XI. la Fiancée
En sortant de la « petite » salle à manger, toujours un peu de la Lune, je ne remarque pas tout de suite la silhouette adossée au pan de la porte.
« Alors ?
- Oh nom de-...Changbin ! Tu m'as foutu une de ces trouilles ! Qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne devrais pas être avec le Roi ?
- Il avait à parler avec le Roi Minho. Dans ces moments, quand c'est une question de confidentialité diplomatique – ou plutôt quand ils ont envie de se foutre sur la gueule - il me demande gentiment de rester à l'écart.
- Je vois.
- Ne t'en veux pas, dit il aussi tôt en voyant ma mine déconfite. Tu n'y aies pour rien. Ni toi ni eux d'ailleurs. C'est le hasard des choses.
- Depuis quand tu le sais ? Dans la chambre, t'avais pas l'air surpris.
- Je savais pour notre Roi depuis longtemps, pour Seungmin aussi. J'ai appris pour le Roi Minho quand les premières tentatives d'assassinat ont commencé sur le Prince...Et pour toi, je viens de l'apprendre.
- Ca t'a pas choqué outre mesure.
- Ca ne me concerne pas. Enfin, ça concerne le monde entier mais ce n'est pas ma vie qui change, c'est la tienne. Je comprends que ça te mette la tête en vrac.
Je soupire, sentant à nouveau un poids énorme sur mes épaules et ce n'est pas la main de Changbin alors que nous traversons le hall.
- Et pour Hyunjin... ? Je me risque.
Changbin se pince les lèvres.
- Depuis aussi longtemps que je le connais. J'étais destiné à devenir garde royal, ne l'oublie pas. Hyunjin a pas mal souffert de sa marque tu sais, Seungmin le soulage en appliquant des sceaux qui diminuent l'intensité des effets de la malédiction, mais plus avancera en âge, plus elle deviendra dure à contrôler. »
Nous passons les grandes portes et automatiquement je prends une profonde inspiration. Je regarde tout autour de nous avec curiosité, sans pour autant réussir à m'en émerveiller, j'ai la tête trop pleine d'informations que je n'aurai jamais aimé découvrir.
Le château est entouré d'une terre ocre, sableuse, au milieu de grands jardins. Il y a des domestiques partout et même des nobles habillés qui se promènent, des agoriens de la cour du Roi.
Alors que j'observe le paysage, Changbin me fait signe de le suivre, nous prenons le passage de droites, à travers des haies et des arbres, nous croisons par moment des soldats qui s'inclinent devant leur Commandant sans pour autant que celui ci s'arrête, se contenter d'un petit mouvement de la tête.
« Je suppose que tu es le seul militaire à savoir. Pour le Geai Bleu je veux dire.
- Oui. Hyunjin en revanche, son état a été dévoilé à d'autres membre dans la commanderie. Les Capitaines Wooyoung et San. Des personnes de confiance. Si on apprend pour sa malédiction, on saura pour sa lignée et ce n'est vraiment pas une bonne idée donc le secret est de mise.
- Par rapport au Roi Fenrir d'Haendel.
Changbin me regarde, comprenant que le Roi m'a parlé de beaucoup de choses même s'il ne s'est pas tellement penché sur les conflits politiques, plus sur l'histoire qui nous lie tous les quatre.
- Le Roi Fenrir est un ennemi des Vagari, alors même que sa femme en une. En réalité, il est juste ambitieux. Et en plus de ne pas supporter que le Roi Christopher ait plus d'influence que lui, s'il apprend que le descendant d'Agora est aussi héritier du trône impérial, ça sera une nouvelle guerre assurée...
- Mais vous avez Pandore comme allié ? Pourquoi aller se heurter une défaite évidente ?
Changbin sourit face à ma naïveté, je peux le lire dans ses yeux.
- Haendel a presque une aussi grande armée qu'Agora et beaucoup de bannerets. Des clans autonomes et puissants. En plus, ils comptent énormément d'alchimistes sans parler des dragons. Ils ont des monteurs de dragons et ce n'est pas franchement les bestioles qu'on adore combattre. Ce n'est pas dit qu'on sorte vainqueur d'un conflit avec Haendel.
- Mais vous avez deux membres du Geai Bleu au moins complètement réincarnées.
