⨁ INTERLUDE XX ⨁
Jisung se relevait une énième fois, la sueur perlait sur son front et un long filet de sang qui provenait de son arcade traversait maintenant sa joue pour mourir sur sa mâchoire. Il avait un genou au sol, un signe de réédition, mais son visage était paré d'une détermination sans faille alors que circulait devant lui le corps élancé d'Osha. Ses longues tresses plaquées, perlées et le visage tatouer au henné blanc rendait son teint encore plus caramel. Au milieu de salle des miroirs, le lieu d'entrainement des assassins d'Haendel, elle était comme la réplique d'une multitude de clone qui se tenaient debout alors que Jisung était à ses pieds.
Encore une fois, elle fit virevolter sa lame recourbée dans ses doigts, le manche doré et décoré de pierres précieuses, était un héritage de son peuple, les Ashin. Des mercenaires qui vivaient dans le désert d'Insomia, nul ne connaissait jamais l'emplacement de leur peuple, ni leur déplacement, ces derniers bougeaient constamment, d'oasis en oasis, de montagnes creuses en montagnes creuses. On ne connaissait ni leur nombre, ni exactement leur origine.
Ils vendaient simplement leur service aux plus offrant et ces derniers étaient souvent à la tête de Royaume. Fenrir avait pris pour habitude de les engager depuis la mort du dernier Empereur, Osha vivait donc presque à l'année au Palais, partait en mission pour mieux revenir et entrainer son poulain.
Han Jisung avait réussi l'exploit d'entrer dans l'armée d'Haendel. Après la mort de Jinyoung, à sa rencontre avec la femme du peuple du désert, il avait choisi d'écouter ses sages paroles : il s'était rapproché de son ennemi. Car il n'avait qu'un objectif, l'unique depuis que les yeux bleus de son frère orphelin s'étaient clos définitivement : tuer le Roi.
Cela lui avait donné des forces qu'il ne soupçonnait pas, lui qui était plutôt frêle de nature, assez trouillard, il avait ravalé toutes émotions d'enfant et s'était juré de ne jamais dévier de son objectif, tant que Fenrir serait en vie. Qu'importe les douleurs physiques, les efforts, les entrainements dans la neige, les racler qu'il prenait par ses supérieurs, qu'importe le sang versé et les blessures. Il n'aura de cesse que lorsqu'il aura tué de ses mains l'homme qui avait détruit tout ce qu'il aimait. Son foyer, sa famille, ses amis, jusqu'à son humanité.
C'était le prix à payer, abandonner ses réticences à se salir les mains, à devenir le méchant de l'histoire.
Les troupes d'Haendel s'intégrait au plus jeune âge, il fallait passer par des entrainements drastiques avant de pouvoir intégrer l'armée, véritablement. A treize ans, alors qu'il avait déjà passé trois années dans les camps d'entrainement, Osha avait était venu accompagné de son instructeur. Lorsque Jisung l'a reconnu, il crut une seconde que c'était un cauchemar et que l'assassin allait le dénoncer mais il n'en fut rien. Elle lui souriait de ses dents pointues et tendit son doigts dans sa direction, le désignant parmi tous les autres enfants et adolescents.
« Lui. Elle avait ordonné. C'est lui que je veux. »
Osha n'avait jamais voulu lui avouer si elle avait prémédité sa venue, si elle avait semé la graine de la vengeance à dessein dans son esprit. Ou au contraire, si c'était ce qu'elle avait ressenti en lui, l'assassin idéal, son futur, son héritage qu'elle laisserai derrière elle. Car la vie d'une Ashin n'est jamais trop longue et que si jusque-là, elle avait échappé à leur sort à tous, elle n'était qu'une âme en attente d'être à son tour planté dans le dos, au détour d'un couloir qu'elle n'aurait pas dû emprunter, d'un homme important qu'elle n'aurait pas dû essayer de tuer.
Elle avait donc pris à cœur de l'entrainer aux maniements des armes courtes, aux arts de la dissimulation, du déplacement furtif mais aussi à celui de la séduction. Un assassin n'est pas seulement une ombre, il faut parfois se révéler à la lumière, jouer les ingénues ou un rôle quelconque qui permettra d'endormir sa proie, sa mission. Il fallait parfois devenir quelqu'un d'autre pour mieux tromper son monde.
Jisung s'était révélé assez doué sur chacun de ces aspects, il pouvait aussi bien endormir un commerçant, lui faire dire les secrets les plus sombre qu'il avait entendu, qu'un capitaine de navire froid et distant mais qui se révélait docile une fois que le charme du gentil delion jouait. Il avait trouvé une arme secrète, sa voix. Il aimait leurrait son public en chantant, comme un magicien qui leur montre des tours, sauf que c'était lui-même le tour de magie.
Il était encore plus doué avec deux longs couteaux, un cadeau de Osha pour sa première mission. Un homme du port, un pêcheur qui travaillait en réalité pour des contrebandiers. Jisung se souvenait comme il avait été nerveux. Il n'en dormait pas et en vomissait à chaque fois qu'il songeait à ce qu'il devait faire. Récupérer des informations était facile mais tuer quelqu'un, c'était quelque chose qu'on peut s'imaginer être capable de faire sans se rendre compte à quel point on peut se retrouver totalement démunie une fois qu'on est devant l'achèvement de son plan, sa victime à porter, prête à rendre le dernier râle mais qu'on se retrouve paralyser par l'effroi de son acte.
La première fois, il n'avait pas pu. Jisung avait rangé sa lame et le pêcheur était toujours en vie. Le lendemain, il avait repris son bateau et à son retour près d'Osha, l'assassin n'avait rien dit. Elle savait qu'il avait échoué et pourtant elle ne l'avait même pas sermonné. Son regard suffisait. Il était impassible, aucune émotion, pas même de la déception et Jisung trouvait que c'était encore pire. Être insignifiant aux yeux de la personne qui lui avait tout appris et redevenir le petit garçon appeuré, qui se cachait derrière les étreintes de son frère qui était mort pour lui, à cause de lui.
En revenant au port, après quelques jours, il avait recroisé le pêcheur et l'homme avec qui il avait sympathisé pour sa mission s'était mis à lui conter son périple par delà les mers, et bien vite, comment il avait réussi à attraper d'innombrables poissons qu'il avait vendu dans un port plus au Sud, près des îles d'Oran.
« C'était comme cette fois là ! J'avais trouvé une belle colonie de poissons bleus, magnifiques espadons. Ils étaient majestueux et pourtant si affaiblis par leur course. Il revenait d'un long voyage, très long voyage... », marmonnait le vieil homme légèrement ivre.
Ce dernier avait les yeux dans le vide et la lueur de la bougie sur la table de la taverne se reflétait sur ses pupilles. Jisung était avachis sur son banc et sentant comme une étrange sensation le gagner, une impression qu'il ne pouvait définir mais qui commençait à faire trembler ses mains.
« Il y en avait plein, des grands, des petits...Les petits. C'était facile de les attraper, ils courraient partout, il suffisait de tendre la main et de les jeter dans la calle. Les acheteurs se ruaient pour avoir des spécimens aussi rares...Et ils pleuraient. Parfois j'ai la sensation de les entendre encore. »
Jisung déglutit comprenant alors qu'il ne parlait nullement de poissons. Il sentit son cœur cogner de plus en plus fort alors que le vieil homme secouait la tête, comme s'il voulait en dissiper les souvenirs désagréables.
« Les poissons bleus, ça porte malheur, dit il alors en regardant Jisung dans les yeux. Maintenant si j'en trouve, je les jette directement. »
Sa main avait glissé si vite sur sa dague qu'il eut bien du mal à se retenir de la tirer de son fourreau pour lui planter dans la gorge. A la place, il esquissa un grand sourire, comme il avait l'habitude de présenter.
