Le lendemain matin, de retour dans la maison familiale, Maple se sentait beaucoup plus légère qu'à son départ. Mais dès qu'elle croisa Wila, elle se trouva accablée.

— Tu étais où cette nuit ?

— Pas à la maison, se contenta de répondre Maple en se dirigeant vers sa chambre.

— Tu étais chez cette fille ?

— Oui et alors ?

— Avec la merde dans laquelle on est en ce moment, t'as rien trouvé de mieux à faire que d'aller voir ta petite copine.

Maple tentait de préserver la sérénité de la nuit, mais Wila ne pouvait s'empêcher de s'énerver. La peau du visage tiré et les yeux cernés, elle avait beaucoup moins bien dormi que sa sœur.

— Vous avez pas fini de gueuler, intervint Kase en débarquant dans le couloir, se tenant la tête.

Les deux sœurs se tournèrent vers leur jeune frère, surprises qu'il ose s'interposer dans leur dispute et leur parler de cette manière.

— Faut que tu te calmes Wila, continua-t-il, Cimeon n'est pas en prison, aucune charge n'est retenue contre lui, rien ne va venir entacher ton petit empire. Laisse Maple vivre un peu, elle n'est pas ton vassale. Alors, s'il vous plait, respectez le silence matinal et laissez-moi prendre mon petit-déjeuner dans le calme.

Maple et Wila restèrent bouche bée, elles n'avaient jamais vu leur frère agir ainsi. Kase était discret et souvent silencieux. Même s'il n'aimait pas voir ses sœurs se disputer, le plus souvent il ne faisait qu'attendre que l'orage passe, mais ce matin, il s'était réveillé du mauvais pied avec un mal de tête insupportable. Il les laissa dans le silence et se dirigea vers la cuisine. Il fit deux pas, perdu l'équilibre et s'écroula la tête la première sur le sol du couloir.

Les deux sœurs se précipitèrent pour aider leur frère. Il ne devait pas avoir pris son traitement pensèrent elles. Maple le retourna, Kase était inconscient, mais respirait. Alors que son corps avait quelques soubresauts inquiétant, Wila alla chercher des médicaments, son autre sœur essayant de lui refaire prendre connaissance.

Les paupières de Kase papillonnèrent alors qu'il revenait peu à peu à lui. Wila revint avec deux gélule noire qu'elle mit dans sa bouche et accompagna de l'eau qu'elle avait rapportée de sa salle de bain.

Quelques minutes plus tard, ils étaient tous les trois assis dans le salon, Kase se remettant peu à peu.

— Depuis quand tu n'as pas pris ton traitement ? demanda Maple.

— Depuis quand tu ne t'es pas nourri ? renchéri Wila.

— Depuis l'arrestation de Cimeon et depuis votre voyage à Bruxelles, dit-il d'une voix pâteuse.

— T'es complètement inconscient, dit Wila. Tu sais que c'est important que tu sois régulier.

— On a tout ce qu'il faut dans la réserve, précisa Maple.

— Et vous alors, ça remonte à quand ? se défendit Kase. Au moins, vous êtes d'accord, précisa-t-il face au silence de ses sœurs.

— Tu as raison, dit Wila, on devrait se faire un brunch en famille.

— Je vais chercher Cimeon, dit Maple en se levant. Tu l'as enfermé dans sa chambre je suppose, ajouta-t-elle à l'intention de sa sœur.

— Très drôle. Il est sorti tôt ce matin, pour s'occuper de ses animaux surement.

Maple passa par le chenil, les animaux étaient nourris, mais ne l'y trouva pas. Elle fit le tour de leur grand jardin, mais ne trouva toujours pas son frère ainé. Elle prit alors la direction de bois non loin de chez eux. Elle se doutait qu'elle le trouverai sur un petit monticule de pierres surplombant un petit ruisseau.

— C'est là que tu te caches ? demanda Maple, on va se faire un petit brunch spécial, ça te tente.

— J'en ai bien besoin.

— Ça ne va pas ? demanda-t-elle en voyant le regard vitreux de son frère.

— Tu sais, ce flic pensait que j'étais le fils caché de Barbichette.

— Si seulement il savait.

— Ça m'a fait penser à maman, tu penses qu'elle est encore vivante ?

Aucun des Sylvestres n'avait connu sa mère, tous les quatre élevés par leur père pendant les premières années de leurs vies. Ils savaient que chacun d'entre eux étaient nés d'une mère différente, mais Cimeon avait toujours été persuadé que Maple et lui avait la même mère.

— Tu te poses encore la question ? Il y a peu de chance, répondit Maple.

— Si elle était vivante, tu ne voudrais pas la retrouver ?

— Ça serait nous faire du mal. Si nos mères sont vivantes, c'est qu'elles nous ont abandonnées.

— Elles n'ont pas eu le choix.

Face au regard sévère de Maple, Cimeon abandonna le sujet et la suivit jusqu'à la maison familiale. Ils retrouvèrent Kase et Wila dans la cuisine, préparant avec enthousiasme de quoi bruncher et grignotant de petites lamelles de ce qui ressemblait à de la gelée rose. Cimeon en goba plusieurs et en tendit à Maple.

— Je pense qu'on devrait faire un petit tours à la mer, proposa Kase qui avait retrouvé toute son énergie. Histoire de se dégourdir les jambes et de se battre avec quelques requins.

— D'accord pour la plage, mais on ne touche pas aux requins, dit Cimeon, mais je veux bien te mettre une bonne branlé, ajouta-t-il en décoiffant son petit frère.

Wila se chargea de prévenir leur entreprise qu'ils seraient encore injoignables pour le reste de la semaine, ils avaient bien besoin de cette petite pause. Ils mangèrent en se chamaillant avec entrain comme l'aurait fait des adolescents, de plus en plus euphoriques et finirent par prendre la route pour se rendre à la plage la plus proche.