XXVIII. Le Serpent 🍋
Les bras croisés dans le couloir, le Roi Christopher patientait. Les yeux dans le vague, il songeait à des milliers de choses, l'esprit bien loin de ses murs, dans un silence presque mortuaire. Le temps suspendu.
Mais quand la porte de la chambre s'ouvrit, il se redressa aussi tôt. Seungmin avait le regard terne, des cernes immenses et le visage blafard. Il n'arrivait même pas à soutenir le regard de son monarque, déglutissant de devoir lui annoncer la nouvelle qu'il craignait depuis des jours.
« Il...Il ne se réveille plus.
- Quoi... », souffla simplement le monarque par pur instinct.
Son corps vacillait une seconde mais il se rattrapa à temps au rebord d'une grande fenêtre. A quelques mètres de là, Changbin le vit et se précipitait presque aussitôt mais le Roi leva simplement la main pour l'arrêter. Il puisa dans le reste de sérieux, de retenue qu'il gardait pour demander d'une voix claire.
« Il est...Mort ?
- Non. Mais ça ne tardera pas. Il ne tient plus. Son corps ne tient plus. Il souffre le martyre et je n'ai plus rien pour le soulager je- », enchaîna Seungmin, impuissant et désemparé se mordant les lèvres.
Lui-même perdait contenance, il soupira une fois de plus passant nerveusement sa main dans ses cheveux alors qu'il tremblait du manque de sommeil, de l'énergie dépensée durant toutes ces heures à essayer de garder le Prince parmi eux. Il était à bout de nerf, à bout de force et il avait la sensation d'avoir été inutile, que toutes ces heures de fatigues n'avaient servi à rien. Il rageait d'être si fort, d'être l'Alchimiste et que cela ne change strictement rien.
Il releva alors les yeux sur le Roi, se sentant coupable de ses propres pensées alors qu'il ne pouvait imaginer l'état de Chan. Sa colère qui ne pouvait s'exprimer qu'à travers des crispations, des regards en biais tandis que la silhouette de son garde restait à proximité, prêt à le rattraper s'il s'effondrait.
« Encore une nuit, il ordonna. Encore une nuit et s'ils ne sont pas revenus, alors... »
Il regarda cette fois Changbin. Ses mots étaient pour lui plus que pour Seungmin. Un ordre qu'il n'osait prononcer et que le noiraud compris d'un simple regard. Les muscles de sa mâchoire se contractaient et tandis que sa main se resserraient sur la garde de son épée, il acquiesça silencieusement.
« Je ferai ce qu'il faut. » Il murmura à son Roi comme le glas d'une décision qu'il n'aurait jamais voulu avoir à prendre.
Soudainement les portes de l'autre côté du couloir s'ouvraient, faisant entrer trois soldats accompagnés d'une femme dans une robe bleu nuit. Les mains posées respectueusement sur le bas de son ventre, une couronne fine traversait son front, en rien semblable à celle du Roi Christophe mais présente, bien que discrète, pour témoigner de son rang. La Reine Mère Sunhee Hwang accompagnée de sa garde personnelle approchait d'un pas rapide de la porte de la chambre et Christopher s'avançait en premier à sa rencontre.
« Mère » Dit-il à la Reine l'arrêtant dans sa lancée.
Ses longs cheveux noirs pendaient jusqu'à la chute de ses reins, plus fins que des fils d'araignées. Les rides de son visage marquaient ses années mais elle dégageait toujours cette élégance noble dont Hyunjin avait hérité. Bien avant d'être Reine, elle ressemblait déjà à une souveraine, ce qui avait toujours impressionné Chan.
Elle n'avait jamais été dure ou sévère mais elle n'était pas chaleureuse pour autant. Hwang Sunhee était une femme introvertie mais lorsqu'elle entrait quelque part, elle ne pouvait passer inaperçu. En devenant Reine, elle avait eu à cœur d'être digne de la chance que lui donnait son Roi. Eduquer parfaitement son fils. Sans être trop dure, elle était une femme d'honneur et juste. Mais de part la naissance marquée de son fils, elle pouvait s'avérer surprotectrice.
Depuis le décès de son époux, elle restait éloigner du Palais. En tant que Reine mère, elle avait un pavillon dédié au sein de la Cour et elle préférait y demeurer. C'était la coutume à Agora, la Reine mère quittait le château sans pour autant quitter son rôle. Tant que Chan ne prenait pas une épouse. C'était purement symbolique.
