Chapitre 15
Bonjour les amis!
Encore un petit chapitre transitoire :) Patience, patience, il y a quand même des informations intéressantes dans ces chapitres! Les deux ou trois prochains chapitres seront également transitoires.
Par ailleurs, à propos de l'image ci-dessus : le bateau s'appelle le "Sea Cloud". Dans mon roman, il s'agit du "Sans Souci'. J'ai trouvé cette image sur internet, et c'est celle que je trouve la plus approchante, pour donner une idée de comment je m'imagine le "Sans Souci". Donc voilà, même s'il y a écrit "Sea Cloud" sur la coque, essayez de faire abstraction :)
Enjoy!
**********
Dans le port industriel de Brest, d'énormes chalutiers tanguaient au gré du vent, amarrés en ligne le long du quai goudronné. Sur les ponts des bateaux, des marins décrochaient les derniers poissons qui se tortillaient dans leurs filets, et les jetaient dans des bacs en plastique. Des dockers déchargeaient ces bacs et les déposaient dans d'immenses conteneurs.
Hermann l'entraîna vers le bout du quai. Gabriel jeta un regard autour de lui et repéra enfin un bateau qui ne semblait pas destiné à la pêche. C'était un voilier gigantesque, d'un blanc nacré. Six voiles gonflées par le vent se dressaient sur chacun de ses trois mats, dont les bois précieux brillaient à la lumière dorée de l'aube. Le bateau avait été baptisé le « Sans Souci » ; et son nom tracé en lettres d'or sur la coque scintillait de mille feux. Une queue s'était formée devant la coupée permettant d'accéder au voilier, et un homme vêtu d'un affreux costume marron contrôlait les personnes qui montaient à bord.
— C'est notre bateau, annonça Hermann. Viens.
Ils se placèrent dans la queue et Gabriel observa avec curiosité la foule qui attendait, en se demandant quelles espèces étaient représentées parmi ces gardiens. Ils avaient tous l'air de gens ordinaires. Des femmes, des hommes ; certains avaient la quarantaine, d'autres la trentaine, mais Hermann avait dit vrai : il n'y avait presque personne de moins de vingt ans. Tout à coup, Gabriel se sentit très seul au milieu de tous ces adultes.
La queue avança et ils arrivèrent devant le contrôleur.
— Nom, espèce, demanda-t-il d'un ton monocorde, sans lever les yeux de son registre.
— Hermann Sommerfeld, gardien des aigles impériaux et des panthères, répondit l'oxcellor.
Le contrôleur chercha le nom sur sa liste, le cocha, puis s'écarta pour laisser passer Hermann. Il se tourna alors vers Gabriel.
— Nom, espèce, répéta-t-il.
— Euh... Gabriel Prodel... Gardien des cerfs.
Le contrôleur releva brusquement la tête et dévisagea Gabriel d'un air abasourdi, comme s'il n'arrivait pas à en croire ses yeux. Il échangea un regard interrogateur avec Hermann, qui hocha la tête, comme pour lui confirmer l'identité de Gabriel.
— C'est...C'est vraiment le gardien des cerfs ? s'exclama-t-il d'un ton incrédule, avant de consulter son registre. Ah oui, effectivement, vous êtes là ! C'est fantastique ! Quel plaisir de vous avoir parmi nous, Monsieur ! Soyez le bienvenu à bord du Sans Souci !
D'autres personnes qui attendaient dans la file entendirent le contrôleur, et Gabriel fut bientôt cerné par des regards curieux, étonnés ou ravis. Cette soudaine attention le fit rougir. Oui, il était le gardien des cerfs, et alors ? Pourquoi cela les intriguait-ils ?
— Je crois que tout est en ordre, n'est-ce pas ? intervint Hermann en saisissant fermement Gabriel par l'épaule. Allons-y.
— Attendez ! s'exclama le contrôleur en les rattrapant. Vous êtes dans la cabine 735 ! Et votre ami oublie sa broche !
Hermann tendit la main et le contrôleur lui remit une pièce en or, qu'il fourra aussitôt dans sa poche.
— Merci, dit-il en entraînant Gabriel loin des regards curieux.
Ils gravirent les marches de la coupée et montèrent à bord. Sur le pont en parquet ciré, un spectacle étonnant s'offrit à eux. Les membres de l'équipage, équipés de rollers et habillés en tenues de marin blanches et bleues, exécutaient une sorte de ballet chorégraphique et volaient littéralement d'un passager à l'autre en apportant boissons, repas, serviettes...
Apparemment, les métamorphoses animales étaient permises à bord. De partout jaillissaient grognements, feulements, ululements, soupirs, gémissements. La plupart des gardiens se transformaient dès qu'ils arrivaient sur le pont, et rejoignaient un groupe d'animaux de leur type. Les félins disparaissaient à l'arrière du bateau, tandis que d'autres plongeaient dans la piscine sur le pont, avant de se transformer en poissons de toutes sortes, en pieuvre, et même en étoile de mer.