- C'est vrai. Mais ils ne sont pas censés le savoir. »
Nous arrivons dans une partie de l'enceinte du château, un immense dôme en verrière nous fait face. Semblable à une serre, pleine d'une végétation dense et dont le taux d'humidité me fait presque suffoquer quand Changbin ouvre la porte pour me faire entrer. Des bruits d'animaux me parviennent, des oiseaux, ce qui ressemble à des lézards et des grenouilles. Je crois même distinguer un petit singe mais je n'en suis pas certain.
« Notre verrière botanique. C'est une reproduction de la forêt tropicale de Pandore mais ça permet surtout aux mages et eux herboristes de cultiver les plantes dont ils ont besoin. Et c'est l'endroit préféré du Prince. »
Comme pour appuyer ses mots, il s'écarte et me laisse entrevoir, au milieu de lianes, dans un petit espace caché, Hyunjin assis sur petit tabouret de bois taillé dans la matière brute, peignant sur une immense toile la délicatesse d'un paon blanc au plumes rouges à quelques pas de lui.
C'est étrange, sa simple me vue me donne une bouffée de chaleur et un besoin irrépressible de me précipiter sur lui pour savoir comment il va, m'assurer s'il a des séquelles, des souvenirs de ce qu'il s'est passé. Je me retiens néanmoins, je ravale ma salive et mon impatience, avançant aussi calmement que possible.
Je me suis rarement senti aussi nerveux, avec qui que ce soit, et quand je pense à l'ennui qu'il m'inspirait il y a de ça à peine quarante-huit heures, je me dis que je devais déjà être très intrigué et pas vraiment rancunier, pour avoir aussi vite révisé mon jugement. De la même façon, j'espère qu'il ne se sera pas à nouveau transformé en monarque exécrable, qu'il n'aura pas remis son masque d'arrogance pour mieux m'envoyer balader et faire comme si rien ne s'était passé, après tout il a dû comprendre lui aussi, son frère a dû lui dire qui j'étais ou plutôt, qui j'allais devenir. A cette pensée je me fige. Je ne suis plus qu'à un pas et j'ai les mains brusquement tremblantes, comme le rythme qui grimpe crescendo de mon palpitant.
S'il sait, alors, est-ce qu'il me tient moi aussi pour responsable ? Le Prince est rancunier, j'en ai déjà fait les frais et s'il estimait que les faits de mon prédécesseur m'incombent de la même façon, toute la haine que peut lui inspirer des années de souffrance, s'il la trouvait justifier, avec enfin un coupable physique qu'il pourrait lapider sur la place publique. A côté d'une bourse ou d'un baiser volé, qu'est-ce qu'une malédiction de plusieurs siècles au destin de mort ?
Finalement, alors même que je n'ai pas fait un bruit, trop occupé à imaginer les différentes tortures que pourraient me faire subir le Prince, à défaut de pouvoir me tuer, ce dernier a dû sentir une présence étrangère et a pivoté sur son petit tabouret de bois dans ma direction.
« Felix...Tu es réveillé.
- Euh oui. Oui ! Je m'incline avec respect, évitant soigneusement son regard. Je suis désolé, j'ai failli à mon devoir et je n'ai pas pu vous protéger convenablement. Mais je suis reposé maintenant, je vais reprendre mes fonctions. Je venais au moins savoir si vous, vous portiez bien.
Mon monologue le prend au dépourvu, il ouvre la bouche mais la referme sans dire un mot. J'ai du mal à déchiffrer son regard, il me fixe mais je ne vois ni colère, ni surprise, ni joie. C'est une sorte de blocage. Comme s'il peinait à faire le tri dans ce qu'il voulait me dire, me faire comprendre, et voyant son mutisme se prolonger et ma tête se pencher en attendant une réponse, il s'empourpre une seconde avant de lâcher brutalement :
« Je vais bien ! Oui je... » Dit il visiblement gêné. « Seungmin a fait le nécessaire et tout est rentré dans l'ordre pour le moment. Tant que je reste au château, ça ira...Il y a des runes magiques qui nous protègent ici et qui canalisent le flux spirituel depuis des décennies alors...Alors ça ira. »
Un nouveau silence. Je hoche doucement la tête, ne réussissant pas à maintenir son regard plus de quelques secondes et je ne suis pas le seul. C'est affligeant, on dirait deux ados qui se sont vu tout nu pour la première fois alors qu'il ne s'est rien passé qui mériterait à ce point d'être perturbant. En dehors d'être passé à deux doigts de la mort, mais c'est une broutille.
