Chapitre 2
Ils se saluèrent, et Namjoon s'en alla après une brève étreinte qui pourtant leur avait paru durer des heures. Yoongi, le cœur plus léger, retourna au lit. Il s'enfonça sous ses couvertures et versa plusieurs larmes en songeant à ce que sa vie était devenue et jusqu'où elle l'avait amené. Il se sentait épuisé.
Il mit son réveil pour le lendemain, et il ferma les yeux. Il se leva en milieu d'après-midi, affamé. Il avala ce qui lui restait dans son réfrigérateur, conscient que son voyage l'inciterait à jeter tous les aliments périssables. Il préférait en manger le plus possible... mais comme toujours, son estomac noué refusa d'ingurgiter plus de quelques morceaux de viande accompagnés de légumes sautés.
Dépité, il retourna au lit, et cette fois, il s'endormit pour plus de douze heures, jusqu'au jour suivant. En ouvrant les paupières, il se sentait mieux, et il fit sa valise en souriant, constatant que ses membres ne tremblaient plus.
Très tôt son second manager frappa, et Yoongi le remercia quand il prit sa valise pour l'installer dans le coffre de sa voiture. Il le conduisit à l'aéroport, à environ une heure de route du centre de Séoul, et le déposa devant l'entrée qui menait tout droit à l'enregistrement des bagages de sa compagnie aérienne.
Il s'y rendit en trépignant d'impatience, caché sous une casquette, un masque et des lunettes de vue sans correction qui lui permettaient de ne pas être reconnu – en revanche, il attirait indéniablement l'attention. Par chance, parce que l'aéroport s'avérait presque vide à cette heure, il put retirer sans problème ses artifices au moment de son contrôle d'identité, et sa valise partit sur le tapis roulant derrière l'employée qui lui adressa un sourire en lui souhaitant bon vol. Yoongi répondit d'un balbutiement confus et fila à la vérification des bagages à main, qui pour sa part se constituaient d'un simple sac à dos dans lequel il avait fourré son ordinateur, son portable, des écouteurs et un livre offert par Namjoon deux ans plus tôt (il ne prenait jamais le temps de lire).
Tout se déroula à merveille en dépit d'un voyageur qui poussa une exclamation surprise en le remarquant. Craignant tout à coup pour sa tranquillité, à peine eut-il récupéré ses lunettes, sa casquette et son masque qu'il les enfila de nouveau et s'enfuit. Et dire qu'il avait pensé que sa notoriété encore peu développée lui apporterait un peu de repos. Son équipe n'avait pas jugé nécessaire de le faire passer par des guichets conçus pour éviter la foule, puisque personne n'était supposé savoir qu'il se trouverait ce matin-là à l'aéroport – et même quand ses fans savaient, ils demeuraient peu nombreux.
Or, sans gardes du corps, espérant vivre de façon normale pendant un mois, Yoongi comprit avec horreur que non, il ne retrouverait plus la vie qu'il avait connue jusqu'à son arrivée, quatre ans plus tôt, dans l'entreprise de divertissement pour laquelle il travaillait désormais. Certes sa célébrité restait faible en comparaison avec celle des plus gros idols de la K-pop, et parce qu'il préférait le rap, sa communauté s'avérait plus restreinte. Malgré tout, il passait à la télévision, il assistait à des cérémonies musicales, il avait gagné plusieurs prix, même.
Min Yoongi était une petite star nationale. Pas une immense star mondiale, mais assez grande pour qu'on le reconnaisse.
Arrivé devant sa porte d'embarquement, tout au bout du terminal, Yoongi poussa un soupir. Il lorgna le stand qui proposait de quoi se rafraîchir et grignoter, et il se rappela n'avoir rien avalé avant de partir.
Un smoothie à la fraise suffirait.
Son petit déjeuner en main, le rappeur retrouva sa place. Une foule d'autres passagers patientait déjà sur les sièges, et Yoongi se sentit soudain nerveux à l'idée de leur proximité dans l'avion.
Son cœur s'apaisa quand, une fois dans l'avion, il s'aperçut qu'il était côté hublot, et qu'au moment de refermer les portes, il n'y avait toujours personne sur les deux sièges à côté de lui. Alors, il pensa à Namjoon, et il se jura de le remercier : il était convaincu que son ami avait veillé non seulement à prendre son billet, mais à acheter les deux places à côté pour s'assurer qu'il voyagerait tranquille.
Il s'assoupit pendant l'heure que dura le trajet, et quand il ouvrit les yeux puis regarda par le hublot, l'appareil approchait Jeju.
Pas de hauts bâtiments qui cherchaient à atteindre le ciel, pas de béton grisâtre partout, pas d'enseignes clinquantes à chaque coin de rue. Il survolait une large île au centre de laquelle une montagne – un volcan, plus précisément – était préservée, parsemée de chemins de randonnée qu'on ne voyait pas d'ici mais dont Yoongi rêvait déjà.
Le Hallasan, comme il s'impatientait de le gravir !
Puis l'avion passa au-dessus de la ville principale de l'île où il se posa quelques courts instants plus tard. Après de longues manœuvres de l'appareil, les passagers sortirent un à un, et Yoongi s'en alla le dernier, désireux de ne pas se mêler à la foule. Il se sentait plus serein, mais un rien suffirait à le paniquer.
Après avoir récupéré sa valise, le jeune homme quitta l'aéroport en vitesse, et il repéra l'arrêt qu'il cherchait : celui du bus-limousine 600, qui effectuait le tour de l'île. Atterri au nord, il devait rejoindre son hôtel à l'opposé, au sud, et ce bus était l'unique solution pour lui qui n'avait jamais obtenu son permis. Il patienta, et par chance une seule personne se trouvait à ses côtés quand le véhicule se stoppa à leur hauteur.
Il fallut une heure d'un trajet presque ininterrompu pour atteindre Seogwipo. Yoongi néanmoins éprouva la sensation qu'il était assis depuis une dizaine de minutes à peine : ses écouteurs dans les oreilles, il se délectait des paysages alentour. Une fois la ville principale quittée, ils avaient croisé quelques localités de moindre importance. Depuis sa vitre, Yoongi n'avait cessé d'admirer le Hallasan en songeant à la randonnée qu'il s'octroierait après un bon repos dans sa chambre.
Les routes étaient peu encombrées, témoignant là du fait que la période n'était pas au tourisme. Mi-mars, en matinée comme en soirée, les températures devenaient fraîches voire froides, et les étrangers n'arrivaient en masse qu'à partir d'avril et mai.
Désormais à Seogwipo, le bus multiplia les arrêts, se stoppant devant chaque hôtel important. L'immense Lotte Hotel, véritable château de conte de fées, laissa Yoongi pantois. Il n'aurait pas supporté passer des vacances dans un si vaste endroit...
Quand il remarqua, un court moment plus tard, que le prochain arrêt était le sien, il appuya sur un bouton et détacha sa ceinture.
The Suites Hotel. Il descendit, récupéra sa valise.
Yoongi demeura immobile, il perdit son regard partout autour de lui. Le paysage ravissait ses yeux avides de splendeurs, et près d'ici, de hauts palmiers dansaient au gré de la brise. Pas un nuage dans le ciel, tout autour de lui évoquait le calme et la douceur des vacances. Pas d'emploi du temps effréné à suivre, à partir d'aujourd'hui et pour un mois, il se reposait !
Yoongi prit une profonde inspiration. Son portable affichait à peine treize heures. Il n'avait pas apporté sa montre, désireux de ne pas s'inquiéter de l'heure.
