Réconfort
Neige
Un rayon de soleil m'éveilla. J'émergeai avec lenteur, comme un noyé remontant à la surface. J'étais allongé sur une épaisse couche de mousse. Le ciel, dans la déchirure de la voute, était d'un gris si clair qu'il était presque blanc. Je pouvais voir la neige s'agglutiner au bord du trou, comme une couronne immaculée.
J'étais nu et le chaperon avait légèrement glissé pendant la nuit, mais je n'avais pas froid. En partie grâce à la source d'eau qui se trouvait à quelques pas de nous et en partie grâce au corps qui s'était agrippé au mien, irradiant d'une chaleur familière.
Je me tournais lentement vers lui, pour ne pas le réveiller. Cher Astre... Mes doigts effleurèrent son front, écartant une mèche rebelle. J'ai été si cruel avec toi, mon amour...
Je me blottis un peu plus contre lui. Il grogna dans son sommeil et, à mon grand plaisir, raffermi sa prise sur moi. Cher, cher, cher Astre. Comment avais-je pu l'ignorer, le laisser seul, lui qui avait tout abandonné pour moi ? Comme la solitude avait dû être dur pour lui qui n'avait jamais vécu seul... Et je l'avais laissé prendre toutes les décisions, alors qu'il avait vécu les mêmes évènements traumatiques que moi, je lui avais abandonné la responsabilité de prendre soin de nous deux... Je me sentais si coupable que j'avais envie de me frapper.
D'autres sources de culpabilités revinrent à ma mémoire. Le village en ruines... Solana... Tout ce rouge, tout ce sang...
Et tout ce blanc, celui du Chasseur. Le blanc de sa peau. Le blanc de ses cheveux. Les mêmes que les miens. Ces images avaient hanté ma mémoire toute la semaine, me hurlant encore et encore des vérités que je refusais d'admettre. Mon père était un Chasseur.
C'est pour cela qu'en plongeant au fond de moi, à la source de mon étincelle, je n'avais trouvé qu'un grand froid. C'est ainsi que j'avais pu l'appeler sans le vouloir. C'était pour cela que la femme qui m'avait mise au monde me haïssait, me craignait et ne me parlait jamais de ses origines. Elle avait probablement été violée.
Et si mon père était un monstre, qui était je, moi ?
— Tu es Neige, répondis une voix familière dans le creux de mes pensées.
Je n'avais pas besoin de me tourner vers lui pour savoir qu'il était éveillé mais le fit quand même, pour le simple bonheur de me perdre dans ses yeux.
— Cela ne te gêne pas ? m'enquis-je avec anxiété.
— De quoi ?
— Qu'un Chasseur soit mon père...
Il m'envoya une pensée confuse, ne comprenant apparemment pas le lien de causalité entre mes deux affirmations.
— Qui était ton père, Astre ? demandai-je, un peu surpris par sa réaction. Je veux dire, celui qui t'as mis au monde.
— Je ne sais pas.
Son visage s'approcha imperceptiblement du mien alors qu'il me transmettait les souvenirs que Mère-de-tous lui avait laissé.
— Des Chasseurs ont détruit ta famille ! Si ça se trouve, c'était... mon père. Oh, Astre, je suis désolé...
— Il n'y a pas de quoi, s'étonna-t-il de nouveau. Est-ce encore une notion d'humain ? Aucun loup n'aurait l'idée saugrenue de te tenir responsable des crimes de ton géniteur. Tu es ta propre personne.
— Tout est si simple chez les loups, m'amusai-je.
— Et tout est si compliqué chez les humains ! renchérit-il.
Il s'arrêta au milieu d'un sourire, visiblement mal à l'aise.
— Que se passe-t-il ? m'inquiétai-je aussitôt.
— Je suis désolé d'avoir dit du mal des humains l'autre jour, souffla-t-il dans le langage des hommes. Je veux dire, juste avant qu'on arrive au village et que Solana... Solana...
Je l'embrassai. Je ne voulais lui transmettre que ma tendresse, la certitude que je l'aimai et l'aimerai toujours, mais il me serra contre lui et me rendit le baiser avec une passion dévorante. Une minuscule part de moi en fut déçu : j'aurais aimé qu'Astre m'embrasse en dehors de nos ébats... Mais les loups étaient comme ça : ils ne faisaient pas l'amour, ils cédaient à leurs pulsions en marquant, brûlaient leur désir en marquant sur l'autre son territoire. Le concept d'amour impliquait de réfléchir sur soi, de se projeter dans le futur et d'admettre qu'il y avait des choses qui échappaient au corps. Mais Astre vivait dans le présent et ne s'embarrassaient pas de réflexions. Il m'aimait probablement, mais il ne s'était jamais vraiment posé la question.
Cela ne me déplaisait pas de coucher avec lui à tort et à travers, bien, bien au contraire, mais de temps en temps... J'avais envie qu'il m'embrasse sans désire érotique, qu'il me caresse pour le simple plaisir de ma présence à ses côtés, qu'il me dise qu'il m'aime...
Même si, pour l'heure, je n'avais pas le droit de le lui demander. Il avait déjà donné énormément pour moi, et, de toute façon, ce n'est pas comme si je manquais de désir.
Je fis semblant de m'abandonner à son étreinte, puis roulait sur le côté en riant, enroulant involontairement le chaperon rouge autour de ma taille.
Je me relevai et m'écartai de quelques pas, un sourire provocateur au bout des lèvres. Il était accroupit, une main au sol, la bouche légèrement entrouverte, le regard luisant de concupiscence. Ses boucles brunes tombaient en cascade sur son front et ses épaules. Son sexe dressé luisait déjà à son sommet. Il était incroyablement beau, incroyablement désirable, mon loup sauvage.
Il se jeta sur moi avec un faux hurlement.
J'esquivai en riant encore et me mit à courir.
— Neige ! tonna-t-il derrière moi.
— Attrape-moi si tu peux ! criai-je par-dessus mon épaule.
Je l'entendis rire aussi, car nous savions tous les deux qu'il n'aurait aucun mal à me rattraper, même si j'essayai réellement de lui échapper. Ce qui n'était pas vraiment le cas...
Je sentis son poids me heurter et basculai vers l'avant avec un petit cri. Il me rattrapa au dernier moment et me tint serré sous lui, à quatre pattes, son pénis dur plaqué contre mon dos. Ma propre verge s'affola dramatiquement.
Ses dents mordillèrent le creux de mon cou, me demandant silencieusement si j'étais consentant. Malgré tous nos jeux, jamais, au grand jamais, Astre n'aurait forcé son désir sur le mien. C'était une des raisons pour lesquels je l'aimais autant et me sentais en sécurité dans ses bras. Même s'il faisait mine de me dominer, c'est moi qui décidais réellement de ce qui allait arriver.
Je me plaquai un peu plus fort contre lui. Il glapit. Je souris.
— Quelle impudence, petit humain, ronronna-t-il dans mon oreille.
Il attrapa mes coudes et appuya pour les forcer à se plier. Ma tête se posa contre le sol mousseux, mon dos arqué, mes fesses toujours appuyées contre son bas-ventre. J'étais vulnérable et dieux, que nous aimions ça !
Son pénis effleura mon orifice.
— Neige ? demanda-t-il en passant une main sur mon torse.
Une image de lubrifiant passa dans son esprit. J'hésitai un bref instant, mais secouait la tête. Plus de magie. Plus jamais.
Sans faire de commentaire – avais-je déjà dit quelque part que je l'aimais ? – il s'agenouilla derrière moi et glissa sa ses doigts entre mes cuisses pour les faire s'écarter.
Une main se referma sur ma verge. L'autre se posa sur mes fesses. Puis une chose chaude, humide et tendre, se mit à titiller mon intimité.
Cette fois, c'est moi qui glapis, pour son plus grand plaisir.
— Astre ? bégayais-je.
— J'étais sûr que ce serait agréable, souffla-t-il dans mes pensées en continuant avec application.
Je me mis à trembler, car l'érection qui gonflait entre mes jambes devenait difficile à contenir.