En réalité, cette expérience nous a mis dans une position de faiblesse l'un face à l'autre, ou plutôt de transparence auquel on ne s'attendait pas. Nous sommes des personnes plutôt excessives, avoir réussi à passer facilement sur les premières disputes, voire d'en avoir joué quelque peu était déstabilisant mais plus du côté agréable de la chose. En revanche, hier soir, notre vulnérabilité proprement humaine face à la forêt, au destin, à l'impuissance de pouvoir survivre ou de sauver l'autre, c'était ce qui nous empêchait aujourd'hui de pouvoir nous faire face, nous regarder dans les yeux, sans ressentir à nouveau cette peur insondable face à la mort. Et pas seulement notre propre mort.
Ce qui était donc perturbant, c'était l'attachement. Un attachement que je n'avais pas senti venir.
« Je te remercie », souffla finalement le Prince.
Sa voix chargée d'une nouvelle émotion, Hyunjin baisse la tête, se triturant les mains pleines de peintures. Je me sens bête, j'aimerai lui répondre que c'est mon travail mais ma voix est encore coincée.
« Tu m'as sauvé la vie, hier. Tu es... »
Il relève enfin ses yeux sur moi. Je ne dirai pas qu'à cet instant mon coeur a fait un salto dans ma poitrine mais c'est tout comme.
« Un excellent garde personnel. Et à partir de maintenant, je te confie ma vie, officier Lee Felix. » Sourit Hyunjin avec une douceur que je ne lui connaissais pas, en tout cas pas à mon égard.
J'ai comme un sentiment de fierté qui me gagne, j'essaie de m'empêcher de sourire comme un beunet mais c'est plus fort que moi. Je me détourne mais Hyunjin répond à mon petit rire de la même façon. La tension redescend sans pour autant disparaître. Elle devient simplement plus légère et j'en redemanderai presque un peu.
« Bien », dit il en se levant.
Il regarde ses mains, puis sa pièce avant de s'approcher.
« Je vais te faire visiter. Après tout, tu es mon garde. Je vais te montrer le château, les annexes et les plus beaux endroits de la cour. Après on ira en ville. J'ai des achats à faire.
- Bien, votre Altesse.
- Non. »
Il s'approche doucement, juste de quoi me faire à nouveau dérailler malgré moi.
« Hyunjin. Tu m'appelais Hyunjin hier et...Je veux que tu continues. Au moins quand nous sommes seul, ok ?
- Comme vous voulez », je souris à mon tour.
Alors que le Prince, remonte la petite allée au milieu de la jungle, je me dis que j'ai rarement eu l'occasion de voir un si joli sourire.
***
Rien que la visite de l'intérieur du Palais nous a pris trois heures. On a fait l'ensemble des étages, chaque pièce. Les appartements royaux, la chambre du Prince et celle que j'allais occupé juste en face de la sienne. Celle réservé au garde personnel. Il m'a montré l'ensemble des pièces communes, les salles de réceptions, de dîner, les petits salons, les grands salons, les bureaux, la gigantesque salle du trône, la salle du conseil militaire, la petite salle de justice puis les cuisines, les caves, les appartements des domestiques, des serviteurs qui s'occupent principalement des demandes des membres de la famille royal.
Les douves sont vides, les coffres eux sont plein et fermement tenu par l'intendant et une unité spécialisée pour sa protection. A côté, les appartements des mages, la bibliothèque, leurs ateliers et ce n'est là que ceux utilisé par Seungmin. Les autres mages ont une annexe.
Les annexes sont éparpillées dans l'enceinte du château, à l'extérieur, au milieu des habitations des familles nobles de la Cour. Il y a près de la porte Ouest et des remparts du château, le domaine militaire. Les bâtiments les plus grands après celui du Palais. Les officiers et l'ensemble des soldats y sont logés, les équipements et salle d'entrainement. Nous sommes également passés par les écuries, puis par d'autres annexes contenant principalement des stocks de vivre, le matériel pour l'agriculture et l'élevage appartenant à la famille royale.
Nous avons fait un petit tour dans les petites ruelles que comporte l'enceinte du Palais, à l'intérieur de ses remparts. Nous avons croisé des nobles qui saluaient leur monarque avec déférence, lorsque Hyunjin me disait leur nom, je faisais mine de les retenir mais je suis certain que je ne m'en souviendrais plus d'ici la fin de la journée et je voyais d'ici son petit air moqueur.
Nous avons terminé la visite par l'endroit préféré de Hyunjin, en dehors du jardin botanique, il m'a fait grimper sur le chemin de ronde, tout en haut des remparts. Le point culminant du Palais qui donnait une vue époustouflante sur la cité de Mirin.
C'était impressionnant, j'en étais bouche bée. Les toitures qui se collaient presque les unes aux autres, s'étendant à perte de vue et longeaient l'immense fleuve Saja. D'ici, je pouvais voir les remparts de la ville, les habitants tel des petites fourmis qui peuplaient les rues et leurs voix même lointain, comme un bruit de fonds citadin. C'était immense, Londinium n'était pas comparable. Et mon regard fut attiré par le massif en arrière-plan, sur le point d'horizon, les hauts des cimes de la forêt des Quatre Cent Dieux. D'ici j'avais l'impression qu'elle était toute proche.
« J'aime bien venir ici le soir. Quand tout est calme, il me dit dans la confidence. Et parfois, on voit au loin, d'étranges lumières dans le ciel au-dessus de la forêt. Comme des rituels magiques. Les habitants sont habitués, ils ont toujours connu les manifestations spirituelles dû à notre proximité avec la forêt, pour moi ça demeure un spectacle aussi effrayant que fascinant. »
Hyunjin continue d'observer l'horizon, un brin de nostalgie dans ses billes sombres.
« Enfin, j'avais peur qu'on vienne me chercher, rit nerveusement Hyunjin. Cette foutue marque...J'avais parfois l'impression qu'elle me parlait et je croyais que j'abritais un monstre ou un démon et qu'il allait finir par me manger. Des peurs d'enfant. Mais Chan...Il m'a promis que jamais personne ne m'emmènerait. Alors je l'ai cru. »
J'esquisse un petit sourire. Je reconnais bien le Roi.
« C'est le rôle d'un Roi et encore plus d'un grand frère », je dis alors.
Hyunjin acquiesce, heureux.
« Tu as de la famille Felix ?
Je réfléchis une seconde, la réponse négative m'est venue rapidement mais aussi tôt l'image d'Eileen et de Sire Neven me sont venus à l'esprit.
- En quelque sorte, je souris alors nostalgique. Je ne crois plus avoir de famille biologique mais des personnes qui me sont chers. »
Hyunjin est de loin celui qui arrive le mieux à me comprendre sur ce point et je le vois à cette petite lueur dans son regard. Après tout, il n'est pas le frère biologique du Roi Christopher mais ça ne change rien à ce qu'il ressent.
Nous redescendons et voyant l'heure tournée, il s'avance vers les grandes portes qui mènent à la ville basse.
« On doit faire vite, les portes de l'enceinte du château vont bientôt fermer et on doit encore se préparer pour la fête.
- Une fête ? Je demande surpris.
Je cours derrière lui, repositionnant mes deux épées sur ma ceinture.
- La délégation de Pandore est de séjour chez nous, c'est de coutume de faire une fête pour leur venue, d'autant plus qu'ils ont sauvé le Prince.
- D'accord. C'est quel genre de fête ?
- Une réception dans la grande salle, avec des danseurs et des musiciens. Rien d'extravagant. »
Pourquoi ai-je l'impression que le Prince n'a aucune mesure commune de ce qu'est l'extravagance ? Je fronce les sourcils, septique, alors qu'il court les rues pavées et voyant la population devenir plus nombreuses, les rues plus étroites, je me presse pour rester tout près et jouer mon rôle.
Hyunjin se glisse dans la foule sans se soucier des regards qu'on lui jette, des personnes qui s'inclinent sur son passage et s'écartent en le reconnaissant.
Voir un membre de la famille royal se promener sans aucune gêne parmi les habitants avec simplement un garde royal me parait complètement ahurissant. Habituellement, les personnes de haut rang se déplacent avec un réel régiment armé. Ça me rappelle la complicité qu'ils avaient avec l'aubergiste, le peuple d'Agora n'a rien en commun avec celui de Londinium.