Sunhee respectait les coutumes de sa terre d'accueil. En tant que réfugier, elle s'était toujours sentie obligée de gagner sa place. Elle était venue sous la protection de Marius Bang, n'avait jamais demandé plus que de pouvoir vivre avec son fils en sécurité et c'était retrouvé propulser Reine par simple convenance. Le Roi Marius avait conscience de l'importance de Hyunjin, du danger que représentait même son existence et il était assez bon pour sacrifier sa vie pour un enfant qui n'était même pas le sien. Et pour cette faveur, elle dévouait son âme à cette patrie. Elle voulait que Hyunjin soit à son tour un héritier exemplaire, qu'il serve son pays, son Roi comme le meilleur des Princes et même si cela ne durait qu'un temps imparti par les dieux. Jusqu'à peut-être trop vouloir contrôler la vie de son fils et ses choix d'homme.
Jusqu'à ce que Christopher lui demandât de laisser Hyunjin s'émanciper, s'épanouir comme un garçon normal. Elle ne pouvait rien refuser au Roi, c'était dans ses principes, alors elle n'eut d'autre choix que d'accepter de s'éloigner. Non sans inquiétude mais elle l'avait fait. Elle voulait plus que tout que son fils soit heureux et si pour cela elle devait se retirer, alors qu'il en soit ainsi.
Le laisser s'ouvrir au monde et que le monde s'ouvre à lui.
Et forcée de constater que cela avait parfaitement fonctionner, il était devenu le Prince qu'elle espérait qu'il deviendrait, allant jusqu'à presque oublier cette épée de Damoclès qui coulait dans ses veines.
Seulement, quand elle apprit la chute abrupte de son état, il était déjà trop tard. La marque était devenue trop douloureuse pour que son fils soit assez lucide pour la reconnaître. Le choc fut si grand, comme si tout ce temps elle avait été aveugle, que les jours et les années avaient filés et que les images de son enfant heureux, souriant, n'étaient qu'un instant éphémère d'un rêve dont elle pouvait à peine se souvenir.
Le peu de fois où il était lucide, le mage royal appliquait des sceaux et elle ne pouvait être présente, les autres fois, elle restait sur le pas de la porte à l'entendre gémir et frissonner d'effroi quand elle osait poser la main sur la poignée de sa chambre et qu'elle sentait presque sur elle, les yeux du serpent. La frustration la prenait à la gorge, lui donnait envie de crier son malheur mais elle restait immobile, étouffant ses sentiments comme on lui avait appris à le faire. Elle savait son temps compter à ses côtés, depuis le jour elle était tombée enceinte de Kane, lui-même porteur de cette tâche dont il avait hérité.
Elle était même prête à ne pas aller au bout de sa grossesse, effrayée à l'idée que ce mal l'emporte elle aussi mais aux premiers mouvements, aux premières manifestations de son enfant dans son ventre, elle s'était senti l'aimer comme jamais elle n'avait aimé. C'était proprement une sensation qu'aucun homme ne pourrait un jour comprendre.
La vie qui grandit, le lien qui se crée comme aucun autre. Elle était pour lui son premier contact en ce monde, et elle voulait être le dernier.
Ravalant ses larmes, elle releva la tête vers son Roi.
« Je t'en prie, dit-elle alors d'une voix assurée mais tremblante. Tu ne peux pas abandonner. »
Le Roi déglutit. Cette femme qu'il avait toujours trouvé forte était si fragile à cet instant. Tout comme avec Hyunjin, Sunhee avait eu à cœur de s'occuper de Chan, de faire de lui un bon Roi, comme s'il avait été son propre enfant et pour cela, le monarque lui en sera toujours reconnaissant. Il était jeune lorsque sa mère les avait quittés, peu de temps après c'était son père alors la présence de Sunhee dans sa vie avait été plus qu'un soulagement. Elle l'avait soutenu comme une mère le ferait. Difficile donc de tenir ses grands yeux larmoyants, ses petites mains tremblantes, celles qui l'avaient maintenu hors de l'eau quand il était devenu orphelin.
« Il souffre. Je ne peux pas continuer plus longtemps. Il marmonna.
- Ce n'est pas ce que je te demande. Mais laisse-lui le choix. Il doit pouvoir choisir...Chan...Je t'en pire. C'est mon garçon...
- Et c'est mon frère. Vous voulez que je le regarde mourir dans la douleur ? C'est ce que vous voulez ?
- Pitié... »
Mais les supplications d'une mère n'avaient plus rien de rationnel, Chan comprenait sa peine car elle était la sienne. Elle s'accrochait à lui, retenant ses sanglots et tandis que son propre cœur se déchirait, il entendit la cohue depuis l'extérieur. Le brouhaha des militaires en actions suivi du son du cor annonçant la venue d'un visiteur important.
La Reine se redressait elle-même, surprise tandis que Chan se détachait, venant se poster devant les grandes fenêtres qui donnaient sur le Cour. Il regardait les gardes plus bas, la foule commençait à s'accumuler devant la grande porte et alors qu'il essayait de distinguer les arrivants, il entendit un nouveau cri de stupéfaction tandis qu'une ombre passait au-dessus des remparts. Changbin s'était pressé à ses côtés, observant le passage au-dessus du château d'une créature ailée.
Il fronça les sourcils mais soudain Chan le vit. Interloqué, aucun son ne sortait de sa bouche qui s'entrouvrait sous la vision d'une silhouette humaine, les grandes ailes battantes. Il tournoyait et passait maintenant au ras des murs de pierres du Palais trainant avec lui le regard stupéfait de la population et des militaires.
« C'est... », commença à peine Chan.
Seungmin les rejoignait à son tour, curieux et suivant les exclamations de stupéfaction qu'il entendait plus bas.
Une nouvelle fois la silhouette effleurait les remparts puis il vint atterrir avec force sans être brutal, faisant s'écarter l'attroupement. Il secouait ses cheveux noirs qu'il balayait d'une main nerveuse, la poussière mêlée à l'humidité et la transpiration, il prit une profonde inspiration alors que ses ailes s'écartaient d'un claquement sonore qui fit retenir le souffle de ceux qui l'observait. Tous formait un cercle autour de cet être que personne n'avait jamais vu, ou imaginer dans leurs rêves les plus fous.
« Enkil... » Dit finalement Seungmin.
Un sourire commençait à poindre, un sourire de plus en soulagé, mêlé d'espoir qu'il posa maintenant sur le Roi avant de partir subitement en courant. Christopher n'eut même pas le temps de lui répondre, le regardant s'enfuir, alors il jeta maintenant un coup d'œil à Changbin qui semblait tout aussi stupéfait mais dont la lueur brillante dans ses billes noire témoignait de la même espérance.
Seungmin bousculait sur son chemin les gardes de la Reine mère, évitant les serviteurs et les domestiques, le cœur palpitant et le souffle court, il manqua même de trébucher sur un tapis près des grands escaliers qui menaient au hall principal. Il arriva finalement devant les grandes portes qui étaient déjà grandes ouvertes. Il sortit pour rejoindre la foule, repoussant la population qui s'écartait finalement sur son passage en reconnaissant le Mage du Palais.
« JISUNG ! »
Il cria alors qu'il continuait de courir, Jisung eut juste le temps de se retourner que Seungmin lui sauta au cou. Jisung n'était pas d'une assez forte corpulence pour tenir un Seungmin lancé à pleine vitesse et tomba à la reverse aussi tôt sous l'impact, entrainant une exclamation collective autour d'eux.
Ses ailes avaient eu le temps de se rétracter heureusement mais il ne put retenir la douleur de son dos qui heurta le sol, bien vite remplacé par la surprise et un soupçon de bonheur en reconnaissant le mage qui le serrait dans ses bras.
Bien qu'ils ne se soient pas quittés dans la joie et la bonne humeur, c'était d'Iris qu'il s'agissait et comme avec tous les mages du Geai Bleu, ils n'avaient pas besoin d'avoir beaucoup communiqué pour partager une complicité inexplicable.
Après tout, ils se connaissaient depuis des siècles.
Comme avec les autres, il avait juste la sensation d'avoir retrouvé un membre de sa famille perdu de vues depuis trop longtemps. Le sentir dans ses bras, c'était retrouvé un peu de soi-même.
« Je suis tellement heureux que tu aies changé d'avis ! Tellement heureux que tu sois ici !
- Moi aussi, il chuchota à ses oreilles en tapotant son dos. Mais tu veux bien te relever ? Tu m'écrases.
Seungmin riait doucement, essayant de cacher son embarras, avant de se redresser. Il aida en même temps le barde et tous les deux se tapotaient les vêtements maintenant pleins de poussière.
- Où sont les autres ? Demanda Seungmin sans attendre.
- Ils arrivent. On a fait la course, sourit Jisung.
- Et tu as gagné, lui répondit l'Alchimiste avec le même sourire, comme s'ils avaient déjà vécu cette scène.
- Comme d'habitude », lui répondit alors Jisung.
Le souvenir d'une époque où Zephilis et Enkil avaient déjà fait ce type de course. Un bon souvenir.
Puis d'un nouveau grondement, suivi d'un hennissement, apparaissaient les ailes noires du cheval ailée du Roi de Pandore. Ils levèrent à nouveau les yeux alors que la créature mythique amorça sa descente en spirale. Cette fois, ils reconnaissaient tous la monture des terres de feu, Minho obligea la population à s'écarter davantage pour atterrir avec Caïr dont l'envergure était bien plus que grande que celle de Jisung.
Le cheval secouait son long cou, grognant d'avoir dû redoubler d'effort pour la course. Le Roi vint s'excuser dans le creux des grandes oreilles avant de descendre et donner la bride de l'animal à un soldat qui s'approchait déjà pour l'aider, s'inclinant au passage pour le saluer.
« Majesté », on murmurait sur son passage.
Il retirait ses gants, s'avançant simplement jusqu'à Jisung, un sourire en coin. Jisung releva les mains sur ses hanches.
« Sale petit tricheur, lui lança le Roi. Quand on dit 1, 2, 3 partez, on attend le "partez" pour partir.
- C'est un discours de perdant ça. »
Minho roula des yeux, sans lui en tenir rigueur pour autant et voyant Seungmin regarder autour de lui, à la cherche d'une autre personne, il devina sa question avant même qu'il ne la pose.
« Agar En'Iris*, Il doit déjà être là-haut », il lui dit alors.
(*ne t'inquiète pas.)
Dans l'aile des appartements du Prince, il n'y avait déjà plus personne.
Ils avaient tous rejoint la cour pour voir les nouveaux arrivants. Quand Felix posa le pieds sur le tapis qui recouvrait le grand couloir, il sentit sa poitrine se gonfler d'un sentiment indescriptible. Un retour en arrière de la première fois qu'il avait franchi ce long couloir, qu'il avait respiré cette odeur, senti le soleil doux de Mirin sur son visage. La première fois qu'il était venue dans sa tenue de garde pour rejoindre cette même porte.
Son cœur battait à tout rompre, il sentait effrayé et excité à la fois. En même temps, il avait une sensation d'aboutissement qui lui donnait envie de laisser s'extirper un profond soupir de soulagement, de presque se laisser tomber à genoux pour ressentir à travers la paume de ses mains, la vraie nature de cette aura vrombissante, pleine de magie qui gorgeait les pierres du Palais. Le résultat des sorts de protection des mages qui se sont succéder entre ses murs, puisant dans les racines même de la forêt à quelques lieux de là.
Il avait traversé le Monde, et en aucun endroit il ne se sentait plus à sa place.
Il continuait sa marche, apercevant maintenant l'encadrement de la porte de sa chambre, il inspira à nouveau profondément, s'arrêtant sur le pas alors qu'il posa la main sur la poignée pour la tourner, lentement, déclenchant un verrou et un déferlement qui lui coupa le souffle.
Une puissante aura le frappa au visage. Une masse sombre, noire, ondulante et sifflante. Elle le fit s'arrêter net, alors qu'il sentait la menace plus qu'évidente.
Maah. Le serpent à la tête de mort.
Il ouvrit complètement la porte et toute la pièce était plongée dans le noir total. Dos à l'entrée, la couverture sur les hanches, il apercevait la courbure du dos du Prince, creusé comme il ne l'avait jamais été et totalement recouvert de cette tâche vivante, à l'aspect rugueux et massif à la fois.
Les larmes lui montaient aux yeux alors qu'il s'approchait, s'entourant d'une protection contre les attaques imperceptibles du monstre maudit. Il emplissait la pièce, l'air était irrespirable. En dehors des mages, il voyait mal quelqu'un pouvoir rentrer au risque de s'effondrer sous cette pression spirituelle intense. C'était comme un poison, une fumée épaisse qui s'engouffre dans les poumons pour tout brûler de l'intérieur. Les ondulations du corps vaporeux du serpent étaient lancinantes mais constant. Il emplissait l'espace laissant peu de place à sa présence qui s'imposait sans être brutal.
Felix s'arrêta aux bords du lit. Il déglutit en remontant son regard sur le corps fin du Prince, bien plus fin que dans ses souvenirs. Il vint s'asseoir à ses côtés faisant s'enfoncer légèrement le matelas sous son poids. Lentement, sa main se levait et la marque s'agita encore plus vivement, faisant gémir le Prince dans son sommeil. Ses doigts se suspendirent alors dans le vide, incapable de franchir les centimètres que le séparaient de sa peau car il le ressentait sur son propre épiderme, la résonnance de ses pouvoirs avec la malédiction. Il avait beau les contenir, brider leur interaction, elle effrayait l'esprit ancien qui possédait Hyunjin et le faisait souffrir d'autant.
« Je suis désolé, il murmura. Je suis désolé d'avoir mis tout ce temps...Mais je vais te sauver. Je te le promets. »
Un nouveau sifflement résonnait dans ses oreilles puis le serpent cracha, ses yeux jaunes au travers de la fumée. Maah se tenait comme une ombre au-dessus du Prince et le toisait de son courroux mais Felix n'était pas effrayé. Il était Zephilis et s'il avait pu le faire venir en ce monde, il se débrouillera pour le faire partir.
« Mara Aoen Assena, Ro Ash Preto Alcan* »
(*Compte tes heures, je te ferai repartir en Terres Obscures)
De cette résolution, il se redressa et quitta le chevet du Prince, traversant le couloir d'un pas rapide et déterminé.
Dehors, Christopher avait fini par rejoindre Seungmin et les deux autres mages. Avec lui, Changbin et une bonne partie de la Commanderie qui ayant entendu l'arrivée du Roi de Pandore, avait fait dépêcher une garde de circonstance. Le Roi était venu sans ses propres soldats, il devait donc être protégé par l'hôte.
Lorsque Felix sortit par les grandes portes, il fut accueilli par le regard des quatre mages, tourné dans sa direction. Il ne savait s'il devait laisser son inquiétude assombrir ses traits ou si au contraire, il devait simplement être heureux de revoir ceux qui l'avaient tant manqué. Ce fut finalement un mélange des deux, alors qu'il franchissait les derniers pas qui les séparaient. Sa chevelure azur voletait sous la brise et s'arrêtant à leur hauteur, toujours épié par une foule curieuse, il sentit comme un changement dans l'air. Un changement qui pouvait se résumer une inspiration retenue. Un rayon de soleil qui perçait un nuage solitaire et finalement un courant chaud, le vent qui emportait quelques feuilles, les derniers murmures qui mouraient dans le silence.
Autour de ces cinq hommes dont l'aura semblait brusquement si familière, si intense qu'ils ne réussissaient à les quitter des yeux car ils le savaient, ils en avaient la parfaite conviction. Ils vivaient un instant historique.
Puis retentissait soudainement le cri d'un oiseau. Un oiseau qu'aucune génération vivante n'avait entendu à ce jour, se posant sur le bord du toit du Palais.
Le Geai Bleu.
***
« Nous ferons la cérémonie demain. Seungmin doit se reposer sinon il n'arrivera même pas à nous aider pour créer la transmutation, annonça alors Chan en se levant de sa chaise.
Les cinq mages s'étaient réunis sans attendre dans la salle du conseil.
- Je peux le faire, soupira une nouvelle fois l'Alchimiste.
- Non. Je le sens moi aussi, lui dit alors Felix d'un ton autoritaire. Tu n'as plus une goutte de magie et on ne va pas sauver quelqu'un, pour en tuer un autre.
- Une fois que Maah sera répartie en Terre Obscures, Zephilis devra immédiatement se rendre dans la forêt des Quatre Cent Dieux. Puiser assez de magie pour la transférer à Enkil et Felane, ils pourront alors créer leur portail et partir à Alfost. Une fois à Alfost, il faudra récupérer le dragon et rejoindre les Moires. En espérant qu'elles acceptent à nouveau d'enfermer la Mère..., résuma Chan.
- Sans contrepartie ? Questionna Changbin qui avait suivi la discussion depuis le début des explications. Je croyais que les Moires n'agissaient qu'après une offrande ?
- Elles agiront parce que sinon, je les laisserai pourrir dans les marais, lui dit Minho. C'est leur liberté, l'offrande.
- Si elles refusent, il faudra trouver un moyen pour enfermer à la nouveau la Mère.
- Je ferai ce qu'il faut, dit alors Minho. C'est ma responsabilité, mon territoire et je suis responsable des Terres Obscures. »
Jisung fronça aussi tôt les sourcils, comprenant où il voulait en venir et il n'aimait pas ça mais il ne disait rien. Après tout, il n'était pas encore sûr d'avoir droit au chapitre. Il était Enkil, mais à en juger par le regard que lui lançait parfois Chan, il valait mieux rester discret, un temps tout du moins.
Cela ne l'empêcha pas de garder à l'esprit les mots de Minho. Felix le vit faire et se contenta d'affirmer d'une voix clair, qui ne laissait pas de place au débat.
« Je les rejoindrai et nous nous chargerons des Moires, si nécessaire. » Il confirma.
Un silence suivit l'annonce. Ils se regardaient à tour de rôle puis Changbin s'avança à son tour, regardant la carte étendue sur la table avec les emplacements stratégique dont il discutait depuis des semaines avec le Roi.
« Partons du principe que ça ne sera pas nécessaire. Si tout se passe bien, il vous faudra rentrer à Pandore et préparer vos troupes, il dit directement à Minho. Fenrir s'apprête à passer la frontière avec ses monteurs ce qui reviendra à déclarer la guerre.
- Pandore et Agora sont alliés, on devra unir nos armées si on veut avoir une chance contre l'armée d'Haendel, continuait Christopher.
- J'ai déjà envoyé un message à mes Commandants, ils se tiennent prêt à débarquer si Fenrir franchit la ligne. Certains sont même déjà en chemin avec des troupes de mages pour préparer un dôme de protection et les ralentir mais je ne peux pas laisser mon pays sans armée. J'ai des informations sur le déplacement d'une flotte militaire d'Haendel vers le Sud, en direction de Vulci.
- Une information ? S'étonna le monarque.
Un regard en biais de Minho en direction de Jisung lui fit comprendre d'où elle venait.
- Attaquer sur deux fronts. Est-ce que ce n'est pas diviser ses forces ? Fenrir prendra vraiment le risque ? Demanda Seungmin au Commandant.
- Ce n'est pas impossible, il répondit, soucieux. Sa stratégie est peut-être de laisser les monteurs tenir Agora occupée, le plus gros de l'armée sera alors envoyé vers Vulci pour prendre Pandore à revers, qui a une armée moins importante que celle d'Agora. Mais ils ne pourront gagner le Palais que par les airs alors il lui faudra au moins un dragon.
- Le dragon du Roi. Compléta Chan. Si on prend Glass, on oblige Fenrir à abandonner l'idée de prendre Pandore, il concentrera alors toute sa force sur Agora.
- Ce qui est préférable pour nous », conclut Changbin.
Les deux hommes s'observaient un instant puis portait à nouveau leur attention sur la carte, chacun calculant les risques et les probabilités.
« Si on prend Glass, ce n'est pas Fenrir qui va déclarer la guerre », s'éleva finalement la voix de Jisung.
Tous se taisaient subitement. Ils comprirent alors que Fenrir allait surement utiliser cette excuse pour justifier son attaque, bien qu'il soit déjà bien préparé à le faire, il paraîtrait aux yeux du peuple comme un monarque qui veut simplement se défendre.
« Tu as une autre solution ? Trancha le Roi Christopher d'un ton sec ce qui fit réagir Minho mais Jisung l'arrêta en posant simplement sa main sur la sienne, poser sur son genou.
- Je ne dis pas ça pour vous empêcher le faire. Je veux juste que tout le monde ait conscience que Fenrir n'est pas stupide. Il a toujours un coup d'avance. En temps normal, il a déjà réfléchi à toutes les éventualités et les a toutes parées. La nouvelle de notre retour au complet doit déjà lui être parvenu, il n'a que l'embarras du choix, pour justifier de ses agissements. dit alors Jisung.
- Mais Fenrir est un tyran, intervient alors Felix, pensif. Tu l'as dit toi-même, son peuple le déteste. Quoi qu'il fasse, et quoi qu'on lui fasse, ils ne prendront pas nécessairement la défense de leur Roi. Encore moins les peuples de Pandore et Agora.
- Pour Agora c'est sûr, dit Minho. Ce sont les terres du Geai Bleu. Mais pour Pandore...Ils sont sous la coupe du Culte du Phoenix depuis un moment et ils nous détestent. Si un autre apparait comme un libérateur, le peuple pourrait se retourner même contre leur Roi...Contre moi.
- Sauf si un autre Roi apparait. Plus légitime..., marmonna Seungmin. Comme un Empereur.
- Tu veux dire- commence Changbin en suivant sa pensée. Tu proposes de révéler la vérité sur Hyunjin ?
- Le Culte du Phoenix ne déteste pas vraiment le Geai Bleu, ils en ont peur parce que Zephilis a détruit l'armée de l'Empire en claquement de doigts, en plus d'avoir utilisé les forces de la magie noire ce qui lui était interdit. Ils n'ont plus confiance. Mais si l'héritier de Vagari revient, avec le même pacte, il se présentera au monde comme l'Empereur légitime. Et si Chan se prosterne devant lui, ainsi que le Roi de Pandore, alors Fenrir n'aura d'autre choix que de le faire, au risque de passer pour un traître. Les gens sont amnésiques, on oublie les horreurs des anciens monarques, on ne se souvient que de leur grandeur et qui de plus grand que Eivor Vagari du temps où il avait le Geai Bleu à ses côtés. Hyunjin sera un miroir à cette puissance.
- Alors on justifiera le vol de Glass parce qu'ainsi, on sauve l'Empereur, conclut Jisung.
Seungmin affirma et les autres comprenaient alors sa stratégie. Lentement, pesant le pour et le contre, ils acquiesçaient chacun leur tour. Christopher se dressa relâchant un soupire de fatigue, d'un coup d'œil vers son Commandant il décréta d'un claquement de mains :
« Bien. Avant tout, on sauve Hyunjin et on empêche la Mère de nous tuer avant que Fenrir ne le fasse. Allez-vous reposer, demain on commence la cérémonie. » Termina Chan.
***
« C'est amusant, murmurait Jisung en regardant la vue par la fenêtre de la chambre. Je me souviens parfaitement de la dernière nuit passée ici même, je me souviens m'être enfuis par cette même fenêtre au matin, et pourtant j'ai la même sensation que si c'était la première fois.
- Parce que c'est la première fois que tu n'as pas besoin de t'enfuir ? » Murmura Minho se glissant dans son dos, passant ses bras autour de sa taille.
Son cœur se souleva une seconde dans sa poitrine avant de répandre cette chaleur douce à travers chaque parcelle de son corps. Il se coulait un peu plus dans son étreinte, étirant un sourire ravi alors qu'il pouvait humer le parfum de sa peau. Il se tourna dans sa direction, vibrant sous les éclats améthyste des yeux du Nécromancien. Les deux mages s'observaient dans un silence doucereux. Ni l'un ni l'autre n'avait besoin de parler, ni l'un ni l'autre n'avait besoin de demander, quand ils décidèrent finalement de faire se rencontrer leurs lèvres dans un tendre baiser.
La douceur de leur chair qui s'épousait délicatement, de la légère humidité qui se glissait sur la pointe de leur langue curieuse et trépignant de se retrouver. Le simple contact du muscle sur sa jumelle éveillant un flot d'images, de tous ces baisers passionnés échangés, de toutes les étreintes sensuelles, des respirations saccadées, des petits gémissements susurrés dans le creux de l'oreille. Minho se détacha, l'air essoufflé, légèrement brumeux alors que Jisung gardait une moue figée, les lèvres pincées et relevant lentement ses paupières sur un désir ardent qui illuminait ses pupilles.
Leurs cœurs étaient encore fragiles mais il semblait que leurs corps, eux, étaient avides.
« Lyubia... », chuchota Minho en caressant sa joue, redessinant la courbe de l'oreille du Mage Blanc.
Un frisson gagna Jisung. C'était une formule magique qui avait toujours le même effet, ce bouillonnement qui se propageait dans ses veines, comme une vague et le submergeait d'un sentiment puissant, incontrôlable.
« Falen... »
Minho se mordit la langue à son tour, troublé, les yeux de Jisung se fermaient sous la sensation et lui se penchait à nouveau pour reprendre leur langoureux baiser. Ouvrant déjà leurs lippes pour l'approfondir, soulevant presque le corps du Mage Blanc contre le sien. Les mains de Jisung vinrent alors se poser sur ses épaules, remontant jusqu'à sa nuque avant de glisser dans ses cheveux. Son buste se pressait contre celui du Roi qui l'enfermait dans ses bras, il l'entraina alors à travers la pièce, jusqu'à lentement se laisser tomber sur le matelas qu'ils avaient déjà profané, des mois auparavant.
Le corps du barde s'arquait à chaque passage de sa langue contre la sienne, à chaque fois qu'elles se retrouvaient, s'enroulaient, dansaient. Faisant lentement effleurer les mèches de cheveux châtain sur le front maintenant découvert du Mage Blanc. Jisung sentait son cœur cogner si fort contre sa poitrine que ses mains se mirent à trembler, palpant maintenant les bras du monarque, glissant en dessous pour tirer sur sa tunique, la faire sortir de sa ceinture et dévoilant lentement la couleur diaphane de sa peau. La courbure de ses reins, les muscles contractés de son dos pour ne pas l'écraser. Puis il passa le tissu au-dessus de sa tête, laissant un soupire tremblant s'échapper de ses lèvres alors qu'il plaquait ses mains à plat sur le haut de son ventre. La sensation de fraîcheur de ses doigts contrastait avec l'incandescence de son épiderme. Minho siffla entre ses dents, emprisonnant la langue du plus jeune au passage qui fit plaquer son bassin contre le sien.
