Chapitre 16
Bonjour les amis :)
Un chapitre un peu tardif, après trois jours. J'ai eu pas mal de choses à faire, et du coup ça a retardé la publication du chapitre. Enfin bref, on apprend des choses intéressantes quand même. Enjoy! :)
Luc.
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Une fois leurs affaires déposées dans la cabine, Gabriel et Hermann remontèrent sur le pont afin de voir le voilier lever l'ancre. La sirène du navire retentit tandis qu'ils s'appuyaient contre une balustrade, à l'avant du pont. Quelques dockers se retournèrent pour les regarder quitter le port. Le Sans Souci s'ébranla et fendit les eaux en direction du nord-ouest.
— Ça y est... murmura Gabriel en regardant le port s'éloigner. Nous sommes partis.
À côté de lui, appuyé contre la balustrade, un homme d'environ vingt-cinq ans, grand et brun, attendit que le port ait disparu à l'horizon puis, sans prévenir, sauta par-dessus bord. Gabriel poussa un cri en le voyant tomber dans le vide, mais l'homme se changea en épervier, frôla l'écume qui s'écrasait contre le flanc du bateau, et remonta à leur hauteur d'un battement d'ailes. L'oiseau piailla joyeusement et alla se poser tout en haut du premier mat, autour duquel d'autres volatiles de toutes les couleurs volaient en rond. Probablement d'autres gardiens.
Gabriel les observa en se demandant si tous les gardiens étaient aussi impétueux. Il ressentait une pointe d'envie en les voyant changer de peau à volonté. Lui aussi aurait aimé pouvoir se métamorphoser en cerf.
Soudain, il sentit une chose froide lui frôler les chevilles. Il baissa les yeux et vit un énorme cobra noir glisser à ses pieds. Il faisait au moins six mètres de long.
— Wow ! s'exclama-t-il en faisant un bond en arrière, qu'est-ce que....
Le serpent s'arrêta et lui adressa un regard hautain. Il darda sa langue fourchue, puis ondula silencieusement vers l'arrière du bateau.
— Le gardien des cobras, commenta Hermann en s'appuyant sur la balustrade. Pas le plus sympa des gardiens. On dit qu'il ne reprend jamais forme humaine, il préfère rester sous sa forme métamorphosée. Personne ne sait réellement de quoi il a l'air. Il a très mauvaise réputation, tout comme son espèce d'ailleurs.
— On se demande bien pourquoi, ironisa Gabriel en le regardant s'éloigner. Il a l'air charmant.
Ils restèrent silencieux un moment, à regarder l'horizon. L'océan luisait d'une couleur verdâtre tandis que le Sans Souci voguait tranquillement au milieu de l'Atlantique. Gabriel commençait à se demander ce qui l'attendait sur l'île d'Alakyn. Maintenant qu'il y pensait, Hermann lui avait dit très peu de choses avant qu'ils ne partent.
Tout s'était enchaîné si vite. Quelques jours auparavant, il avait sa famille, Charlotte, le clan. Il était un simple lycéen. Maintenant, il avait quitté ses proches et était destiné à gouverner des millions de cerfs, sans même savoir comment faire ni par où commencer. Il se sentait à la fois excité et terrorisé.
— J'aimerais me dégourdir les ailes, annonça Hermann. Tu ne m'en voudras pas si je vais faire un tour ?
— Pas du tout, répondit Gabriel, perdu dans ses pensées, allez-y.
L'oxcellor se métamorphosa en aigle et s'envola, puis disparut à l'autre bout du bateau. Gabriel reporta son attention sur le large. À perte de vue, l'eau scintillait sous les rayons du soleil. La mer était calme et l'odeur du sel lui emplissait les narines. Une brise glacée lui caressait la peau. Il ferma les yeux et se laissa bercer par la houle.
— Je ne dois pas me laisser emporter par les évènements, pensa Gabriel.
S'il était vraiment le gardien des cerfs, il allait très certainement être mis à l'épreuve. Il devait suivre l'exemple d'Aislîn et ne pas laisser transparaître ses émotions. Il fallait qu'il soit capable de se maîtriser et de donner le meilleur de lui-même, peu importe ce qui allait suivre.
Gabriel rouvrit les yeux et regarda autour de lui. Il voulait rencontrer d'autres gardiens, visiter le bateau. Sur le pont, le ballet des serveurs se poursuivait. Gabriel se décolla de la balustrade et se balada dans les autres parties du navire. Il s'aperçut rapidement qu'il était le seul gardien vraiment solitaire à bord du bateau : les autres se déplaçaient en groupe ou tenaient des conciliabules qu'il n'osait pas troubler.
