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XLIII. Le Geai Bleu - part 1



Le ciel avait cette couleur si particulière, comme une fresque apocalyptique teintée de gris, de noirs et d'orange. Caché derrière d'épaisses couches de fumée qu'il ne distinguait plus des nuages, l'astre lumineux et chaud, spectateur d'une ville qui prenait feu alors que les cris avaient cessé, étouffé dans l'acouphène du Roi qui regardait sa cité brûler

Il était arrivé aussi vite qu'il avait pu, blessé par son précédent combat à des kilomètres de là et qui lui a permis de se débarrasser de deux dragons avant de faire fuir les autres. Il avait cavalé, des heures sans s'arrêter. Son cheval n'avait même pas tenue la cadence, après une chute au-dessus d'une cascade, il a dû abandonner sa monture blessée. Changbin, et le reste des soldats avaient traversé les pleines, les forêts, avec comme seul point d'horizon et objectif les hauts remparts de Mirin.

Quand il entendit les cloches résonner dans l'air, emporté par le vent et l'air chargé en souffre, il comprit. Ses ennemis étaient arrivés avant lui.

Consumant ses dernières forces et son énergie, il avait couru aussi vite qu'il put, utilisant sa capacité spirituelle hors du commun pour franchir la distance qui le séparait encore de son peuple. Une fois dans son champ de vision, alors qu'il avait la ville en contrebas, il sentit son cœur explosé. Trois dragons volaient encore au-dessus de l'immense Capitale, embrasait les constructions et ses habitants. Par instant des rayons lumineux provenaient des défenses des mages restés sur place, espérant retarder l'inévitable, par l'attaque ou la défense, mais c'était vain. Les flammes embrasaient le ciel de Mirin et les cendres pleuvaient bientôt leur visage des agoriens.

Le Roi se sentit totalement submergé, une puissante vague de haine le consumait de l'intérieur, fait jaillir l'aura puissante du Guerrier-Mage tout autour de lui alors qu'il poussa le cri le plus effroyable qu'il n'ait jamais eu. Comme un cri de bête, qui faisait pratiquement trembler la terre et qui fit se figer Changbin alors qu'il arrivait enfin à le rattraper.

Lui-même dans un sale état, fatigué, aussi bien physiquement que moralement, il voyait le désespoir entourer son Roi, se lever dans les airs avec la même masse sombre que renvoyait la citée embrassée par le feu bleu.


« Chan...Chan ! »


Il essayait de le retenir, sentant qu'il perdait totalement le contrôle. Parce qu'il le sentait au fond de lui, alors que son cœur s'emballait, son bien aimé était en train d'être totalement possédé par sa magie. Comme avait failli l'être Minho devant les Moires.

Il se pinça les lèvres et donna ses dernières forces pour courir à lui, le vent s'engouffrait dans ses paumons, brûlait sa trachée et faisait sécher ses larmes de détresse. Il était terrifié à l'idée de le perdre, terrifié à l'idée que cet état de transe qui dépassait de loin celle de Berserker soit irréversible.


« CHAN ! Il criait une fois encore la voix brisée par sa peur insondable. NE FAIT PAS CA ! »


Mais le souverain ne l'entendait plus, hurlait encore et toujours sous la puissance du flux spirituel qui jaillissait autour de lui comme un incendie, un brasier, à l'instar de celui qui faisait mourir sa ville, il sentait l'âme immortelle se fissurer.

Plus que quelques pas, Changbin tendait la main, continuait d'appeler son nom mais soudainement Chan disparu, d'un saut quasi-divin, il prit son élan et s'éleva dans les airs en soulevant morceau de terre et végétation. L'onde de choc fit reculer le soldat qui se protégea tout juste de ses bras avant de le regarder plonger sur le Capitale, faisant tourner sa hallebarde. La friction de l'arme en métal, de l'air chargé en force magnétique, entre la densité de son aura spirituelle et le feu de dragon qui rendait l'air irrespirable, Changbin regardait le Roi la bouche grande ouverte, impuissant.

Le Mage-Guerrier était inarrêtable.

