Chapitre 14
Maple était dans la salle d'accueil du commissariat avec Kase et Wila lorsqu'elle reçut l'appel d'Ylena. Elle ne lui avait pas donné de nouvelles depuis la veille, depuis que son frère s'était fait arrêter et elle ne s'était pas présentée au cours d'ethnologie ce matin-là. Ylena commença par blaguer sur le déjeuner que Maple lui paierai pour ses notes, mais son enthousiasme disparue quand elle excusa son absence par l'arrestation de son frère.
— Pourquoi on l'a arrêté ? demanda Ylena.
— Je ne sais pas vraiment, menti Maple, mais je suis certaine qu'il n'a rien fait.
— Je peux faire quelques choses pour toi ?
— Non. Faut que je te laisse, je vais le voir là.
— D'accord, appel moi si tu as besoin de quoi que ce soit.
Maple raccrocha avant qu'Ylena ne puisse finir sa phrase, alors qu'on venait les informer une nouvelle fois qu'ils ne pouvaient pas voir leur frère, seul l'avocat de Cimeon avait l'autorisation pour le rencontrer, mais ce dernier était en retard. Quand il arriva enfin, Wila ne put s'empêcher de l'engueuler, comment osait-il arriver en retard alors que son frère était en prison.
— Ce n'est qu'une garde à vue, rectifia-t-il, et j'ai une bonne raison d'être en retard, une bonne nouvelle.
— Je vous écoute, ordonna Wila alors que Kase et Maple se rapprochèrent pour écouter.
— D'après des sources, commença-t-il sur le ton de la confidence, ils n'ont rien contre votre frère. Interpole a laissé le Lieutenant de ce commissariat allait au bout de sa théorie. Ils ne pensent pas que ses hypothèses vont se confirmer. Il est décrit comme un complotiste. Ils ne voulaient pas qu'il commence à croire que le système, auquel il croit, est corrompu.
— Vous nous dites que notre frère s'est fait arrêter pour faire taire les élucubrations d'un timbré ? s'insurgea Wila.
— Oui, mais ne vous inquiétez pas, Monsieur Sylvestre sera dehors demain, vous en avez ma parole.
— Il y a intérêt, intervint Maple, ou des têtes vont sauter.
— Vous en avez notre parole, conclu Wila en le foudroyant de son regard froid.
L'avocat rejoignit son client, non sans une boule dans la gorge. Il revint quarante-cinq minutes plus tard avec un petit mot de Cimeon à l'attention de sa fratrie. Wila s'attendait à y trouver une confession quelconque, mais son frère voulait simplement s'assurer qu'ils s'occupaient bien de ses animaux.
— Le con, dit Kase avec un sourire.
— Il se fout de moi, s'insurgea Wila, nous on fait des pieds et des mains pour le sortir de prison et lui il s'inquiète pour ses foutus bestioles.
— Vous pourrez lui dire que tous ses bébés se portent bien, dit Maple en se retenant de rire.
Le lendemain matin, Ylena envoya un message à Maple. Elle ne s'attendait pas à avoir de réponses, mais voulait lui exprimer son soutien. Elle ne pouvait pas faire plus pour la soutenir, après tout, elles se connaissaient à peine, elle ne voulait pas s'imposer et la laisserait tranquille le reste de la journée.
Ylena ne put s'empêcher de s'inquiéter pour sa nouvelle amie, elle traversa la journée sans jamais cesser de se demander si elle pouvait lui venir en aide. La situation la minait tellement qu'elle refusa une sortie avec ses amis, préférant passer la soirée chez elle à attendre de ses nouvelles.
Il était dix-neuf heure trente passée quand enfin Cimeon fut autorisé à quitter sa garde à vue. Maple le serra avec force dans ses bras.
— Ça va ? t'as bien été traité ? demanda Wila.
— Tout va bien, rassura-t-il.
— T'as pas eu à... commença Kase avant de se taire en voyant le visage rougi du Lieutenant Delaplace qui quittait le commissariat.
— Je vais m'occuper de lui personnellement, dit Wila.
Seuls ses frères et sa sœur l'entendirent. Maple pensait à la même chose, mais Cimeon les supplia de ne rien faire. Il ne voulait pas que cette histoire s'éternise et qu'ils attirent encore plus l'attention sur leur famille.
— Il était si persuadé de tenir l'étripeur qu'il va certainement ne plus en dormir, expliqua Cimeon.
La famille Sylvestre retourna dans leur grande maison, Maple accompagna son frère rendre visite à ses animaux, mais fatigué par sa garde à vue, il se décida assez vite à prendre une douche pour se coucher. Kase jouait à la console pour se détendre. Wila, contre l'avis de son frère, demandait des comptes à ses avocats par téléphone. Seule Maple n'avait aucune occupation. Après réflexion, elle prit la décision de rendre visite à sa nouvelle amie qui semblait beaucoup s'inquiéter pour elle.
Ylena regardait une série à laquelle elle n'arrivait pas à accrocher et sursauta lorsqu'on sonna à son interphone. Il était déjà vingt-deux heures, elle pensa qu'il s'agissait d'Emilie et Amir venus lui remonter le moral. Comme le micro de l'interphone avait définitivement rendu l'âme, elle déverrouilla la porte de l'immeuble immédiatement et entrouvrit la porte d'entrée de son appartement. Elle s'attendait à entendre ses amis discuter avec entrain en montant, ou l'appeler en bas des escaliers, mais elle n'entendit que la porte s'ouvrir lentement. Quelqu'un semblait hésiter à gravir les marches. Elle repensa à ce que son père lui rappelait à chaque fois qu'il lui rendait visite, elle ne devait pas ouvrir la porte sans savoir qui avait sonné et il fallait vraiment qu'elle réitère la demande au propriétaire pour qu'il fasse réparer ce foutu interphone. Il était malheureusement trop tard pour ne pas ouvrir la porte, alors Ylena pencha discrètement la tête au-dessus de la rampe de l'escalier. Elle fut soulagée quand elle aperçut Maple en bas de la cage d'escalier, un sac kraft à la main.
— Monte, l'interphone ne fonctionne plus, dit Ylena avec un sourire.
Elle était ravie que Maple lui rende cette visite surprise, elle supposa que les choses s'étaient arrangées pour son frère.
— J'espère que tu aimes les sushis, dit Maple en gravissant les dernières marches.
— C'est une bonne surprise, qu'est-ce-que tu fais là ?
— Mon frère est hors de cause, alors je me suis dit qu'on devait fêter ça, dit elle en montrant son sac de provisions.
— Tu ne devrais pas fêter ça avec ton frère plutôt ?
— Il fête ça avec Morphée.
— Alors, je t'en prie, entre, bienvenue chez moi.
Ylena habitait dans un petit deux pièces au quatrième d'un vieil immeuble au centre-ville. Face à la porte d'entrée, une porte donnait sur la salle de bain, à droite une seconde porte s'ouvrait sur la pièce principale équipée d'une kitchenette. Au fond de cette pièce, une dernière porte donnait sur sa chambre. Maple déposa le sac kraft sur la petite table qui servait à la fois du bureau et de table de salle à manger. Ylena ramassa quelques vêtements qui trainaient sur son canapé et ses chaises et les balança dans sa salle de bain.
— Je suis désolée, c'est un peu le bordel, je n'attendais pas de visite.
— C'est rien, dit Maple avec un sourire amusé, j'ai pas besoin que tu sortes la porcelaine.
Elles s'installèrent sur la petite table et Ylena sortit les différents mets du sac kraft. Elle hésitait à lui poser des questions sur ce qui s'était passé ces derniers jours, ne sachant pas si elle voulait en parler, elle ne la connaissait pas encore très bien et ne voulait pas commettre d'impairs.
— Comment ça va ? osa-t-elle demander.
— Ça va mieux, répondit Maple avec un sourire timide, ils se sont trompés.
— Tant mieux. Il était accusé de quoi ?
— Tu sais, je dois t'avouer que je n'ai pas beaucoup pensé à toi ces derniers jours, dit elle pour ne pas répondre.
— Très bien, je prends, dit Ylena en dodelinant de la tête et gobant un sushis.
— Désolée. Mais, par contre, dès que mon frère est revenu à la maison, j'ai eu envie de te voir, expliqua-t-elle en affichant son sourire timide qui faisait chavirer le cœur d'Ylena. J'étais tellement pressée de te voir que je n'ai pas pensé à t'appeler avant.
— Ça me va, dit elle en rougissant sans détourner les yeux de son invitée. Heureusement, que tu n'as pas oublié le diner, ajouta-t-elle en prenant un nouveau sushis.
— C'est pour me faire pardonner de mon silence.
— Fallait pas, je comprends tu sais.
Le sourire de Maple s'estompa, elle se sentait encore anxieuse de l'arrestation de Cimeon. Elle pensait pouvoir passer à autre chose en venant voir Ylena, mais elle ne pouvait admettre que son frère était sorti d'affaire. Elle ne pouvait pas non plus se confier à sa nouvelle amie, elle pensait qu'elle ne pourrait pas la comprendre et n'avait pas envie que Cimeon devienne le nouveau sujet de son exposé de société moderne.
Ylena remarqua que son invité était mal à l'aise, elle ne savait pas si c'était dû à la situation, ou si Maple était encore bouleversée par l'arrestation de son frère.
— T'es sûre que ça va ? demanda-t-elle.
— Oui, oui, menti Maple.
— Ça n'a pas l'air.
— Désolée.
— Tu ne vas pas t'excuser parce que ça ne va pas. C'est normal que tu sois un peu chamboulée, tenta Ylena, c'est pas tous les jours que son frère se fait arrêter, même à tort.
— Tu as raison, se contenta-t-elle de dire.
Maple n'avait pas l'habitude de se confier. Elle se sentait obliger de contenir ses sentiments, de les contrôler. Ylena ne voulut pas insister, elle ne voulait pas la rendre plus mal à l'aise qu'elle ne l'était déjà, mais fit de son mieux pour lui changer les idées. Elle lui parla de tout et de rien, de son weekend dans sa famille, du dernier cours d'ethnologie et d'autres futilités.
Elles finirent par s'installer dans le canapé devant un programme quelconque à la télé. Malgré les inquiétudes qui ne cessaient de l'envahir, Maple se sentait bien avec Ylena. Elle se rapprocha d'elle et déposa sa tête sur son épaule. Sans savoir pourquoi, elle laissa échapper quelques larmes de ses yeux et fini par sangloté silencieusement. Ylena ne dit aucun mot, se contentant de prendre sa nouvelle amie dans ses bras pour la consoler.
Quand Maple cessa de pleurer, Ylena lui proposa de rester dormir. Elle n'avait aucune idée derrière la tête, mais comprenait bien qu'elle avait besoin d'un réconfort que sa famille un peu trop rigide ne pouvait lui fournir. Maple passa un short et un t-shirt large qui lui prêta Ylena et s'allongea sur le lit de la petite chambre. Son hôte se coucha contre elle et elles s'endormirent en quelques secondes.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro