Pendant toute la semaine, Ylena avait pensé à Maple, cherchant une raison valable de lui proposer de se voir en dehors des cours d'ethnologie. Elle ne comprenait pas pourquoi elle était si anxieuse, elle qui était d'un naturel si social. Mais Maple lui semblait si intimidante, avec ses grands yeux bruns et son air concentré, mais à la fois perdue. Elle avait déjà remarqué depuis quelques temps qu'elle souriait peu, elle avait constamment un air triste, mais lors du café qu'elles avaient partagé, elle lui avait lancé un doux sourire taquin alors qu'elle lui parlait de son travail. L'étudiante était tombée encore un peu plus sous son charme. Elle avait voulu prendre de ses nouvelles, mais elle n'avait aucun moyen de la contacter. Elle l'avait cherchée sur les réseaux, mais n'avez trouvé aucune trace d'elle, elle devait se servir d'un pseudonyme. Malgré le café qu'elles avaient partagé, Maple lui restait toujours aussi intrigante. Maintenant qu'elle avait osé lui adresser la parole, elle pensait qu'il serait plus simple d'apprendre à la connaitre. Elle n'était pas de nature curieuse de la vie privée des gens, mais quelque chose chez Maple l'hypnotisait, elle était impatiente de la revoir, ce qui n'échappa pas à ses amis, à qui elle s'était confiée et qui s'étaient quelque peu moqués d'elle :

— Bah tiens, c'est pas ta pote Maple là-bas ? lui dit Amir un après-midi.

Il explosa de rire en frottant son crâne rasé lorsque Ylena se retourna pour vérifier.

— Très drôle, souleva-t-elle, t'es fier de toi ?

— C'est mérité, dit Emilie, tu nous baratines avec elle depuis mardi.

— Très bien, je ne dirais plus rien sur Maple, menaça-t-elle. Vous êtes cruels avec mon petit cœur.

— Mais non, dit Amir en reprenant son souffle, ton petit cœur peut continuer à se confier, mais ne nous enlève pas le plaisir de te tourmenter.

Ylena n'aimait pas être le sujet de plaisanterie de ses camarades, mais elle les comprenait, elle aurait fait la même chose à leur place. Elle s'était liée d'amitié avec un petit groupe d'étudiants depuis qu'elle avait commencé l'université deux ans plutôt. Elle était particulièrement proche d'Emilie, une jeune femme blonde aux yeux bleus, à peine plus grande qu'elle, et d'Amir, un jeune homme d'origine maghrébine, toujours jovial. Ils passaient tout leur temps libre ensemble et fréquentaient également d'autres camarades de l'université, dont Carl et Alexis, deux amis qui passaient leur temps à se disputer comme un vieux couple.

Le mardi suivant, Ylena était à l'heure pour son cours d'ethnologie, mais elle ne vit pas Maple dans la salle. Quand l'enseignant prit place devant la grande classe qui pouvait accueillir une centaine d'élèves, elle n'était toujours pas arrivée.

— Je peux m'asseoir ou tu attends quelqu'un ? lui demanda Emilie en arrivant dans la salle.

— Je t'en prie, installe-toi, je te gardais la place justement, menti Ylena doutant que Maple soit du genre à arriver en retard.

— C'est gentil. Je pensais que tu m'abandonnerais encore pour ta nouvelle amie.

— Mais pas du tout, fit-elle faussement vexée.

— Le fait qu'elle soit absente n'a rien à voir avec cette place que tu m'offres à tes côtés, souleva Emilie.

— T'as gagné, concéda-t-elle. J'espérais bien qu'elle s'installe à ma table et que je puisse la remercier pour ses notes de la semaine dernière.

— Mais je croyais que tu lui avais payé un café, « un moment court, mais particulièrement enrichissant », se moqua-t-elle en reprenant les propos que lui avait tenue son amie quelques jours auparavant.

— Bah justement, c'était court. Elle mérite plus pour que je la remercie comme il se doit.

— Je te passe tout le temps mes notes et j'ai jamais eu le droit au moindre café, souligna Emilie.

— Si je te paie un café à la sortie, proposa Ylena, tu me laisses tranquilles avec Maple ?

Emilie était plutôt fière de cette discussion, elle avait tourmenté son amie qu'elle savait avoir plus qu'un faible pour la fameuse Maple et elle avait gagné un café en prime.

Ylena était déçue et se demandait si Maple n'était pas malade. Pendant la pause au milieu du cours, elle essaya une nouvelle fois de la trouver sur les réseaux sociaux, comme si elle avait pu créer un compte entre temps. Elle essaya même copain d'avant, mais sans connaitre son nom de famille, cela semblait impossible. Elle ne se laissa pas démoraliser pour autant, Maple reviendrait certainement en cours dès la semaine suivante et le hasard de la chance pourrait la mener à la croiser au coin d'une rue. Elle laissa ses réflexions de côtés et interrogea Emilie sur la soirée étudiante du jeudi suivant.