« Rassure-toi, on est encore dans des quartiers bourgeois. On n'est pas dans l'enceinte du château, mais ce n'est pas encore les quartiers populaires. Je ne crains pas grand chose, détend toi. » Il me dit alors qu'il me voit totalement en alerte, scrutant chaque recoin, chaque visage.
Il observe des sacs de pigments, s'intéressant particulièrement un pigment bleu puis il me regarde et à nouveau le sac avant de le porter brusquement tout près de mon visage.
« C'est ça, dit il alors en regardant mes cheveux. Ceylan. Tu as les cheveux ceylan. Je vais prendre celui-ci ! Il s'exclame.
- Bien votre Altesse, se penche le commerçant et Hyunjin repart avec son petit sac.
- Vous ne le payez pas ? Je m'étonne.
- Quelqu'un passera derrière nous pour ça. Aucun monarque ne se promène avec de l'argent sur lui.
- C'est vrai que ça pourrait tenter les voleurs de vous piquer votre bourse... », je lâche sans vraiment réfléchir ou en tout cas, sans penser qu'il me fusillerait de ses billes noires.
« Trop tôt ? Je souris de toutes mes dents en espérant détendre l'atmosphère.
- C'est ton premier.
- Mon premier ?
- Avertissement.
Hyunjin repart l'air de rien, je reste perplexe mais aussi plus émoustillé que je le devrais.
- Oh... », je souffle et je me presse le pas pour rester tout près.
D'un petit sourire espiègle, alors qu'il s'intéresse maintenant à des bandes de tissus sur une étale, je me penche vers son oreille, appuyant mon épaule contre la sienne.
« Au bout de trois, j'ai une punition ? »
Ses mouvements s'arrêtent net. Les yeux rivés sur la toile en satin entre ses mains, son visage s'embrase et me donne encore plus envie de le taquiner, même si je sais que ce n'est pas forcément une bonne idée. Autant j'espère le voir réagir, autant je redoute son caractère imprévisible et qu'il se vexe. C'est un jeu risqué, mais qui puis-je ? Je ne vais pas changer du jour au lendemain.
« Carmin. Je dis alors en pointant mon doigt sur sa pommette. Ça, c'est carmin. »
Bingo. Ses yeux s'écarquillent l'émotion de pur embarras est un véritable délice pour les yeux. Il repose soudainement le tissu et s'éloigne à grandes enjambées. Si j'avais su que je devais lui courir après toutes les deux secondes, j'aurai négocié des bottes plus confortables mais je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, j'ai titillé le Prince, et qu'importe son ressenti, il arrive toujours à trouver le moyen de me le faire payer.
Enfin, si c'est pour revoir son côté mignon, je veux bien faire un marathon.
Finalement il revient au château, beaucoup calme et alors que je passe les grandes portes de l'enceintes, ces dernières se referment derrière moi. La cour est peu à peu illuminée par des torches disposés dans les différents petit jardin qui borde le Palais. Les quelques gloussements et les toilettes resplendissantes des nobles qui flânent me font comprendre que la fête ne va pas tarder à commencer.
« Votre Altesse ! S'exclame soudainement un majordome. Je vous ai cherché partout ! Il faut immédiatement aller vous préparer ! Votre bain est prêt et vos hommes de chambres n'attendent plus que votre aval pour le choix de la tenue.
- J'arrive. »
Le majordome s'incline et repart aussi tôt. Alors que le Prince se tourne maintenant vers moi.
- Tu devrais te préparer aussi.
- Bien, votre Altesse. »
Hyunjin fait une petite moue, hésitant, puis finalement il revient seul vers les portes du Palais.
Je reste encore quelques minutes à découvrir l'extérieur du château, je me dis que je devrais aller faire un tour au complexe militaire, j'ai envie de revoir ma joyeuse bande d'amis mais voyant maintenant les domestiques des cuisines sortir avec des marmites et se précipiter dans tous les sens, je me ravise. Si je dois prendre un bain aussi, ce qui ne serait pas du luxe, je ferai bien de me dépêcher. Je reviens donc à l'intérieur du château, je monte les grandes marches et me dirige vers l'aile Ouest, l'aile où se situe les appartements royaux et les chambres des gardes personnels.
