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XXII. Lyubia



Les yeux fermés, songeant à son passé, Jisung sentait une sensation désagréable entre ses omoplates. Depuis que ses ailes s'étaient révélées à son adolescence, il lui arrivait parfois de sentir la douleur pointer contre sa colonne, dans sa chair même, comme si elles avaient besoin de s'étendre, de s'étirer. Il n'avait jamais compris comment il arrivait et à les rétracter, jusqu'à les faire complètement disparaître et que par sa simple volonté, elles pouvaient lentement réapparaître et s'étirer pour balayer l'air de battements secs.

Être Enkil n'avait jamais été un gage de compréhension du monde ou de ses mystères. Personne n'avait jamais été là pour lui apprendre à être un mage, personne ne savait même qu'il en était un. Son tatouage s'était révélé alors qu'il s'entrainant encore à devenir une fine lame de l'armée d'Haendel. Il avait dû utiliser des bandages, des cache-cous, avant de réussir à trouver une incantation parmi les vieux livres de la grande bibliothèque des érudits d'Haendel. Il avait complètement effacé la marque qui n'avait à ce moment-là aucune signification, rien qu'il ne pouvait en tout cas gérer.

Si bien qu'il l'avait longtemps rejeté, comme il avait rejeté l'ensemble de ses désirs et vœux humains. Il lui arrivait parfois de se perdre dans son rôle, d'accepter d'être un simple barde sur les chemins passants, trouvant du plaisir à chanter et danser avec des inconnus. Il lui arrivait d'oublier son enfance, ses objectifs le plus sombres pour essayer d'être heureux, quelques jours, quelques semaines durant et de tromper son propre cœur.

Mais la réalité ne pouvait être étouffée pour toujours sous des montagnes de sourires et de plaisir charnels. Il ne pouvait simplement effacer son passé, l'odeur de la neige, de la forge et du sang. Même si ces sourires venaient d'un Roi.


« Larguez les amarres ! » Cria un homme sur le pont du bateau.


Jisung se tenait à rambarde, les bras croisés alors que la foule s'agitait sur le port. Des hommes ivres et des catins, quelques marchands peu scrupuleux et c'était tout ce que comptait les îles de sels. Un repaire de forbans mais c'était parfait pour réussir à trouver une place sur un navire sans risquer les questions indiscrètes. Tout le monde ici avait quelque chose à cacher.


« Notre nouveau passager a trouvé la cabine à son goût ? »


La question était évidemment ironique. Jisung n'avait pas de cabine, il dormirait avec l'équipage comme c'était le cas dès qu'il embarquait sur un bateau de pirates.

Le Capitaine avait de longs cheveux poivre et sels et un regard acerbe. Une longue cicatrice sur le cou comme un coup de griffe qui a mal cicatrisée et qui aujourd'hui ressemblait à des lignes boursoufflées, brûlées. Souvenir d'une mauvaise rencontre.

Il ouvrait les pans de sa longue veste marron dont les boucles épaisses et argentées scintillaient sous le reflet des rayons du soleil qui arrivaient par instant à passer aux travers des nuages épais, posant ses mains sur ses hanches et découvrant par la même occasion la garde de son épée.


« C'est parfait, merci Capitaine Alios, lui sourit Jisung. Je vous remercie pour votre hospitalité.

- Du moment que vous payez, lui répondit le Capitaine sous le même ton. En plus, l'équipage sera content d'avoir un peu d'animation, plus tard dans la soirée.

- Avec plaisir », inclina légèrement la tête Jisung.


La conversation était en apparence cordiale mais aucun des deux hommes n'était dupe, Jisung était autant sur ses gardes que ne l'était le Capitaine, et s'ils ne connaissaient ce qui leur traversait l'esprit à chacun, à ce moment précis, il savait assez de ce qu'on peut chercher sur les îles de sel d'Omaha, pour se méfier des apparences. 

Au moins le Capitaine était un peu plus facile à cerner, il était un pirate, ni plus ni moins, il ne pouvait pas en dire autant du barde. Bien qu'il garde son sourire enjôleur et son air naïf, le Capitaine était parfaitement lucide, il n'était pas sur les mers depuis toutes ses années, encore en vie, pour rien.

C'était précisément celui-ci que le barde avait cherché, pas n'importe qui. Par n'importe quel bateau. Le Valkyrie, était une légende des eaux, murmurée dans les tavernes comme un survivant au milieu des massacres de la Guerre des Cinq dont le Capitaine était perçu comme un revenant dirigeant son pavillon noir entre les décombres.

Monter à bord était cher mais c'était une nécessité pour Jisung qui voulait mettre de la distance entre lui et Minho. A cette pensée il passait à nouveau sa main sur sa cicatrice dans son dos, une légère grimace d'inconfort sur les lèvres. Le Capitaine le regardait faire avant de le saluer une nouvelle fois et revenir sur ses pas. D'un œil méfiant sur son passager, il prit la barre des mains de son second.


« Il vous fait pas penser au gamin Capitaine ? Demanda le second un petit sourire en coin en regardant à son tour le barde. Il a pas les cheveux bleu mais je sais pas...Il lui ressemble, quelque part. »


Le Capitaine ne répondait rien se souvenait de l'enfant qu'il avait jeté dans les bras de cette prostituée à Londinium, un enfant qu'il avait gardé prêt de lui pendant trois années. Jusqu'à apercevoir le tatouage sur son avant-bras. Jusqu'à son attaque devant le dragon de glace.

Il observa alors le vent s'engouffrer dans les voiles et les nuages commencer à s'assombrir.


« Va dire à Gavin que je veux plus de vitesse, au lieu de dire des conneries. On doit rapidement s'éloigner d'ici.

- Bien Capitaine.

- Le gamin est surement mort, de toute façon », marmonna cette fois le Capitaine pour lui alors que son second descendait les marches.


***


« MAJESTE ! Cria un garde dans son dos. ON DOIT ATTERRIR ! C'EST TROP DANGEREUX ! »


La moitié basse du visage recouvert d'un tissu noir, les cheveux balayés par les bourrasques alors que les ailes de son cheval ailé battaient au milieu de la tempête qui se soulevait. Les nuages étaient noirs, semblaient rugir comme une créature grondante au-dessus de sa tête. La cavalerie avait du mal à maintenir le cap, les chevaux étaient déstabilisés par les vents qui devenaient de plus en plus fort, par la pluie qui les fouettait et alourdissait la monture. Les hennissements autour de lui, mêlés aux cris de ses soldats lui firent serrer les dents. Au loin il ne voyait que les points lumineux des îles de sel et très bientôt le temps était si opaque qu'il n'en verrait plus rien.


« MAJESTE ! »


Il claqua la langue, jura intérieurement alors qu'il leva le bras pour faire signe aux soldats d'atterrir. Ils trouvèrent une petite île déserte. Les palmiers se tordaient sous les vents puissants et le tonnerre grondait, déchirant le ciel et frappait la surface agitée de la mer. Les chevaux étaient paniqués mais les soldats avaient l'habitude, ils entraient dans la lisière de la jungle vierge de l'île où ils avaient aperçu l'entrée d'une grotte, avec quelques incantations magiques, ils pouvaient empêcher cette dernière d'être inondée par la marée montante. Leur Roi était resté sur la plage, regardait le point d'horizon et les vagues venir s'écraser contre les roches de l'îles, remonter jusqu'à atteindre ses genoux. Le phare des îles de sel disparaissait lentement et avec lui son espoir de rattraper Jisung. Encore.


« Majesté ! Vous devez vous abriter ! »


Le Roi restait cependant sous la pluie battante. Ses cheveux écrasés, collés à son visage froid et les éclairs ne cessaient de tomber. Ses poings se serraient et ses yeux se fermaient tandis qu'il relevait la tête vers le ciel, hurlant la fureur qu'il ressentait au fond de sa poitrine.


« Saah Naeli Ma Aaen Eli Kill... »


Sur son bateau tanguant sous les vagues scélérates, Jisung sentit une soudaine pression lui faire ouvrir les yeux. Il se sentit obligé de quitter son hamac de fortune, alors qu'il avait aidé à attacher les tables et les bancs dans les cales, ainsi que les tonneaux de poudre un peu plus tôt. L'eau commençait à s'infiltrer par les escaliers, venant du pont, lui-même en prise aux vagues qui tantôt venaient s'engouffrer par la droite, puis par la gauche.

L'équipage courait dans tous le sens pour éviter d'être renversé, sous les ordres criés du Capitaine. Il se tenait au cadre de la porte à l'intérieur mais quand même mouillé par le vent qui faisait s'engouffrer la pluie et l'eau salée. Il regardait alors les éclairs tomber si près du bateau puis au loin, dans un horizon qu'il n'arrivait même pas à distinguer. Et pourtant il lui semblait pouvoir voir un point, le sentir au plus profond de son être. Un point chaleureux, invisible par les autres mais qui attirait son regard comme aucun autre.


« Saah Loanis Eli Kill... »


« Minho, murmura alors Jisung. C'est toi... Tu m'appelles ? »


« Vocavi, Aucellus Azul, Eli Kill ! »


Son cœur fit un bon dans sa poitrine, ses mains tremblaient alors que ses cicatrices le brûlaient maintenant, jusqu'à devenir insupportable. Il sentit ses lèvres se rétracter, alors que sa mâchoire se serrait et que la voix continuait de chuchoter dans son esprit.


« Ne résiste pas, souffla Minho sur sa plage. Viens à moi, Enkil.

- Je ne peux pas, marmonna à son tour Jisung sur son bateau.

- Pourquoi ?

- Je dois finir...Ce que j'ai commencé...

La douleur, le flux spirituel, le faisait se plier en deux. Ses ailes demandaient à s'ouvrir, son âme immortelle hurlait de pouvoir répondre à son appel.

- Enkil...Jisung...Je peux t'aider. Rejoins moi... Tu es des nôtre, tu es...Ma moitié. Le Mage Blanc et le Mage Noire ne forment qu'un, au sein même du Geai Bleu...C'est notre division qui nous rend faible. Pas celle des autres, la nôtre. Notre symbiose symbolise l'équilibre que nous incarnons. Si tu n'es pas à mes côtés, je ne serai jamais en paix. Et toi non plus. Alors reviens.

- Je...Je ne peux pas... », continua de siffler Jisung à contre cœur.


Un genou se posa sur la coque du bateau, alors qu'une de ses mains continuait de s'accrocher au cadre de la porte, que l'eau venait frapper sa peau et que son souffle se faisait si court qu'il se sentait perdre connaissance.


« Lyubia...

- Non. Ne m'appelle pas comme ça...S'il te plaît.

- Tu te souviens de ce que tu m'as dit la première nuit, alors que tu t'étais glissé dans ma chambre...Tu m'as demandé si je voulais t'enlever. Je crois qu'au fond tu étais sérieux. Tu voulais réellement que je t'enlève ce soir là, je m'en suis rendu compte qu'à ton départ. Mais tu sais quoi ? Ce soir-là, c'est toi qui m'as enlevé Han Jisung...Tu m'as enlevé à mes responsabilités, au poids qui pesait sur mes épaules, qui m'écrasait. Je crois que j'ai toujours su, que j'ai immédiatement compris qui tu étais réellement sans réussir à me l'avouer. Parce que je n'ai jamais été aussi complet que depuis que tu as croisé mon regard. Quelque part je suis heureux que tu sois Enkil...Parce que je ne suis plus obligé de faire semblant. De rejeter ce que je ressens. Jisung...

- Non tais toi. Je ne veux pas. J'ai quelque chose à faire ! J'ai fait une promesse et je dois la tenir ! Quoi qu'il en coûte.

- Même si le prix à payer, c'est moi ? C'est nous ? »


Jisung ouvrit les yeux, la bouche entrouverte sous sa longue respiration difficile, observant ce point invisible dans l'horizon alors que les cris des marins qui s'affairaient devant lui devenaient lointain. Aussi lointain que pouvait être près la voix de Minho, au fond de son esprit. Le Roi de l'autre côté, sur sa plage, fixait d'un regard ferme la même ligne. L'orage continuait de gronder et la tempête de ravager la terre comme la mer, comme si les dieux eux-même se déchainaient pour représenter les tourments de leurs cœurs déchirés.


« Oui », répondait cette fois Jisung en plus de le dire à voix haute.


La réponse résonnait comme le glas d'un espoir vain. Minho fermait les yeux en même temps que le lien se rompait avec l'autre mage. Il remontait alors la plage, laissant la pluie continuer de l'inonder jusqu'à ce qu'il rejoigne l'abri, pour y passer la nuit.

Sur le bateau, Jisung s'était laissé tomber, la main sur le cœur et le visage ravagé, par l'eau, la tempête et ses larmes.


***


Seungmin avait quitté Agora tôt dans la matinée, il s'était à nouveau téléporté pour rejoindre Calcano et les hommes qu'il avait laissés derrière lui. Hyunjin avait eu le droit à une nouvelle séance pour apposer des sceaux toujours plus complexes sur sa marque qui le maintenait éveillé bien plus souvent qu'il ne voudrait l'avouer. Il en bavait. Depuis quelques jours déjà, passant ses crises dans des bains glacés en espérant apaiser son mal, étouffant ses cris de douleur sous l'eau pour ne pas alerter son frère ou quiconque dans la garde. Il n'y avait que Ryujin qui l'avait trouvé une fois, pleurant, trempé dans la tête aux pieds, tremblant et les lèvres bleutées à cause de la température de l'eau.

La mage lui avait promis de ne pas en parler au Roi, du moment qu'il en parlait à Seungmin à son retour. Ce qu'il avait fait, non sans honte. De toute façon, il était impossible de cacher quelque chose au mage érudit, il connaissait bien sa malédiction, sans pouvoir faire plus que le soulager de quelques sortilèges mais il était bien vite dépassé.


« Je vais pas vous mentir, lui avait avoué le mage. C'est en train de prendre de l'ampleur, et rapidement...A ce stade, je suis impuissant votre Altesse.

- Combien de temps ? Avait demandé le Prince du bout des lèvres en remontant son kimono.

- Je dirai quelques mois, tout au plus un an. Peut-être moins...En toute honnêteté, à l'allure que ça prend, si jamais ça accélère davantage... »


Il n'avait pas besoin d'en dire plus, Hyunjin acquiesça comprenait parfaitement ce qu'il voulait dire par là.


« Si encore Enkil était avec nous.

- Alors vous l'avez bien retrouvé ? Demanda Hyunjin ayant entendu la nouvelle par hasard.

- Oui. En fait, c'était Han Jisung, le barde.

- Vraiment ? Tu en es sûr ? Il demanda cette fois surpris. Je veux dire, personne ne l'a senti avant ? Même pas Chan ?

- C'est lui, on est sûr maintenant. Je l'ai compris à Vulci, quand j'ai senti la trace de l'ancien Enkil et qu'elle a résonné avec la présence de Jisung. Jusque-là, il avait très bien réussi à cacher son flux spirituel, bien que sa réincarnation ne semble pas achevée, il a conscience de sa magie et il a réussi à la dissimuler. Personne ne pouvait savoir parce que son premier signe, la trace bleue et bien...Ce sont des ailes.

- Des ailes ? S'exclama Hyunjin.

- Des ailes oui, sourit Seungmin. De magnifiques et grandes ailes d'oiseau bleu. Il les a dans les dos et elles doivent se rétracter d'une manière tout à fait magique, parfaitement cachées dans sa chair et revenir quand il en a envie. C'est impressionnant.

- J'en doute pas, répondit Hyunjin confus, malgré l'enthousiasme du mage. Alors c'est lui que Minho recherche. Le Barde.

- Oui. Et je suis certain qu'il le retrouvera mais c'est un peu compliqué...Je sais que le Roi ne vous parle pas de toutes ces histoires à dessein, même je trouve ses arguments peu convaincants. Disons que Jisung est plus qu'un barde, nous pensons qu'il a également espionné pour le compte du Roi Fenrir.

- Espionner ? Mais qui ? Il est arrivé à Agora il y a peu de temps a priori, et avant le bal en l'honneur de la délégation de Pandore, il n'est jamais rentré dans l'enceinte du château. Personne ne l'avait vu auparavant.

- En fait on pense qu'il suivait Felix, il m'a même avoué avoir croisé Jisung au solstice d'été sur Londinium.

Hyunjin assimilait les informations, en même temps qu'il semblait réfléchir à ce que cela impliquait.

- Alors Fenrir sait pour Felix, pour Zephilis...

- Surement.

- Et est-ce qu'il sait...Pour moi ?

- Je ne sais pas. »


Seungmin n'avait pas réussi à le rassurer, bien qu'il n'eût pas été alarmiste pour autant, il semblait plein d'espoir et parfois serein quant à l'idée que Minho allait ramener Jisung. Parce qu'il avait vu, parce qu'il savait que les deux hommes étaient liés, comme Hyunjin pouvait l'être avec Felix mais ça, il l'avait gardé pour lui.

