⨁ INTERLUDE XV ⨁
Marius Bang sortait dans les jardins du Palais de Mirin, un air grave sur le visage tandis que ses pensées s'envolaient bien au-delà des contrées verdoyantes d'Agora, par de là les montagnes, aux frontières avec la mer d'Elios. Encore plus haut, dans les eaux froides, sombres, où il imaginait un peuple réduit à peau de chagrin, survivant dans des forêts moins denses que leurs terres natales, se pensant à l'abri tandis qu'arrivait depuis les airs les rugissements de leur fin.
Les dragons d'Haendel et les monteurs qui allaient les réduire en cendre, sous les ordres d'un homme aussi passif que manipulable. Un homme qui n'avait pas hésité à condamner des innocents qui n'avaient fait que tenter de survivre après le massacre infâme de leur population. Celui qui avait marqué l'ensemble de leur génération d'une tache indélébile et qui finirait tôt ou tard par les emporter tous.
« Père ! Père ! »
Déboulant sur ses petites jambes jusqu'à se heurter brusquement contre ses jambes, de ses grands yeux chocolat, larmoyant, le petit garçon aux lèvres retroussées par le chagrin et aux cheveux totalement en pagailles, s'accrochait comme à son père comme s'il avait un monstre à ses trousses.
L'enfant aux cheveux bleus, celui de la légende, devait avoir un peu près son âge. Ce garçon qui allait d'une façon ou d'une autre connaître une destinée tragique, que ça soit dans les flammes des dragons du Seigneur Fenrir ou emmener de forces aux portes de Vagari pour s'y retrouver enfermer jusqu'à la fin de ses jours. Comme un animal trop dangereux qu'on préférait garder en cage.
« Cachez moi ! Pitié Père !
- Jeune maître ! S'exclama un chevalier de l'autre côté des arches couvertes de glycine pourpre et qui encadraient le patio.
Le chevalier soupira en s'approchant puis s'inclina devant son Seigneur.
- Messire, je suis désolé.
- Tout va bien, dit il à l'attention du soldat.
- Père, je ne veux pas m'entrainer ! Empêchez le de m'emmener ! Je veux rester avec vous ! »
Le petit garçon s'agrippait si fermement à pantalon que le Seigneur Marius ne put s'empêcher de se sentir encore plus coupable. Impuissant et proprement inutile.
Il avait juré de protégé son fils, son héritier, sa chair et son sang mais que pourrait-il faire si l'Empereur décidait demain de les attaquer, eux ? Que pourrait-il faire si c'était son peuple, qu'il condamnait ? Il n'était qu'un pantin, un homme de paille sans aucun pouvoir et toute sa famille était à la merci de ses ordres incompréhensibles, dirigés par la peur ou par la paresse.
« Tiens ! Voilà mes hommes ! » Héla la Maîtresse du château.
Marius avait soulevé son petit garçon dans ses bras, le serrant contre lui alors que sa femme s'approchait de ses longs pas élancés. Dans une magnifique robe bleu nuit, ses longues boucles battaient dans son dos, tenus par un bandeau cousu de fil d'or. Il arriva à leur hauteur et voyant le visage terne de son mari, elle perdit son propre sourire, inquiète. Sa main se glissa sur le dos de son petit garçon qui passait ses petits bras autour du cou du maître du château. Le chevalier qui était toujours présent, restait en retrait, respectueux mais tout aussi troublé de voir pareille émotion tremblante dans les yeux de son Seigneur.
« Sire Seo Bohyun, je suis désolé que mon fils que vous cause du souci, lui dit finalement la maîtresse des lieux. Il peut parfois être capricieux...
Le garçon gonfla ses joues en tournant vivement pour fusiller d'un œil furibond sa mère. Il rougissait d'embarras se cachant à nouveau dans le cou de son père.
- C'est pas vrai, il marmonna.
- Ce n'est rien Madame, le jeune maître Christopher aime simplement passer du temps avec son père, comme tout garçon de son âge », souriait affectueusement le chevalier, compréhensif.
Comme pour appuyer ses dires, il regarda de l'autre côté de l'allée où se cachait derrière un pilier la touffe sombre d'un autre enfant timoré, dont les grands yeux noirs regardaient la scène avec curiosité sans pour autant oser s'approcher. Le chevalier lui faisait signe de les rejoindre mais pour toute réponse il courut à l'opposer, attirant par la même occasion l'attention du jeune maître qui le voyait pour la première fois.
« Changbin est tellement adorable, riait doucement l'épouse du Seigneur Marius. Quel âge a-t-il ?
- Cinq ans Madame.
- Bientôt il pourra jouer avec mon petit Chan, pas vrai ? Dit elle cette fois à son garçon.
Ses yeux innocents restaient figés la place vide qu'avait laissé leur petit fuyard, tandis que le Seigneur Marius le déposa finalement, toujours dans ses pensées.
- Tout va bien Sire ? Demanda le chevalier en serrant la garde de son épée.
- Mon amour, quelque chose ne va pas ? Tu ne dis rien depuis que tu es revenu du conseil. Quelque chose s'est passé au Palais Impérial ? »
Marius avait toujours le regard rivé sur son fils. Sentant la pression lui faire courber l'échine. Il n'osait pas regarder sa femme, alors qu'il savait parfaitement d'où elle venait, qui étaient ses ancêtres et ce qui était entrain d'arriver aux derniers survivants de son peuple. Le feu embrase tout, le feu détruit tout et les Mages étaient bien placé pour le savoir.
Si l'Empereur apprenait seulement que son épouse était elle aussi un potentiel élu, qu'elle avait déjà eu le premier signe depuis longtemps.
S'il savait lui-même à ce moment-là, à quel point elle était encore plus que ça.
Il ne pouvait pas rester là sans rien faire, regarder son Empereur tout détruire, menacer sa famille, sa paix, son bonheur. Il était le Seigneur d'Agora, la terre des Quatre Cent Dieux. La terre du Geai Bleu. Il avait la responsabilité de chaque sujet, chaque individu qui composait les siens. Il devait les protéger, à l'intérieur du rempart comme à l'extérieur. C'était d'autant plus vrai de ceux qu'il aimait.
« Bohyun, dit il alors d'un ton grave. Organise une réunion avec le Seigneur de Pandore, en urgence.
- Bien mon Seigneur.
- Mon amour ? S'interrogea sa femme alors que son garde les abandonnait déjà pour s'exécuter.
- Ca va aller. » Il embrassa le haut de son front.
Ca va aller...
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Le chapitre sera publié demain...
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