Il tourna pour se retrouver face à l'hôtel, qu'il jugea aussitôt tout à fait à son goût : semblable à une villa, il s'étendait en longueur plutôt qu'en hauteur. La décoration demeurait sobre, une petite fontaine coulait près de là, et l'endroit s'insérait à merveille dans le paysage. Coloré de blanc et de bleu, l'établissement paraissait chercher à se fondre dans la nature, au contraire des trop nombreuses pancartes criardes qui appelaient les passants dans les rues de la capitale.
Pas un bruit, et unique un couple marchait sur le trottoir, à quelques mètres. Un soleil lumineux baignait les alentours, et Yoongi se surprit à sourire de façon sincère. Il peinait à croire qu'il se détendrait ici un si long moment !
Yoongi poussa la porte, et la suivante s'ouvrit seule devant lui sur un hall immense d'accueil et qu'il ne put s'empêcher d'admirer. Doué d'une simplicité élégante, l'endroit réunissait quelques fauteuils autour de tables basses sur lesquelles reposaient quelques magazines. Il repéra à sa droite la réception, où deux employés travaillaient derrière leurs ordinateurs. Paisible, l'hôtel lui plut d'emblée, et équipé de sa casquette et de son masque, il approcha les réceptionnistes qu'il salua. Un jeune homme lui rendit son geste avec un large sourire, tandis qu'une femme plus âgée, lui servit un bonjour plus distant mais poli. Cette dernière prit la parole pour lui demander s'il avait réservé, et Yoongi acquiesça avant de lui indiquer son nom.
La dame, de qui les lunettes fines et le chignon serré accentuaient la sévérité des traits, opina et chercha sur son écran avant de confirmer. Elle réclama une pièce d'identité et quitta son ordinateur pour se planter à côté d'une borne, où elle remplit pour lui le check-in. Elle lui donna la carte de sa chambre, la 215, à l'étage, et lui souhaita un bon séjour après lui avoir remis une ribambelle de coupons pour les petits déjeuners. Le rappeur la remercia d'un murmure et fila, soulagé de n'avoir pas eu à attendre.
Il monta dans l'ascenseur pour s'épargner le poids de sa valise qu'il aurait peiné à soulever dans l'escalier, et il longea le couloir jusqu'à sa chambre dont il poussa la porte pour découvrir qu'il s'agissait d'une pièce étroite mais bien meublée à côté de laquelle se trouvait une salle de bain équipée de toilettes intelligentes et d'une baignoire où il se voyait déjà se prélasser après une journée de randonnée.
La télévision à écran plat au mur l'occuperait en cas de pluie, et le lit simple lui paraissait l'endroit idéal pour oublier tous ses soucis. Un balcon, enfin, donnait sur les hôtels voisins, offrant malgré tout un paysage agréable duquel il ne se plaignait pas. Pour autant, il ne profiterait sans doute pas de ce petit espace, bien plus intéressé par tous les loisirs de l'île.
Il feuilleta le prospectus laissé sur le bureau qui vantait ses repas et ses divers services, et il fit la moue en découvrant que la piscine, dont Namjoon ne lui avait pas parlé, ouvrait en mai. Pas étonnant donc que son manager ait tu ce détail.
Yoongi passa une journée formidable : il ne fit rien. Il avait quitté sa chambre pour trouver un lieu où déjeuner, et son portable l'avait conduit à quelques minutes de là à pied, juste après le Lotte Hotel : sur une place s'entassaient quelques commerces, dont un Seven Eleven et un café-restaurant l'un à côté de l'autre. Il avait acheté dans le premier de quoi grignoter, et il avait pris un burger au porc dans le second.
Il s'était alors juré de revenir pour ce burger de temps en temps, un régal !
Puis il était retourné à l'hôtel, et il s'était allongé dans son lit. Il y avait passé son après-midi, occupé tantôt à dormir, tantôt à regarder la télévision. D'après la météo, le soleil brillerait encore au moins une semaine et demie ici avant que ne tombent les premières gouttes de pluie.
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