— Allons déposer nos affaires dans la cabine, proposa Hermann, tandis que Gabriel observait ce spectacle avec fascination.
Ils se faufilèrent à l'étage inférieur et trouvèrent la cabine 735. Elle était petite, mais confortable. Hermann déposa leurs affaires et ferma la porte avant de se retourner vers Gabriel.
— Je suis désolé pour ce qui s'est passé avec ce contrôleur, s'excusa-t-il. J'aurais dû te prévenir que cela pourrait arriver.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? interrogea Gabriel. Pourquoi ces gens étaient-ils surpris que je sois le gardien des cerfs ?
— Tu le sais, répondit Hermann d'un air sombre. C'est parce qu'il n'y a pas eu de gardien des cerfs depuis plus de deux mille ans et que, soudain, te voilà. Cela n'arrive quasiment jamais qu'une espèce animale soit sans gardien pendant si longtemps. D'habitude, si l'Ordre ne repère pas le gardien d'une espèce, il arrive à retrouver son successeur lorsque celui-ci apparaît. Donc même si une espèce n'est pas représentée pendant deux ou trois cents ans, elle finit toujours par revenir dans le giron de l'Ordre.
Hermann s'assit sur un des lits superposés avant de reprendre.
— Dans le cas des cerfs, l'Ordre a longtemps cherché leur nouveau gardien. Au bout d'un moment, nous avons compris que nous échouions parce qu'il n'y en avait pas. Il n'y a pas eu de successeur après la mort du premier gardien des cerfs. C'était très étrange, parce qu'un héritier est censé apparaître juste après la mort d'un gardien.
— Et c'est juste pour ça qu'ils étaient contents de me voir ? s'étonna Gabriel. Ce n'est pas non plus si extraordinaire. Si ça se trouve, vous ne les avez pas repérés, c'est tout.
Mais Gabriel savait que cela était probablement faux. Aislîn lui-même avait dit que les cerfs n'avaient pas eu de gardiens depuis plus de deux mille ans. Si l'Ordre n'avait pas pu repérer un autre gardien des cerfs, les cerfs auraient toutefois eu connaissance de son existence.
— Il y a autre chose, dit Hermann. Il faut que tu saches que le premier gardien des cerfs était également le principal fondateur de l'Ordre, et son dirigeant pendant plus de deux cent cinquante ans.
— Le gardien des cerfs était un fondateur de l'Ordre ?! s'exclama Gabriel. Pourquoi ne me l'avez-vous pas dit avant ?!
— Parce que je ne voulais pas que cela t'influence dans ton choix de rejoindre l'Ordre ou non, expliqua Hermann. Sinon, tu ne nous aurais peut-être pas rejoints de ton propre gré, mais tu te serais senti forcé, et je ne voulais pas que cela se produise.
— Oui, mais si vous me l'aviez dit, j'aurais au moins su à quoi m'attendre, rétorqua Gabriel. Maintenant, ça signifie que je vais devoir raser les murs pour éviter qu'on me montre du doigt comme une bête curieuse !
Hermann ne répondit pas mais fouilla dans sa poche et en sortit la pièce d'or que lui avait donnée le contrôleur. Il la tendit à Gabriel et celui-ci remarqua que ce n'était pas une pièce, mais une broche représentant un cerf qui se cabrait.
— Ton insigne de gardien, dit-il en le laissant tomber dans la paume de Gabriel. Tu n'as pas besoin de te cacher ou d'être gêné par les regards. La majorité des gardiens sera contente que tu nous rejoignes. C'est un bon signe pour l'Ordre, que l'héritier d'un des fondateurs se joigne à nous. Les autres gardiens voudront te parler ; ils te considèreront comme un leader, comme un signe du destin. Il faut que tu acceptes ce rôle qui te tombe sur les épaules. Tu es le gardien des cerfs, tu étais prédestiné à tout ça.
Gabriel baissa les yeux vers sa broche. Le cerf se dressait fièrement, et un reflet vert brillait dans son regard. Des émeraudes.
— La couleur de la forêt, murmura Hermann.
Hermann avait peut-être raison, pensa Gabriel en épinglant la broche à son pull. Mais il n'était pas sûr de pouvoir gérer cette attention soudaine. Il avait toujours eu l'habitude d'être seul et impopulaire et il savait comment gérer ces situations, mais il ne savait pas comment gérer la popularité. Il se sentait déjà responsable envers les cerfs. Il n'avait pas besoin d'une pression supplémentaire en se sentant responsable envers les autres gardiens de l'Ordre...
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro