Je gémis une nouvelle fois alors que Beomgyu tapote son morceau de tissu sur la plaie ouverte de mon arcade sourcilière qui n'arrête pas de pisser le sang. Mon sifflement me provoque une nouvelle grimace car j'ai tiré sur la plaie de ma lèvre inférieure, elle aussi meurtri après la boucherie d'il y a quelques heures. Un cercle infernal de douleur.

« T'as eu beaucoup de chance Felix de pas perdre ton œil », il chuchote en regardant l'entaille.

De la chance, je ne crois pas. Je pense surtout qu'il a été stoppé à temps.

Petit retour en arrière.

Alors que je venais de lancer une phrase somme toute, absolument pas au hasard, j'ai vu le visage du Commandant littéralement se transformer. Sa fureur a jailli si vite que je ne l'ai ni senti s'approcher, ni entendu le cri du Roi alors que Changbin m'attrapait déjà par la gorge me bousculant avec fracas contre le mât. Une telle puissance n'était même pas humaine et pourtant trois hommes arrivaient derrière lui, essayant de l'empêcher de m'arracher la tête à main nue. Ses yeux étaient fous, fendu en deux fentes comme celle d'un animal et je n'avais jamais vu une chose pareille. Ses cheveux s'élevaient légèrement, comme s'il se suspendait en apesanteur.

Incapable de dire un seul mot, j'essaie juste de survivre, griffant comme je pouvais le bras qui me tenait me maintenant. Je me suis brusquement senti projeté sur le côté et j'eus juste le temps d'être réceptionné par deux soldats, ces derniers m'aidaient à me relever alors que je m'étouffais en voulant reprendre mon souffle, ayant encore l'impression d'avoir ses serres autour de la gorge.

J'avais provoqué une bête féroce et je m'en mordais les doigts. Et alors qu'il repoussait les trois membres de l'armées qui tentaient de le retenir, je me relevais déjà pour courir. Il restait sur me pas, alors que je commençais à m'aider des cordages, j'évitais ses coups sifflants et pour la première fois de ma vie, je voyais des épées de bois tailler des filets de la marine en morceaux.

« CHANGBIN ARRETE ! » Tonnait une nouvelle fois le Roi.

Il n'y avait plus de joie, juste de la peur et je continuais de courir, sentant que ma vie tenait littéralement à un fil. Je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même, mais je n'avais pas le temps de regretter, je devais sauver ma peau et j'envisageais sérieusement de sauter dans l'eau car rien ne semblait avoir d'emprise sur le Commandant.

Je décidais de grimper sur les cordages des voiles, courant sur le bôme, perpendiculaire au mât comme un équilibriste, pour passer de l'autre côté, Changbin me suivait à la trace et je glissais sur la voile, avant de me retenir à une corde. Je traversais ainsi tout le bateau, suivi par l'armée d'un même mouvement comme un banc de poisson, et j'attrapais enfin ce qui ressemblait à une lance, appuyé contre un rebord. Je retombais sur mes pieds, j'étais maintenant près des escaliers du pont supérieur et Changbin était déjà devant moi, tournoyant avec ses deux épées que je réussi à stopper juste à temps avec ma lance à l'horizontale au-dessus de ma tête. Je tournais cette dernière dans mes mains, en position de combat, pointe tendue. Il n'y avait qu'une vraie lame pour me sauver et même comme ça, je craignais n'avoir aucune chance.

« Changbin ! »

Je prenais un coup sur la hanche, j'avais réussi à parer sa main gauche mais pas la droite et je laissais échapper un cri de douleur tandis que j'essayais de balayer ses jambes. Je me croyais rapide, je pense que je l'étais réellement mais il était tellement au-dessus. Il arrêta ma lance d'un coup de pieds autoritaire et la brisa, sa botte frappait la coque avec une telle force que le coup résonna. Littéralement. Il pivota de tout son corps et me lança un coup de pieds en pleine face. Je sentit ma peau se déchirer au-dessus de mon œil et ma tête partir buter contre une caisse plus loin, me faisant perdre la vue quelques secondes alors qu'un violent acouphène me donnait le tournis.