Pris d'une faim soudaine, il descendit au pont inférieur où se trouvait le réfectoire. C'était une pièce circulaire occupée par de longues tables en bois, le long desquelles quelques groupes déjeunaient. Un énorme buffet composé de mets inconnus était à sa disposition, et Gabriel décida de s'offrir un brunch déraisonnablement copieux. Il saisit un bol, une assiette et les remplit de fruits confis, de soupes étranges et de toasts beurrés. Il s'assit à une table et entreprit de dévorer le contenu de son assiette.
Au milieu de son repas, deux hommes âgés entrèrent dans le réfectoire. Le premier portait un costume en tweed bleu, et le deuxième un costume vert. Ils se servirent à manger et s'assirent à une table voisine de Gabriel. Celui-ci aperçut leurs broches qui scintillaient sur leurs poitrines : la première broche représentait un springbok, et la seconde une orque.
— ...Et où est-ce que vous êtes monté à bord ? demandait le gardien des orques, qui portait des lunettes rondes et arborait une barbe plus blanche que la neige.
— En Afrique du Sud, répondit le gardien des springboks avec un fort accent anglais. C'était un homme noir, corpulent, qui portait une moustache courte et grise.
— Moi à Brest. L'Ordre m'a donné un trop grand nombre de missions ces derniers temps, alors je compte bien leur dire ma façon de penser quand je serai sur place.
— Ne m'en parlez pas, soupira le gardien des springboks en lissant sa moustache d'un geste exaspéré. Rien qu'en Afrique du Sud, j'ai dû intervenir six fois en l'espace de trois mois. Vous vous rendez compte ?! Six interventions ! Deux gardiens qui se faisaient passer pour des dieux dans des villages locaux ; et quatre autres qui s'affrontaient pour le contrôle de la savane. À croire qu'ils veulent absolument me donner du travail !
— Quelles espèces s'affrontaient ? interrogea le gardien des orques en remontant ses lunettes sur son nez, visiblement intéressé.
— Je ne peux pas vous le dire, répondit l'autre d'un air important. C'est confidentiel.
— Oh oui je comprends, couina le vieux barbu. Moi-même, j'ai dû demander à mes orques de s'attaquer aux méduses pour en réduire la population. Elles sont trop nombreuses dans l'océan, voyez-vous, et elles nuisent aux autres espèces. Leur gardien est un irresponsable, il se fiche que son espèce se multiplie trop vite. Il pense que cela fait de lui un bon gardien.
Le gardien des orques laissa échapper un grognement désapprobateur avant de reprendre :
— Il a déposé une requête auprès de l'Ordre, et nous devons nous présenter devant la commission disciplinaire pour résoudre ce litige.
— Vos missions sont confidentielles, dit le gardien des springboks d'un ton froid. Un peu de discrétion, voyons.
Les deux vieux jetèrent des regards prudents autour d'eux. Gabriel fit semblant de n'avoir rien entendu et s'empressa d'enfourner un toast dans sa bouche.
— Si seulement le gardien des loups était encore parmi nous, soupira le gardien des orques, il pourrait résoudre tout cela en un rien de temps. Enfin, espérons que Fabre puisse calmer les choses !
— Ne vous faites pas d'illusions, chuchota le gardien des springboks, cela ne vas pas se calmer. L'Ordre manque de gardiens pour accomplir toutes ces missions. Les rebelles sont de plus en plus actifs, et avec l'apparition du gardien des cerfs, cela ne va pas se calmer !
Gabriel dissimula aussitôt sa broche dans sa poche et tendit l'oreille, le cœur battant.
— Le gardien des cerfs est apparu ? s'étonna le gardien des orques. Après tout ce temps ? Je croyais que ce n'était qu'une rumeur.
Le gardien des springboks secoua la tête.
— Absolument pas. Le contrôleur du bateau m'a affirmé l'avoir fait monter à bord. Personnellement, je trouve cela formidable qu'après tout ce temps, un héritier de Cervus Sylbee nous rejoigne. Par contre, cela ne va pas plaire aux rebelles.
— Bien sûr, approuva le gardien des orques. C'est évident, quand on voit toutes les offensives qu'ils ont menées depuis deux ans. Je n'ai jamais vu d'insurgés aussi motivés et disciplinés. Cent bases militaires de l'Ordre en six mois, vous vous rendez compte ? L'Ordre est affaibli, mais si le gardien des cerfs est de retour, quel puissant symbole de renouveau...
— Je me demande bien pourquoi les autorités de l'Ordre ne détruisent pas ces terroristes une bonne fois pour toutes, s'énerva le gardien des springboks en tortillant impatiemment sa moustache.
— Ils poursuivent l'enquête, répondit le gardien des orques, mais personne n'a pu identifier le meneur de la rébellion. D'ailleurs, ils n'ont même pas été capables de démasquer un seul de leur membre. Edmond Fabre les soupçonne d'avoir infiltré Felestor, c'est pour cela que l'enquête avance lentement. Sinon, vous imaginez bien qu'avec tous les moyens dont l'Ordre dispose...
Un troisième homme vint se joindre à leur table et les deux gardiens interrompirent leur discussion. Gabriel attendit, mais ils n'échangèrent plus que des banalités. Il finit rapidement son repas et remonta sur le pont.
Ainsi donc, il y avait des rebelles au sein de l'Ordre ? Et ils seraient opposés à son retour ? Hermann lui avait dit que son statut de gardien des cerfs pouvait lui attirer la sympathie, mais il ne l'avait pas prévenu des dangers que cela impliquait si des rebelles souhaitaient détruire l'Ordre.
Avait-il le choix ? D'être vu comme un symbole ? Pas vraiment, et il fallait qu'il s'y prépare : aussitôt que les autres gardiens sauraient qu'il était le gardien des cerfs, on saurait qu'il était un « héritier » du fondateur. Hermann avait été très clair là-dessus.
— Tout cela n'a absolument aucun sens ! pensa Gabriel avec agacement. Qu'est-ce que cela pouvait bien faire, qu'il soit le successeur de ce Cervus Sylbee ? Si ça se trouve, ils n'avaient rien en commun.
Le poids de ce titre d'héritier commençait à peser lourd sur ses épaules. Et si jamais on essayait de le tuer ? Après tout, il se fichait de l'Ordre. Tout ce qu'il voulait, c'était protéger les cerfs, et il ne sacrifierait certainement pas son espèce pour le bien de l'Ordre.
Tandis qu'il réfléchissait, Hermann atterrit devant lui et reprit sa forme humaine.
— Ça fait du bien ! s'exclama-t-il, l'air revigoré.
— Hermann, dit Gabriel, vous m'aviez dit qu'il y a des rebelles qui se battent contre l'Ordre. Mais qu'est-ce qu'ils lui reprochent, très exactement ?
Hermann sembla surpris par cette question soudaine. Il épousseta ses vêtements avant de répondre.
— Certains pensent que l'Ordre est une institution despotique. Ils lui reprochent de vouloir imposer sa vision du monde à tous les gardiens, et de les obliger à se cacher alors que les gardiens pourraient gouverner le monde.
— Gouverner le monde ? répéta Gabriel, étonné. Pourquoi voudraient-ils cela ? Ça ne leur suffit pas de gouverner leur espèce ?
— Les rebelles estiment que protéger leur espèce est trop difficile s'ils doivent en même temps dissimuler leur existence à la vue des autres humains. Ils pensent que, puisqu'ils sont dotés de pouvoirs, ils devraient gouverner le monde pour forcer les humains et les animaux à vivre en symbiose. Et si certains humains ne sont pas contents, ils n'auraient de toute façon pas le choix car les gardiens disposent d'une force militaire qu'aucune armée ne peut contrer. Des armées d'animaux qu'ils peuvent diriger par la simple pensée. Imagine les dégâts s'ils lançaient ces armées contre les grandes villes de ce monde.
Gabriel réfléchit à ce qu'il venait d'entendre. Si les rebelles avaient infiltré l'Ordre, il ferait mieux d'être prudent et de ne pas attirer l'attention sur lui. Les deux jours suivants, Gabriel resta dans sa cabine à lire, ne sortant que pour les repas. Hermann, quant à lui, passait son temps à voler autour du bateau en compagnie d'autres gardiens d'oiseaux.
Au soir du troisième jour, la sirène du bateau retentit pour la seconde fois. Tous les gardiens sortirent de leurs cabines et se dirigèrent sur le pont. Hermann vint le chercher et ils se joignirent à la foule.
— On doit être presque arrivé ! s'exclama Gabriel en scrutant l'horizon.
Ils se pressèrent contre la balustrade et attendirent. Lentement, une lueur tremblotante émergea des flots. À mesure qu'ils s'approchaient, la lumière devenait plus forte et au bout de quelques minutes, Gabriel put en distinguer l'origine : un immense feu qui brûlait en haut d'un phare.
— Nous y sommes, annonça Hermann. L'île d'Alakyn.
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