Il n'était pas non plus du genre à mentir, à faire croire à Hyunjin que tout allait s'arranger sans le penser sincèrement. C'était un homme rationnel, lucide, bien plus que quiconque. Alors Hyunjin devait le croire, c'était tout ce qui lui restait.

Il pensait être prêt depuis longtemps à l'idée de mourir, il s'en était vanté auprès de Felix, des dizaines de fois il avait affirmé qu'il n'avait ni besoin de protection, ni besoin d'espérer. Il avait accepté son destin, comme celui de tous les descendants de Vagari. Depuis qu'il avait senti les premières traces de sa malédiction à ses cinq ans, jusqu'à comprendre ce qui l'attendait, fatidiquement.

Seulement depuis que le garçon aux cheveux bleus et aux tâches de rousseurs avait dérobé son premier baiser, depuis qu'il avait tout saccagé sur son passage, à coup de grand sourire espiègle, fier et arrogant. Depuis ses rires, ses provocations, jusqu'à ses caresses et ses souffles faibles, vulnérables entre ses bras. Depuis ses mots doux, ses étreintes brûlantes. Il avait semé la graine du doute, l'envie de continuer de vivre pour le garder à ses côtés. Il se fichait bien qu'il soit un mage du Geai Bleu, Zephilis ou peu importe quel demi-dieu. Il le voulait lui. Juste lui.

Il rêvait de pouvoir à nouveau passer une journée enfermer dans sa chambre, à profiter d'un temps coupé dans l'éternité de leur existence. Même si c'était une dernière fois.


« Rentre à la maison Felix, j'ai besoin de toi... », il murmurait alors qu'il regardait encore une fois la Lune depuis sa fenêtre.


Dans le monde spirituel, Felix avait senti un nouveau pincement dans sa poitrine. Alors qu'il passait un bandage autour de son avant-bras blessé, il pouvait entendre la voix de Hyunjin. La sensation qu'on l'appelait.


« Finis la pause, on doit reprendre », lui dit Zephilis à quelques pas.


Le garçon aux cheveux bleus tirait une dernière fois sur bandage et se relevait, déterminer et prêt à encaisser alors Zephilis se repositionnait. Avec ses bras, murmurant une phrase en langue ancienne, il traçait un cercle, et au deuxième passage apparaissait des flames qui tournoyait, rapidement un sifflement. Felix prit une profonde inspiration, les mains en avant dont les paumes avaient déjà subit plusieurs assaut à en juger par la peau rougie, cloquée.


« Je suis prêt », confirma le garçon.


Zephilis lança alors ses flammes contre lui, qui se redressait et d'un geste circulaire, aussi fluide que les ondulations du mage plus tôt, il entrainait les flammes dans le mouvement, les contenant. Il restait concentré alors qu'il les redirigerait, prenait le contrôle sur elles avant de tourner sur lui-même, les amplifier jusqu'à sentir la danse brûlante venir effleurer la peau de son visage et la peur le fit relâcher sa concentration. A nouveau les flammes gagnaient en intensité et il se sentait perdre le contrôle, le feu allait l'envahir quand une soudaine bourrasque mêler à de l'eau, comme des gouttes de pluie les fit s'éteindre.

Son corps entier fumait sous la pression, sa respiration était lourde, saccadée et ses muscles lui faisaient un mal de chien. Autant que toutes les blessures qu'il avait accumulées depuis qu'il était entrer dans le monde spirituel. Zephilis avait les mains tendues, c'était lui qui l'avait sauvé, comme il l'avait fait un nombre incalculable de fois depuis le début de son apprentissage.


« On recommence », soupira Felix déterminé.


Zephilis lui sourit, pas peu fier de voir une telle assurance dans ses yeux. Elle lui rappelait celle qu'il avait à son âge, alors qu'il apprenait lui-même à contrôler l'ensemble des aspects de son pouvoir. Bien qu'il avait des prédispositions, il était dans un peuple de mage après tout, il avait donc de bonne bases quand il a éveillé sa propre réincarnation mais il reconnaissait que Felix n'était pas dépourvu de tout talent inné. L'âme de Zephilis ne choisissait jamais au hasard.


« Bien, reprenons alors. Cette fois je ne te sauverai pas.

