L'emprise de l'eau
Astre
Je sentis mon corps s'envoler, projeté à toute vitesse dans un mélange impossible de ciel, de ville et d'eau, aussi insaisissables que des étoiles filantes.
Puis le choc.
Et l'eau, l'eau glaciale, l'eau partout, tout autour de moi, qui m'enlaçait, m'engluait et m'emprisonnait dans son étreinte empoisonnée, m'entrainant implacablement vers un abîme de ténèbres, loin, de plus en plus loin du ciel.
Mes poumons n'étaient plus que deux boules de feu compactes qui dévoraient ma poitrine de l'intérieur tandis que le froid emportait le reste de mon corps, volant une par une mes sensations.
La douleur finit par s'éloigner elle aussi, comme les étoiles, tout la haut, que je ne voyais plus briller.
Se détachant curieusement de mon corps, mon esprit retrouva un semblant de lucidité.
Je coulais.
Neige, songeai-je, à la recherche d'une ancre, d'une corde à laquelle m'accrocher. Neige...
Mon âme frôla la sienne. Mais à la place de son habituelle tendresse brûlait un feu haineux, un brasier qui le consumait avec une violence inouïe.
Non, non, Neige ne pouvait se laisser emporter par une telle colère, elle allait le briser !
— Neige... appelais-je en tentant de mobiliser pensées de plus en plus lourdes.
Les étoiles s'étaient complètement éteintes.
Il faisait froid, vraiment, vraiment froid, dans ce gouffre obscur et silencieux. Une part de moi voulait se battre, bouger les bras, remonter, nager, s'enfuir...
Mais tout était si calme.
Si paisible.
J'étais si fatigué.
— Neige... appelai-je une dernière fois, car si c'était vers la mort que je m'enfonçais, il devait être ma dernière pensée.
— Astre !
L'impression de son esprit contre le mien me réchauffa subitement, comme s'il m'avait insufflé inconsciemment une part de son énergie.
Je devais vivre ! Je devais me battre ! Je devais le retrouver et le protéger !
Je mobilisai assez de force pour bouger mes bras et luttai contre l'eau si épaisse et si lourde que j'avais l'impression d'avoir été enterré vivant. Mais je n'étais pas mort, pas encore ! Dans un sursaut de conscience, je détachai ma fourrure, qui sombra en m'allégeant d'un poids incroyable.
Ma vue commença à se voiler. Je battais frénétiquement des bras, faisant réapparaitre les étoiles au fur et à mesure que je m'approchai de la surface, du ciel, de la lumière, et de Neige.
Mon corps me hurlait d'ouvrir la bouche pour respirer alors que ma conscience m'interdisait d'y céder, sachant que l'eau n'attendait que ça pour s'infiltrer en moi et me glacer de l'intérieur, étouffant ce qu'il me restait de vie. Mon cœur battait à toute allure contre mes tympans, l'écho se répercutant si fort que j'en tremblai à chaque fois, comme heurté d'en-dedans.
Mon visage creva la surface avec une violence inouïe. Mes lèvres s'ouvrirent d'elle-même, aspirant désespérément l'air bénie de la nuit, qui m'étrangla et me fit tousser. Un bruit de crépitement assourdissant m'enveloppait. Que se passait-il ?
Il pleuvait... Il pleuvait si fort que les gouttes m'enfonçaient en heurtant ma peau, menaçant de me couler à nouveau.
Mes pensées n'avaient plus aucun sens, aucune cohérence. Mon esprit était réduit en lambeaux, mêlant l'impératif de survivre au visage de Neige et la fatigue qui me rongeait les os à l'eau qui tentait de m'aspirer à nouveau.
Paniqué, je luttai de façon désordonnée pour ne pas me laisser prendre une nouvelle fois à la noirceur profonde et silencieuse du lac. Je savais que si je replongeai, je n'en ressortirai plus jamais.
Ma main heurta un objet. Je m'en saisis avec la force du désespoir, convoquant tout ce qu'il me restait d'énergie pour m'y agripper, lever ma jambe et me laisser retomber dessus.
Ma joue se posa sur du bois froid. Mes yeux s'étaient déjà fermés.
Le monde se délita petit à petit et disparu complètement.
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