La ville sans cœur
Neige
Nous comprîmes bien vite que Solaris n'avait rien de commun avec Terdhome. Certes, nous aurions dû nous y attendre de la part d'une ville où on pouvait vendre des gens, mais cette découverte constitua un coup dur pour nous deux.
D'abord, il y eut les marais. Des sortes de flaques nauséabondes où flottaient des corps d'oiseaux et de bêtes mortes, vibrants de mouches avides. L'écorce des arbres qui y trempaient avait pris des teintes grisâtres, décomposées, et les racines qui s'en extirpaient semblaient rongées par l'acide. Nous aurions été obligés de repasser par les routes si Astre n'avait pas été si doué pour se frayer un chemin dans la nature, profitant d'arbres couchés ou de rochers surélevés.
À l'odeur des marais ne tarda pas à se substituer une effluve acre, persistante, qui me fit froncer le nez et crispa tout entier mon pauvre loup, à l'odorat plus sensible. Difficiles à définir, les odeurs semblaient constituées d'un mélange de fumée de charbon, de nourriture avariée, de déjections et de sueur, relevées par une sorte d'arrière teinte salée que je n'arrivais pas à identifier.
Les arbres commencèrent à se faire de moins en moins nombreux, leurs troncs rabougris peinant à constituer la simple illusion d'une forêt. Je voyais Astre trembler de colère à leur vue et faillit lui proposer de faire demi-tour, mais c'est lui qui avançait en tête, décidé, la mine sombre et les poings serrés.
Il était beau, mon loup vengeur... Il avait remis son pagne, mais le mouvement de la lumière sur son corps me faisait trébucher sur toutes les racines.
Puis, enfin, nous nous extirpâmes de cette forêt malade, qui finit abruptement par quelques buissons aux épines revêches. Nous nous trouvions en haut d'un surplomb. À nos pieds s'étendait une ville immense que mon regard survola sans voir vraiment. L'horizon était bleu.
Le souffle coupé, la main glissée dans celle d'Astre, j'admirai pour la première fois l'immensité de l'océan.
Bien sûr, j'en avais entendu parler et j'avais lu des descriptions dans des livres variés, mais jamais je ne m'étais imaginé une telle sensation d'infini, de grandeur et de calme. Pour la première fois de ma vie, rien ne s'interposait entre le ciel et moi. Je me sentais tout petit, terriblement insignifiant, et pourtant étrangement puissant. Instinctivement, je réveillai l'étincelle qui reposait au fond de moi et contemplait la mer avec les yeux de la magie. Son essence ressemblait à celle du vent, incarnation d'un mouvement incessant. Mais si le vent était un enfant farceur, capricieux, l'océan m'évoquait un être très ancien et très sage, aux colères probablement terrifiantes et aux présents merveilleux.
— C'est plus grand que tous les lacs que je n'ai jamais visité, remarqua Astre d'une voix songeuse. Je me demande s'il y a des poissons dedans. Tu penses qu'ils ont le même goût que ceux des rivières ?
— Je ne sais pas, répondis-je, amusé. Probablement pas, puisqu'il me semble que la mer est salée...
— Salée ? Quelle drôle d'idée.
Je ris, car il semblait réellement perplexe.
— Et jusqu'où va-t-elle, cette mer ? reprit-il. Y a-t-il quelque chose de l'autre côté ?
— Personne ne le sait, regrettai-je. Certains pensent qu'elle fait tout le tour du globe, d'autres estiment qu'il y a probablement d'autres terres, d'autres continents...
— Du globe ?
Je lui jetai un regard en coin, ne sachant si je devais être consterné ou amusé.
— Astre, tu sais que la terre est ronde, n'est-ce pas ?
— Ronde ?! Mais... Le sol est plat !
— Il suffit de regarder la lune pour... Enfin, je t'expliquerai plus tard.
— Oui, bonne idée, intervint Calendre. Si tu commences à tenter de lui procurer une éducation maintenant, nous sommes là pour un siècle ou deux.
— Quand on ne sait pas s'orienter tout seul dans la forêt, rétorqua sèchement Astre, on se tait.