Brusquement il sentit à nouveau la terre trembler, des éclairs se créaient autour du Mage, attirer par le sol et non par le ciel, ce n'était pas les éléments qui s'en trouvaient modifier, c'était la force brute. C'était la gravité, le magnétisme qui réagissait et soudainement un cri leur parvint. A l'Ouest, dans l'horizon, Changbin aperçu la cime des arbres de la forêt des Quatre Cent Dieux.

La danse de rayons incandescent semblait répondre à l'appel du Mage, s'intensifiait et après un nouveau cri, sa vision sembla se fissurer. Il battait des paupières, comme s'il devenait fou alors qu'une faille noire s'ouvrit dans l'horizon et que deux pattes les écartaient. D'une dimension parallèle, le monstre le plus grand qu'il n'ait jamais vu faisait rugir une fois de plus son hurlement bestial. Jusqu'à faire vaciller le vol des dragons. Ces derniers ressemblaient à des moustiques devant le monstre qui sortait d'une porte des enfers. Le monstre rugissait une fois de plus alors qu'il sortait de sa dimension revêtant une masse noire et rouge, qu'on ne pouvait réellement saisir, comme un spectre pas tout fait dans le monde sensible. Changbin crut distinguer une forme animal proche d'un lion : les crocs, les yeux, la crânière et le rugissement.

Un geste du Mage et la bête étaient synchronisés, Changbin avait la sensation qu'ils étaient une seule et même personne, que c'était en quelque sorte la matérialisation de l'âme spirituelle de Callum. Les deux s'approchaient des remparts et la créature semblait aller au ralenti mais vue sa taille, il n'en fallait pas plus pour être devant les reptiles volant, les dragons de glaces essayaient de partir en retrait mais derrière eux, l'aura de Chan les empêchait de rebrousser chemin, une barrière magnétique les repoussait. Devant eux, le lion qui ouvrait la gueule et après un dernier cri, les avala dans geste si rapide que Changbin n'eut même pas le temps de réagir.

Il se retrouvait bouche bée par la facilité déconcertante devant laquelle le monstre, qui leur cachait maintenant le soleil bien mieux que ne le faisait la fumée auparavant, avait fait disparaître les trois reptiles ailés. Il n'en restait aucune autre trace et après de longues secondes de silence, où il n'entendait que le vent, le crépitement des flammes bleus, la masse sombre se dissipait. S'évaporait et intégrait les nuages noirs jusqu'à les plonger complètement dans la nuit.

Une fraction de seconde plus tard, un orage éclata et la pluie tombait sur Mirin. Le feu bleu s'éteignait lentement. Changbin levait la tête vers le Roi, qui était toujours soutenu dans les airs par son aura alors que la pluie les inondait. Ce n'était pas une pluie ordinaire, Changbin le sentait. Il fit un premier pas puis un second et sentant que la densité du flux spirituel diminuait autour de lui, il ne tarda pas à courir anticipant la chute de son souverain.


« Je te tiens », retenu Changbin.


Chan venait de lui tomber dans les bras et grâce à sa capacité de Berserker, il avait amorti sa chute en accompagnant son atterrissage. Le souverain transpirait, respirait fortement, comme s'il était à deux doigts de sombrer dans le coma. Une dépression spirituelle. Changbin se mordit les lèvres et pris une profonde inspiration avant de regarder autour de lui, dans les soldats qui les avait accompagnés il vit Ryujin arrivée au galop sur son cheval.

Elle sauta presque au-dessus de l'animal quand elle n'était plus qu'à quelques mètres, ouvrant déjà les mains pour murmurer une incantation. Des runes s'apposaient bientôt sur la peau de Chan dont la respiration se calmait peu à peu. Il avait perdu connaissance mais Changbin sentait son cœur reprendre un rythme normal et cette simple constatation le fit soupirer de soulagement.

Doucement, il baissait la tête pour appuyer son front contre le sien, le serrant tout contre lui. Il ne savait pas s'il devait remercier le destin, la providence ou qu'importe, mais il avait réellement cru le perdre pour toujours. Il avait la sensation que son corps pesait une tonne et que tout s'échappait de lui au point de l'écraser au sol. L'épuisement, la peur.


« Ça va aller frangin, il est fort. Le Mage-Guerrier a la densité magique la plus importante de tout le Geai Bleu, c'est pour ça qu'il est spécialisé dans l'énergie pure.

- Tu connais l'invocation qu'il a utilisé ? J'ai jamais vu un monstre pareil.