« Min'... », il réussit à extirper.
Le surnommé se dressa soudainement sur ses genoux, au-dessus de Jisung qui sentit son ventre se creuser en observant sa silhouette le dominer. Son visage tourné dans sa direction, le regardant de haut avec une envie folle, torride, gonflant les veines de ses bras.
Jisung se releva alors à son tour, partant à la rencontre de la peau de son torse qu'il parsemait de tendre baiser. Minho laissa sa tête basculée en arrière, incapable de l'arrêter alors qu'il sentit à nouveau ses doigts sur ses côtes, remonter les flans et venir glisser sous ses pectoraux. Il frissonna d'un soubresaut en sentant la pointe de sa langue titiller son téton droit, d'instinct il lui saisit sa chevelure ébène, dense mais Jisung ne s'arrêtait pas. Mordillant le bout de chair et se nourrissant de chaque petit frémissement du châtain. Il l'observait parfois du coin de l'œil, trouvant le spectacle de son plaisir encore plus fascinant que tous les couchés de soleil qu'il put voir, tant sur la terre que dans les airs. Minho était un paysage, une œuvre dont il pouvait s'émerveiller chaque nuit, chaque matin.
« Lyubia, si tu continues...Je pourrai pas m'arrêter..., il lâcha entre deux respirations régulières.
- Qui a dit que tu devais t'arrêter ? »
Jisung glissa cette fois ses mains dans son dos, épousant la courbe jusqu'à l'arrondi de ses fesses qu'il agrippait avec force. Minho ne trouvait même pas un mot cohérent à répondre, passant nerveusement sa main dans ses cheveux, Jisung lui offrit un sourire carnassier. Minho étouffa un juron et se saisit de son visage pour le redresser assez et l'embrasser avec plus d'intensité, presque violemment. Son cœur frappait dans ses tempes, ses veines, augmentait la température de la pièce. Ses mains quittèrent ses joues et firent descendre d'un geste sec le chemisier du barde, découvrant ses épaules rondes, finement taillées. Jisung hoqueta sur le coup et devant l'impatience du Roi, il le vit en déchirer le pan qui tenait par un morceau de ficelle.
D'un nouveau regard partagé, ils se jetèrent l'un sur l'autre, à corps perdu dans un tourbillon de désir contenu depuis des jours de voyage, dans l'exaspération de se trouver enfin. Ils s'appelaient mutuellement, par les nouveaux noms et les anciens, ils se découvraient de nouveau, comme une première fois, comme une dernière. Chaque muscle, chaque morceau de peau passait sous leurs langues, leurs lèvres écrasées, la pression de leurs doigts qui s'enfonçaient dans la chair quand le plaisir devenait trop ardent, qu'il faisait pulser le sang jusqu'à leur érections pressées.
Jisung se perdait dans les étoiles, les vibrations des voiles autour de leur lit, il l'implorait, par des mots, des sons, par des soupirs à chaque fois qu'il frappait un peu plus contre ses cuisses. Il se cambrait sous les vagues répétées, en redemandait, encore plus. Un sourire bien heureux se dessinait sur son visage, les paupières fermées, Minho lui mordait la joue, les oreilles, l'appelait par le doux surnom, ronronnait chaque coup de rein.
Un ballet sensuel d'âmes liées pour l'éternité.
◯
○
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Olà !!
Alors un petit lemon mais sans être trop corsé, un lemon acidulé, qui fond sur la langue comme on dit 🤭
Un petit retour du Minsung
Le prochain chapitre sera concentré à la cérémonie qui va libérer Hyunjin...Normalement...👀
J'espère que ça vous plait ! Je sais que c'est parfois un peu long avant d'avoir une réelle avancée mais c'est le genre d'histoire qui ne peut pas aller trop vite, la mise en place des personnages, des pouvoirs, des créatures, des stratagèmes politiques. Ne pas juste donner des noms sans approfondir un peu leur rôle, sinon ça vous donnerait un goût d'inachevé. C'est pas le but.
Alors j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle...
La bonne nouvelle c'est que vous allez surement avoir un chapitre demain.
La mauvaise nouvelle c'est qu'il y en aura pas d'autre ensuite avant le 13/06...😓
Je pars encore en voyage ! Et oui je m'arrête jamais... Au Pays de Galles cette fois !
Mais en attendant, je pourrai pas publier.
Donc !
On se voit demain et ensuite à mon retour !
D.
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