Ce qu'il nous reste
Un magnifique fanart de Kyoyume !! :3
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Astre
Fou de rage et de peine, j'allais me jeter sur le Chasseur endormi lorsque Neige fit volte-face pour s'enfuir dans les bois. Je n'hésitai qu'une demi-seconde avant d'abandonner ma revanche pour lui courir après, terrifié à l'idée de le voir disparaître lui aussi.
En y repensant, nous l'avons probablement échappé belle. Si j'avais réveillé le Chasseur, aucun de nous ne serait là pour raconter cette histoire...
Alors que je quittai la clairière, l'esprit de Neige se coupa du mien. Ce fut si brutal, et le vide qui prit sa place si abyssale, que je m'arrêtai, comme frappé.
— Neige ?
Rien.
Oh non... nononononononon...
Complètement paniqué, je me remis à courir comme un fou, fouillant la neige à la recherche d'une tâche rouge en priant pour trouver un chaperon, et non...
Les restes abominables du villages filèrent dans ma mémoire.
Neige, Neige, où es...
Là !
Il était là. Recroquevillé sous un arbre, emmitouflé dans son chaperon tâché de boue et de sang. Il pleurait à gros larmes, hoquetant si fort qu'il criait presque. Chaque sanglots était comme un coup dans mon propre cœur, déjà endommagé. Je pouvais envisager de survivre à ma peine. Je ne pouvais pas supporter la sienne.
— Neige... murmurai-je en m'approchant de lui. Neige...
Il continua à pleurer. Je le pris dans mes bras et le serrai fort, le plus fort possible, alors que mes yeux aussi commençaient à bruler et que des larmes brûlantes dévalaient mes joues.
Nous pleurâmes tous les deux jusqu'à nous exténuer. Il s'endormit dans mes bras, sans relever une seule fois la tête vers moi. Je ne réussis pas à trouver de repos. Mon esprit était vide. Mes pensées à l'arrêt. Je savais que nous devions fuir, nous éloigner le plus possible du monstre qui dormait dans notre maison, mais je n'avais plus de force.
Je me sentais horriblement seul, plus seul que je ne l'avais jamais été de toute mon existence, sans la Meute, sans Solana.
Et sans Neige, qui se coupait toujours de moi.
La nuit passa sans que je la remarque vraiment, englué que j'étais dans la noirceur de mes propres sentiments. Lorsque l'aube apparut, blessant le ciel ensanglanté, je me forçais Neige à le relever et lui prit le poignet.
Ça me crevait le cœur de devoir le tirer derrière moi comme un poids mort, le pousser, l'obliger à me suivre au milieu des arbres et des racines. Il ne dit rien, les yeux fixés sur le sol. Je ne savais pas quoi faire, à part continuer à avancer.
Nous marchâmes en silence tout le jour suivant, puis celui d'après et d'après encore. Neige ne parla pas une seule fois, ni dans le langage des hommes, ni dans celui des loups. Nous ne nous trouvions peut-être qu'à quelques centimètres d'écart, mais il était bien trop loin de moi pour que je puisse l'atteindre, perdu dans d'autres paysages, probablement des villages en ruines, des cadavres massacrés et des géants dormant dans des maisons de sorcières.
C'était la première fois depuis notre rencontre que je ne savais pas ce qu'il pensait, et, hélas, c'était aussi la fois où j'avais eu le plus besoin de lui. Je n'avais jamais été seul de toute ma vie auparavant. Je ne savais pas quoi faire de toutes ces pensées, tous ces sentiments douloureux qui s'agitaient au fond de moi en me blessant cruellement. J'essayai de lui parler, de le faire réagir, mais finissait toujours par gémir lamentablement, comme le font les loups blessés en quête d'attention.
Les nuits étaient bien pires. Lorsque la fatigue me forçait à m'endormir, je sombrais dans des gouffres profonds dont je ne parvenais jamais complètement à ressortir. Je voulais si fort cesser de penser à la douleur de Neige, à la distance entre nous, à la mort de Solana et à l'éloignement de la Meute que je ne pensais plus à rien. Rien du tout. Je me concentrai sur le vide et je le laissai m'envahir. Je ne m'étais jamais senti aussi petit et perdu de toute mon existence.
Neige, lui, dormait mal. Il s'agitait, se retournait, pleurait dans son sommeil et se réveillait en hurlant des suites de paroles incompréhensibles ou en appelant Solana. Une fois, je l'ai entendu murmurer quelque chose à propos de « petits animaux », et un frisson glacé m'a parcouru la peau. Mais il dormait loin de moi, en me tournant le dos, et ne m'a pas appelé une fois.
Parfois, je me demandai s'il m'en voulait. Après tout, j'avais dit du mal des humains, et donc de Solana, juste avant d'entrer dans le village, et je n'avais pas réussit à le protéger malgré la promesse que je lui avais faite le jour où nous nous étions liés. C'était peut-être idiot, mais la culpabilité me faisait sombrer encore plus profondément dans la noirceur qui avait remplacé mes pensées. Si j'avais forcé Neige à fuir avec Mère-de-tous... Si j'avais couru plus vite en quittant le village...
Les premiers jours, je craignais que le Chasseur ne nous rattrape, car nous avancions très lentement, mais il avait dû prendre une autre voie. Nous aurions probablement pu arrêter notre fuite, mais j'avais peur de ce qui arriverait si nous cessions d'avancer.
Une semaine s'écoula dans ce silence pesant. Chaque jour, je perdais un peu plus espoir de retrouver Neige. Chaque nuit, le vide et la douleur m'engloutissaient un peu plus.
Le sang avait fini par sécher, puis partir de mes pieds et mes jambes nus, mais il tachait encore ma fourrure et les habits de Neige, qui ne semblait pas s'en apercevoir. Nous mangions des fruits, des champignons, des racines comestibles, n'importe quoi qui nous tombait sous la main. J'avais atrocement faim, mais je m'en fichais. Je le méritai. Neige ne voulait plus de moi. J'avais tout perdu. J'avais envie de mourir.
Le huitième jour, alors que nous titubions de fatigue et de faim, nous sommes arrivés devant l'entrée d'une grotte, un trou sombre au milieu d'un mur gris. J'ai attiré Neige à l'intérieur, songeant distraitement que ce serait un bon abri pour la nuit.
Il faisait beaucoup plus chaud dedans. Un drôle de murmure, comme un bruissement continu, résonnait dans l'air. Étonné, trop fatigué pour se soucier de notre sécurité, j'ai guidé Neige jusqu'à la source du bruit, traversant trois ou quatre salles creusées par la force des ans. La chaleur grimpait au fur et à mesure que nous avancions, créant d'agréables frissons sur ma peau gelée.
Nous finîmes par déboucher sur une grotte plus grande, comme une petite maison. Le plafond était percé, probablement victime d'un éboulement lointain. Un rai de lumière en profitant pour s'infiltrer à l'intérieur et faire scintiller la source qui bouillonnait dans un petit lac entourée de mousse. L'hiver n'avait pas réussi à atteindre les buissons et les champignons qui courraient le long des façades, protégés par la chaleur de la source.
Je me tournai spontanément vers mon amant pour lui dire que c'était la première fois que je voyais de la végétation sans neige, mais ma voix s'étrangla et se bloqua au fond de ma gorge. À quoi bon ? Il ne disait plus rien, ne répondait plus à rien depuis que nous étions partis. Son silence me faisait mal. Il me rappelait trop celui de Solana.
Il me soufflait que je l'avais perdu.
Je le lâchais. Il resta un instant immobile, puis sans m'accorder un regard, se déshabilla et se dirigea vers la source. Son corps pâle, plus maigre que ce à quoi il m'avait habitué, s'enfonça sans bruit dans l'eau du bassin. Il marcha jusqu'au milieu du petit lac et s'assit les bras autour des genoux, le menton effleurant la surface. Ce n'était visiblement pas très profond.
Je retirai ma fourrure souillée et le suivi. Un soupir m'échappa lorsque l'eau chaude enveloppa mon corps, détendant mes muscles crispés. J'hésitai légèrement avant de m'asseoir en face de lui, car je craignais qu'il ne veuille pas de ma présence, mais la taille du bassin ne me laissai pas beaucoup de choix.
