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L'Océan secret

Astre

Neige s'éloignait de moi à nouveau. Je le sentais filer entre mes doigts, aussi magnifique que la lumière du matin et tout aussi insaisissable.

Neige s'éloignait... Pourquoi ? Pourquoi ?

Une seule réponse me venait à l'esprit : il m'avait demandé quelque chose que je n'avais pas su lui donner. Il m'avait dit « je t'aime » et je n'avais pas compris.

Comme je me maudissais d'être si bête, si limité... C'était forcément ma faute s'il s'éloignait, je n'étais pas digne de lui, j'étais trop stupide, trop lent, trop grossier. Il passait ses journées à lire des livres compliqués, à réfléchir à des sujets élevés et moi je voulais simplement courir, coucher avec lui, manger, chasser, exercer mes muscles et profiter du monde physique.

Désespéré, en manque de son corps, de sa voix, de son âme et de sa proximité, je tentais n'importe quoi pour attirer son attention. Vraiment n'importe quoi. Je me promenai devant lui avec ma fourrure enroulée autour de ma taille comme seul vêtement, je prenais des poses significatives en attendant qu'il relève les yeux, je l'effleurai en passant, j'envoyai de façon diffuse mon désir vers lui, comme si je parviendrais à l'influencer... Mais mon manque de subtilité lui arrachaient parfois un sourire, parfois un air coupable, et il retournait toujours à ses horribles livres poussiéreux.

En y repensant, je me rends compte que lorsqu'il s'est écarté de moi, ma seule réaction a été de lui faire comprendre que je voulais coucher avec lui plus souvent, comme si le sexe était la seule chose qui me manquait. Ça n'a pas dû arranger la situation.

En plus, il y avait cet autre humain qui traînait toujours autour de lui. Carol. Ils passaient des heures entières à discuter de choses que je ne comprenais pas, à rire et à échanger des plaisanteries qui ne faisaient rire qu'eux, jusqu'à ce que Neige s'endorme dans la bibliothèque au lieu de me retrouver dans la chambre.

Lorsque je les voyais ensemble, une flamme brûlante et vicieuse s'allumait dans ma poitrine, me poussant à détester Carol qui, pourtant, ne m'avait fait aucun mal. Mais pourquoi avait-il le droit de parler à Neige – mon Neige –, de passer du temps avec lui, et pas moi ? C'était injuste ! Neige ne lui appartenait pas !

Bref, je découvris la jalousie et je n'en appréciais pas du tout le goût.

Le manque de la forêt n'aidait pas. Chaque jour, les murs du château semblaient se rapprocher, les plafonds s'abaisser, les fenêtres s'étrécir et l'air se raréfier un peu plus. Je le cachais à Neige, mais j'étais mal, vraiment, vraiment mal. En plus, j'étais persuadé que c'était la ville qui nous séparait ainsi, et que si nous retournions dans la forêt, nous retrouverions aussitôt notre lien. Je serais son guide et son protecteur, comme je le lui avais promis le jour de notre rencontre. Un loup en ville ne servait à rien.

Était-ce pour cela qu'il s'éloignait ? Parce que j'étais devenu inutile ? Non, Neige...

Heureusement, il y avait Antoine. Le bibliothécaire, malgré son déplorable métier – j'en étais venu à détester les livres – avait l'âme semi-lupine. Neige m'a dit plus tard que ce n'était pas possible, mais je sais de quoi je parle. Quelque chose chez lui venait de la forêt.

Me voyant misérable et seul, et visiblement vexé que cet horrible Carol ne lui accorde plus une miette d'attention, il me proposa de la nourriture jusqu'à ce que j'accepte de le suivre et m'emmena me promener en ville.

À la fin de la première semaine, c'était déjà devenu une routine : nous nous rejoignions dans la bibliothèque où Neige et Carol avaient immanquablement passés la nuit. Nous leur apportions le petit déjeuner. Nous constations qu'ils étaient trop occupés par des questions absurdes (qui se soucie de savoir si le feu peut devenir froid ? Si les nuages ont un esprit volatile ou liquide et si les oiseaux peuvent chanter à l'envers ?). Puis nous prenions la fuite.

