Chapitre 21
Face à la porte de l'amphithéâtre, Maple observait les vagues d'étudiants quitter la salle à la recherche d'Ylena. Elle aperçut d'abord ses amis, Amir et Emilie qui vinrent à sa rencontre :
— Elle arrive, dit l'étudiante.
— Je ne suis pas pressée, dit Maple timide.
— Comment ça va ? demanda Amir.
— Bien, merci et vous ?
— Nous, on va très bien, même si trente minutes de cours en moins ça n'aurait pas été un luxe, expliqua-t-il.
— Vous avez prévu quoi ce soir avec Ylena ? demanda Emilie.
— Rien de particulier.
— Ça te dirais de venir boire un verre avec nous pour fêter le début d'année ? proposa-t-elle.
Maple ne se sentait pas toujours très à l'aise avec les amis d'Ylena qui étaient toujours très enthousiastes et pleins d'énergie. Elle avait déjà eu quelques occasions de sortir avec eux, mais souvent elle se sentait de trop, pas à sa place, alors qu'ils discutaient en faisant référence à des moments de leur vie dont elle ne connaissait rien. Ylena lui avait fait remarquer qu'elle était différente lorsqu'elles étaient seules et lorsqu'elles étaient avec ses amis. Dans l'intimité, elle était enthousiaste, drôle, un peu taquine même, mais dès qu'elles se retrouvaient en compagnie d'autres personnes, elle restait plus ou moins sociable, mais se renfermait sur elle-même, faisait attention à tout ce qu'elle disait, elle devenait particulièrement introverti. Elle avait promis à sa petite amie de se montrer un peu plus comme elle était réellement et d'être moins réticente à l'idée de passer du temps avec eux, alors elle accepta avec un petit sourire.
En réalité, ce n'était pas qu'elle n'aimait pas passer du temps avec les amis d'Ylena, bien au contraire, ça lui permettait de la découvrir sous un nouvel angle, mais ce qu'elle adorait c'était ne l'avoir que pour elle. Qu'elles restent dans leur petite bulle, là où rien ne venait ternir leur bonheur. Quand elles étaient seules, elle pouvait laisser tout le reste de sa vie à l'extérieur, se concentrant que sur la partie de sa vie qui la ravissait, celle qu'elle partageait avec Ylena.
Quand Ylena sortit enfin de la salle emmitouflée dans une grosse écharpe, Amir lui annonça la bonne nouvelle avec enthousiasme et ils prirent la direction du centre-ville. Sur le chemin, Ylena retint Maple quelques secondes à l'écart alors que Carl et Alexis les rejoignaient :
— Ça va ? s'inquiéta-t-elle, je sais que tu voulais te reposer bien au chaud sous la couette.
— Au risque de te surprendre, je ne suis pas en sucre, dit Maple.
Ils entrèrent dans un bar où l'ambiance s'installait lentement. Maple proposa de payer la première tournée, même si sa petite amie lui rappela qu'elle n'en était pas obligée.
— Vous avez vu les nouvelles ? demanda Emilie en regardant son téléphone. Ils ont découvert une nouvelle victime de l'étripeur.
— Ils ont arrêté un suspect il y a quelques semaines, ajouta Alexis en sortant son téléphone.
— Je suis dégoutée que ce soit pas arrivé avant, avoua Ylena.
— Pourquoi ? demanda Emilie.
— C'est horrible, je le sais, mais on aurait eu un vingt au lieu de ce petit seize en société moderne.
Tous éclatèrent de rire face au manque d'humanité d'Ylena, sauf Maple qui se cacha derrière son verre de soda.
— Ils ont trouvé le corps dans les alpes suisses, précisa Carl quand tout le monde se calma.
— Vraiment ? demanda Ylena, mais c'est pas là-bas que tu étais avec ton frère pour Noël ? ajouta-t-elle à l'intention de Maple.
— Si, avec Kase, répondit-elle, mais du côté français.
— Tant mieux.
— Vous êtes partie faire du ski pour Noël ? demanda Emilie.
— Non, on est parti faire une petite cure thermale, expliqua Maple, il n'y a pas assez de neige en cette période.
Elle espéra ne pas paraitre arrogante, surtout qu'alors qu'elle parlait, Ylena caressa son dos comme si elle voulait lui spécifier de se taire. En réalité, elle voulait exprimer son soutien à sa petite amie, elle savait qu'elle n'aimait pas vraiment parler de ce qu'elle pouvait faire avec sa famille ou de sa vie privée en général.
Elles passèrent un agréable moment avec les amis d'Ylena, mais se décidèrent à rejoindre son appartement pour commander un bon repas. Assises dans le canapé, elles dinèrent indien et Ylena lui demanda des nouvelles de son frère.
— Ça va beaucoup mieux, dit-elle, il s'est remis.
— Tu te rends compte qu'à quelques jours prêts, quelques kilomètres prêts, t'aurai pu être la dernière victime de l'étripeur.
— Là c'est certain, on t'aurai donné ton diplôme avec une exclusivité pareille, se moqua Maple.
— Tu fais aucun effort pour ma réussite universitaire, renchérit Ylena. Non, mais sérieusement, je suis contente qu'il ne te soit rien arrivé et que ton frère aille mieux. D'ailleurs tu sais ce qui serait cool ?
— Ok, je veux bien t'emmener faire une cure thermale, mais en échange je voudrais que tu me refasses des pancakes.
— J'avais pas ça en tête, mais je ne dirais pas non, dit Ylena avec un sourire charmeur.
— Qu'est ce qui serait cool ? demanda-t-elle en mordant dans un samoussa.
— Que tu me présentes tes frères et ta sœur.
Maple détourna le regard, mais Ylena insista, après tout, elle avait déjà rencontré Déborah sa cousine. Cela s'était passé peu de temps avant Noël, elle était venue passer un weekend en ville et Ylena avait insisté pour que Maple déjeune avec elles.
— Je te présente tout le reste de ma famille moi si tu veux, dit-elle, mais ils sont un peu loin.
— Tu sais que ce n''est pas ça.
— Oui, je sais, ta famille est bizarre, trop possessive, trop trop.
— Exactement, confirma Maple, et puis, une fois qu'ils te connaitront, ils voudront leur petit bout d'Ylena, je veux te garder tout entière rien que pour moi.
— S'il te plait, insista encore Ylena.
Cela semblait impossible à Maple, elle ne pouvait pas envisager de la présenter à sa famille, même si c'était sa petite amie, même si elle n'avait jamais eu de relation aussi sérieuse avec quelqu'un par le passé. Justement, elle avait peur que cette possible rencontre gâche tout entre elles.
— Je leur en parlerai, concéda-t-elle finalement, mais je ne te promets rien.
Ylena en était ravie et embrassa Maple, ses baisers avaient le gout des épices. Cette dernière était enthousiaste à l'idée que cette conversation se termine ainsi. Elle l'embrassa avec passion, comme souvent. Elle la coucha sur le canapé, se penchant au-dessus d'elle, sa peau devenant bouillante sous les caresses de sa petite amie. Ylena tentait de se contenir, sachant que Maple n'était pas prête à franchir le pas, tout en profitant de ce moment électrisant. Elle glissa ses mains sous son t-shirt, caressant la peau de son dos de plus en plus brulante. En passant ses doigts sur son épaule gauche, elle remarqua une petite rugosité, Maple se raidissant au contact.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda Ylena.
— Il est possible que je me sois fait tatoué aujourd'hui, dit-elle en se redressant.
— Un nouveau poinçon ? Dis-moi ce qu'il dénombre, j'espère que ce n'est pas le nombre de tes amants, parce qu'on n'a pas encore couché, alors...
— Non, ce n'est pas ça, coupa-t-elle.
Mais elle n'en dit pas plus, comme toujours. Elles restèrent une longue minute plongées dans le silence, chacune assises dans un coin du canapé.
— Tu ne m'en veux pas ? demanda tout à coup Maple.
— A propos de quoi ?
— Parce qu'on n'a pas encore couché ensemble.
— Mais non, bien sûr que non, dit Ylena en la prenant dans ses bras. On n'est pas pressé.
— Je me rends bien compte que je te fais vivre un enfer.
— Non, pas du tout. J'adore être avec toi, passer du temps avec toi, t'embrasser, te serrer dans mes bras. Quand tu seras prête, j'en serais ravie, vraiment ravie, expliqua-t-elle, et si ça n'arrive jamais, je t'aimerai quand même.
— Quoi ? s'interloqua Maple.
— Le sexe, c'est pas si important, continua-t-elle, enfin si c'est quand même important, mais on n'est pas pressé. Je te le promets. Est-ce que tu voudrais un petit dessert ? demanda-t-elle en espérant la réconforter.
— Non merci, dit Maple encore ébranlée parce qu'avait dit Ylena comme une simple banalité. Il est déjà tard, on pourrait aller dormir, j'ai une longue journée demain, rappela-t-elle.
— C'est vrai que les vieux ont besoin de plus de sommeil, taquina-t-elle.
— On a que trois ans d'écart, alors calme toi.
Elles allèrent se coucher, mais Ylena revint sur leur conversation.
— Je dois quand même te poser une question, tu as bien couché avec d'autres personnes avant moi ? Alors, est ce qu'il y a quelque chose qui cloche avec moi ? Tu peux me le dire.
— Non, rien ne cloche, au contraire. C'est parce que je n'ai jamais été aussi intime avec quelqu'un avant toi, tu comprends ?
Ylena ne comprenait pas vraiment, pour elle, leur proximité, leur complicité était une raison de plus pour qu'elles se laissent aller avec elle.
Elles étaient allongées dans les bras l'une de l'autre sous une grosse couette douillette. Ylena s'endormit la première et Maple murmura des mots qu'elle savait sincères :
— Moi aussi je t'aime.
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