— Un point partout, raillai-je en reportant mon attention sur la ville.
Quoique, après Terdhome, je trouvai que donner le nom de « ville » à cet endroit était un peu exagéré. Il s'agissait plutôt qu'une grosse agglomération d'humains et de maisons entassées les unes sur les autres. Les bâtiments de briques sableuses, plus ou moins foncés selon leur état de saleté, se fondaient entre eux en grimpant sur plusieurs étages, emprisonnant dans des tunnels d'ombres les rues tortueuses. De rares véhicules à moteur bousculaient sans vergogne la foule bruissante, dont nous parvenait un inintelligible mélange de conversations, de cris et d'exclamations. Quelques charrettes tirées par des ânes ajoutaient largement aux vacarmes et au désordre ambiant. Je me souvins de toutes les fois où Carol m'avait expliqué le soin qu'il avait pris à dessiner et entretenir les routes de sa cité afin que la circulation se fasse correctement et songeait que le seigneur ou la seigneuresse des lieux n'était pas très doué.
Mes yeux commencèrent à m'envoyer quelques piques douloureuses, rendus sensibles par le trop grand afflux de lumière. Je rabattis un peu plus mon chaperon sur mon visage.
— Comment un être vivant peut-il choisir de vivre dans un endroit pareil ? grommela Astre à côté de moi, le dégoût évident dans sa voix.
— Ils n'ont pas le choix, stupide loup, rétorqua Calendre. Et puis, tout dépend où tu habites dans l'endroit en question...
Il tendit une patte vers la droite. Sur un petit mont surplombant la ville se trouvait un écrin de blancheur, une enceinte dont les murs immaculés tranchaient avec les teintes jaunâtres qui l'entourait. L'enclave était assez grande, certainement plus que le château de Carol et Antoine. À l'intérieur, nous pouvions apercevoir la cime d'arbres en fleurs et de demeures gracieuses agrémentées de peintures, de sculptures et de boiseries. Un magnifique château blanc aux tours effilés veillaient sur le reste, comme un joyau posé sur un tas de purin.
Le regard d'Astre alterna plusieurs fois entre cet endroit et le reste de la citée.
— Ils sont complètement fous, lâcha-t-il, presque impressionné par l'absurdité du paysage.
— Je vais vous laisser méditer sur l'inégale répartition des richesses dans les sociétés humaines, lâcha Calendre d'une voix sardonique, le temps que je nous trouve un guide.
— Un guide ? m'étonnai-je.
— Un guide, répéta-t-il avec une patience forcée, comme devant un enfant un peu lent. Vous ne comptiez pas entrer dans la ville au hasard et poser des questions à tous ceux que vous croisiez, j'espère ?
Devant notre aveu silencieux, il émit un petit claquement de langue dédaigneux.
— Attendez-moi là, lâcha-t-il en secouant la tête. Ne vous faites pas remarquer.
Sur ces mots, il fit volte-face, courut le long de la pente descendante et, d'un bond gracieux, rejoignit un toit en contrebas. Sa silhouette disparue derrière une cheminée, engloutie par la citée.
Ne sachant que faire d'autre, je m'assis, imité par Astre.
Sa main se posa sur ma cuisse.
— Puisque nous devons attendre...
— Astre ! protestai-je en riant. Tu es intenable !
— Toujours, à côté de toi, répondit-il avec un sourire lupin.
Je l'embrassai. C'était la seule réponse possible, après tout.
Je glissai ma main dans la sienne en posant ma tête sur son épaule. Sa joue s'appuya sur le haut de mon chaperon. J'étais si bien...
Nous restâmes longtemps silencieux, fixant la ville en contrebas. Mais plus le temps passait et plus je sentais mon loup devenir nerveux, incapable de repousser l'idée qu'il allait devoir supporter ces rues surpeuplées.
— Nous pouvons encore reculer, offris-je précautionneusement, pour ne pas blesser sa fierté.
— Non, nous ne pouvons pas, répondit-il avec détermination. Je n'abandonnerai pas mes amis.
À mon grand embarrassement, je ne pus retenir un soupir énamouré. C'était sa faute, aussi, avait-on idée d'être si héroïque ?
Il s'écarta légèrement, passa ses mains autour de ma taille et me souleva sans effort apparent pour me poser à califourchon sur ses genoux. Son visage s'infiltra sous mon chaperon. Ses lèvres étaient chaude, familière, pleine de tendresse et de désir.
Finalement, soufflai-je dans son esprit, nous pourrions peut-être...
— Hum, hum.
Nous nous séparâmes d'un bond, surpris. Calendre nous adressait un regard blasé.
Astre avait l'air aussi dépité que si un bol de biscuits s'était évaporé sous son nez.
— Déjà ? m'étonnai-je. Mais... Le guide ?
— Ce ne fut pas très compliqué, rétorqua le félin. Les chats d'ici sont à peine civilisés. Il manquerait d'un rien pour qu'ils utilisent un langage sans paroles, comme les loups. C'est pour dire...
Astre marmonna quelque chose impliquant une brochette pleine de poils tournant au-dessus d'un feu. Calendre l'ignora sagement.
— Bref, reprit le chat, une simple promesse de nourriture suffit à acheter n'importe quel félin à des lieux à la ronde... Mais enfin, laissez-moi vous présenter Riza, qui, d'après ses dires, connaît la ville par cœur.
Notre regard suivit le sien. Une chatte noire se tenait à l'écart, visiblement méfiante. Elle était extrêmement maigre, mais sous sa fourrure abîmée se devinait une musculature aussi développée que celle d'Astre, ou de tous ceux qui avaient grandit dans un environnement sauvage. Une cicatrice barrait son œil gauche, dans la pupille vide fixait le néant. Son oreille droite était légèrement tronquée.
Elle s'approcha de quelques pas et planta son regard dans celui d'Astre.
Je m'attendais à quelques piques, des dos hérissés et des grognements, mais fut stupéfait de voir mon loup hocher la tête avec respect. Riza fit de même, puis tourna la tête vers moi. Mon loup s'approcha pour poser une main possessive sur mon épaule. La chatte hocha la tête de nouveau, un sourire au coin des moustaches.
Je me tournais vers mon loup pour qu'il m'explique l'échange qu'il venait d'avoir avec elle, mais il fit « non » de la tête.
— Pas tout de suite, petit curieux, m'envoya-t-il d'un ton taquin. Je te dirais tout ce que tu voudras lorsque nous seront tous les deux...
— Je ne pense pas que tu seras en mesure de parler à ce moment-là, répliquai-je pour me venger en lui envoyant quelques images brûlantes.
— Traitre ! se plaignit-il en tentant de contrôler son bas-ventre.
— Bien, intervint Riza d'une voix rêche. L'aristo m'a dit que vous aviez besoin d'un guide. Où voulez-vous allez ?
Je m'accroupis, laissant mon loup reprendre contenance.
— Nous aimerions rencontrer la personne qui dirige Solaris, expliquai-je.
La chatte ouvrit des yeux ronds.
— C'est une blague ?
— Non, répondis-je, surpris.
Elle rejeta la tête en arrière et laissa échapper une série de petits sons étouffés, que je mis quelques secondes avant d'identifier comme un rire. Astre grogna dans mon dos. Il détestait l'idée qu'on se moque de lui – ou de moi.
— Quelle rustre, déplora placidement Calendre en secouant le museau d'un air navré.
— Attendez, attendez... hoqueta Riza. On la refait. Vous voulez quoi ?
— Rencontrer la personne qui dirige la cité, répétai-je, légèrement vexé. Le plus tôt possible.
La féline émit quelques nouveaux éclats de rires qui finirent par un drôle de son étranglé.
— Vous êtes formidables, vous trois, lâcha-t-il finalement. Peut-on au moins savoir ce que vous voulez à Dame Jedima ?
— D'abord, lui dire d'envoyer des secours dans la forêt, à l'endroit où sont retenus tous les hommes ayant emprunté le Chemin des Disparus ces dernières années.
La mâchoire de Riza se décrocha.
— Il faudra vous y faire, lui lança nonchalamment Calendre en s'étirant. C'est toujours comme ça avec ces deux-là.
— Ensuite, continuai-je en ignorant sa remarque, il nous faudra de l'aide pour localiser des gens enlevés qui vont êtres « vendus » quelque part dans la cité.
— Rien que ça, soupira Riza avec un demi-sourire. Et moi qui craignais de m'ennuyer aujourd'hui... N'oubliez-pas de me payer avant de vous faire exécuter, surtout.
Elle fit volte-face et commença à marcher en direction de la cité.
— Exécutés ? répétai-je, choqué. Par qui ? Pourquoi ?
— Dame Jedima, répondit-elle laconiquement. Elle n'est pas très commode. Vous me suivez, ou vous comptez rester planté là jusqu'à la fin de l'année ?
Je tendis un bras pour laisser Calendre monter sur mon épaule. Riza lui envoya un regard méprisant, que l'autre félin ignora avec superbe.
Dix minutes plus tard, la ville se refermait sur nous. La chaleur, que je trouvais déjà étouffante, grimpa jusqu'à la limite du tolérable, toute poisseuse de sueur et de déchets en décomposition. Les gens se bousculaient sans se regarder, de plus en plus nombreux au fur et à mesure que nous nous enfoncions dans l'enceinte de Solaris. La plupart étaient vêtu d'une seule pièce de vêtements colorée, quoique délavée, serrée à la taille par une ceinture rudimentaire. Aucun motif, aucun bijoux et aucune fantaisie, comme à Terdhome. La plupart affichaient bien en évidence des assortiments d'armes qui me firent frémir. On ne nous accorda pas l'ébauche d'un regard en tout cas, malgré mon chaperon rouge et la quasi-nudité d'Astre.
Mon loup vibrait de nervosité contenue. S'il y avait déjà trop de gens, d'odeurs et de bruits pour moi, je n'osai imaginer ce que c'était pour lui, qui vénérait le silence des forêts. Sentant sa détresse, que sa stupide fierté le poussait à vouloir masquer, j'attrapai sa main et la serrai fort. Il se rapprocha de moi jusqu'à me coller presque, les yeux ouverts au maximum, comme une bête traquée.
— Cet endroit est malade, gémit-il. J'aurais préféré ne jamais avoir apprit à écouter le chant des villes, si c'était pour entendre quelque chose d'aussi discordant...
C'est vrai que la citée avait tous les symptômes d'un corps en mauvaises santé, jusqu'aux membres putréfiés infestés de parasites.
— Riza, suppliai-je, n'y a-t-il pas un autre chemin ?
La chatte sauta sur la fenêtre la plus proche pour se hisser à ma hauteur. Ses mouvements n'avaient pas la grâce silencieuse d'Astre ou l'élégance raffinée de Calendre. Ils étaient secs, nerveux, défensifs, comme un défis constant à ceux qui l'entouraient.
— Les aristos sont déjà fatigués ? railla-t-elle. À moins de passer par les toits, vous n'avez pas le choix...
— Les toits ! s'exclamèrent en cœur Astre et Calendre, la voix vibrante de soulagement.
Surprise, Riza pencha la tête sur le côté, comme pour nous évaluer.
— Vous n'êtes pas sér...
Elle n'eut pas le temps de terminer. Calendre m'avait échappé pour bondir jusqu'à la gouttière, qu'il escalada en quelques bonds, et lorsque je levais la tête, je m'aperçus qu'Astre était déjà là-haut. Il avait probablement utilisé l'empilement de caisses pourries qui formaient un semblant d'escalier contre le mur fissuré, même s'il était allé trop vite pour que je puisse le certifier.
L'idée d'escalader la façade ne m'enchantait guère, mais l'air de stupéfaction peint sur le visage de Riza était étrangement satisfaisant. Je n'avais rien contre elle, mais c'était assez vexant de la voir douter des capacités de mes amis.
— Neige ! appela mon loup en agitant joyeusement les bras, faisant lever quelques têtes surprises.
— Qu'est-ce qu'ils fichent là-haut ? grommela quelqu'un.
— Des cambrioleurs ?
— Des sauvages ?
— Appelez la milice !