- D'accord. »


Une nouvelle inspiration et Zephilis exécutait le même mouvement que précédemment, donnait un peu plus de rapidité à la danse enflammée qu'il créait. Les ondulations semblaient encore plus chaudes, plus intense, les flammes rouge, jaune et orange montaient avec plus de force tandis que Zephilis les lançait à nouveau sur Felix. Et totalement par réflexe, sans doute surpris par la force qu'elles entrainaient derrière lui, Felix les rattrapait presque facilement, il les enveloppait de ses mains recouvertes de runes discrètes. L'air autour de lui devenait bouillant, irrespirable par l'oxygène qui devenait plus rare. Son corps lui-même semblait rentrer en ébullition et il sentait jusqu'au frémissement de sa chevelure tandis qu'il levait les yeux sur le mage aux longs cheveux blancs. Il pivota à nouveau sur lui-même et dans un grand geste, murmurant à son tour une incantation en langue ancienne, le feu formait maintenant une grande boule, le cri qu'il entrainait faisait s'envoler une nuée d'oiseaux dans les environs alors que l'ombre devenait plus grande et que le feu se dirigeait contre l'ancien mage. 

Zephilis se sentit une seconde dépassé, pris par surprise et dût utiliser plus de pouvoirs qu'il ne l'imaginait, faisant apparaître au dernier moment un cercle de runes en dessous de ses pieds pour faire jaillir des trombes d'eaux et éteindre les flammes. Et alors qu'il pensait avoir réussi à tout contenir, il surgit un nouveau déchirement, les flammes étaient plus intenses qu'il ne l'imaginait et une gueule apparaissait maintenant dans la danse enflammée, la gueule d'un lion qui s'ouvrait pour l'engloutir.

Comment avait-il appris une chose pareille ? Zephilis utilisa alors un nouveau sort, juste à temps et cette fois le lion disparaissait pour de bon. Les terres autour de lui avaient tremblé d'un tel déferlement de flux spirituel. Zephilis se tournait vers Felix, essoufflé. Ce dernier tenait à peine debout, en sueur mais fier de lui. Ses genoux cédèrent alors soudainement et il se retrouvait à genoux, les yeux dans le flou et le cœur battant.


« Tu ne peux pas sauter les étapes, il faut que tu apprennes à marcher avant de courir. Tu aurais pu rendre les choses encore plus compliquées. Tu risques la rupture et si jamais ça arrive, on va perdre des heures précieuses. Je croyais que tu voulais sauver ton Prince ?

- C'est le cas, réussit à dire Felix à bout de souffle. Mais je dois...Aller plus vite. Il m'appelle...

Zephilis leva les yeux au ciel.

- Tu dois rester concentrer, si tu te précipites, tu n'arriveras à rien. Lever la malédiction de Maah te demandera une énergie considérable. Celle de tous les membres d'ailleurs. Si tu n'as plus de force en revenant, si tu as appris les choses à moitié, alors tu ne feras que mourir dans le processus, sans réussir pour autant à sauver celui que tu aimes. C'est pas ce que tu cherches je suppose ?

- Bien sûr que non.

- Alors sois patient. »


Felix hochait doucement la tête, se redressant à nouveau sur ses jambes. Un nouveau sourire illuminait son visage, il ressemblait à un fou comme ça et Zephilis commençait à craindre pour sa santé mentale. Le garçon aux cheveux bleus se pencha à nouveau dans sa direction.


« En attendant, j'ai été bon sur ce coup, pas vrai ? »


Zephilis tourna les talons d'un geste élégant. Ses cheveux repassaient par-dessus son épaule tandis que le rire de Felix s'élevait derrière lui.


« Ne sois pas trop confiant. Tu as encore du chemin, avant de m'arriver à la cheville.

- Alors reprenons ! »


Cette fois, l'ancien mage ne put retenir son propre rire de faire gronder sa cage thoracique, il reprenait place et Felix l'imitait.


« Tu as réussi à maîtriser la propre énergie que j'ai créé. Souviens que le feu est complémentaire avec l'air, qu'il nait de la friction du flux spirituel que je fais embraser en augmenter sa pression autour de moi. Je peux tout aussi bien le faire apparaitre », dit il en faisait grimper une flamme au bout de ses doigts. « Que le faire disparaître. » Il refermait sa main et la fumée entourait son poing maintenant. « Si tu contrôle l'air, tu contrôle le feu. C'est pour ça qu'il est le deuxième élément à maîtriser dans ta liste. Le contrôle de l'air est le premier de la magie élémentaire. Il est la base de tout. Il transporte aussi bien les particules d'eau, qu'il peut assécher la terre, la rendre sableuse. Je peux priver d'air tes poumons, la forêt entière et la terrasser avec cette même puissance. Il permet de canaliser une magie aussi destructrice que le feu et de faire naître l'eau de la même façon, en tirant chaque molécule qui le compose. »


Zephilis levait alors les mains et lentement des gouttes suspendues dans l'air apparaissaient tout autour de lui, grandissaient de plus en plus jusqu'à former d'immenses boules translucides qu'il faisait se rejoindre pour les modeler, comme enfermer dans une immense bulle. Il en faisait ce qu'il voulait, des vagues dansantes autour de lui, la divisait pour mieux la réunir à nouveau.


« Le troisième c'est donc l'eau, comprenait Felix. 

- L'eau. C'est la vie. Même dans ce monde. Elle s'infiltre partout, elle brise des rochers, rase des villes, fait couler des bateaux. Tu peux la rendre brûlante ou glaciale. En combinant ta maîtrise du feu ou de l'air avec l'eau. Tu vois comme les éléments sont tous complémentaires ?

- Je vois oui.

- Bien. Alors à toi de jouer. D'abord l'air...Tu dois le ressentir autour de toi, chaque recoin de ta peau effleuré par les variations de pression, de mouvement. Tu dois en sentir le changement, la composition et ensuite te concentrer sur celle qui est un peu plus lourde que les autres, cette masse qui tu dois réunir pour former des gouttes. Vas y. »


Felix fermait les yeux, il se concentrait sur chaque mot et ce qu'il signifiait pour lui. Il essayait de sentir l'air autour de lui, comme s'il pouvait l'isoler, le délimiter. Il essayait ensuite de le diviser, de ressentir les perturbations, comme son propre corps qui marquait une différence dans le champ. Il essayait de sentir sa température, sa texture.


« Bien, murmurait Zephilis. Augmente légèrement ta pression, elle te donnera une meilleure perception. »


Felix s'exécuta à nouveau, très lentement il fit ressortir une aura chargée de magie autour de lui, jusqu'à rendre l'air un peu électrique. Il ne le savait pas encore, mais de cette façon il avait déjà commencé à combiner le feu à l'air, par instinct. Zephilis sentait la pression gagner en intensité et sentait comme un magnétisme subtil se dégager du plus jeune.


« Maintenant, perçoit les densités, le poids de ces gouttes invisibles qui touchent ta peau, qui entrent dans tes poumons à chaque respiration. »


Lentement, l'air était encore plus lourd, presque orageux et l'humidité commençait peu à peu à se faire sentir, Felix ouvrit les yeux et sentait des gouttes venir tomber sur son visage.


« C'est pas tout à fait ça, souriait néanmoins Zephilis en regardant le ciel.

Felix leva à son tour la tête et remarqua alors les nuages noirs au-dessus d'eux et soudainement une averse éclata pour les inonder.

- Tu sautes encore les étapes, riait cette fois le mage aux cheveux blancs. Tu as combiné les trois éléments alors même que tu en maîtrise à peine l'un d'entre eux.

Felix haussa les épaules.

- Je suppose qu'on doit faire avec. Zephilis tendit les mains, et Felix l'imita, prêt à se défendre. On va faire à ta manière. »


L'eau se réunissait alors en une immense qui grandissait au-dessus de la tête du mage blanc, s'aplatissait et les couvrait bientôt. L'eau devenait si dense, si grande que Felix en avait le souffle coupé. Zephilis ouvrit alors les yeux ses doigts se déroulant, il fit bouger la masse, semblant encore plus lente mais tellement destructrice. Le mage se faisait alors soulever dans une colonne d'eau et d'immense vague remontaient maintenant, près à se déferler sur Felix qui le regardait incrédule.


« Arrête-les.