- C'était pas un monstre, lui confie Ryujin. C'était lui. C'est une sorte de projection, c'est extrêmement risquer de faire appel à cette invocation et je ne savais même pas que Chan la maîtrisait. Si l'un des Mage du Geai Bleu meurt pendant la projection de l'âme, c'est le cycle qui meurt avec lui. Il n'aura plus jamais la capacité de se réincarner. »


Changbin se mord la langue. Il n'était pas certain que Chan voulait réellement en arriver là mais il l'avait senti, tout le désespoir qui l'avait gagné en voyant sa ville à feu et à sang. Il avait pris un risque monumental.

Ryujin regardait derrière eux les soldats se rassembler.


« D'autres dragons risquent de venir. On doit regagner la ville et préparer une nouvelle défense. Je sais qu'il y a une délégation de Pandore qui arrive avec des mages, ils devraient être là demain. On va créer une protection magique et attendant qu'il se remette. Mais tu devrais l'emmener dans la forêt.

- Dans la forêt ? S'étonna Changbin. Pourquoi la forêt ?

- Pour qu'il guérisse plus vite. C'est un centre névralgique magique, ça va l'aider à retrouver ses forces rapidement et puis, il y a la chamane là-bas. Elle saura quoi faire bien mieux que moi. J'ai limité la casse mais je crains vraiment qu'il tombe en dépression spirituelle, ou pire encore... »


Changbin déglutit et regardant le visage endormi de Chan. Il semblait calme mais il sentait également que son aura était perturbée, comme aspirée par la puissance qu'il avait dégagée et qui avait créé un fossé dans son âme immortelle. Une blessure qui peinait à cicatriser.


« On va pas perdre de temps, je vais t'aider à rejoindre la forêt.

- Comment ça ? Tu n'es pas Seungmin, tu ne peux pas me téléporter là-bas.

- Non, je peux pas te téléporter là-bas mais j'ai d'autres atouts », sourit la guerrière.


Elle prit une profonde inspiration et après une nouvelle formule murmurer, elle fit apparaître un cercle d'invocation et apparaissait dans un hennissement aigu, Changbin eut un mouvement de recule en voyant les ailes noires battre l'air.


« Un cheval ailé ? Comment tu as peu invoqué un cheval ailé ? Demanda son frère stupéfait.

- C'est le Roi de Pandore qui me l'a confié avant de partir pour Alfost. Je ne pouvais l'invoquer qu'une seule fois alors c'était à utiliser en dernier recours. C'est pas le genre de créature qui obéit à une simple mage mais Minho l'a lié à ma magie sur un temps limité. »


Ryujin regardait l'animal avec admiration, elle aimait ces animaux, bien qu'ils pussent être effrayant, elle les trouvait magnifique. Elle n'hésita pas à venir caresser le flanc de la bête, la sensation de sa peau était douce sous ses doigts. C'était totalement différent d'un cheval lambda, en plus de cette apparence fantomatique, il y avait cette intelligence dans le regard. Elle était certaine qu'elles étaient capables de la comprendre.


« Alors tu vas emmener Changbin et Chan à la forêt, d'accord ? Je sais que tu ne peux pas entrer à l'intérieur mais dépose les devant et je te rends ta liberté. Tu pourras retourner auprès de ton Maître. »


Le cheval se contentait de regarder la mage dans les yeux, pas un son, pas un mouvement mais elle savait qu'il comprenait car une seconde plus tard il fit un premier pas en direction de Changbin qui sursauta presque. Si Ryujin était fasciné par eux, Changbin était clairement méfiant.

Cela restait des créatures des Terres Obscures, pas des animaux qu'on pouvait dompter.

Il ravala néanmoins son appréhension et hissa Chan sur le dos de cheval avant de grimper à son tour. Quelques pas de l'animal raidirent Changbin qui ne put s'accrocher qu'à sa crinière. Le cheval secoua la tête avant de battre plusieurs fois des ailes, puis sans que le noiraud puisse saluer Ryujin une dernière fois, l'animal partit au galop le faisant se cramponner comme il pouvait et s'envola.


***


Hyunjin était accompagné par des gardes spécialement attribués à sa protection. Après avoir quitté l'état-major de Londinimul plus tôt dans la matinée qui le tenait informer de l'avancer sur le front Nord, il avait reçu la lettre de Pandore. Elle était cryptée mais il savait ce qu'elle signifiait.


« Laisse ta fenêtre ouverte, un oiseau bleu viendra te chercher bientôt. »


Un oiseau bleu. Ça ne pouvait désigner qu'une personne. Hyunjin avait brûlé le parchemin, par précaution et en attendant, s'était rendu dans la ville portuaire. L'armée s'était déployée dans la citée-libre, bien qu'elle continuât de vivre normalement, les défenses avaient été renforcées et dès qu'il avançait il se sentait épié, les gens s'écartaient sur son chemin, certains s'inclinaient ou l'observait avec fascination. La nouvelle de son origine, de sa future intronisation avait déjà fait le tour du Continent en quelques jours et cela grâce au Roi Ulric II qui avait officialisé sa propre allégeance. Il devrait être heureux, c'était précisément ce qu'il était venu demander en venant ici mais il n'avait pas pensé au changement que cela allait engendrer sur le reste de sa vie. Il ne réalisait pas, il était Empereur. Pas encore officiellement mais déjà aux yeux de tous. Il était Hyunjin, l'héritier de l'Empire de Vagari. Le Loup Blanc.


« Bonjour Votre Majesté Impériale, ils sont tout juste sorti du four », lui sourit un boulanger qui tentait une révérence un peu maladroite.


Le jeune garçon s'essuyait les mains pleines de farines alors que son visage en avait encore les traces, rendant sa maladroite plutôt touchante. Hyunjin lui sourit, regardant le présentoir fourni de miches de pains et de brioches. Il se pencha pour en sentir le parfum de la levure.


« Ça a l'air très bon, je vais vous en prendre un.

Le jeune boulanger s'exécuta, pris un des pains qu'il venait tout juste de déposer, l'enroulant d'un papier avant de lui tendre.

- C'est encore très chaud, faites attention.

- Je vous remercie. C'est rare de voir un jeune homme tenir une échoppe tout seul.

- Oh je ne suis pas seul ! Je travaille avec mon père. Il est au four et s'occupe de la prochaine fournée.

- Vous travaillez avec votre père alors. Et vous allez reprendre l'affaire familiale ? Demanda Hyunjin en croquant morceau dans le pain rond.

Le boulanger le regarder faire, intrigué avant de répondre avec enthousiasme.

- C'est un peu le lot de tous les garçons. Succéder à leur père.

Sa timidité était vraiment adorable, Hyunjin détournait légèrement les yeux, voyant les gardes derrière lui former une sorte de cercle de protection alors que les passants l'observaient.

- Vous avez raison. C'est notre fardeau à tous.

- Mais je le fais avec beaucoup de plaisir ! Il s'exclamait brusquement. Je sais que ce n'est pas donner à tout le monde mais il m'a transmis sa passion et je suis très fier de pouvoir continuer son héritage. Enfin..., le boulanger se sentait intimidé, se grattait la nuque nerveusement alors que ses joues rougissaient. Désolé...Je ne voulais pas...Insinuer que vous...

Hyunjin lui sourit à nouveau.

- Ce n'est rien. Je suis aussi heureux de pouvoir succéder à mon père, bien que je ne le connaissais pas. Enfin je pense l'être...Je dois avouer que j'ai encore du mal à me faire à cette idée mais c'est ma destinée. Et si ce n'est réellement un souhait, je ne crois pas que je déteste l'idée. Je pense juste que j'ai un peu peur, vous voyez ? »


Le boulanger ouvrait grand les yeux, totalement perturbé par l'idée que le futur Empereur se confiait à lui avec beaucoup de naturel. Lui qui n'était personne, juste un petit boulanger qu'il voyait pour la première fois. Et pourtant cela semblait facile. Parler à un inconnu. Comme si les deux garçons étaient liés par quelque chose qu'il ne saisissait pas.


« Je me demande si je serai à la hauteur.

- Vous le serez. » Affirma le boulanger.


Hyunjin fut presque surpris de constater qu'il était si sûr de lui, le regardait avec cette étrange admiration mais qui le donnait chaud au cœur. Il ne connaissait même pas son nom, ce n'était qu'un habitant de Londinium parmi tant d'autres et pourtant, il voulait le croire. En fait, il le croyait déjà.