Je le regardai un long instant, contemplant les cheveux blancs qui effleuraient la surface de l'eau. Même ainsi il était beau. Je fouillai du regard son visage, à la recherche d'une expression, ne serait-ce qu'une minuscule étincelle, qui m'assurerait qu'il était bien là, avec moi...
Mais je ne trouvais rien.
J'abandonnai. Ma peine se fit soudain trop grande, trop importante, comme une marée qui monte et finit par submerger la dune. Je me mis à pleurer doucement, en silence, déversant de façon dérisoire tout mon désespoir. Les larmes faisaient un bruit de pluie en heurtant la surface de l'eau. Je fermai les yeux.
Une main effleura ma joue.
Je les rouvris aussitôt.
Neige avait posé sa paume sur mon visage. Son pouce caressait le flot de larme qui ne cessait de couler. Il me regardait, me regardait pour de vrai, moi, maintenant, là, en face de lui, et il pleurait aussi.
J'ouvris la bouche, mais aucun son n'en sortit. Il franchit la distance qui nous séparait et me serra contre lui.
Je m'accrochais à son corps comme à ma dernière planche de salut. Il m'était revenu. Il m'était revenu...
Je me mis à pleurer plus fort alors que ses doigts passaient dans mes cheveux, caressant doucement ma nuque.
— Je suis là, Astre, je suis là...
— Nei... ge... hoquetai-je misérablement.
— Je suis là, mon loup, murmura-t-il en me serrant plus étroitement.
Je ne sais pas combien de temps je mis avant de cesser de pleurer, mais il ne me lâcha pas une fois.
— Je suis désolé, souffla-t-il lorsque mes larmes se tarirent enfin. Je suis si désolé, Astre. Je te demande pardon.
Sa voix était rauque, légèrement tremblante.
— Pardon ? répétai-je, surpris.
La mienne n'était pas mieux.
Il s'écarta légèrement pour poser ses mains sur mes joues et me regarder dans les yeux.
— Je suis désolé, répéta-t-il, j'ai été horriblement égoïste. J'ai oublié que je n'étais pas le seul à avoir perdu ma famille... Je me suis enfermé dans la douleur et je t'ai laissé tout seul, Astre, mon Astre, pardonne-moi...
— Tu sais bien que tu n'as jamais rien à te faire pardonner de moi, murmurai-je en savourant sa présence à mes côtés.
Il m'avait horriblement manqué.
— Mais toi... soufflai-je tout bas, car mon cœur était encore trop fragile. Tu me pardonnes ?
— De quoi ? s'étonna-t-il.
— De ne pas t'avoir protégé.
— Oh, Astre... répondit-il avec dans sa voix quelque chose de chaud, de fondant et de doux. Tu m'as protégé. Je suis là, je suis vivant, et je suis à tes côtés. Tu n'aurais pas pu faire plus.
Il sourit. Mon cœur se gonfla de joie et je fondis de nouveau en sanglots, trop soulagé pour m'exprimer autrement.
Il me serra contre lui et m'ouvrit son esprit, comme au premier jour de notre rencontre.
— Ne pleure plus, mon loup, ne pleure plus...
J'attrapai son visage et l'embrassai avec une force confinant au désespoir. Il me répondit de la même façon en glissant une main derrière ma nuque.
— Le goût de tes lèvres m'a tant manqué... avouais-je en prolongeant le baiser.
— Tu m'as manqué, répondit-il sans s'écarter. Tu m'as manqué et j'étais trop perdu pour m'en rendre compte. Astre...
— Neige...
Son corps nu contre le mien fit naître au fond de moi un feu que je croyais éteint. Mon sexe durcit en m'envoyant des ondes de désir sourd. J'avais désespérément envie – désespérément besoin – de me perdre en lui, m'assurer qu'il était là, vraiment là, et oublier ma peine dans des sensations physique, ne serait-ce qu'un instant, ne serait-ce que pour combler le vide que cette dernière semaine avait creusée en moi.
Il laissa échapper un petit gémissement et laissa ses lèvres glisser sur ma joue, puis sur ma mâchoire. Je penchai la tête en arrière pour lui offrir mon cou, qu'il embrassa avec une passion qui rafistola légèrement mon cœur abimé. Il était dur, lui aussi. Je pouvais sentir son sexe presser contre mon torse et le haut de ma cuisse, effleurant fugitivement mon propre membre gonflée.
