II. Le Prince
Après deux semaines, les festivités à Londinium battaient leur plein. La ville était pleine de fanions, de rubans représentant les armoiries des familles royales présentes. Le lion d'or ailée pour Agora sur un fond bleu nuit, le dragon de glace vert d'eau pour Haendel sur un fond noir, le phénix vermillon sur un fond blanc pour Pandore.
Les soldats des différentes armées marchaient dans les rues, habillés aux couleurs de leur Royaume respectifs et si quelques altercations voyaient parfois le jour, ce n'était rien d'inhabituel mais circuler devenait vraiment compliquer. Londinium était pleine à craquer d'émissaires, de visiteurs du Monde entier. Je me doutais que cette surpopulation était surtout en partie dû au nouveau Roi de Pandore qui allait être officiellement présenté, sans cela nous serions à l'étroit mais pas incapable des bouger le petit doigt. La ville était tellement noire de gens que je peinais à exécuter mes larcins habituels. Non pas que les opportunités manquaient, mais un passant sur deux étaient un soldat et je ne voulais décidemment pas me faire couper le bras pour une pomme alors je devais me contenter de mes passes habituelles. Sauf que les commerçants étaient débordés, que mes petites grues habituelles étaient en sorties mondaines ou toujours en compagnie des dames d'autres cours. Et si mon petit boulanger voulait bien me nourrir à la becquer avec du pain restant en fin de journée, je ne pouvais pas m'en contenter. Il me fallait rapidement un moyen de gagner de l'argent sans risquer les douves ou la pendaison.
Allongé nu sur le lit de mon amant occasionnel à l'odeur de levain, je me ronge les ongles en pensant à mes jours de disettes. Les festivités ne sont pas près de s'arrêter, en général leur visite durait au minimum un mois le temps que tout le monde parte, avec tout ce monde, je crains que cela traine davantage.
C'est la première fois que je vois une présentation officielle d'un nouveau Roi, si j'avais su à quoi m'attendre, j'aurais fait quelques économies.
Alors que je soupire de lassitude, laissant ma tête retomber sur l'oreiller, je sens la main calleuse de Ben me caresser le front. Il adore jouer avec mes cheveux et parfois je me laisse faire à ses caresses tendres, même si je sais qu'elles cachent un sentiment amoureux et que je n'ai nullement envie de lui donner de faux espoirs, je ne peux m'empêcher de profiter de la chaleur de ses grandes mains. Il m'enveloppe d'une douce sensation de sécurité que j'ai bien du mal à quitter, aux premières lueurs du jour. Il descend le long de mon bras caressant l'intérieur jusqu'à atteindre les contours du dessin qui marque ma peau.
« C'est étrange comme tatouage, vue comme ça, on dirait qu'il est noir mais en fonction de la lumière je suis persuadé de l'avoir vu devenir un peu bleue.
J'ouvre une paupière, un sourire puis un rire secoue légèrement mon dos offert à son touché.
- C'est la levure, ça te monte à la tête.
- Hé ! »
Je me glisse doucement pour venir me venir me lover contre son torse épais, me collant au maximum contre sa peau. J'ai froid, je frissonne et son corps est si bouillant que je pourrai facilement m'endormir. Enfin, j'aimerai beaucoup.
« Felix...Je sais que tu n'aimes pas la charité...
- Qu'est-ce que tu racontes ? J'adore la charité ! Tu me laisses te manger les miches dès que j'en ai envie, et je parle pas de ton pain.
Ben s'empourpre aussi tôt. Dès que je parle un peu crûment il est totalement déstabilisé, c'est tellement drôle à regarder que je ne peux pas m'en empêcher.
- Ecoute, j'ai un petit job qui pourrait peut-être t'intéresser, dit il après s'être raclé la gorge. Avec mon père, on doit servir le Palais pour la présentation du Roi de Pandore de demain, on sera dans les cuisines mais j'ai entendu dire qu'ils cherchaient des serveurs pour la fête. Avec le monde, ils ont sous-estimé le nombre de domestiques nécessaires. C'est simplement pour un soir et même si je sais que tu n'aimes pas trop jouer les serviteurs, ça gagne bien et tu pourras même manger à l'œil.
- Je t'arrête. Je l'interromps en posant un doigt sur sa bouche. Pas besoin d'essayer de me convaincre. Argent plus nourriture, je vais pas dire non.
- Vraiment ? »
Ses yeux pétillent de joie, c'est adorable. Il est si fier de pouvoir m'aider que rien que pour ça, je me sens capable de jouer les gentils petit serveur avec une horde de bourges arrogant. Et puis, imaginer les magnifiques mets qui vont circuler durant le bal me donne déjà l'eau à la bouche.
« Bon, qu'est-ce que je dois faire pour te remercier ? » Je recoulais contre lui approchant mes lèvres des siennes.
Sa main glisse sur ma nuque et plonge dans mes cheveux pour les tirer doucement et faire pencher ma tête. Il écarte les lèvres, laissant sa langue venir chatouiller les miennes avant de commencer un balai sensuel sous les dernières lueurs d'une bougie en fin de vie.
***
Le lendemain, Ben me présentait aux intendants du bal, à peine avais je franchi le seuil de leur petit bureau près des quartiers du château qu'ils m'avaient toisé de la tête aux pieds. Après une longue grimace dégoutée alors que j'accentuais mon regard espiègle. Ils m'avaient demandé quelques courbettes, inspecter, avant d'accepter à contre-cœur. De toute façon ils avaient trop besoin de personnel pour oser refuser et il fallait dire que sous ma crasse, j'avais un charme incontestable et cela le vieux et sa moue pincée ne pouvait pas le nier.
Il m'avait donné mon uniforme pour la cérémonie, comme je serai dans la grande salle, je ne pouvais pas venir en guenilles mais si je ne rendais pas la tenue ou si je l'abîmais d'une quelconque façon, elle serait retenue de ma paie. Inutile de dire que je m'en doutais mais je n'avais pas prévu de duel à l'aube alors ça tombait plutôt bien.
Son regard en disait long sur l'absence d'humour de mon vis-à-vis, ou bien était-il trop subtil ? Quoi qu'il en soit, je m'inclinais bien bas avant de partir.
Son bureau sentait la fumée des lampes à huiles et le vieux parchemin, maintenant que j'en suis enfin sorti, j'ai l'impression de mieux respirer. Je passe une main lasse dans mes cheveux et puis je me fais la réflexion que je devrais peut-être les couper voire les teindre. Si je croise le membre royal que j'ai allégrement dépouillé, je risque bien de me faire trancher la main et même s'il n'est pas rare de voir des nobles porter des perruques extravagantes de toutes les couleurs, c'est quand même plus rare pour un domestique d'avoir des cheveux azur. Vue ma bourse et l'écho qui s'y présente, je m'en vais supplier Eileen de m'accorder une nouvelle faveur.
« Tu vas jouer les serveurs au Palais ? S'étonne Eileen après que je lui ai raconté mon entretien.
- C'est ça.
- Merde alors, je savais pas que ça serait si facile d'entrer là-bas. Avec tout le gratin, je me serai aussi proposé de jouer les gentilles petites domestiques, avec un peu de chance je me trouve un bon parti.
- Tu te ferais surtout trousser derrière un rideau. Tu sais comment ça marche ce genre de fête ? Une fois qu'ils sont ivres, ils sont pires que les marins parce qu'ils se pensent au-dessus tous, et encore plus au-dessus d'une petite servante toute mignonne.
- Ça tombe bien, je suis prête à jouer les servantes toute mignonne aussi, sourit Eileen en jouant avec mes mèches de cheveux.
Elle sort une brosse et me coiffe avec douceur. Je sens ses doigts glisser sur mon cuir chevelu et cela m'apaise aussi tôt.
- Quelle couleur de cheveux étrange quand même...Comment ça peut être naturel ?
- Va savoir. Ma mère avait peut-être baisé un perroquet...
- Hé ! Un peu de respect pour ta mère ! Dit elle en me donnant une tape au sommet de la tête. On sait pas qui c'est mais quand même...
Je ris à ma bêtise et je ferme les yeux pour profiter des petites mains d'Eileen qui s'affairent à démêler les mèches encore humides après avoir pris un bain. Une teinte brune les couvre maintenant, elle tiendra au moins une semaine avant de disparaître.
- Tu connais la légende du Geai bleu ? Elle marmonne en continuant de me coiffer.
- Hein ? Je réponds sans ouvrir les yeux sentant mon corps s'alourdir sous la fatigue et le bien être que me procurent ses gestes graciles.
- La légende du Geai bleu. On t'a jamais raconté l'histoire des Mages de la forêt des Quatre Cent Dieux ?
- Je bite que dalle à ce que tu racontes.
- Pff... T'es vraiment un inculte. Pourtant tu sais lire et tu passais des journées entières de la bibliothèque de papa, ça ne t'est pas venu à l'esprit de t'instruire plutôt que des lire des romans d'aventure ?
- Déjà, je lisais pas des romans d'aventure, je lisais des livres d'explorateurs.
- Les délires de mec qui sont trop longtemps restés en mer et qui racontent avoir combattu des poulpes géants et des serpents à quatre têtes ? J'appelle ça de la fiction.
- Parce que ton truc de Geai bleu c'est vrai peut-être ?
- La ferme ! Bon...Oui c'est ça. Alors par où commencer...Oui. Avant la Guerre des Cinq, les trois grands royaumes d'Alliance ne formaient qu'un seul et unique Empire qui gouvernait tout le continent. Depuis les montagnes d'Agora, jusqu'aux terres glacés d'Haendel, en passant par les plages de Pandore, et même certains clans aujourd'hui autonomes étaient également unis sous la bannière du loup blanc : l'Empire de Vagari. Cet Empire trônait sur le sommet du monde, écrasant chaque opposant, sans jamais avoir été inquiété pendant près de cinq siècles et puis comme tous les royaumes trop grands, les familles toujours plus ambitieuses, les rivalités entre héritiers, l'Empire a commencé à montrer des signes de faiblesses.
Le fils aîné de la famille impériale, Kane, était connu pour être particulièrement impudent. Arrogant et manquait d'intelligence. Mon père me disait que c'était un gamin immature qui avait rompu un traité avec le Seigneur d'Agora, son vassal, père de l'actuel Roi d'Agora et qui avait en plus mis en enceinte l'une de ses cousines pour mieux la faire assassiner. Un bon à rien, en somme, et pourtant l'héritier de l'Empire. Le deuxième fils était mort à l'âge de dix ans d'une mauvaise chute à cheval, sa mère ne s'en était jamais remise et elle avait commencé à montrer des signes de folies. Alors l'Empereur Aden avait choisi de prendre une seconde épouse, qui avait déjà deux enfants d'un premier lit : Konrad et Ada.
Ada était maligne et ambitieuse, voyant qu'elle n'accéderait jamais au trône, elle s'est mariée avec l'hériter d'Haendel, Fenrir. Konrad était cruel et orgueilleux, pire encore, il ne supportait pas l'idée que l'Empire soit un jour dirigé par Kane qui n'était à ses yeux qu'un incompétent. Il était évident qu'au décès d'Aden, Konrad essaierait d'évincer son demi-frère du trône et c'est ce qui arriva. Il empoisonna le dauphin et cette nouvelle fit se soulever les trois Seigneurs principaux de l'Empire.
La Guerre des Cinq avait été déclarée en premier lieu par le futur Roi Fenrir, déclarant son indépendance de l'Empire, évidemment sans demander l'avis de qui que ce soit. Poussé par Ada, le Roi Fenrir réussit à convaincre les autres Seigneurs de la cruauté de Konrad et s'allièrent pour le renverser. Il n'en fallait pas moins car la rumeur disait que l'armée de Vagari comptait parmi ses rangs une faction légendaire : le Geai Bleu.
On raconte que le Geai Bleu était un groupe de Mages particulièrement redoutables, originaires de la forêt des Quatre Cent Dieux. Une forêt enchantée, maudite pour certains, où vivent créatures légendaires, monstres mythiques où seuls des hommes à moitié démon peuvent survivre. Enfin c'est ce que disent les contes. Contrairement aux Mages habituelles, les Mages du Geai Bleu n'étaient presque jamais envoyés sur le champ de batailles. D'ailleurs personne de vivant ne les a vu combattre et même pendant la Guerre des Cinq, aucun n'a foulé le champ de bataille et aujourd'hui encore, personne ne sait pourquoi. Certains disent qu'ils sont morts depuis des décennies, avant même l'Empereur Aden, et qu'ils n'étaient plus qu'une menace qu'on aime brandir pour faire peur, que cela permettait à l'Empereur de garder en laisse ses Seigneurs. D'autres pensent que ce sont les Mages qui ont abandonné l'Empire, lorsqu'il a commencé à sombrer. Si plus personne ne peut raconter leur exploit, on sait que leur venue était annoncée par un Geai Bleu. Un oiseau chanteur qui se pose sur les remparts du château de l'adversaire comme s'il lui annonçait sa future défaite. Depuis la Guerre des Cinq, plus aucun Geai Bleu n'a été aperçu, en quelque endroit que ce soit et la forêt est devenue un sanctuaire mortel, tout homme qui s'y aventure, n'en ressort jamais. »
Eileen n'entend plus aucun bruit et craignant de m'avoir endormi avec son histoire, elle s'est penchée au-dessus de moi. Totalement immobile, je me sentais entre deux mondes depuis le début, pas tout à fait éveillé, pas tout à fait endormi.
« Si ça c'est pas de la fiction... » Je marmonne.
***
Tout comme Eileen m'a aidé avec ma coupe de cheveux, elle m'a également aidé à mettre leur redingote plus que moulante. J'en étouffe sous cette chemise cintrée et boutonnée jusqu'au col. Je pose par-dessus une petite veste noire qui fait ressortir les petites manches en dentelles, j'ai vraiment l'air ridicule.
« Dis pas n'importe quoi ! T'es superbe ! On dirait presque que t'es comme eux. Attend bouge pas, il y a un peu de poudre sur ton oreille. »
Eileen s'est aussi occupée de me poudrer très légèrement le visage, je pense qu'elle a pris goût à me maquiller comme une poupée, elle a même mis un peu de jus de cerise sur mes lèvres qu'elle m'a interdit de lécher mais c'est plus fort que moi, j'adore la cerise.
« Je suis vraiment douée. Dit-elle fière, les bras sur ses hanches généreuses. Ben va en tomber à la renverse.
- Tu sais que c'est pas le but, il doit encore m'emmener au Palais sans avoir besoin de me déshabiller à l'arrière de sa charrette.
- C'est pas mon problème ça. »
Je secoue la tête devant sa petite moue taquine. Ses longs cheveux noirs légèrement ondulés, basculés sur une de ses épaules, alors qu'elle tire un collier autour de son cou et vient le passer sur le mien. Un ras le cou en tissu pourpre avec un petit pendentif en pierre d'opale.
« Voilà, maintenant c'est parfait. Tu peux y aller », dit elle avec un sourire tendre sur les lèvres.
Je viens toucher le pendentif que je sais appartenir à sa défunte mère. Aussi tôt je sens mon cœur se serrer en voyant les petites étoiles dans ses yeux. Tous les sentiments qu'elle me portent, la confiance, comme si j'étais un membre de sa famille et je ne peux que lui en être reconnaissant. Mieux, je me sens si aimer que j'aurais voulu la prendre dans mes bras mais elle m'aurait engueulé car se serait gâché son travail. Au lieu de quoi, je mime un baiser qu'elle me rend.
« Je t'aime tu le sais ça ? Je lui murmure.
- Je t'aime aussi. »
Eileen n'est du genre émotif, elle a tendance à se cacher lorsqu'elle se sent sensible, fragile, parfois par l'humour, d'autre fois par l'agressivité, comme si cela pouvait consolider sa carapace mais moi je la connais, je sais que son petit cœur n'est pas si inaccessible. Parfois, j'ai l'impression qu'elle agit comme une mère avec moi, bien plus que comme une amie ou une hypothétique demi-sœur étrange. Et je dois l'avouer, bien des fois, j'aurai aimé qu'elle le soit.
« Bon, allons faire hyperventiler mon gentil boulanger », je fais un clin d'oeil en direction de ma complice.
Je retrouve Ben près de son étale, le soleil a déjà bien décliné dans le ciel et le colore maintenant d'une palette chaude de couleurs flamboyantes sur l'horizon. De l'autre côté de la voute, les premières étoiles apparaissent ainsi qu'un léger voile bleuté annonçant une nuit claire et fraîche dans les rues pavées de Londinium. Ben a effectivement si vite défailli que j'aurai pu lui demander de baisser son pantalon au milieu de la rue qu'il l'aurait fait sans hésiter. Ses réactions sont vraiment adorables, je lui pince les joues alors que je m'installe sur le banc de la charrette.
A l'arrière, des caisses entières d'ingrédient pour les cuisines, son père est déjà sur place et s'affaire déjà depuis le matin avec le reste des domestiques au Palais.
A l'approche du pont de pierre qui enjambe le fleuve, je remarque les rues plus calmes, en tout cas de la basse population, car ne se pressent que les calèches et les soldats qui gardent le périmètre des remparts de la cour du château. Aux grandes portes, et après avoir présenté notre laisser-passer, je me fais la réflexion que c'est la première fois que je vois l'intérieur du château.
Si j'avais déjà songé enfant à escaler ses grands murs, voyant parfaitement les prises possibles entre les roches, je savais que le chemin de ronde en haut du rempart était toujours bien gardé et prendre une flèche dans le derrière n'était pas dans mes objectifs de vie. Le jeu n'en valait clairement pas la chandelle, des bourses garnies j'en avais bien assez dans la ville.
Passer par la porte a quelque chose de décevant, mon esprit d'aventure en prenait un coup. Néanmoins, cette sensation disparue bien rapidement, une fois perdu dans la contemplation de ses grands vitraux éclairés de bougies et des drapeaux qui courent sur le mur d'une bonne centaine de mètre de haut aux couleurs Londinium – argent et vert – dont le serpent ondule sur la croix d'Hermès.
Ben se fraie un chemin parmi la foule qui entoure la cour, nous sommes guidés par différents gardes jusqu'à arriver à l'arrière-cour, utilisé pour l'élevage des animaux et le jardin, servant à nourrir les résidents. Nous sommes vite accueillis par une femme de cuisine qui s'essuie grossièrement les mains sur son tablier avant de réajuster son foulard sur les cheveux. Elle appelle d'autres personnes qui viennent aussi tôt débarrasser la charrette et tandis que je descends à mon tour, je suis immédiatement tiré en avant par l'intendant.
« Vous êtes en retard ! » Il s'exclame en me poussant à l'intérieur.
Nous traversons les cuisines grouillantes et fumantes, j'ai à peine le temps de regarder ce qui m'entoure jusqu'à être poussé dans les couloirs sombres qui mènent aux escaliers de services. Une fois au premier étage dans cet espace minuscule donnant sur une petite porte en bois, il me fait m'arrêter et me regarde de la tête aux pieds.
« Bien, dit-il satisfait. Une fois dans le couloir, aller voir Maggie, c'est la responsable des garçons de salles, vous ne pouvez pas la manquer, elle reste devant l'entrée principale et salue tous les nouveaux arrivants, elle a une longue chevelure rousse et un foulard rouge autour du cou. Elle vous dira quoi faire.
- Très...»
Je n'ai pas le temps de répondre qu'il ouvre la porte et me pousse. Je me retourne mais la porte se ferme déjà faisant taper la poigner en métal contre le battant. Si je pouvais craindre que mon entrée soit remarqué, il n'en est rien. La porte est bien cachée dans un renfoncement, idéal pour que les domestiques puissent circuler sans se faire remarquer.
« Ok », je murmure pour moi-même.
Je regarde autour de moi. A ma droite après le renfoncement un grand escalier de pierres qui montent à l'étage, un vitrail couvert d'un rideau vert sapin en velour et tenu par de gros cordages argentés. Le sol en pierre blanche est couvert d'un tapis de la même teinte alors que des plantes dans des pots de terre, orné de motifs et ondulation, longent les murs jusqu'à la grande ouverture donnant certainement sur le hall qui mène à la salle de réception. En tout cas, si j'en juge par le bruit.
Je réajuste mes vêtements, j'observe rapidement mon reflet aux travers d'une petite fenêtre et m'avance sans trop me presser jusqu'au hall. Des gardes de Londinimum sont postés tout autour du hall, des nobles vêtus de leur plus beaux apparats discutent par petit groupe tandis que d'autres s'avancent jusqu'à la grande salle. D'ici, je peux voir les lustres de bougies trônant au plafond, la lumière chaude qu'elles renvoient donne un aspect voluptueux aux visages et aux robes de taffetas et de satins. Un parfum de miel me vient jusqu'aux narines, l'odeur du sucre et d'une liqueur qui me fait saliver. Néanmoins, avant la récompense, l'effort, je commence à avancer parmi la foule, essayant de ne pas croiser les regards curieux et remarque enfin la fameuse Maggie. D'un certain âge et d'une posture sévère, elle s'incline poliment à chaque passage, murmurant ensuite les noms aux majordomes juste derrière elle. Sa crinière rousse lui donnait un air de sorcière mais je sens d'ici sa discipline de fer. Une fois à quelques pas, je fais une rapide révérence, rien de trop exagéré puisqu'elle est ma supérieure mais pas d'une classe sociale qui m'obligera à m'incliner davantage.
« Quel charmant jeune homme », sourit le majordome encore plus âgé mais d'un air tout à fait amical.
Je pense le reconnaître, pour l'avoir déjà vu accompagner quelques membres de la famille royal à l'occasion de sorties en ville. J'imagine qu'il a un certain statut ici. La vieille Maggie, me toise de haut en bas. Comme l'intendant.
« Votre rôle est d'être à la disposition du moindre besoin des convives. Vous vous posterez comme ceci, dit-elle en pointant un serveur tout droit comme un piquet près d'un vase de rose, au bord d'une fenêtre. Si vous voyez qu'il manque de la nourriture, vous informer Cael qui se tient derrière la table royale, il est chargé des communications avec les cuisines qui ne feront monter d'autres plats. Gwen, se charge du nettoyage au fur et à mesure avec son équipe, dit-elle cette fois en pointant une petite blonde rondouillette qui débarrasse déjà quelques verres au fur et à mesure. En cas d'accident, vous l'informer. Pour le reste, vous servez les invités, vous apporter les boissons à chacun, vous vous pliez aux demandes mais sous aucun prétexte ne vous quittez cette salle. Suis-je claire ?
- Limpide.
- Oh, et vous ne parlez évidemment à aucun membre de la famille royale, à moins qu'il ne vous le demande, vous ne les regardez pas dans les yeux, vous vous inclinez à chaque fois et vous partez dans la seconde.
- Bien. »
Ca coule de source en soit, rien de bien anormal et je me fais violence pour ne pas répondre de manière sarcastique, je ne voudrai pas que Maggie me jette un sort. Je lui souris gentiment et le majordome doit remarquer ma légère hypocrisie car je le vois retenir un petit rire. Maggie tend le bras et m'autorise enfin à entrer dans la salle de réception.
Les drapeaux de l'Alliance couvrent les grands vitraux, les emblèmes entourent l'immense pièce jusqu'au plafond d'une dizaine de mètres, comme des gardiens spirituels sur l'assemblée. De grandes tables monastères en bois ont été placé le long des murs, le centre et vide pour laisser le passage jusqu'au centre de la salle de réception en forme de cercle, une piste de danse sans doute pour la soirée. Derrière la zone encerclée, sur une estrade, le trône et la table royal. Le Roi de Londinium se tiendra dans le trône centrale, entouré des Rois et Reines des trois royaumes invités. Sur la droite, en un renfoncement en colonnade, caché derrière un paravent de bois, un petit orchestre joue des ballades entrainantes mais aucun chanteur pour le moment. Ce n'est pas plus mal, je n'ai aucun goût pour les bardes et leurs histoires de cul, quand ce n'est pas des mythes idiots ou des extrapolations de réels évènements.
Je prends mon poste comme demandé, je remarque le regard perçant de la vieille Maggie et je meurs d'envie de lui faire un salut militaire mais encore une fois, je reste sage. Bras dans le dos, je regarde les convives calmement. Si certains s'arrêtent parfois sur mon visage, je tiens ma langue et j'évite les habituels sourires charmeurs et petites minauderies pour amadouer mes hypothétiques victimes. Je travail. Travail. Tra-vail. Oh, c'est de la dinde ? J'adore la dinde. Ça fait longtemps que je n'ai pas humé un tel parfum d'herbe de provinces et de peau délicatement dorée au four. Je prendrai bien un morceau. Dire que je vais devoir attendre pour manger un morceau. S'il m'en reste.
Faire le pieds de gru est si long, ils sirotent tous leurs petits vins et autres alcool, gloussant sur des anecdotes futiles, les éventails balaient les décolletés pigeonnants des bourgeoises alors que les hommes gonflent le torse, se vantent d'exploit qu'ils n'ont jamais accomplis. Lorsqu'une des invités, enroulée dans un grand châle rosé me tend son verre, j'ai l'impression d'être brutalement réveillé. Je m'empresse de lui changer puis je reprends ma place, après un petit signe de la part de la dame. Puis ce fut l'enchainement.
Les verres, les plateaux, les mouchoirs, aider une mamie à la perruque gigantesque pour la faire asseoir sur un fauteuil entouré de ses trois amants jeunes et androgynes, n'attendant qu'une chose, que la vieille passe l'arme à gauche pour lui prendre tout ce qu'elle possède. Au passage, je sens quelques mains baladeuses, des petits sous-entendus glissés dans l'oreilles, des lèvres pincées ou carrément la main cul et la proposition grivoise d'un homme déjà bien éméché. Si je dois sourire à chaque fois, faire bonne figure, j'ai bien failli tordre le poignet de l'un des barons qui me suivait littéralement à travers la salle. Heureusement après un sourire, une révérence, j'ai pu m'enfuir pour alerter Cael d'un manque de nourriture quelconque, même si c'est clairement faux, je veux juste passer de l'autre côté, vers la table royale car un peu moins bondée.
Et tout ça en seulement une heure.
Les Rois et Reines n'étaient pas encore arrivés. Il n'arriverait qu'une fois la cérémonie ouverte, et je vois à l'attitude de Maggie brusquement plus rigide – si c'est possible - que ça n'allait pas tarder.
Lorsque l'orchestre s'arrête, tous les convives se taisent soudainement. Les serveurs se positionnent tous d'un même mouvement contre les murs et les gardes ramènent leurs armes contre leur armure provoquant un bruit uni de métal choquant la pierre au sol. Je déglutis malgré moi, bras dans le dos et je regarde l'entrée dans la salle.
Le Majordome de tout à l'heure se redresse et s'avance de quelques pas, bien droit, il clame d'une voix forte :
« Ses Majestés le Roi Ulric II et la Reine Isobel, souverains du Royaume de Londinium. »
Le Roi s'avançait avec son épouse dans une tenue argenté et une cape verte de velours posé sur un seul côté. La reine avait, elle, une grande robe verte dont la traine de plusieurs mètres tapissaient le sol à mesure qu'elle avançait dans l'allée de la salle jusqu'au trône. Sa chevelures brune tenue par une couronne brillante en argent, son époux dont la barbe rousse bien taillé frappait le sol de ses pas réguliers, royaux si j'ose dire.
« Ses Majestés le Roi Fenrir et la Reine Ada, souverains d'Haendel, et son Altesse royal le Prince Lars. »
La Reine Ada a un port de tête à faire pâlir les plus belles dames de la cour, pourtant les stigmates des années peuvent allégrement se lire sur son visage anguleux. Un regard perçant, émeraude et ses cheveux cendrés coiffés en une longue tresse dans le dos sur une robe blanche où un dragon noir serti de pierres vertes transparente court sur toute la longueur. Le Roi Fenrir, avait de longs cheveux d'un blond polaire, quasiment blanc, et un regard saphir qui devenait plus clair avec l'âge sans pour autant s'adoucir. Leurs terres froides leur collent à la peau. Leur fils aîné, d'une vingtaine d'année maintenant s'avance de la même prestance derrière leur parent. Ses cheveux cendrés à l'instar de ceux de sa mère mais d'un œil moins glacial que celui de son père. Une opportunité peut-être pour lui trouver une compagne et renforcé des alliances, qui sait.
« Sa Majesté le Roi Christopher, souverain d'Agora, et son Altesse royal le Prince Hyunjin. »
Je sens comme un étrange soulèvement. Il est vrai que le Roi d'Agora a toujours eu une certaine influence inconsciente sur les peuples. Peut-être parce qu'ils représentent la famille la plus ancienne parmi toutes les familles royales, qu'ils ont le plus grand territoire et le plus prospère. Avant la Guerre des Cinq ils étaient déjà les plus riches et les plus influents, après la Guerre des Cinq, une sorte de hiérarchie tacite s'est fait entre les rois et sans surprise le Roi d'Agora s'est retrouvé au sommet des discussions politiques et des décisions diplomatiques. Et puis il fallait bien l'avouer, les peintures du Roi Christopher ne lui rendent pas hommage. Moi qui le trouvais déjà impressionnant, le voir marcher sur les pierres taillées, dans sa tenue bleu nuit au relief baroque de fil d'or, un visage impassible sans pour autant en être froid comme peut l'être celui du Roi Fenrir, j'avais du mal à me détacher de lui. Il est jeune, charismatique et visiblement respecté. Le meilleur parti de toute la salle sans aucun doute, je peux presque sentir d'ici les dames qui n'attendent qu'une chose, pouvoir lui parler pour tenter leur chance.
A un pas derrière lui pourtant, ce tient un autre objet de convoitise et pas des moindre. Le demi-frère du Roi, le Prince Hyunjin et en regardant son profil, je me sens pencher la tête, l'air circonspect. Ses cheveux noirs virevolté sous ses pas, et sa tenue quasi-semblable à celle du Roi affine davantage sa silhouette. Ses jambes sont interminables mais c'est autre chose qui m'intrigue.
Oh. Ah.
Mince.
C'était donc le Prince.
Bravo Felix. T'es un putain de génie. Tu as volé la bourse du Prince d'Agora, ni plus ni moins. Celui qui à défaut d'héritier, est en lice pour accéder au trône. Magnifique.
« Sa Majesté le Roi Minho, souverain de Pandore et la Reine consort Soyeon.»
J'arrive même pas à regarder le nouveau Roi, j'essaie de procéder dans ma tête pour trouver une parade et m'enfuir avant de me faire choper par le Prince Hyunjin ou encore son chien de garde que je n'ai pas encore vu. J'ai beau avoir changé de couleur de cheveux, avec un petit seigneur j'aurai pu m'en sortir, mais un putain d'héritier ! Comment je sors de là maintenant ?
Bon. Respire Felix. Dès que la musique reprend, tu te carapates par les escaliers de service. Tu prétexte un mal de tous les diables, une dysenterie, peu importe. Tant pis pour le pognon, je vivrai au crochet de Ben et d'Eileen encore un peu.
Après le passage du nouveau Roi de Pandore, ces derniers s'installent tous à la table royale, le Roi de Londinium fait un léger discours que je n'écoute pas, j'essaie de ne pas tomber dans les pommes à cause de la température qui augmente dans mes vêtements beaucoup trop serrés. J'étouffe, Nom de Dieu remettez cette foutue musique !
« Sur ces mots, je vous en prie ! Festoyons ! Longue vie au Roi Minho ! Puissiez vous régner comme votre père, avec sagesse et détermination.
- AU ROI MINHO ! »
Les tintements de verres disparaissent après les premières notes de la guitare du barde qui cette fois chante au milieu des convives. Je m'apprête à partir quand je sens une main m'attraper le bras.
« Apportez moi un peu de gibier », me dit une femme ronde aux joues rougies par l'alcool.
Je vais pour lui répondre mais ma voix est coincée dans ma gorge, je récupère rapidement une assiette sur un coin de table et lui tend le plat. J'arrive enfin à m'extirper, m'excusant auprès des passants que je bouscule légèrement mais en arrivant à hauteur de l'entrée du hall, je reconnais la silhouette du garde agorien. Celui qui a failli m'attraper sur le port. Il a une tenue officielle, pas d'armure mais son épée attachée à sa ceinture ne me rassure absolument pas. Bras croisés sur son torse, il parcourt la salle d'un regard circulaire, inspectant chaque recoin avec minutie. Le voyant s'approcher, je me retourne brusquement.
Putain. Je suis piégé.
« Felix, m'interpelle un serveur avec un plateau. Tiens, Archer veut que tu serves la table royale.
- Hein ?
Le serveur me fait un geste de la tête, montrant le majordome qui discute avec Maggie à voix basse.
- Aller, bouge toi un peu », me dit le serveur en me posant le plateau dans le bras.
Je suis stupéfait. Je sais pas quoi faire. La table royale. Si je m'approche de la table, il va me faire découper comme ce cochon.
« Felix !
- Ca va ! »
Je déglutis et cligne plusieurs fois des yeux. Je regarde le porcelet doré avec sa pomme dans sa bouche. Est-ce que je serai au moins à mon avantage avec une pomme dans la bouche ? Crétin, idiot de Felix. T'aurais pu te contenter de continuer de voler les mêmes impudents, noooon, toi tu voles les princes.
Bon. Vu comme il a l'air de se faire chier, qu'il répond tout juste à son demi-frère à la table, il ne lèvera probablement pas les yeux vers moi. Après tout, je suis qu'un serveur. Essayant de me convaincre comme je peux, je m'avance avec le même regard qu'une vache qu'on mène à l'abattoir. La tête basse et une boule dans la gorge. J'arrive si rapidement vers la petite estrade, trop rapidement à mon goût et lorsque j'arrive en haut, Cael vient immédiatement à mon secours. Cael. Un petit gars chétif, un crème ce Cael. Il me prend le plateau des mains et viens devant la grande table pour le poser au centre sous l'exclamation heureuse du Roi de Londinium.
« Magnifique ! Regardez-moi cette bête ! Délicieuse, pas vraie très chère ? » Il demande à son épouse.
La Reine Isobel lève les yeux au ciel un petit sourire, amusé au coin des lèvres.
« Mais permettez moi la prochaine fois de vous emmener à la chasse Sire Christopher, continue le Roi vers son voisin.
Le Roi d'Agora termine sa gorgée de vin, affirmant d'un petit signe répété de la tête mais visiblement peu ravi par la proposition.
- La prochaine fois, certainement.
- Ne faites pas cette tête ! Je vous charrie, je connais votre aversion pour la chasse. C'est amusant quand on connait le goût qu'avait votre père pour la discipline ! Haha ! Il m'a volé mes meilleurs proies. Et vous Sire Minho, vous aimez la chasse ?
Bavard, je pense aussi tôt et le regard du fameux Roi Minho semble dire la même chose.
Ses cheveux noir coupés proprement sur la nuque tombent légèrement sur son front. Il se tourne avec beaucoup de grâce, ses gestes sont fluides et son regard félin.
- Tout dépend de la proie », dit il finalement.
Impossible de savoir s'il plaisante, ça ressemble presque à une menace mais ça n'empêche pas le Roi Ulric d'éclater d'un rire gras. Je cligne des yeux, prêt à me retirer pour reprendre ma stratégie de l'échappée belle mais finalement j'entends une voix basse et impérative qui me donne un frisson désagréable.
« Toi, sers-moi un autre verre. »
Le Prince Hyunjin lève simplement sa coupe dans ma direction, le regard en biais et le haut des joues rouges. Je secoue la tête, en espérant que ce geste puisse faire retomber quelques mèches devant mes yeux et cacher le haut de mon visage. Ça se trouve il ne se souvient même pas de moi, je panique pour rien.
Pourtant j'ai du mal à respirer. Mon cœur bat la chamade alors que je récupère la cruche de vin. Je prie tous les dieux, récents et anciens, pour qu'il soit déjà trop ivre ou trop arrogant pour avoir quelques chose à faire d'un petit détrousseur de bourse sur un port bondé. D'ailleurs que faisait-il là bas ? Ce n'est pas la place d'un prince ?
Felix concentre toi, on s'en fiche de la raison, ne compte que la finalité qui est tout bonnement merdique. T'auras eu une belle vie pourrie, coincé sur ton île, sans aucune réponse sur ton passé, tes origines, ton traumatisme et cet étrange tatouage qui change de couleur. Au final, c'était quoi tes faits d'armes ? Les moments glorieux ? Volé un Prince ? Pervertir un boulanger ? Ah. Londinium. Je te hais.
Je me place à ses côtés, un pas en arrière pour passer la cruche au-dessus de son épaule, il tourne la tête vers le Roi Christopher, ils parlent tous les deux à voix basse.
« Tu devrais y aller mollo sur la boisson, je sais que tu détestes ces mondanités, mais c'est ton devoir..., murmure le Roi.
- Non. C'est TON devoir, rectifie le Prince de manière cinglante. Toute cette hypocrisie me donne mal à la tête. Il y en a pas un qui ne désire pas couper la tienne d'ailleurs. Notre paix n'est qu'une vaste blague, et j'en ai marre d'y participer. Je t'avais déjà dit que je ne voulais plus venir à ces cérémonies ridicules. Trouve toi enfin une épouse, que je puisse m'en exempter une bonne fois pour toute.
- Tu oublies cher frère qu'une épouse ne changera rien, tu restes l'héritier si je n'ai pas d'enfant.
- Alors fais un gosse. »
Hyunjin tire soudainement sa coupe et manque de me faire reverser le vin sur sa main. Il se tourne dans ma direction, un regard noir, alors que je bafouille une excuse, toujours la tête cachée derrière mes mèches sombres.
Le Roi me jette un regard intrigué mais dépourvu d'agressivité, bien au contraire. Il est presque compatissant et d'ici je peux me rendre compte de tout le charisme qui repeint ses traits. Ses cheveux brun pris dans sa couronne d'or semblent doux comme de la soie. Le reflet de la lumière des bougies leur donne une lueur cuivrée, délicate. Ses yeux dégagent une chaleur agréable, contagieuse, comme lorsque l'on dévore une confiserie sucrée et qui pétille dans l'estomac d'un sentiment réconfortant. Privilégier. J'en rougirai presque si je n'étais pas fardé comme une poupée. Je dois m'être attardé un peu trop longtemps sur ma contemplation car je sens d'autres paires d'yeux me scruter et comprenant qu'il s'agit du Prince, je m'incline en détournant au mieux l'attention. Je m'apprête à quitter l'estrade quand je sens une main me tenir le poignet.
« Toi..., souffle la voix du Prince. Je te connais...
Mon cœur rate un battement, j'essaie de me dégager la main et je prends une voix plus fluette.
- Votre Altesse, je dois retourner en cuisine.
Si je prenais un accent pandorin est-ce que ça serait exagéré ?
- Non...Je suis sûr...Je t'ai déjà vu...
Il me tire un peu plus fortement mais je dévie le visage, bafouillant des excuses, des petits gémissements. Une idée ! Vite !
Et d'instinct je regarde le Prince qui se penche en avant, sourcils froncés et les pupilles brillantes par l'alcool.
- Vous me faites mal », dis-je en espérant le faire culpabiliser.
Finalement j'arrive à me dégager mais c'est uniquement car son expression est devenue soudainement perplexe, ses yeux se sont écarquillés lentement et sa bouche s'est entrouverte comme si un violent souvenir venait de le frapper.
Je me mords les lèvres et je dévale l'estrade à grands pas, je dois me tirer vite fait. Je cours pratiquement en longeant le mur de la grande salle, attirant le regard des autres serveurs et approchant de l'entrée du hall je sens me cœur éclater sous la peur.
« CHANGBIN ! ARRETE LE ! Hurle le Prince faisant soudainement taire l'assemblée. C'EST LE VOLEUR ! LE VOLEUR DU PORT ! »
Plus aucun bruit, ni musique et je me liquéfie alors que le chevalier dans le hall décroise ses gros bras et plantent ses yeux noirs dans les miens. Mon corps entier s'est tétanisé alors que je sens tous les regards se tourner vers moi, il ne s'écoule qu'une seconde et pourtant j'ai l'impression qu'une éternité me sépare de la sortie. Je ravale ma salive, une longue goutte de sueur suit le mouvement de ma pomme d'Adam alors que je vois la main du chevalier venir se poser sur la garde de son épée.
Un instant plus tard, alors que je cours vers la porte, je suis brusquement arrêté par une lame se postant juste sous mon nez, me coupant le souffle sous la sensation de son tranchant sur ma gorge. Si je respire trop fort, je serai égorgé.
Merde. Je suis mort.
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Bonjour à tous !
Le début de leur relation va être un tantinet compliqué ! Je ne cache pas qu'on va mettre un peu de temps avant que ça s'arrange hein !
Vous l'aurez compris, avant chaque chapitre, vous aurez le droit à un Interlude. Ces Interludes seront cours et sont comme des fenêtres sur des évènements passés, qui devraient vous aider à comprendre l'histoire :)
Voilà
A bientôt !
D.
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