Putain, il allait me tuer. J'avais le souffle coupé, je pissais le sang et je ne voyais plus clair. Je levais mes yeux, écrasé au sol, un genou à terre, et lui, au-dessus de moi, tel un bourreau au regard démoniaque.

« Stop. »

Le Roi attrapait sa main en vol. Changbin se figea et revint soudainement à lui. Il papillonnait des yeux avant de remarquer où il était, ce qu'il faisait et qui lui tenait effectivement le bras. Il avait perdu le contrôle et je pouvais voir toute la stupéfaction dans son regard, avant de sentir la honte le gagner alors que le Roi le toisait avec dureté.

A cet instant j'étais sûr des deux choses : j'étais effectivement passé à deux de doigts de la mort et ces deux là étaient bel et bien le couple que j'avais entendu la veille.

Qu'importe la nature de leur relation, leurs yeux parlaient aussi fortement que l'intense magnétisme qui se dégageait d'eux. Je ne savais pas si j'étais le seul à m'en rendre compte mais je regrettais surtout avoir pris une telle situation à la légère et de l'avoir utilisé à des fins aussi stupides.

« Qu'est-ce que tu lui as dit pour déclencher son mode Berserker ? Me demande Jake derrière Jeongin.

- Son mode quoi ? Je réponds alors que je gémis à nouveau sous le traitement de l'herboriste.

- Beserker. On t'a déjà expliqué que sa sœur avait des capacités de mage non ? Et bah Changbin est un Berserker. Ce sont des guerriers ultra-puissant, qui dégage une force surnaturelle l'espace pendant quelques minutes, en plus d'avoir une peau quasi impénétrable. Dans ces moments-là, ils ressemblent à des animaux et sont difficilement contrôlables. Je l'ai jamais vu utiliser ce pouvoir, sauf une fois, en plein tournoi alors qu'un archer avait visé la tête du Roi par erreur.

- Jamais vu ça, je souffle encore sous le choc. Vous auriez pu me prévenir ?

- On pensait pas que ça pouvait arriver, me dit alors Jeongin à voix basse. Ça devait être un simple test.

- Ouais...Tu parles d'un test.»

Je l'ai peut-être cherché. Ma contrariété faisait place à ma culpabilité et les garçons semblent le voir. Ces derniers sont un peu mal à l'aise également, ils s'en veulent de ne pas m'avoir prévenu avant.

« Bon, le Roi t'attend dans la cabine du Captaine. Je pense que ça ira après un peu de repos mais je m'inquiète pour ce bleu sur tes côtes. Il faut surveiller que tu ne fasses pas une hémorragie, me dit alors Beomgyu en terminant son traitement.

- Ca va, je me sens bien. J'ai l'habitude, je souris au jeune herboriste. Merci Gyu. »

Il répond à mon sourire timidement puis je me redresse, tenant le bandage qu'il m'a mis autour du ventre. Je sens l'odeur des plantes composant l'onguent qu'il a piégé à l'intérieur et qui doivent m'aider à faire diminuer l'hématome.

Je pars, clopinant, jusqu'à l'escalier, la chemise autour ouverte et tenant mes côtes. La douleur me traverse l'échine de part en part à chaque marche que je monte, je sens presque les regards pleins de pitié de mes nouveaux amis, dans mon dos. Une fois sur le pont, tout le monde semble avoir repris leurs tâches habituelles. Je ne vois pas le Commandant au milieu de ses soldats et si certains me jettent un regard compatissant, d'autres semblent aussi intrigué que Jake. Ils connaissent tous le caractère de leur chef et son besoin de surcontrôle, alors le voir céder à son Berserker est plus que surprenant. Surtout pour un combat qu'il allait gagner aisément. Voilà encore un fait d'arme qui va se rajouter à ma légende, pas sûr qu'il soit à mon avantage cette fois.

Une fois devant la porte de la cabine du Capitaine, je me racle la gorge et je frappe avec appréhension. Lorsque j'entends la voix du Roi me demander d'entrer, je sens ma poitrine se compresser et ma nervosité grimper en flèche. J'ai déjà cramé pas mal de vie, est-ce qu'il m'en reste une petite dernière ?

J'ouvre la porte et je passe la tête timidement, je vois le Roi de l'autre côté du grand bureau, plein de paperasse, assis sur le siège habituellement occupé par le Capitaine mais ce dernier est à la barre.

« Entre Felix », il me dit alors en rangeant les parchemins.

Je déglutis et m'exécute. J'avance à reculons, sentant la gêne me gagner et me couper la voix. Je dois bien l'avouer, c'était un coup bas que d'évoquer la scène que j'ai entendu hier et j'en suis pas vraiment fier. Je ne sais même pas si le Roi est au courant mais je n'arrive pas à le regarder dans les yeux, par peur d'y voir en plus de la fureur, de la déception.

« Je tiens à m'excuser pour le comportement de Changbin, il a un peu...Disons qu'il a plus de retenue habituellement.

- Mmh.

Je marmonne la tête baissée. Je me sens vraiment idiot.

- Pour autant, c'était un test concluant. Tu t'es très bien défendu et je n'en attendais pas moins de toi. Mais tu manques sérieusement de technique et d'entrainement. Alors je lui ai demandé de s'en occuper personnellement.

- Pardon ? Vous êtes sérieux ?

- Un Roi ne plaisante jamais », il fronce les sourcils de manière grossière avant d'afficher un immense sourire.

Tellement diplomatique que je le soupçonne d'avoir une idée derrière la tête. Est-ce qu'il serait tombé sur la tête ? Ou alors je dois le prendre pour ma punition ? Laisser le Commandant me torturer ?

Néanmoins, je ne vois aucune malice ou plaisir sadique à m'envoyer dans la gueule du loup. Au contraire, il coule à nouveau un regard doux et s'approche pour glisser sa main sur ma blessure à l'arcade. Sa proximité me perturbe, je sens mes mains s'agiter mais bien incapable de m'en détacher. Je me remémore les souvenirs de la veille et je crains que mes palpitations ne lui parviennent aux oreilles alors que j'entends encore les gémissements et la voix du Roi dans ma tête.

Pire encore, mon esprit pervers se met à imaginer sa bouche murmurer « mon ange » à l'oreille du Commandant qui le supplie de le faire taire, au milieu des voiles de son lit baldaquin.

« Tu as la fièvre ? Il me demande cette fois en caressant ma joue du revers de sa main.

- Q-quoi ? N-non ! Je bafouille. J'ai juste un peu chaud.

Le Roi Christopher me sourit tendrement et semble sincère.

- Felix. Si jamais quelque chose te tracasse, je veux que tu m'en parles d'accord ? N'essaie pas de jouer les solitaires, tu n'es plus un vagabond, tu es un agorien maintenant et comme tous les agoriens, tu es mon sujet. Et je m'inquiète pour chacun d'entre eux. Individuellement. Encore plus pour ceux qui sont dans ma garde royal. J'ai besoin que tu me fasses confiance pour que je te fasse confiance car il n'y a que dans ses conditions que je pourrai te laisser la protection de mon petit frère. Tu as compris ?

- Oui. Désolé, Mon Roi. »

C'est tellement étrange dans ma bouche. Je pense n'avoir jamais prononcé ses mots, le son qu'ils provoquent dans ma bouche est totalement inconnu et me fait frémir de manière incontrôlée. Sentant une douce chaleur émaner du fond de ma poitrine et se répandre doucement pour colorer encore un peu plus mes joues. Je dois vraiment avoir l'air d'une petite chose fragile, ou d'un garçon apeuré. Ça ne me ressemble pas mais il faut dire que j'ai pris sacré coup sur la tête et qu'il faut croire, que je n'ai vraiment pas de quoi me vanter pour ce qu'il s'est passé. Même si le Roi n'a pas vraiment conscience de mon rôle, je pense qu'il n'est pas stupide et connait assez bien son Commandant pour savoir qu'il n'aurait pas agi de cette façon sans raison valable. Je ne sais pas s'il fait semblant ou s'il estime réellement que c'était un simple accident mais cette sensation de lâcheté me rend bien plus fragile et conciliant. A en juger par son expression surprise, il ne s'attendait pas à ce que je sois aussi obéissant mais ça le ravi.

« Bien, dit il simplement.

- C'est juste que..., je commence alors. Je ne suis pas sûr que le Commandant souhaite réellement s'occuper de mon entrainement.

- Détrompe-toi. C'est lui qui me l'a demandé et je pense qu'il a raison.

- Il vous l'a demandé ?

Alors là, ça me trou le...

- Curieux n'est-ce pas ? Pour quelqu'un qui ait réussi à activer son Berserker, je pensais qu'il exigerait que je te donne à manger aux requins mais il m'a dit que tu étais assez fort pour devenir un garde royal digne de son nom et il veut s'occuper personnellement de toi.

- Vous m'en direz tant... »

La porte de la cabine s'ouvre brusquement et je sens comme un frisson désagréable me gagner. Je me retourne et alors que je pensais voir Changbin, c'est le regard renfrogné du Prince qui me fait face. Dans sa tunique blanche tenue par une ceinture de cuir et son pantalon bleu fluide, il dégage toujours autant de grâce, à croire que le voyage en mer ne lui fait ni chaux ni froid. Pas possible d'être aussi beau et con en même temps.

Il croise les bras sur son torse, alors qu'il regarde maintenant son frère.

« Ah, Hyunjin, bien je crois qu'il est temps de mettre les choses au clair. Hyunjin, Felix sera ton garde personnel dès que nous poserons un pied à terre. Changbin se chargera de sa formation jusqu'à ce qu'il estime qu'il soit prêt. Je vais le faire s'installer dans la cabine des officiers mais je tenais à ce que vous enterriez la hache de guerre, aujourd'hui. »

Son frère lève les sourcils de manière désinvolte, et je n'en mène pas plus large. Le Roi soupire devant si peu de volonté mais il est évident qu'il n'acceptera aucun refus. Il finit par nous fixer avec autorité, un air de dire « vous voulez vraiment m'emmerder ? Vous êtes sûr ? » et la réponse était simple : à choisir, c'est surement pas lui que j'ai envie de faire chier. J'ai déjà assez d'un Berserker et je ne veux pas savoir ce que cache le Roi de son côté comme capacité spéciale.

Je me racle la gorge, comprenant que je dois faire l'effort pour nous deux. Après tout, c'est moi le voleur. Je prends une profonde inspiration, sers les dents puis je me retourne avant de ployer le genou. Tête basse, étouffant un juron à cause de la douleur de mes côtes, un genou à terre et prenant appui sur le second, je baisse la tête, en signe d'allégeance.

« Moi, Lee Felix, vous demande, votre Altesse, de me pardonner de l'affront que je vous ai fait. Que ça soit sur les quais ou dans la salle de réception de Londinium. A partir de ce jour, je serai votre protecteur, au péril de ma vie. »

Le Roi Christopher est encore une fois agréablement surpris. Je peux entendre sa petite expiration satisfaite et lorsque je relève mes yeux sur Hyunjin, au lieu d'y voir un plaisir sadique de me voir à ses pieds, ou encore une légère indulgence sur des excuses à moitié sincères, j'y vois encore plus de rage. Ça ne va vraiment pas être facile avec lui.

« Hyunjin, le rappelle son frère.

- Même pas en rêve, il lâche acerbe. Tu peux t'agenouiller tant que tu veux, je ne te ferai jamais confiance Lee Felix.

Hyunjin part aussi tôt, d'un geste hautain, claquant la porte de la cabine. Quel petit fils de riche arrogant, j'ai envie de lui jeter mon poing dans la figure.

- Laisse lui le temps, me dit le Roi en se penchant pour m'aider à me redresser. »

Je remercie du bout des lèvres alors qu'il se pince les lèvres, compatissant.

Je dois reconnaître qu'il me perturbe totalement. Je parle du Roi bien sûr, pas de cet idiot de Prince. Je ne saurai dire si toutes ses expressions sont sincères ou au contraire, totalement contrôlées. S'il me manipule ou s'il se sent réellement concerner par ses sujets, par moi. Je suis peut-être naïf mais j'ai l'impression que son attention particulière n'est pas un leurre, qu'il essaie réellement de me faire accepter comme l'un d'entre eux. C'est assez étrange quand on y pense et je ne suis pas certain que la seule raison soit liée à mon intervention l'autre soir. Aussi tôt je me rappelle de son tatouage, presque semblable au mien.

« Mon Roi, si vous voulez bien, j'aurai des questions à vous poser, j'ose alors que je plante mes yeux dans les siens.

Lentement, son sourire s'efface sans être hostile mais je le sens tout à coup distant.

- Un autre fois Felix, je dois m'entretenir avec mon Capitaine maintenant.

- Oui, bien sûr. »

Je baisse la tête puis me détache de lui alors qu'il me tenait toujours par les bras. Je le remercie à nouveau, m'incline par respect et je quitte la cabine.

***

Mes affaires ont été déplacées dans la cabine des officiers que je partage de toute évidence avec deux autres haut gradés. Heureusement, j'ai bien cru qu'un nouveau coup du destin cynique allait me faire partager la cabine de Changbin mais en tant que Commandant il bénéfice d'une cabine seul alors à la place, je me retrouve en colocation pour le reste du voyage avec deux énergumenes qui me dévisagent avec un grand sourire. Au moins ils ont l'air amicale.

" Moi c'est Wooyoung", commence celui qui se tient débout, appuyé contre le bois du cadre de lit. 

Dans une tenue toute en cuir noir, un haut à manche courte et la taille serrée. Ses cheveux noirs attachés en une demi-queue, il présente toutes les caractéristiques d'un archer. " Et lui c'est San". Dit il cette fois en pointant le garçon assis sur le rebord de la couchette en face, accoudé à ses genoux.

Ce dernier me fait un petit signe de la main. Son pantalon plus large que celui de l'archer ceinturer à divers endroits de la jambe avec des fourreaux destinés à des armes de lancés. Son haut à manches courtes également dévoilent diverses cicatrices sur des bras épais musclés, pas autant que ceux du Commandant mais visiblement travaillé par des entrainements lourds. Ses cheveux bruns, coupés court détonnent avec son sourire enfantin.

" Je suis le capitaine de l'archerie, continue Wooyoung, et San est le capitaine d'infanterie spécialisé dans le combat rapproché.

- A mains nues, sourit San comme pour appuyer les propos de son camarade en frappant ses poings gantés ensemble.

Wooyoung le bouscule légèrement lui demandant d'arrêter de faire l'intéressant mais le dit San en rit encore plus. De toute évidence, les deux hommes sont de bons amis.

- En temps normal les gardes royaux ont des cabines privées mais Changbin a demandé qu'on te garde avec nous, pour que tu puisses faire rapidement connaissance avec tout le monde.

- Il va falloir que tu apprennes le nom des officiers et des soldats. C'est important pour un garde royal, renchérit San qui redevient sérieux.

- Sans parler des officiels de la cour, la noblesse et les membres les influents au sein du peuple, songe aussi Wooyoung.

Je sens déjà pointé le mal de crâne.

- Mais ça tu verras avec le Roi, il va surement t'attribuer une sorte de précepteur. Peut-être Seungmin ? Demande San cette fois en regardant son ami.

Wooyoung hausse les épaules.

- Seungmin est notre Mage. Enfin des mages on en a plein mais c'est un Erudit. Spécialisé dans les sortilèges et un vrai puit de science. Et surtout, c'est le conseiller privilégier du Roi."

J'hoche la tête doucement.

A vrai dire, je n'ai pas vraiment réussi à décrocher un mot, je suis toujours un peu retenue dans ma dernière conversation avec le Roi, ou du moins l'absence de conversation. En réalité, j'avais vraiment hâte de lui parler de son tatouage, espéré avoir un indice ou même me faire rembarrer pour me dire que c'était un tatouage comme un autre, avec un piaf comme un autre. Seulement entre la légende et les caractéristiques très particulières des motifs, je ne suis pas assez idiot pour penser qu'il s'agit d'une coïncidence.