« Merci, il murmurait avec gratitude.

- C'était un honneur, votre Majesté Impériale. » S'inclinait une fois de plus de boulanger.


Hyunjin croquait une fois encore dans le pain chaud et marchait à nouveau dans les rues pavées, le cœur plus léger. Il ne savait pas si le reverrait un jour mais il garderait à l'esprit cette rencontre comme celle d'un instant éphémère plein d'espoir, une parenthèse dans le tumulte du présent, à l'odeur de levain.

Ce n'est que plus tard dans la soirée qu'il entendit des nouvelles du convoi envoyé par Pandore. Des chevaux ailés étaient en chemin, plusieurs mages et des guerriers parmi les plus fort de l'armée du Royaume de feu. Il avait entendu le nom de Kang et il se souvenait qu'un Commandant portait ce nom. Ils allaient surement arriver tôt dans la matinée et il se préparait déjà à quitter l'île, regroupant les seuls effets qu'il avait pris avec lui. Caïr était toujours dans les écuries royales, prêt à reprendre la route. Le cheval personnel de Minho avait été assez docile, aux dires des responsables de la cavalerie, il doutait néanmoins qu'il le demeure encore longtemps, il était déjà pressé de repartir même s'il ne savait s'il reverrait de sitôt Mirin.

Hyunjin prit une longue inspiration, regardant la lampe qui brûlait sur sa table de chevet, puis la fenêtre qu'il avait délibérément laissé ouverte et qui donnait sur les lumières du port, reflétées sur l'eau salé. La mer était calme. Bien plus que ne l'était le reste du Continent. Comme si la guerre n'existait pas. Il regardait le ciel étoilé. Il n'entendait rien. Ne percevait rien et toutes ses pensées se dirigeaient alors vers une seule personne. Toujours la même. Le lien qu'il continuait de sentir au fond de lui le rassurait, il savait Felix en vie. Il avait eu des nouvelles grâce au Roi Ulric II et ses conseillers, pas nécessairement de bonnes nouvelles et il s'était fait violence pour ne pas récupérer immédiatement le cheval ailé et partir le rejoindre. Il devait se faire à l'évidence, il ne serait d'aucune utilité sur le front, pire encore, il pourrait être un handicap. Et il ne pouvait se le permettre. S'il le rejoignait sur le terrain, alors Felix serait trop préoccupé par sa sécurité pour combattre pleinement concentrer. Il lui fallait garder la tête froide et Hyunjin serait un frein. C'était dur mais c'était ainsi. Sa force ne résidait pas dans l'épée mais sur un trône. Il devait réunir les royaumes et mettre un terme à cette guerre, sur son propre front.

Le bruissement d'ailes passant devant sa fenêtre arrêta le flux de ses pensées. Hyunjin se rapprochait rapidement, se penchant sur le rebord pour scruter le ciel sombre et la lune quand une ombre passa à nouveau. Il s'écarta alors, un petit sourire en coin tandis que posait enfin un pied sur le béton, Jisung et son grand sourire charmeur.


« Votre Majesté, dit il en penchant la tête, la main sur la poitrine. Je suis heureux de vous revoir en bonne santé. »


Hyunjin secouait la tête, le regardant entrer complètement dans la petite chambre, expirant un souffle harassé. A bien y regarder, les deux garçons ne se sont jamais vraiment parler. Le barde était tout le temps collé à Minho du temps où il était à Agora, pas encore déclaré en tant qu'Enkil. Puis après il y avait eu le départ à Pandore et enfin, à son retour, au moment de la levée de la malédiction, Hyunjin était beaucoup trop faible et bien souvent inconscient pour se souvenir de quoi que ce soit. A son réveil, Jisung était déjà reparti avec Minho.