Puis il se redressa, repassa mes mains sous mon torse, glissa son sexe entre mes cuisses, que je resserrai instinctivement, et effectua des vas-et-viens de plus en plus rapide en m'embrassant un peu partout. J'entendis mon nom répété à l'infini dans ses pensées, comme à chaque fois, lorsqu'il perdait le contrôle. Neige... Neige... Neige... Neige...
Ah, comme j'aimais cet écho !
Nous vînmes pratiquement ensemble, comme toujours. Nous étions trop liés pour que la jouissance de l'un n'implique pas aussitôt celle de l'autre.
Je soupirai de plaisir, égaré dans l'euphorie qui suit le coït. Il me souleva et plongea avec moi dans l'eau tiède. Je serrai mes jambes autour de sa taille et posait ma tête sur son épaule.
J'étais bien.
— Ça va ? s'inquiéta-t-il.
— Je t'aime, Astre.
Il y eut un silence.
— Tu sais, avoua-t-il en refermant ses bras pour m'enlacer, je ne suis toujours pas très sûr de comprendre ce que cela implique.
— Ne t'inquiète pas, mon loup, tu trouveras un jour...
Il sourit et m'embrassa de nouveau, ses dents mordillant légèrement mes lèvres pour me demander la permission de recommencer. Je ris et m'écartai de lui.
— Ça suffi ! protestai-je en souriant. Nous ne pouvons pas rester tout l'hiver dans cette grotte, à faire l'amour et se nourrir de baie sauvage !
Je sentis que la partie concernant les bais sauvages ne lui plaisait pas, mais le premier point de ce programme alluma dans son regard une lueur de convoitise.
— Pourquoi pas ? protesta-t-il.
Je réfléchis un instant. En effet, pourquoi ne pas rester là ? Le monde, dehors, était cruel. Cet endroit était doux, accueillant, agréable et caché. Pourquoi le quitter ? Pourquoi ne pas rester ici pour toujours ?
— Je ne pourrais pas, répondis-je enfin, la voix redevenue grave. Astre, mon loup, je serais malheureux si je devais vivre dans la nature pour toujours. J'ai besoin de... De livres, de vêtements, de meubles... de gens. De choses humaines. Et j'ai besoin d'en apprendre plus sur les Chasseurs. Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Comment s'en protéger ?
Astre resta un instant silencieux. Je savais ce qu'il pensait, mais attendis qu'il le formule.
— Tu veux retourner dans le monde des humains, souffla-t-il enfin, directement dans mon esprit.
Il était un peu blessé que je ne considère pas vraiment la possibilité de vivre dans son monde à lui, la forêt. Nous étions en train de nous rendre compte que nous avions trouvé un compromis jusqu'ici, mais que nous appartenions toujours à des univers différents.
— Je te demande pardon, Astre, je sais que c'est difficile pour toi... Nous ne quitterons pas totalement la forêt, je te le promets. Mais en dehors du fait que je m'ennuierai à mourir dans cette grotte, je ne pourrais pas vivre sans chercher à étudier les Chasseurs, ne serait-ce que pour comprendre d'où je viens. Si Solana était là...
Le visage de la sorcière s'imposa à ma mémoire. Une peine énorme gonfla dans ma poitrine. Je voulais qu'elle me prenne dans ses bras. Je voulais qu'elle me gronde pour la semaine où j'avais abandonné Astre. Je voulais qu'elle me dise que mon loup finissait toujours par dévorer seul, tant il les aimait. Je voulais qu'elle m'embrasse. Je voulais retourner à la maison.
Je me mis à pleurer. Astre me serra contre lui.
— Je te suivrai au bout du monde, Neige. Où que tu ailles, quoi que tu fasses. Si tu veux savoir qui sont les Chasseurs, je chercherai avec toi.
— Merci, répondis-je simplement, serré contre lui. Mais nous pouvons rester un peu ici avant, si tu veux.
Il acquiesça directement dans mon esprit.
— Et maintenant, allons chasser ! lança-t-il sans transition. Je meurs de faim !
Je ris en séchant mes larmes, faisant naitre sur son visage un merveilleux sourire.
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