- Hein ? »


Les vagues roulaient dans sa direction et Felix ne trouva rien à faire d'autre que de s'élever dans les airs à l'aide de sa maîtrise de l'élément de l'air, mais très vite, une nouvelle trombe allait s'abattre sur sa tête. Zephilis avait anticipé. Il allait bien vite se retrouver encerclé et totalement emprisonné dans les rouleaux. Il ferma alors les yeux, encaissa simplement avant de se retrouver plaquer au sol. A deux doigts de la noyade, l'eau se répandait dans la vallée et Felix était littéralement comme un poisson hors de l'eau, la bouche grande ouverte, crachant ses poumons alors que Zephilis revenait sur terre.


« J'ai l'impression que le schéma se répète avec toi. Tu dois apprendre par la force, la peur de mourir. Il n'y a que comme ça que tu fais une pousser fulgurante de maîtrise, à peine contrôlé à vrai dire. Mais bon. Je suppose qu'on n'a pas trop le choix, on va faire avec. Je vais te l'apprendre à même le corps, en te poussant dans tes retranchements à chaque fois. Aller ! Relève toi maintenant. »


Felix comprenait à peine ce qu'il disait, le corps encore trop endolori pour tout assimiler et trop occuper à essayer de se souvenir pourquoi il faisait tout ça. Il se redressa alors lentement, toujours assis à même le sol et regardait Zephilis se remettre en position.


« Debout Felix, ou je vais vraiment finir par te tuer. »


Le garçon aux cheveux bleus savait que ce n'était pas qu'une plaisanterie, s'il le fallait, Zephilis le ferait, non par parce qu'il avait de la haine ou une absence totale de compassion, tout simplement parce qu'il lui avait demandé. D'aller jusqu'au bout et de ne s'arrêter sous aucun prétexte. Il devait sortir de ce monde, réincarné.


« Encore une fois. Dit il en se levant définitivement sur ses pieds. Ré-explique-moi encore une fois. »


Un peu de patience, je serai bientôt là.


« Notre passager n'a pas eu trop peur ?» Demanda le Capitaine en voyant Jisung sur le pont au levé du jour.


La tempête était passé et malgré les dégâts du bateau, le Capitaine semblait serein et Jisung quoi qu'un peu blafard, continuait de sourire. Un sourire fade, bien moins facile à tromper qu'au début, il ne répondait pas au pirate, regardant à nouveau au loin.


« Je vais bien, dit finalement le barde. J'en ai vu d'autres.

- Je vois ça, souffla le Capitaine Alios.

- Là où je vais, ce ne sont pas les tempêtes qu'il faut craindre, mais les hommes. Je suppose qu'ils sont pires que les éléments de la nature.

- Tout dépend. La nature est imprévisible alors que les hommes eux, le sont parfaitement. Ils ne veulent qu'une chose : en avoir toujours plus. Que ça soit de l'argent, du pouvoir, du plaisir. Peu importe les moyens, ils ne sont jamais satisfaits.

- Et vous êtes bien placé pour le savoir ? Souriait à nouveau Jisung mais le Capitaine n'en était nullement vexé.

- Je suis un pirate. »


Un pirate sanguinaire d'après les rumeurs, ou du moins parfaitement intransigeant mais Jisung ne sentait pas de cruauté émaner de l'homme qui le conduisait sur les flots. Au contraire, il ne serait dire pourquoi, mais il y avait une certaine douceur dans le regard du marin hors la loi.


« Je suis curieux, avez-vous déjà agi une seule fois par désintérêt total ?

- Non. Jamais. Personne ne l'a jamais fait et c'est utopique de penser le contraire.

- Vous avez une vision pessimiste du monde, Capitaine Alios.

Le Capitaine haussa les épaules.

- Je dirai au contraire qu'elle est parfaitement optimiste, tout dépend de l'intérêt qu'on choisi de suivre. Il peut être noble.

- Que connaissez-vous d'un intérêt noble ? Vous ne cherchez que l'argent et la liberté.

Le Capitaine souriait cette fois de manière nostalgique.

- Qui sait. »


.




Hello à tous ! 

Je suis revenu de mon périple allemand et je vous sers donc un nouveau chapitre du Geai Bleu ! 

J'aime bien travailler le Minsung, je les trouve touchant. Dans le prochain chapitre on devrait faire un petit bond dans le temps, pas beaucoup mais légèrement, histoire que Felix avance plus vite dans son apprentissage et que Jisung ne passe pas trop de temps en mer.

Si vous avez lu les Interludes, vous avez normalement remarqué le retour d'un personnage déjà évoqué, à savoir le Capitaine Alios...


A bientôt ! 

D.

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