Pourtant il l'appréciait. Il avait pas mal entendu parler de lui, notamment par Seungmin et Jeongin. Les deux garçons avaient vécu avec Jisung à Pandore et à leur retour, alors que Jeongin aidait à Ryujin à garder un œil sur le Prince, Seungmin passant beaucoup de temps à apposer des sceaux sur son corps et à soulager son mal, ils lui avaient beaucoup parler du mage aux ailes bleus. De son caractère un peu volatile mais surtout de la relation qu'il partageait avec le Roi de Pandore. Cet amour avec un début presque aussi dramatique que celui qu'il partageait lui-même avec Felix, et qui avait quand même réussi à s'épanouir. Par ces mots, Hyunjin s'était senti proche de Jisung. Ils ne se ressemblaient en rien, mais il devinait comme il avait été dur d'accepter l'amour qu'il ressentait pour le Roi, en dépit de tout ce qu'il avait toujours imaginé et prévu. Tout comme il avait été dur pour Hyunjin d'accepter ses sentiments pour Felix. D'une manière totalement différente mais semblable, par d'autres aspects.

Jisung agissait comme s'ils se connaissaient, il était facile de s'ouvrir à lui, et si Minho lui faisait confiance, alors Hyunjin aussi.


« J'ai été un peu retardé par des convois delion sur la route, mais j'ai libéré le passage. On devrait pas trop être dérangé pour revenir.

- De toute façon on ira par les airs, on m'a dit que l'équipe envoyé par Minho avait des chevaux ailés.

- Effectivement, mais ça ne les empêche pas d'essayer de nous canarder avec des projectiles, en plus des sorts. »


Hyunjin acquiesça, puis regardant un peu autour de lui, il se dirigea vers la corde qui actionnait une clochette.


« Je fais monter un repas. Tu peux prendre un bain si tu le souhaites en attendant, dit-il en pointant la cuve en cuivre au bout de la pièce. Je fais venir des domestiques pour t'apporter de l'eau chaude.

- Inutile, je ne vais pas rester.

- Comment ça ? Demanda Hyunjin étonné.

- Je voulais simplement vous avertir que j'étais arrivé mais j'aimerai éviter que le Roi Ulric II soit au courant de ma venue. Un mage du Geai Bleu ici, je préfère garder ma venue secrète.

- Oh...D'accord. Alors où compte tu aller ?

Jisung esquissa un petit sourire en coin.

- Je vais aller rendre visite à des connaissances. Des amis proches de Felix qu'il nous a présenté la dernière qu'on est venu. Je pense qu'ils m'accepteront sans problème pour la nuit.

- Très bien, songea Hyunjin pris au dépourvu. Alors on se voit demain pour le départ ?

- Je vous retrouverai sur la route. Soyez sans crainte, je vais guetter l'arrivée de la délégation et quand je verrai que vous êtes parti, je vous rejoindrai.

- Je vois. Je suppose que c'est plus sûr.

- Ça l'est. »


Jisung repose un pied sur le rebord, il se tourne une dernière fois vers le Prince qui le regarde faire.


« Vous êtes prêt à rencontrer votre futur chef des armées ? Il demanda alors avant d'ouvrir ses ailes.

- Mon futur chef des armées ?

- Le Commandant Kang Jian, elle est aussi gouverneur de Vulci et à partir de demain, elle sera votre bras armé, dans cette guerre et les prochaines. C'est une femme extraordinaire, vous en avez surement déjà entendu parler. Elle dirige l'armée de Pandore établit à Vulci, ses faits d'armes parlent d'eux-mêmes, en plus d'avoir le soutien de la population de la région. Vous ne pourriez trouver meilleur chef de guerre pour vous seconder.

Hyunjin déglutit à nouveau, la pression de son rôle s'intensifiait une fois encore.

- Mais pourquoi elle me rejoindrait ? Si c'est un Commadant de Pandore.

- C'est une proposition de Roi de Pandore. Il vous offre les militaires établis à Vulci. S'ils le souhaitent.

- Alors rien n'est fait, ils n'ont pas encore choisi.

- S'ils viennent, c'est que leur choix est fait votre Majesté Impériale. Préparez vous à partir en guerre, vous aussi, car c'est une proposition qui a été repris par tous les dirigeants du Continent, à qui le souhaite, rejoindra l'armée de Vagari. Et ils sont déjà en chemin vers les terres impériales, uni sous le drapeau du Loup Blanc, comme les forces qui se dirigent vers Haendel. »


Jisung baisse la tête respectueusement, sans une once de taquinerie et déploie ses ailes avant de repartir comme il est venu. Laissant Hyunjin troublé.

Le lendemain matin, on vint réveiller le futur Empereur à l'aube. C'est à peine s'il a dormi à cause de la pression qu'avaient provoqués les mots de Jisung. Il n'avait fait que les ressasser inlassablement, le peu d'heure qui lui restait avant le lever du jour. Deux gardes l'attendaient devant sa porte, lui annonçant l'arrivée un peu plus tôt des chevaux de Pandore. Hyunjin se dépêcha de se préparer et couru presque jusque dans la cour, où l'attendait déjà Caïr et le reste de son escorte. En voyant les cinq cavaliers, il sentit l'adrénaline venir gonfler sa poitrine. Il avait remis la tenue d'archer qu'il avait en arrivant à Londinium, une tenue plus adéquate pour le vol. Il remettait ses gants alors qu'il approchait, se raclant la gorge et fit se retourner les cinq militaires d'un même élan. Deux femmes et trois hommes.

Et parmi eux, une personne se démarquait, la femme au centre et ses long cheveux blonds tressés. Elle avait cette aura, cette prestance tout à fait propre aux hauts gradés comme Changbin ou Ryujin, lorsqu'elle était au milieu de ses hommes. Et à en juger aux regards des autres, qui attendaient comme une réaction de cette dernière, Hyunjin devinait qu'il s'agissait du Commandant Kang. Jisung avait raison, ses faits d'armes étaient connus de tous, et pendant les conseils avec le Roi Ulric, il avait aussi entendu parler de ses exploits pendant la guerre. Elle avait réussi à tenir Vulci, à repousser les ennemis, jusqu'à l'arrivée de Minho et son dragon. Hyunjin déglutit alors, impressionné d'être en face d'une telle héroïne. Elle devait être à peine plus vieille que lui et déjà elle avait l'expérience de mille hommes.

Il continuait d'avancer puis allant se présenter presque comme si c'était à lui de lui faire une révérence, il fut devancé par la jeune femme.


« Votre Majesté »


Un genou à terre, les autres l'imitèrent prenant Hyunjin au dépourvu.


« C'est un honneur. Si vous l'acceptez, je souhaite pouvoir vous servir et prêter serment à l'Empire Vagari, à mon Empereur. Le temps presse, la situation n'est pas idéale pour véritable cérémonie d'adoubement, mais je voulais quand même vous assurez de mon serment, pour que vous puissiez me confier votre vie et que je vous confie la mienne. Comme votre serviteur, votre Commandant...

- Mon Général, l'interrompit Hyunjin. Relevez-vous, je vous en prie.

La guerrière leva alors les yeux, surprise, avant d'obéir.

« Je vous remercie, votre dévouement me va droit au cœur. Je ne vous connais pas encore mais je sais que vous êtes d'une grande loyauté. Et c'est moi qui suis honoré de votre décision. Nous aurons tout le temps d'officialiser la chose une fois que nous aurons gagné cette guerre, mais à compter d'aujourd'hui, je veux que vous soyez mon Général, Commandant Kang. Je vois que vos hommes vous respectent, j'ai aussi appris vos faits d'armes et ce que vous avez fait pour Vulci. Je ne vois pas de personne plus appropriée pour m'épauler et diriger mon armée. Alors, à mon tour de vous demander. Acceptez-vous de combattre sous ma bannière ?

La jeune femme était perplexe mais rapidement elle sourit. Elle était fière et déterminée, elle se redressa et la main sur le cœur, elle promit.

« Avec plaisir, votre Majesté Impériale. Mon épée est vôtre.

- Et ma vie est vôtre. »


Le serment était passé et les autres se redressèrent à leur tour, prononçant les mêmes mots, mains sur le cœur et Hyunjin les saluait avec déférence.


« Nous avons du chemin avant de rejoindre Vulci, nous devons partir maintenant.

- Allons y. »


Hyunjin retrouvait Caïr, il remontait sur le cheval ailé et voyant son hôte devant les grandes portes du château, il lui fit un signe de tête. Le remerciant de son aide et le Roi se contenta de lui sourire, la main sur le cœur à son tour comme pour imiter les militaires qui venaient de lui prêter serment.

Hyunjin se sentit plus qu'honorer, il regarda une dernière fois ceux qui l'accompagnait et au galop, ils s'envolèrent, loin de Londinium. 


.


La suite dans soirée les amis...

(Pas d'Interludes du coup mais un Epilogue pour finir...)



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