis les Moires.
A bientôt !
D.
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