Je l'attirais contre lui et capturais de nouveau sa bouche en frottant nos bassins. L'eau clapotait autour de nous, mais je ne faisaient attention qu'aux halètements qu'ils laissaient échapper à chaque fois que je le relâchais. Neige...
Mes mains descendirent jusqu'à ses fesses rondes, que je caressais avidement. Je connaissais son corps sur le bout des doigts, je savais mieux que mon propre nom ce qu'il fallait faire pour lui procurer du plaisir.
Ma propre jouissance était en train d'approcher lorsque s'écarta, essoufflé. L'espace d'une seconde, toutes les insécurités nées de cette semaine de deuil me rattrapèrent, suggérant qu'il ne voulait plus de moi, qu'il préférait s'arrêter maintenant, qu'il...
— Ne sois pas ridicule, mon loup, souffla-t-il en déposant un baiser sur le bout de mon nez.
Il avait dû saisir l'écho de mes sombres pensées.
— Je pensais simplement que nous pourrions aller... plus loin, expliqua-t-il avec un sourire en coin.
Oh, réalisai-je en le voyant plonger une main sous l'eau, entre ses propres jambes, afin de se préparer. Oh.
Je sentis mes lèvres s'étirer. Un éclat de joie me parvint en retour.
— Ton sourire m'avait manqué, souffla-t-il en se redressant pour s'empaler sur le bout de mon sexe.
Ma joie grandit encore, pas tant pour le plaisir, mais pour ce qu'il venait de dire. J'entourai son torse de mes bras et embrassait tout ce qui passait à ma portée, titillant ses mamelon. Il s'enfonça un peu plus sur mon membre. Son corps se tendit et son dos s'arqua alors qu'il enfonçait ses ongles dans ma peau.
— Neige, m'inquiétais-je en tentant de garder la tête froide, malgré le plaisir brûlant qui bouillonnait dans mon bas ventre. Tu es sûr ?
C'était la première fois que nous le faisions sans lubrifiant, et je n'étais pas certain que ce soit une bonne idée.
— Ne t'inquiète pas, m'assura-t-il en s'enfonçant encore.
Il laissa échapper un petit bruit et se mordit la lèvre. Dans ses yeux brillait de plaisir contenu. Ah, par toutes les étoiles, quelle vue...
L'eau chaude nous enveloppait comme un cocon, une douce couverture, comme si nous étions chez nous, dans notre lit, en ce temps lointain et pourtant révolu ou nous pensions que rien ne pouvait nous atteindre.
Il poussa un soupir en se détendant encore et finit de s'enfoncer sur mon sexe. Je le serrai contre moi, sa tête plongée dans le creux de mon cou, et commençais à donner des petits coups de reins. Ah, Neige... Son membre frottait contre mon ventre alors que je fouillais sa chair, ses doigts s'enfonçais dans mes épaules alors que sa respiration haletante caressait ma peau... Nous n'étions jamais allés si lentement, si précautionneusement dans nos ébats, mais je sentais son plaisir gonfler en même temps que le mien et je sus que je ne pourrais plus me retenir longtemps.
— Neige... murmurai-je comme ultime avertissement.
Mais il l'avait sentit, évidemment.
— Laisse-toi aller, mon loup, laisse-toi aller...
Je m'abandonnai complètement à cette vague blanche, sachant confusément qu'il allait bientôt se laisser emporter aussi. Puis je retombais sur lui, complètement exténué.
Il se désengagea, s'allongea dans l'eau, la tête contre le bord du bassin, et m'attira vers lui. Je me lovais contre son corps et fermai les yeux. Ses doigts caressèrent doucement mes cheveux.
Lorsque je fus sur le point de m'endormir, il me secoua légèrement et me fit sortir du bassin. Nous nous allongeâmes sur la mousse, serrés l'un contre l'autre, protégés par son chaperon.
— Tu devrais faire attention, petit chaperon rouge, marmonnai-je d'une voix pâteuse, engourdie de fatigue. Il paraît qu'il y a des loups dans la forêt, qui sait de quoi ils sont capables...
Il rit, et ce rire combla tout ce qui était vide en moi.
Puis je m'endormis dans ses bras.
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