— Neige, répéta Astre en utilisant une langue plus discrète, monte sur les caisses pour nous rejoindre. Dépêche-toi, je crois que les humains s'agitent. Ils sont ridicules vu d'ici, on dirait des fourmis...
Ignorant ses gloussements, je me hissai précautionneusement sur la première caisse, qui craqua sous mon poids.
— Chers étoiles, marmonnais-je en déglutissant, protégez-moi...
J'attrapai la caisse d'au-dessus et tirais sur mes bras. Je sentis mes doigts s'enfoncer dans une surface vermoulue et lâchai malgré moi un cri dégouté.
— Hey ! Toi !
Une main agrippa mon chaperon, si fort que l'attache se défit. Dans un sursaut de frayeur, je me sentis tiré en arrière et retombait lourdement sur le dos. Ma capuche s'ouvrit, libérant mon visage, mes cheveux blancs et mes yeux rouges. Paniqué, je vis la foule se refermer sur moi, leurs visages agressifs et méfiant occupant brutalement tout mon champ de vision.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? lâcha une femme en se penchant sur moi. On dirait...
Elle n'eut pas le temps de terminer. Une silhouette floue atterrit devant elle, un corps sombre aux poings serrés, aux dents sorties comme des crocs, aux cheveux noirs aussi ébouriffés que la fourrure d'un animal et aux yeux féroces, écarquillés, brillants de menaces. La foule eut un mouvement de recul. Quelques cris effrayés résonnèrent ici et là.
Astre se pencha sur moi et me souleva. J'attrapai mon chaperon et m'accrochai à sa poitrine alors qu'il s'élançait à nouveau sur la façade, à peine gêné par le poids que je représentai. Arrivé sur le toi, il me fit signe de passer sur son dos sans un mot et sauta sur la maison voisine, où patientaient déjà Riza et Calendre, visiblement nerveux.
— Par là, lâcha la chatte noire en s'élançant au-dessus d'une ruelle.
Calendre la suivit aussitôt, probablement réticent à l'idée de la laisser ouvrir la marche, et Astre grimpa sur une cheminée pour sauter de plus haut. Je fermai les yeux et m'agrippai à lui en me répétant qu'il ne pourrait rien m'arriver s'il était là.
Les exclamations diminuèrent et disparurent au fur et à mesure que nous nous éloignons du lieu de l'accident, slalomant entre des cheminées craquelées et des tuiles branlantes.
Finalement, Astre s'arrêta et me déposa. Les deux autres l'imitèrent. Aucun des trois n'était essoufflé.
— Ça va ? s'inquiéta mon loup.
— Je... Oui. Merci. Désolé...
Il sourit et prit le chaperon que je serrai en boule contre moi. Il le défit, le défroissa du mieux qu'il put et le drapa de nouveau sur mes épaules. Puis il attrapa la capuche et la fit gentiment glisser sur mon visage, caressant mes joues aux passages. Ses doigts agiles dissimulèrent sous le tissu les mèches blanches qui s'en échappaient. Son visage s'approcha si près du mien que nos lèvres se frôlèrent.
Il sourit. Tout était dit.
Je grimpai de nouveau sur son dos et posai mon menton dans le creux de son cou. Riza hocha la tête et reprit la marche.
— Tu pourrais quand même manger un peu plus, m'envoya-t-il en sautant sur le toit voisin. Tu es si léger !
— Pour ça, il faudrait que tu me laisses quelque chose, me moquais-je gentiment.
— Je te laisserais quelque chose si tu ne mettais pas autant de temps à mâcher !
— Ça s'appelle goûter les aliments, mon loup...
— Je les goûte parfaitement, moi, les aliments !
— Non, c'est leur état normal, entendis-je Calendre soupirer, quelque part devant nous.
Riza secoua le museau d'un air dépassé.
Nous traversâmes la ville en sautant de toits en toits, grimpant progressivement vers son sommet. Quelques exclamations saluaient parfois nos sauts de rues, mais la plupart du temps, notre présence n'attira que des regards blasés.
Puis, enfin, Riza s'arrêta.
Nous étions arrivés.
Devant nous, coupant brusquement les empilements de maisons insalubres, se dressait un mur banc, immaculé.
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