Neige

Comme Solana me l'avait demandé, je m'étais concentré pour plonger à l'intérieur de moi-même, à la source même de mon étincelle. Je m'attendais plus ou moins à trouver une force chaude, rassurante, mais ne rencontrait qu'un vide gelé, un néant abominable qui me déstabilisa complètement. La magie que j'utilisai depuis tout petit ne venait pas d'un feu, mais d'un immense froid.

Stupéfais, je me laissai happer dans cette horrible part de mon esprit, cet endroit mort où rien ne subsistait, et m'égarais instantanément. Tous mes sens semblaient engourdis, mes pensées soudain si lourdes que je peinai à les assembler.

Une présence se dessina, tout près. Un être ancien, dangereux et indifférent, terriblement indifférent. Je sentis, instinctivement, que c'était lui qui avait glissé ce froid en moi. Mais comment, pourquoi ?

J'étais sur le point me perdre moi-même, de m'abandonner et m'oublier, lorsqu'un nom résonna dans mes pensées. Une autre présence s'imposa à moi, chaude, rassurante, familière, mais aussi terrifié.

Astre !

Je m'accrochai à sa présence de toutes mes forces. Le froid ne pouvait rien contre ça, contre nous.

Une étrange question traversa mes pensées. Comment réparer la faute ?

Mais elle ne venait pas de moi, pas vraiment, alors je la repoussai pour mieux me concentrer sur l'étoile qui me guidait, celui qui m'avait offert le monde et la volonté de l'explorer.

J'émergeai brutalement de ma transe pour me retrouver dans le salon, dans les bras de quelqu'un... Quelqu'un qui hurlait de douleur.

— ASTRE ! hurlai-je en m'écartant.

Il s'effondra au sol, inerte, entièrement couvert de givre.

— Astre ! paniquai-je en me laissant tomber à ses côtés. Astre ! Astre !

Mes larmes dévalèrent mes joues gelées comme des tranchées de lave.

— Astre ! Astre ! suppliai-je en me penchant sur lui sans oser le toucher, bouleversé par l'immobilité de ses traits.

Je ne sentais plus sa présence. Non, non, non, non, non... Astre, reviens, reviens, reviens...

— Solana ! criai-je en regardant autour de moi. Solana !

Le givre avait envahi la pièce, recouvert les murs, fissuré la pierre et éteint le feu de la cheminée. La sorcière était allongée un peu plus loin. Elle remuait lentement, visiblement sonnée.

C'était moi qui avais fait ça, c'était moi...

— Astre, hoquetai-je en explosant en sanglots au-dessus de lui, les bras croisés sur la poitrine pour ne pas le toucher, ne pas lui faire plus de mal...

Mes larmes creusaient des trous dans le givre en s'écrasant sur ses joues.

— Astre... Astre...

— Ça va aller, Neige, assura une voix douce.

Une main se posa sur mon épaule. Solana s'agenouilla à côté de moi, l'air grave, mais déterminé.

— So... la... na, hoquetai-je. Il... ne... bou...ge... plus...

Astre, Astre, mon Astre, je t'en prie, je t'en supplie, Astre...

Elle m'écarta pour poser une main sur la poitrine de mon loup. Je sentis son étincelle se manifester quelques secondes avant que le givre ne commence à fondre, rendant à Astre sa peau sombre. D'un claquement de doigt, elle raviva le feu dans la cheminée et réchauffa le givre qui avait envahis les lieux jusqu'à le faire s'évaporer, perdant la pièce dans un brouillard mouillé.

— Astre... gémis-je en osant enfin le toucher.

Mes doigts ne lui firent aucun mal, mais il ne bougeait toujours pas. Je le pris dans mes bras et le serrait de toutes mes forces sans cesser de pleurer. Reviens.

— C'est fini, souffla Solana en caressant mes cheveux. Tout va bien, Neige, c'est terminé. Astre va bien, il va se réveiller. Sèche tes larmes, mon chéri, c'est terminé...

Je me remis à pleurer de plus belle. Je savais qu'elle mentait.