Chapitre 16
Ravi, le jeune homme sortit à son tour, et ils se rendirent au café-restaurant à quelques minutes à pied d'ici. Ils y passèrent une heure pendant laquelle Yoongi jura qu'il se noyait dans le regard ébène de son aîné, qui ne parut pas s'en apercevoir, occupé à sa discussion. Les bavardages incessants de Seokjin avaient pour avantage de permettre à son cadet de le cerner de mieux en mieux, bien plus vite qu'il ne l'avait espéré. Il trouvait toujours de quoi meubler les silences embarrassants, quant à ceux qu'il jugeait paisibles, il ne cherchait pas à y couper court, il aimait qu'ils s'éternisent – et Yoongi aimait qu'il respecte ces moments de tranquillité. Les garçons, autour de plusieurs verres de sodas consécutifs, parlèrent de leur enfance, leurs souvenirs, et Seokjin but les paroles de Yoongi quand ce dernier raconta ses premiers pas dans l'industrie du divertissement.
Le rappeur se régala de ces prunelles brillantes d'admiration, et il savoura chaque instant que Seokjin passa à l'observer ainsi. Il se sentait si important... et même si ses fans le regardaient de cette façon, tout ce qui comptait était que Seokjin et personne d'autre lui accorde son attention. Il en rougirait s'il n'était pas habitué à dissimuler ses émotions !
« T'es vraiment incroyable ! conclut Seokjin une fois son récit achevé. Faut avoir un mental d'acier pour survivre dans ce milieu ! Au sens propre !
— Ouais...
— J'ai de plus en plus envie de venir te voir en concert ! Ce serait tellement sympa ! Tu me laisserais venir te passer le bonjour en loge ? Savoir que c'est toi qui as créé toutes ces chansons que Namjoon-ah m'envoie, c'est... vraiment dingue ! J'arrive pas à vraiment me dire que t'en es l'auteur, le compositeur, et que c'est ta voix que j'entends dans mes écouteurs, c'est pas bizarre ? Genre... c'est comme si c'était pas possible que ce soit toi la star montante du rap dont on parle de plus en plus !
— Exagère pas, marmonna Yoongi tout à coup intimidé par son propre statut.
— Mais justement, j'exagère rien du tout ! Je suis heureux que tout se passe bien pour ta carrière, j'espère que ces vacances bien méritées t'aideront à reprendre du bon pied... pas celui dont tu t'es cassé la cheville ! »
Et il pouffa de rire à cette blague improvisée. Yoongi, qui ne s'attendait pas à ce qu'il place ici un trait d'humour, s'esclaffa plus sous l'effet de la surprise que par réel amusement, mais peu importait. La spontanéité de son ami lui plaisait autant que son physique et sa gentillesse.
Ils se saluèrent une dizaine de minutes plus tard après avoir quitté le petit établissement, et Yoongi rentra à l'hôtel. Dans sa chambre, il se sentit à la fois sur un nuage au souvenir de cette journée et triste qu'elle soit terminée – ou du moins que le temps passé avec Seokjin soit terminé. Le soleil commençait à se coucher, il était encore tôt, mais... Yoongi n'était pas capable de s'amuser ici, seul. Rien ne lui semblait intéressant sans Seokjin avec lui.
Il s'occupa de son mieux jusqu'à l'heure de s'endormir, et il en vint à espérer rêver de son ami.
Au matin du lendemain, quand il fut l'heure de se lever pour se préparer, Yoongi retint un gémissement plaintif : à peine en contact avec le sol, la douleur électrisa sa cheville et remonta jusqu'à sa cuisse. Il marcha malgré un boitillement marqué et parvint à atteindre la salle de bains. Il fit couler de l'eau chaude et, cinq minutes plus tard, s'enfonça dans sa baignoire pour profiter de ce réconfort qui soulagea un peu son pied.
« Putain... »
Et il y avait de quoi râler : son pied ne le dérangerait pas longtemps, en revanche, si Namjoon l'apprenait... il en entendrait parler un bon moment.
Sa souffrance un peu apaisée, il sortit et s'habilla pour aller manger. Il attrapa un ticket à donner à... Seokjin. Yoongi se mordilla la lèvre : s'il s'apercevait qu'il boitait, il préviendrait son cousin sans hésiter ou bien lui remontrait lui-même les bretelles.
Le rappeur, par chance, se sentait mieux, et il ne peina pas à feindre que tout allait bien. Il descendit les marches d'un pas sûr et tranquille, et rejoignit la salle du petit déjeuner avec assurance. Seokjin se tenait là, et son sourire s'élargit dès qu'il le remarqua. Il ne se rendit pas compte de son souci, et Yoongi remonta un quart d'heure plus tard, le cœur léger d'avoir réussi à duper son aîné.
Il resta toute la journée dans sa chambre.
Il y resta même deux jours entiers.
Au matin du troisième, une pluie bruyante tombait sur l'île et la tira de son sommeil. La fraîcheur de la nuit aurait dû le faire frissonner, mais trop de transpiration coulait déjà sur son corps. Il se sentait brûlant, et il sut d'un seul mouvement pourquoi tout son être lui semblait enflammé : au moindre geste, sa cheville lui délivrait une espèce de décharge électrique qui provoquait une douleur telle que tous ses muscles se contractèrent.
Yoongi étouffa un cri entre ses mains.
Ces deux derniers jours, elle l'avait pourtant tiraillée de plus en plus, mais il s'était convaincu que le repos l'apaiserait.
Bon, il s'était trompé.
Yoongi tremblait. Même quand il demeurait immobile, la souffrance irradiait, et il comprit trop tard que sa cheville ne guérirait pas seule, ou du moins pas en l'espace d'un jour ou deux comme il l'avait d'abord espéré.
Il avait besoin de glaçons... ou bien d'un bain... les deux, même ! Il avait besoin de quelque chose, mais il ne s'imaginait pas poser le pied à terre. Il en hurlerait de douleur !
Sans réfléchir, il saisit le téléphone de l'hôtel et appela la réception – il avait, ces derniers jours, commandé à plusieurs reprises des repas à monter directement dans sa chambre. Il fallait qu'on lui apporte de quoi apaiser sa blessure.
« Allô ? Je peux vous aider. »
Yoongi faillit jurer en reconnaissant sa voix. Bien sûr que c'était lui, c'était un des rares membres du personnel à arriver tôt pour accueillir ensuite les clients au moment du petit déjeuner.
« Seokjin ?
— Yoongi ? Il est cinq heures et demie du matin, t'as besoin de quelque chose ?
— Des glaçons, monte-moi des glaçons dans un chiffon tout de suite, je t'en prie.
— Eh, ça va ? Tu te sens mal ?
— S'il te plaît.
— J'arrive dans deux minutes. »
Ayant sans doute compris l'urgence de la situation, Seokjin raccrocha le premier, et Yoongi se sentit à la fois soucieux et soulagé de savoir que c'était lui qui le rejoindrait bientôt. Il prit son mal en patience un court instant, car à peine deux minutes plus tard et comme promis, il entendit frapper doucement.
« Entre, » lança-t-il le moins fort possible.
Seokjin utilisa le pass réclamé à une femme de ménage, et il demanda s'il pouvait allumer la lampe. Yoongi l'y autorisa aussitôt, et il ferma les yeux. La lumière jaillit. Son aîné jura.
« Merde, mais qu'est-ce qui t'est arrivé ?
— Hein ?
— T'es malade ? T'as les cheveux trempés de sueur.
— Les glaçons, mets-les dans le torchon et passe-le-moi, s'il te plaît. »
Seokjin s'exécuta, et dès qu'il ouvrit les paupières, son cadet put se saisir de la poche de glace qui lui était tendue. Il bougea dans de piteux glapissements de douleur, repoussa la couette, et pressa le tissu contre sa cheville. Il serra les dents pour éviter de réveiller ses voisins, et il ferma les yeux aussi fort que possible. Un profond soupir lui échappa.
« Ça te fait mal ? T'as fait quelque chose ? s'inquiéta Seokjin. T'es retourné te promener sur le Hallasan ?
— Non, putain, ça fait deux jours que je suis dans ce lit et que j'en sors juste pour le petit déjeuner et la salle de bains. Merde, ça fait super mal, ça empire alors que je bouge pas !
— Et après ça vient se pavaner en prétendant que ça connaît ses limites.
— Je t'emmerde...
— Plus sérieusement, tu veux que j'appelle un médecin ? Tu penses que ça va aller ? Tu devrais pas rester ici avec un chiffon trempé, ça servira à rien.
— Je sais pas... Namjoon va m'étriper s'il l'apprend, je préfère...
— Il en saura rien, j'ai un pote médecin, on lui demandera de ne rien dire à ton agence si c'est pas nécessaire – par contre, si c'est grave, désolé mais faudra qu'ils soient prévenus. Il devrait pouvoir être là vers sept heures et demie, juste avant d'entamer sa journée de boulot.
— Sérieux ?
— Il ne me refuse rien, je sais jouer de mes charmes. »
Pour la première fois ce jour-là, Yoongi sourit en croisant le regard espiègle de son aîné.
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