« Tiens aller ! Pour fêter mes belles prises tu vas boire avec moi !
- Je n'ai pas l'âge, continuait de sourire Jisung.
- Mais si mais si ! A dix ans déjà je buvais mon premier hydromel ! Aller ! Tout dans le gosier ! » Dit il en présentant sa propre bière.
Jisung regardait la mousse et d'un faux air timide, il but jusqu'à la moitié de la pinte avant de tousser ce qui fit rire le vieil homme. Ce dernier lui tapotait les épaules avant de lui en commander une autre. Ce soir là, même si un peu grisé, Jisung avait réussi à se contrôler. A vrai dire, Osha l'avait déjà entrainé à pouvoir tenir l'alcool. C'était important d'essayer de garder l'esprit clair, tout en utilisant une méthode aussi facile que de saouler ses victimes.
Il avait même porter le vieil homme hors de la taverne, l'avait ramené à son bateau. Une fois sur le pont, il le déposa vers l'avant. Le vieil homme chantonnait une des chansons de Jisung, tanguant comme l'ivrogne qu'il était et se raccrochait tout juste au cordage. Finalement, il se laissa tomber sur un tonneau tandis que Jisung se mettait derrière la barre. Mine de rien, sans que personne ne le remarque outre mesure, il avait quitté le port à bord du navire. Le vieux pêcheur ivre revint à lui que plusieurs heures plus tard, regardant finalement l'horizon, le lever du jour et les oiseaux qui se posaient sur le mas.
« Qu'est ce que tu fous ? Pourquoi tu nous as fait quitter le port ? Il grommela à son attention.
- Pour le calme. J'ai besoin de calme. Sinon je n'arriverai peut-être pas au bout.
- De quoi tu parles ?
Jisung bloqua la barre et descendit les marches du pont supérieur pour rejoindre le vieux pêcheur qui se frottait le visage, en pleine redescente.
- Je fais comme vous avez dit. Je jette les poissons qui porte malheur.
- Quoi ? Je comprends rien.
- Il n'y a qu'un type de poissons qui porte malheur pour moi, et ça n'a rien avoir avec sa couleur. C'est juste la même race pourrie qui s'attaque aux plus faibles. Personne n'en veut de ce genre là. Ils sont invendables. Alors je fais comme vous, je les jette.
A chacun de ses mots, Jisung faisait reculer doucement le pêcheur qui se retrouvait bien vite au bord de la barrière. Il réussit à se tenir à temps au cordage mais Jisung lui prit déjà le col d'un geste sec, le faisant tressaillir.
- Jisung ! Qu'est-ce que tu fais ?! C'est dangereux !
- Vous auriez mieux fait de nous jeter dès le départ, cingla Jisung. Vous avez été trop cupide, vous avez essayé de vous faire de l'argent sur de pauvres gens qui...Comment c'était déjà ? A oui, qui étaient si facile à attraper.
Le vieux pêcheur avait les yeux écarquillés, terrifiés et incapable de laisser échapper la moindre parole. Jisung releva alors la tête dans un crissement distinctif, sortit la dague de son fourreau pour la glisser sur sa nuque. Le pêcheur ne put retenir un cri de panique. Il ferma les yeux, le suppliant avant de pleurer.
« Je vous remercie. Avant vous, je pensais que je n'en saurai pas capable mais maintenant...Je sais que c'est ma destinée. Depuis le début. Abattre ceux qui nous ont fait du mal.
- Non non ! Ne fais pas ça ! Jisung ! Je... »
Mais l'homme ne put rien d'autre. Jisung avait tranché dans sa chair, l'engorgeant d'un geste net et précis, d'une oreille à l'autre avant de laisser son corps tomber dans l'océan.
Son premier assassinat et le début de beaucoup d'autres.
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