J'avais l'impression qu'Antoine n'aimait plus sa bibliothèque lorsqu'elle était occupée par leurs questions sans fins, de toute façon. Nous passions en cuisine chiper les victuailles nécessaires (il était plutôt doué) et nous nous arrêtions dans une salle pleine d'humains à l'air ennuyé auxquels Antoine expliquait patiemment que Carol ne pourrait pas venir aujourd'hui car il était malade, se consacrait à une affaire urgente, ou d'autres excuses que je n'écoutais pas.

Et, enfin, nous sortions du château. Je désirai plus que tout retrouver un ciel peuplé de branches d'arbres, mais je me contentai d'une voûte hérissée de cheminée. Nous parlions peu. Il m'emmenait dans les endroits les moins peuplés de la ville, me faisant découvrir un jardin prisonnier de barrières en fer, un potager caché, une fontaine ou une construction que nous pouvions escalader à loisir. Il se débrouillait bien, malgré sa jambe raide. Avant l'attaque du Chasseur, il devait grimper comme un chat.

Oui, un chat. Ces sales bestioles étaient partout. C'était eux, les véritables maîtres de Terdhome. La moitié des humains l'ignorait et l'autre acceptait cette domination avec un zèle ignoble, les nourrissant et les laissant vaquer à leur guise. Pauvre fous. Je me serais battu jusqu'à la mort pour ne pas me retrouver sous l'égide d'une de ces créatures à la langue trop aiguisée. Même Annuka, qui m'avait paru forte et raisonnable, ne se déplaçait jamais sans Monsieur Calendre sur son épaule. Le félin et moi nous dévisagions de loin, nos regards suffisant à transmettre au mieux nos pensées. J'entendis plusieurs fois Annuka parler en aparté à Carol d'objet anciens et de zone à explorer, mais ne restait pas assez longtemps dans les parages pour en tirer quelque chose de vraiment intéressant.

Une après-midi, vers la fin de la troisième semaine, Antoine remarqua que j'étais au plus bas – Neige venait de me faire comprendre qu'il ne comptait toujours pas partir – et me proposa une petite distraction.

Une demi-heure plus tard, nous courrions comme des dératés sur les toits de la ville, poursuivis par une horde de chat sifflants et feulant, prêt à venger leur congénère ayant malheureusement glissé dans une fontaine.

Mon propre rire me parut étrange. Cela faisait-il si longtemps que je ne l'avais pas entendu ? Probablement. Mais avais-je le droit de rire sans Neige, de m'amuser sans lui, alors que j'avais faillis, que je n'avais toujours pas trouvé de réponse à ses questions ?

Ma joie, hélas, ne dura pas longtemps.

Antoine nous ramena au château, nous fit faire un crochet par les cuisines et nous guida jusqu'au fond de la bibliothèque, près de la grande cheminée. Il était tard et nous étions tous les deux fatigués. Neige et Carol, dans notre dos, discutaient avec animation du prénom des étincelles, ou quelque chose du genre. Comme je n'avais jamais accepté de troquer ma fourrure contre un quelconque vêtement et que le feu brûlait avec ardeur, je commençai à avoir très chaud. Je retirai donc naturellement la peau de loup pour la nouer à ma taille, appréciant l'air sur mon torse humide.

Le mouvement attira l'attention de Neige, qui m'envoya involontairement quelques pensées brûlantes. L'espace d'un instant fugace, je me vis par ses yeux...

— ... ta silhouette découpée par le feu, les flammes qui jettent sur ta peau sombre des reflets luxurieux, tes cheveux longs, emmêlés, qui appellent la caresse de mes doigts, ta posture presque allongée qui dévoile tes cuisses fermes...

Je lui souris de toutes mes dents.

Je croyais que tu ne voulais pas penser à ça en public ? lui envoyai-je en le taquinant.

Mais je ne pus, hélas, m'empêcher d'ajouter :

Au moins, je te fais encore de l'effet.

Il sursauta en recevant cette pensée et je sentis sa confusion – apparemment, il n'avait jamais imaginé que je puisse songer une chose pareille –, aussitôt remplacée par une immense culpabilité. Son esprit se referma d'un coup, comme un piège à loup. Tout aussi douloureux.

Carol – maudit soit-il ! –, qui n'avait rien remarqué de notre échange, lui posa une question, déviant son attention. Je soupirai profondément et ramenait mes genoux contre ma poitrine. Je n'avais plus si chaud, soudain.

— Astre ? m'interpella timidement Antoine.

— Moui ? répondis-je distraitement, mon regard toujours fixé sur Neige, sa peau si pâle dans la pénombre de la bibliothèque, ses yeux brûlant de passion alors qu'il parlait de je ne sais quoi, et... mais... depuis quand ne portait-il plus son chaperon rouge ?

Effrayé – ce chaperon était ce qui nous avait réunit, le symbole de notre serment – je fouillai dans ma mémoire. Il avait cessé de le porter à la fin de la première semaine, lorsqu'il avait rompu sa promesse de ne pas s'éterniser en ville.

J'en étais encore à me demander ce que cela pouvait signifier lorsque Antoine répéta :

— Astre ?

Je soupirais et me tournais vers lui en grommelant quelque chose l'encourageant à développer. Moi aussi, je pouvais faire preuve de sacrifice pour mes amis, parfois. Il se mordit la lèvre, un tic qu'il avait lorsqu'il hésitait.

— Je... heu... Je suis vraiment désolé si je me trompe, commença-t-il, mais la pensée m'obnubile... Neige et toi... comment dire...

— Neige et moi ?

Pour l'amour de la lune, pourquoi le langage humain était-il toujours si lent ?

— J'aurais peut-être l'air ridicule, soupira-t-il, mais tant pis. Est-ce que Neige et toi pouvez parler par la pensée ? Parfois vous vous regardez subitement et vous souriez... Ou juste avant de prendre une décision, vous échangez un regard et l'un parle pour les deux... Sans compter que vous discutez souvent entre vous sans finir la moitié de vos phrases et que vous semblez toujours être conscient de la proximité de l'autre...

Nous utilisons le langage des loups, lui répondis-je avec un sourire qui devait briller de malice.

Il fit un formidable bond en arrière, bascula et s'écrasa sur le sol. Carol releva la tête de son livre pour lui jeter un regard surpris, mais constatant qu'il n'avait rien, revint à son étude.

— Qu'est-ce que... qu'est-ce que... balbutia le pauvre bibliothécaire en se redressant.

Les loups n'utilisent pas un langage aussi limité que vous autres, lui appris-je en m'amusant de son incrédulité mêlée d'émerveillement. Tu as un esprit très ouvert, Antoine, et très libre. Il n'est pas trop difficile de communiquer correctement avec toi, maintenant que je te connais.

Bien sûr, c'était bien moins simple, moins rapide et moins intuitif qu'avec Neige ou qu'avec un autre loup. C'était comme être habitué à une vitre claire, pratiquement invisible, et se retrouver face à une fenêtre embuée sur laquelle je devais me concentrer au maximum pour regarder de l'autre côté. Une infime partie de ce que je voulais transmettre arrivait à passer, mais c'était toujours mieux qu'en humain.

— Je... Je peux te répondre, aussi ? bégaya-t-il toujours béat.

Ouvre ton esprit. Ressens ce que tu veux me communiquer, visualise-le à travers tes sens et tes affects.

Je veux parler loup !

Son visage s'illumina. Ses pensées me parvenaient de très loin, comme l'écho du fond d'un gouffre, mais pour lui, c'était sans doute phénoménal.

Je parle loup ! Je parle loup ! Il faut que je le dise à Carol ! Il ne va pas en revenir ! Il va peut-être laisser tomber ses fichues livres de magie qui lui donnent des faux espoirs ! Est-ce que je peux communiquer avec lui ainsi ou...

Il s'arrêta, les joues rouges, les mains devant la bouche, l'air plus choqué et embarrassé que jamais. Lorsqu'il m'avait transmis l'idée de Carol, il m'avait envoyé l'image qu'il en avait. C'est-à-dire celle d'un être splendide pour lequel il ressentait une affection, une admiration et une reconnaissance, sans bornes, teintée d'une passion lancinante, douloureuse, presque infinie, d'un désir brûlant, d'une inquiétude tenace et, à ma grande surprise, d'une pointe de jalousie pour l'attention qu'il donnait à Neige.

J'explosai de rire devant sa mine défaite.

Eh oui ! On ne peut rien cacher dans le langage des loups...

— Ça explique pourquoi tu parles toujours aussi crument, lâcha-t-il, toujours embarrassé.

Je supposai qu'il m'en voulait encore pour la fois où je lui avais demandé où trouver du lubrifiant.

Mon éclat de rire avait attiré l'attention de Neige et du seigneur humain, qui nous regardaient en souriant. Antoine n'aurait pas été plus rouge s'il s'était recouvert de sauce à la tomate.

— Que se passe-t-il ? s'enquit mon humain, curieux.

— J'apprends des choses à Antoine, répondis-je en tentant de me donner un semblant d'importance.

Moi aussi je pouvais avoir l'air mystérieux et savant.

— Ménage-le, s'amusa Neige avec un éclat d'affection.

Si nous avions été seuls, je lui aurais sauté dessus. Il dut le ressentir, car il rougit et se racla la gorge. Carol, qui n'avait pas l'air de comprendre la moitié de ce qu'il se passait, adressa un sourire à Antoine, puis revint à ses élucubrations.

Le bibliothécaire soupira.

— Tu as envie de lui, n'est-ce pas ? soufflai-je dans son oreille.

Il s'étrangla de nouveau, mais parvint à ne pas faire trop de bruits, cette fois.

— Astre ! protesta-t-il en rougissant de plus belle.

Je trouvais cela plutôt amusant que ce soit un adolescent de quinze ans – presque seize ! – qui embarrasse autant un adulte.

— Pourquoi ne lui dis-tu pas ? m'enquis-je tout bas en continuant à utiliser la langue humaine.

Le pauvre avait déjà eu assez d'émotions fortes pour ce soir.

— Lui dire ? répéta-t-il.

Sa voix se brisa sur le dernier mot. Le rouge de ses joues disparus et son regard brillait de larmes contenues. Mon cœur se serra. Il fixait Carol avait tant d'intensité que j'aurais pu tracer la ligne de son regard dans l'air.

— Je suis un bibliothécaire sans le sou, sans titre, sans origine et avec une jambe raide, expliqua-t-il tristement. Je ne suis même pas beau, Astre, ou spécialement intelligent. Lui, c'est le plus grand seigneur que la ville ait jamais connu, le descendant d'une longue lignée noble, un génie de la mécanique, de l'histoire et de la politique, l'homme le plus généreux du monde et probablement plus beau que les anciens dieux eux-mêmes...

— Mais si, tu es beau, le coupais-je, étonné. Par contre, je ne comprends pas très bien le rapport avec vos parents et le fait que tu vives dans une bibliothèque. Encore une coutume humaine ?

— Astre, tu sais que je ne vis pas dans cette pièce, n'est-ce pas ? J'ai une chambre, autre part au château.

— Je sais, tu me l'as montré, une fois. Mais elle est remplie de livres, donc je la compte comme une bibliothèque.

Il laissa échapper un petit rire.

— Sinon, mon ami loup, oui, c'est bien une coutume humaine d'éviter les relations entre les personnes de rangs sociaux trop différents.

— De quoi ?

— De rangs sociaux, Astre... J'ai entendu Neige te l'expliquer au moins dix fois !

— Même pas vrai...

Il sourit devant cet évident mensonge, puis soupira, son regard de nouveau lointain.

— Mais ce qui m'arrête vraiment... C'est que nous sommes amis. Vraiment, vraiment amis. Nous passons nos journées ensemble, lorsqu'il n'y a pas de Croisé pour accaparer tout son temps. Ne fais pas cette tête, tu sais que j'aime beaucoup Neige, mais tu ne vas pas prétendre que ça ne t'exaspère pas de les voir tous le temps collé l'un à l'autre !

Mon expression me trahit. Nous savions tous les deux qu'il ne s'agissait pas d'attraction, car Neige était adolescent et Carol bien adulte, mais c'était tout de même vexant.

— Il est l'être le plus important de mon univers, continua Antoine d'une toute petite voix. Et si je lui avouais mes sentiments et qu'il ne les partageait pas ? Rien ne serait plus pareil entre nous et je préfère vivre dans le doute toute ma vie plutôt que de risquer de le perdre, lui. Tu comprends ?

J'hésitai.

— Je ne suis pas certain... Je n'ai jamais vécu cette situation. Les loups ne dissimulent pas leurs désirs.

— Si seulement il ne s'agissait que de désir...

Je fronçai les sourcils. Lui aussi allait utiliser des mots incompréhensibles ?

— Finalement, souffla-t-il en fixant le vide, j'ai le double de ton âge et je suis dix fois plus timide que toi... Comment vous êtes-vous rencontré, avec Neige ? Tu lui as sauté dessus directement ? Comment t'es-tu confessé ? Je suis à peu près certain que c'est toi qui as fait le premier pas... ou le premier bond.

— Confessé ?

— Que tu lui as dit que tu l'aimais.

Ah. Nous y voilà. La Chose Incompréhensible. L'Énigme. Le Mot Humain.

— Il m'a dit qu'il m'aimait, répondis-je, incertain, mais moi, je ne le lui ais jamais dis... Je ne suis pas certain de bien en comprendre le sens.

Il ouvrit des yeux stupéfaits.

— Tu n'as jamais... Astre, mon ami, es-tu en train de m'affirmer que pendant que je me languis désespérément d'un homme que je n'aurais jamais, toi, qui possède de toute évidence le cœur de la personne que tu désires, tu ne lui as jamais parlé de tes sentiments ?!

— Mais puisque je te dis que je n'y comprends rien à cette histoire « d'amour » et de « poésie » ! m'énervai-je à mi-voix.

— De poésie ? Quel rapport ?

— Rapport des choses humaines qui n'ont aucun sens ! Neige est à moi, je suis à lui, nous en avons fait le serment, et nous épuisons notre désir charnel l'un pour l'autre dès que nous le pouvons et le voulons. Qu'y aurait-il d'autre à faire ? Pourquoi les humains viennent toujours tout compliquer ?!

— Vous vous êtes mariés avant de vous confesser ?! glapit Antoine, choqué. Mais les enfants, vous faites tout à l'envers !

— Je suis pas un enfant, grommelai-je dans ma barbe.

Il secoua la tête en souriant doucement, faussement désabusé.

— Explique-moi, demandai-je plaintivement. S'il te plait... Je n'y comprends rien. Qu'est-ce que Neige attends de moi ? Qu'est-ce qu'il veut ? Dis-moi, Antoine...

J'avais envie de pleurer à présent. Que quelqu'un m'aide, que quelqu'un m'explique...

— Si Neige t'aimes, répondit doucement le bibliothécaire, et je ne doute pas une seconde que ce soit le cas, alors il veut probablement que tu l'aimes en retour. Il veut être certain que tu vois plus en lui qu'un moyen d'assouvir tes désirs. J'ai remarqué que lorsque tu parles de ce que tu ressens pour lui, tu ne parles que de... heu... eh bien, de sexe. Mais tu l'aimes, n'est-ce pas ?

— Par pitié, gémis-je, explique-moi une bonne fois pour toutes. C'est quoi, « aimer » ?

— C'est... C'est...

Il tourna son regard vers Carol, qui étudiait un texte à la lueur de la bougie, et son visage s'adoucit jusqu'à s'illuminer de l'intérieur.

— Aimer, c'est compliqué, Astre. Je sais que tu veux rester attaché à ce que les loups t'ont appris, mais tu ne peux pas vouloir vivre avec un humain et ne pas chercher à le comprendre. Quoi que tu en dises, tu es en partie humain et rejeter en bloc tout ce qui ne rentre pas dans cette vision du monde ne va pas t'aider. Pardon, je ne voulais te faire la morale comme ça, c'est juste... Ce que je pensais.

Je ne répondis rien, plongé dans mes réflexions. D'accord, peut-être était-ce stupide de ma part de toujours penser que les loups avaient raison et qu'il n'y avait rien d'intéressant à considérer dans la manière de faire des humains.

— Tout ça pour te dire, reprit Antoine, qu'il est difficile d'expliquer l'amour. Aimer va au-delà du désir charnel. Tu voudrais toujours de Neige s'il ne pouvait plus coucher avec toi, n'est-ce pas ?

— Évidemment.

Ce n'était même pas une question.

— Être amoureux, continua le bibliothécaire, c'est lorsque la simple existence de cette personne suffit à te combler de joie. C'est lorsque tu te trouves près à n'importe quoi pour le plaisir de le voir sourire et peut-être plus encore pour que ce sourire s'adresse à toi. C'est une chaleur merveilleuse qui te prends lorsqu'il te parle, quelque chose qui brûle presque et qui peut, parfois, faire mal. Tout à tellement plus de sens quand il est là. Tout ce qu'il fait, tout ce qu'il est t'émeus. Tu as juste envie de le prendre dans tes bras, de lui dire qu'il est extraordinaire, que tu arrives à peine à croire qu'il puisse exister. Tu te noies dans ta propre tendresse, dans les caresses que tu n'oses pas donner. La simple idée de le voir pleurer te donne envie de le serrer contre toi jusqu'à lui faire oublier le reste du monde. Tu aimerais lui donner une part de ta vie, ou peut-être ta vie entière, même s'il ne saurait qu'en faire. Tu aimerais qu'il soit avec toi pour toujours, car la simple certitude de l'avoir à tes côtés t'emplirait de bonheur. C'est... C'est aussi l'élan de ton corps vers le sien, l'envie de se mêler à lui, de ne plus jamais briser le contact qui vous lie... C'est la certitude absolue qu'une part de ce que tu es lui appartient, pour le meilleur et pour le pire. C'est l'envie délirante qu'il partage tout ce que je viens de dire. C'est... C'est affreusement compliqué, je suis désolé, je n'arrive qu'à sortir de terribles banalités. Tu comprends ?

Je me tue un instant. Si je comprenais ? Chacune de ses paroles était une pensée que je dédiais à Neige, mon Neige, mon petit humain au regard profond, si fragile et si fort, si puissant et si intelligent, si beau de l'âme et du corps. Mon Neige dans tous ses états, du sourire à ses larmes, de ses rires à ses cris, de ses joies à ses colères, de ses fatigues à ses désirs...

Comment avais-je pu penser que cela se limitait à du désir ? Comment avais-je pu envisager un pareil sacrilège ? Ce que je ressentais pour Neige allait bien au-delà !

Je ressentais... Tout, absolument tout à la fois. Maintenant que je daignai enfin l'examiner, je trouvai mon âme emplie d'un océan immense aux vagues insaisissables, aux profondeurs insondables et aux courants puissants, une tempête de sentiments qui s'entrechoquaient sans s'arrêter. Ce que je ressentais pour lui n'était pas si simple que je l'avais cru, mais c'était beau. C'était sublime. Je me sentais tout petit face à cette force au fond de moi, cette chose qui me poussait vers lui. J'eus soudain si terriblement envie de me lever pour l'embrasser que j'en eus le vertige.

— Ah... balbutiai-je seulement, complètement déboussolé.

Je comprenais, enfin. Neige m'avait dit qu'il m'aimait. Qu'il ressentait tout ça pour moi, toutes ces choses formidables... Oh, par les étoiles, comme j'étais heureux !

Il m'aime ! Il m'aime ! Les mots dansaient comme des fous dans ma tête. Il m'aime !

Mais je ne lui avais jamais répondu...

Eh bien, il me suffirait de le faire, n'est-ce pas ? J'irais vers lui, tout simplement...

Simplement ? Mais rien n'était plus simple à présent ! Mon monde en noir et blanc venaient d'exploser en fragments de gris. Je ne m'étais jamais senti si vulnérable de ma vie. Avouer l'existence de tous ces sentiments que je venais de me découvrir ne serait-il pas trop ? Pouvais-je me permettre d'être si fragile devant qui que ce soit, serait-ce l'origine même de cette fragilité ?

Je lançai à Antoine un regard complètement paniqué.

— Bienvenue dans la galère des humains, petit, lâcha-t-il d'une voix goguenarde.

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