Si mes parents m'ont tatoué ce truc quand j'étais marmot, j'en ai aucune souvenir, mais je n'ai aussi aucun souvenir d'eux alors ce n'est pas vraiment surprenant et jusque-là, je pouvais penser qu'il s'agissait peut-être juste de personnes un peu illuminées, voire des chamans qui avaient cru intelligent de marquer un môme. En s'inspirant peut-être du Geai Bleu, les fameux mages d'élites. Seulement en voyant celui du Roi, bien plus grand que le mien mais dont le dessin me semblait identique par le style, comme s'il avait tracé par la même personne. Et l'encre. Cette façon étrange que la couleur avait de changé. Et par tous les dieux, je sais que je passerai pour un fou si j'ose dire ça à haute voix, mais je jure l'avoir vu bouger cette fameuse nuit où j'ai empêché son assassinat.

" Ca va ? Me dit cette fois Wooyoung en s'approchant de moi d'un air inquiet.

- Hein ?

- Changbin l'a peut-être frappé un peu trop fort, dit alors San sans vraiment se moquer. Tu devrais te reposer cet après-midi.

- Non ça va, je souffle essayant de retrouver un peu de bonne humeur. Désolé vraiment, j'ai un peu du mal à me faire à...Un peu près tout.

- C'est normal, compatit Wooyoung. Tu changes de patrie du jour au lendemain et tu passes de condamné à mort à garde royal en quelques heures. Il y a de quoi être déstabilisé.

- Tu vas en faire des jaloux en rentrant au Palais, essaie de plaisanter San.

Je réponds avec un petit sourire discret. Wooyoung et lui partage un petit regard entendu avant de se lever ensemble et commencent à se diriger vers la sortie de la cabine.

- Repose-toi, me dit l'archer. On va prévenir le Commandant de ne pas te déranger aujourd'hui."

J'ai envie de protesté et en même temps, je sens bien que je ne suis pas en forme alors un peu de repos ne me ferait pas de mal. Avec un peu de chance, je pourrai dormir pour une fois. Bon, s'il faut que je me fasse tabasser pour dormir ça va devenir problématique avec le temps mais quelque chose me dit que mon apprentissage avec Changbin risque souvent de se finir de la même façon alors autant tirer avantage de cette situation.

Je soupire et m'allonge sur la couchette tandis que mes deux nouveaux colocataires quittent ensemble la cabine.

A peine ai-je fermé les yeux que je me sens effectivement lourd et prêt à m'endormir. La mer est calme et mes nausées aussi. Mon esprit a beau réfléchir à cent à l'heure une minute plus tôt, j'ai l'impression que tout s'estompe tout d'un coup et je n'ai pas besoin de me faire plus de soucis. Je n'aurai de toute façon aucune réponse dans l'heure alors autant laisser tomber, pour l'instant. Bercé, je me laisse emporter dans les bras de Morphée.

Je me réveille quelques heures plus tard par le brouhaha des soldats dans la calle destinée à la prise des repas. Dans le bateau tout résonne entre les cloisons de bois, même si la grande calle est de l'autre côté du navire, j'ai l'impression qu'ils sont juste derrière la porte et qu'ils sont des milliers. Je baille fortement ayant plutôt bien dormi et ça ne m'était pas arrivé depuis longtemps. A fortiori sur un bateau.

Alors que je me redresse doucement, me tenant toujours côtes, j'entends qu'on frappe à la porte. Je n'ai pas le temps d'inviter l'opportun à entrer que je vois déjà la petite de Jeongin franchir l'embrasure. Dès qu'il me voit, il se met aussi tôt à sourire, malgré tout un peu inquiet.

" Ca va mieux ? Il demande une petite voix.

- Oui, je lui réponds aussi tôt. Ca m'a fait du bien de dormir un peu.

- Viens dîner avant qu'il n'y ait plus rien.

- Oui j'arrive."

Le jeune soldat me laisse et je ne tarde pas à le rejoindre. Je boitille jusqu'à la calle de l'autre côté et en arrivant j'entends presque les voix baissées de volume. Certains me regardent, intrigués. Certains semblent impressionné, quand d'autres sont méfiants mais je sens que ce combat n'a pas été qu'une catastrophe pour ma réputation. A priori, avoir éveillé le Berserker a donné encore plus de mystère sur mes capacités, pourtant tout le monde à vue que j'ai été ratatiné, cependant, personne ne sait pourquoi.

Je vois Wooyoung et San assis avec Changbin à la table des officiers, je me demande si je dois les rejoindre. Hésitant, je sens brusquement une main puissante se poser sur mon épaule à me faire sursauter.

" Majesté ! S'exclame un soldat. Vous mangez avec nous aujourd'hui ?

- Bien sûr", sourit de toute ses dents le Roi juste derrière moi.

Il se tourne enfin dans ma direction et son air doux me détend automatiquement.

" Il n'y aucun protocole pour les repas au sein du régiment Felix, tu manges avec qui tu veux", il répond à ma question silencieuse.

Je me sens soulagé. J'aime bien mes nouveaux colocataires mais je me sentirai plus à l'aise avec Jeongin et les autres. Je le remercie donc d'un signe de tête et je m'en vais rejoindre la table de mes camarades.

En me voyant arrivé, Jeongin est tout content, il me tend une assiette qu'il a préparé pour moi. Il est adorable, je lui mime un baiser en l'air et il ne doit pas avoir l'habitude. Je dois dire que je l'ai fait par réflexe, comme j'ai pu si souvent le faire avec Eileen ou Ben mais c'est vrai que Jeongin est un soldat, je n'aurai peut-être pas dû. Et alors que je pensais qu'il allait se cacher, gêné, il s'empourpre mais son sourire s'agrandit davantage plissant complètement ses yeux en deux fentes rieuses. Quel mignon petit renard.

" Bien dormi Princesse ? Se moque gentiment Jake.

- C'est ça le privilège les gars, les couchettes des officiers c'est le top, je me vante grossièrement une prenant une bouche de mon ragoût.

- Imagine un peu celle de la famille royale, il murmure complice.

Je m'amuse avec lui une seconde, à imaginer les draps de soie et les oreillers dodus du Roi et du Prince.

- Tu aimerais tant que ça dormir dans mon lit Felix ?"

La voix du Roi me coupe littéralement le sifflet. Ce dernier se tient juste derrière moi avec son assiette et les autres manquent de s'étouffer sous la gêne. Le visage de Jeongin devient si rouge qu'il pourrait s'évanouir et moi, bah moi j'ai la bouche ouverte comme un poisson et puis finalement je baisse la tête alors que Jake éclate brusquement de rire.

Le Roi rit à son tour et vient s'asseoir juste à côté moi, sur mon banc. Les soldats qui nous entourent nous regardent, incrédule et un peu jaloux. Punaise, si je ne faisais pas l'objet de rumeur de traitement de faveur, là c'était garantie.

" On plaisantait Majesté, lui dit Yeonjun en espérant rattraper le coup.

- Et bien, ça veut dire que tu ne voudrais pas dormir avec moi, Felix ?

- Quoi ?! Non ! Bien sûr que non ! Enfin...Je me permettrai pas.

- Calme-toi, il rit à nouveau. Je te taquine voyons. Tu ne peux pas de toute façon, j'ai déjà proposé à Jeongin de venir ce soir. "

A nouveau le groupe éclate de rire. Je suis bouche bée mais il faut croire que c'est une plaisanterie récurrente car tous les soldats qui nous entourent sont hilares. Jeongin fait la grimace, comme s'il était souvent la cible de ses railleries. En réalité, je comprends que le Roi s'enquiert souvent des plus jeunes, des débutants et il n'hésite pas à les embêter pour les intégrer plus facilement dans le groupe et cela semble fonctionné. Je sens que la tension dans le regard de certains soldats, jusque-là méfiants, diminue et compatissent, comprenant enfin que le Roi se comporte avec moi comme il se comporte avec la plupart des nouvelles recrues.

" On fera pas d'escale cette fois Majesté ? Demande Beomgyu après que les rires se soient estompés.

- Non, nous allons directement jusqu'au Port d'Agora avant de prendre la route pour Mirin.

- Vous avez reçu des nouvelles ? Tout va bien sur place ? Demande Jake la bouche pleine.

Le Roi affirme d'un petit signe de tête.

- Aucun problème, je n'en attendais pas moins de Seungmin de toute façon. Même si je dois avouer qu'il pourrait mettre un peu les formes sur ces messages. Son dernier disait juste " Ai fait le plein pour votre retour. Orage attendu en milieu d'après-midi du quatre. Bon voyage." Mime le Roi en prenant une voix détachée et un regard désabusé.

Les garçons rient à nouveau, je comprends que l'imitation est plutôt de qualité mais Beomgyu fait immédiatement la grimace.

- Il a dit le quatre ? Nous allons avoir un orage sur le chemin demain ?

- Oui, rien de méchant, sourit le Roi pour essayer de le rassurer. Ne vous en faites pas. Seungmin l'a noté 2/5, c'est une petite tempête, rien d'insurmontable.

La mention de tempête en mer me donne un frisson désagréable. Je me sens tout coup mal tandis que des images d'une tempête essuyée lors de ma première traversée me vient à l'esprit. Je n'ai pas souvenir de "petite" tempête, juste de saloperie de vent hurlant et de vagues gigantesques.

- Nous avons déjà tout planifié avec le Capitaine, tout va bien se passer."

Le Roi se lève finalement avec son assiette.

" Ce soir, amusez-vous, faites la fête. Avec l'orage de demain, le pont sera interdit en dehors de l'équipage. Vous pourrez vous reposer."

Le Roi Christopher quitte la table après une dernière petite tape amicale sur mon dos et tandis qu'il s'en va rejoindre la table des officiers, je l'observe. Il est tellement accessible pour un souverain, surtout un souverain de cette envergure, j'ai encore du mal à me faire à l'idée. Il m'impressionne, je dois bien l'avouer.

" Tombe pas amoureux Lix, me dit Jeongin, moqueur.

- Vous avez entendu les gars ! S'exclame soudainement Jake en se levant. Le Roi nous a dit de faire la fête ! Faites péter la bière et l'hydromel !

- OUAIS !"

Acclamé, le soldat entraine les chopes et demandes aux membres de l'équipage de cuisine de leur monter les tonneaux de boissons et sortir la cochonaille pour une petite fête. Un autre soldat dont je n'ai pas encore retenue le nom, sort une petite guitare et entraine les autres dans un chant traditionnel de marin qu'ils connaissent tous. Je me sens carrément étranger mais pas mis à l'écart pour autant, ça m'amuse de les voir tous festifs. Jeongin se met à taper des mains sur la table, tous les autres l'imitent et la chanson va de plus en plus vite, tandis qu'un autre groupe se met à danser. Je frappe à mon tour, timidement, murmurant les seuls mots que je comprends et qui se répètent.

What shall we do with a drunken sailor

What shall we do with a drunken sailor

What shall we do with a drunken sailor

Early in the morning

Je vois le Roi quitter la fête, retourner dans sa cabine et seulement quelques minutes plus tard, Changbin quitte à son tour la salle pour prendre le même chemin. Je me pince les lèvres et alors que le Commandant est sur le seuil du couloir, il se tourne dans ma direction. Son regard me foudroie, il n'est pourtant pas spécialement menaçant mais je sens que je ferai bien de regarder ailleurs et comme j'ai encore mal aux côtes que je n'ai pas envie de m'en prendre une autre, je détourne les yeux et lorsque j'ose un nouveau coup d'œil, il n'est plus là.

L'entrainement va être sportif, je le sens.

Je prends une gorgée de la bière qu'on m'a servi, bien décidé à profiter des instants de répit et à m'amuser le temps que je peux. 

◯

○

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Et oui faut pas faire chier Binnie ! Il est pas commode :)

Mais c'est pas un mauvais bougre ! Contrairement à Jinnie qui me donne du fil à retordre ! 

J'espère que ça vous plait toujours, pour l'instant. On va mettre un peu de temps à voir les autres personnages (Minho et Jisung notamment) parce qu'ils font partie d'une intrigue plus en lien avec de la politique.

 Je pense que cette histoire va être assez longue...Mais avec plein d'action ! 

A bientôt ! 

D.