Je ne suis pas encore habitué, je passe beaucoup de temps à regarder les moindres moulures, les moindre meubles et drapé des grands rideaux. Je me surprends aussi à enregister les chemins les plus cours en cas de fuite : les vieilles habitudes ont la vie dure mais je ne pense pas que ça soit complètement inutile.
Je vois soudainement sortir d'une chambre une dizaine de personne, des gardes tous habillés sobrement mais élégamment d'une tenue de cuir noir mat avec un long tissu en diagonale sur le torse rouge sang. Au centre, Minho réajuste le bouton de sa manche. Sa petite couronne d'or passant sous ses mèches de cheveux légèrement plus brun, se démarque de la couronne bien plus épaisse du Roi d'Agora.
Il sent ma présence à quelques pas et se tourne automatiquement dans ma direction. Aussi tôt notre dernière entrevue me vient à l'esprit, j'ai la sensation qu'il est en colère et en même temps il me parait tout à fait calme. Je ne pense pas qu'il ait réellement de l'animosité à mon égard mais il a une certaine impatience qui le rend irritable. Le plus étonnant est encore et que le Roi Christopher est lui beaucoup plus clément, alors même que c'est son frère qui est concerné, c'est à n'y rien comprendre.
Finalement, je décide de m'incliner pour le saluer, puis je reprends mon chemin pour rejoindre la porte de ma chambre.
« Je suis désolée. » Dit alors que je passe à côté de son cortège.
Je ne vais pas lui faire l'affront de demander si c'est à moi qu'il s'adresse, j'ai l'intuition qu'il pourrait m'en coller une si je le faisais.
« Pour tout à l'heure. Il reprend. Je ne voulais pas me montrer insensible. Je sais que c'est difficile, crois-moi. Quand je l'ai appris, je suis moi-même passé par une phase de déni...Mais tôt ou tard, qu'on le veuille ou non, on devient qui on est censé devenir. Il n'y a pas d'échappatoire. Et si Chan ne dit rien pour l'instant, qu'il respecte ton besoin de réflexion sur les derniers évènements, il viendra un moment où il ne pourra plus attendre et crois moi, tu ne veux pas voir cet aspect de ton Roi. As Cal Lilium na soli ganel Zaen Philis, nao en Reis. »
Minho repartait avec sa garde privée, remontant l'allée jusqu'au halle principal me laissait seul et perplexe. Et le plus choquant, était encore que j'avais tout compris. Chacun de ses mots en langue ancienne, comme si je l'avais toujours connu.
« Si Callum est plus attaché à Zephilis, ce n'est pas le cas du Roi. »
***
Mon entrevu avec Minho m'avait laissé un goût d'inachevé, ou plutôt une gêne qui me faisait parfois perdre le fil de la petite fête.
Alors que je me tiens aux côtés de Changbin, près du mur de la grande salle de réception, non loin des membres de la famille royal, j'ai encore une fois le regard perdu dans le vide et encore une fois, je prends un coup de coude dans les côtes.
« Aie ! Je laisse échapper et je me retiens de faire plus de bruit. Tu sais que j'ai toujours mal à la côte que tu as cassé sur le bateau !
- Arrête de rêvasser, il gronde entre ses dents.
- Roh que veux-tu qu'il arrive ? Les portes sont fermées et il y a des gardes dans tous les coins.
- C'est ton rôle. Tu la fermes et tu te concentre. Et qui te dit qu'il n'y a pas une taupe dans ces gardes ? Dans les domestiques ? Le dernier assassin de Hyunjin était son garde personnel.
- Pff.»
Il n'a pas tort. En parlant du loup, je regarde à nouveau mon protégé qui discute joyeusement avec une fille de la cour. La jeune femme rit aux éclats, sans retenue, ses cheveux noirs arrivant aux épaules et sa robe bien plus près du corps que les autres toilettes féminines d'une circonférence disproportionnées. J'ai appris un peu plus tôt qu'il ne s'agissait ni plus ni moins que de la sœur de Changbin, la fameuse Ryujin. Elle a le même âge que le Prince, ils ont pratiquement grandis ensemble et semblent encore plus proches que ne laissait supposer la rumeur. Et je ne parle pas de celle qui dit que le Prince a un béguin pour la jeune mage, quoi que leur petit manège pourrait laisser planer le doute, mais ils n'ont pas décrochés l'un de l'autre depuis le début de la fête.
Quiconque aurait oser le toucher, se serait heurter au visage proprement mi-dégouté mi-outré du Prince, mais Ryujin peut allégrement lui attraper le bras, s'écrouler presque sur lui, hilare, lui pincer les joues pour lui faire faire une grimace ridicule, sans que cela ne le gêne le moins du monde. Il râle parfois, mais il reste toujours tout près, fini par sourire avec un plaisir non feint. Je n'avais encore jamais vu le Prince aussi détendu, à l'aise avec quelqu'un. Ce n'est que maintenant, que je me rends compte qu'il a toujours une petite retenue, même avec moi.
Je ne devrais pas m'en sentir plus vexé que ça, après tout, je ne suis que son garde, et il y a encore quelques jours, il voulait ma peau. Mais aller savoir, ça ne me fait pas plaisir pour autant.
Je me rends compte que je les fixe peut-être depuis trop longtemps et alors que je vois Ryujin chercher quelque chose dans la foule ou plutôt quelqu'un autour d'elle, Hyunjin la tire par le bras pour protester. Elle ne l'écoute pas et continue jusqu'à croiser mon regard et elle s'arrête. Je lève les sourcils, surpris, quand elle étire un grand sourire et alors qu'elle allait lever la main, Hyunjin la tire brusquement par les épaules et l'emmène plus loin dans la foule dansante.
« Bizarre, je marmonne.
- Voilà Jihyo », dit à son tour Changbin.
Je secoue la tête et j'essaie de voir de qui il parle, de ne pas me préoccuper plus longtemps du monarque et de sa petite amie.
Je remarque le regard plus sombre de Changbin posé sur la foule, alors je le suis, intrigué. Quand j'aperçois une jeune fille s'avancer depuis les grandes portes, je suis impressionné par sa beauté candide. Ses longs cheveux bouclés, de grands yeux marrons et un visage angélique qui scinde les convives en deux, ouvrant un passage qui mène droit au Roi Christopher de l'autre côté de la salle.
Il y a presque eu un petit silence alors qu'elle s'approche rapidement des monarques, elle fait une révérence une fois que les deux hommes se sont tournés dans sa direction.
Je me souviens avoir entendu plusieurs fois son nom, sans jamais comprendre qui elle était mais j'ai une sensation de malaise qui ne me quitte pas et quand je finis par demander enfin à mon Commandant qui il est, sa réponse me surprend autant que je la redoutais.
« Qui est-elle au juste ?
- C'est Jihyo. La fiancée du Roi.
- Quel Roi ? Je demande alors.
- Notre Roi. Ce n'est pas officielle mais ça ne serait tardé. Les deux familles essaient de se mettre d'accord. Le Roi Christopher n'a pas de descendance, la pression du peuple, des nobles, du Conseil quant à la lignée des Bang...Jihyo est celle qu'ils ont choisi pour lui.
- Je savais qu'on se mariait rarement par amour dans les plus hautes sphères de la société mais on m'avait dit que le Roi était un romantique.
- Il y a un moment où un Roi ne peut plus se permettre d'être romantique... »
Sa voix avait le ton du reproche. Changbin regardait le futur couple et si son air pouvait sembler impassible devant les autres, moi, il me brisait le cœur.
« Le long de mes plaies, fais glisser tes mains
Pour défier les étoiles et mêler nos voies.
Rouvre ces blessures et regarde-moi :
Mon corps meurtri est le canevas du destin.
De mes songes tu t'enfuis à l'aube
Ton parfum de groseille et de lilas
Je veux sentir tes longues boucles noires
Et me perdre dans tes yeux mauves brillants de larmes. »
Chante le barde glissant au milieu des convives.
https://youtu.be/823yuWz0lto
◯
○
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oh yeah !
Bonjour à tous !
Désolé j'ai mis le temps pour le Geai mais j'avais oublié d'écrire l'interlude et je cherchais de jolies illustrations :)
Ca vaut le coup d'attendre ? Non ? 😅
Aller au prochain chapitre on va enfin voir JISUNG !!
Et deviné qui c'est ? Bah c'est le barde voyons 📯
A bientôt !
D.
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