Chapitre 20
Llyn était accroupiæ dans la maison vide les yeux fermés et les mains appuyées sur le sol. Les résistants propres et nourris s'entassaient dans la charrette, Ayaan attendait notre signal pour repartir vers la bouche d'égout. La rat revint et se dressa face au visage fermé de læ mage en couinant.
- La voix est libre, nous informa-t-ol en rouvrant les yeux. Læs autres mages ont fini et Elen est prête.
- Tu parles aux rats ? Réagit Keyr.
Llyn lui adressa un regard noir et je ne pus me retenir de rire en faisant signe à Ayaan de partir. Keyr partit avec elle, couvrant ses arrières, et je me retrouvais seul avec Rhys, la nuit tombait et Elen nous rejoignit juste avant le premier cri de corne annonçant le couvre-feu.
- Tu es retard, grommela Rhys.
- C'était un peu plus compliqué que prévu, répliqua-t-elle. La prochaine fois on échangera : j'irais voler des quignons de pain et tu t'infiltreras dans la salle d'armes.
- Vous avez fini ? Soufflais-je. On peut y aller ?
- Depuis quand tu nous donnes des ordres ? Répliqua Elen. Le pouvoir te monte à la tête petit Roi.
Je levais les yeux au ciel et me glissais dans la pénombre de la Ceinture de Ketj. Les patrouilles pour abattre ou emprisonner les retardataires avaient déjà commencées, ce ne fut pas compliqué de tomber sur trois gris un peu trop confiant. Ce fut un peu plus compliqué d'empêcher le troisième de hurler à la mort tandis que nous égorgions les deux autres.
La nuit masquait le sang sur le sol, nous protégeant de toute alerte jusqu'à demain. Je glissais plusieurs fois dans la boue neigeuse en traînant le corps jusqu'à la maison désertée, ce qui manquait de nous faire remarquer à de multiples reprises. Je regardais un instant les trois cadavres gris sur le sol, échangeant un regard contrit avec mes amis.
- Que ce soit bien clair, finis-je par dire en rompant le silence. Ce que l'on s'apprête à faire ne sort pas de cette pièce.
- Si quelqu'un l'apprend notre réputation est morte, ajouta Elen.
- Pas seulement notre réputation, fit Rhys d'un air dégoûté, notre dignité aussi. J'ai la nausée rien que d'y penser.
- Bon allez, répliquais-je en m'armant de courage. On arrête de discuter et on s'y met. Le temps presse.
Je retirais mes vêtements et les roulais en boule, les dissimulant entre deux planches du toit. L'uniforme de la milice elfique était encore plus répugnant à enfiler qu'à voir. Les pantalons noirs et la tunique noire étaient rembourrés contre le froid alors que la plupart des habitants n'avaient rien à se mettre. La cotte de maille recouverte de cuir était serrée et lourde, et je songeais que c'était sans doute la raison pour laquelle je les avais toujours semé à la course.
- Vous saviez que la rumeur sur la taille de pieds des elfes n'était pas une rumeur ? Fit Elen en enfilant les bottes crantées. Je peux mettre trois fois mes orteils dans ce truc.
- Les pieds mais pas autre chose, répliqua Rhys en levant un sourcil devant les elfes à poil.
- Au risque de me répéter : il faut qu'on se grouille, fis-je.
Les gris se retrouvèrent à poil et ligotés dans le taudis, le spectacle était si réjouissant que je ne compris pas pourquoi nous ne l'avions pas fait plus tôt. Ramper dans le tunnel avec tout ce matériel elfique, en revanche, était la chose la plus pénible que je n'avais jamais faite.
Je réajustais mon casque noir qui gênait ma vision et ma cape noire hideuse qui avait le mérite d'être chaude. J'échangeais un dernier regard avec Elen et Rhys, mais la vision de mes amis en uniforme elfique avec le casque noire était tellement absurde que je partis dans un fou rire incontrôlable.
C'était le plan le plus absurde et le plus débile que je n'avais jamais mis à exécution, alors quitte à échouer lamentablement, autant le faire en riant. Mes épaules étaient toujours secouées dans un claquement d'armure quand nos pas résonnèrent dans les pavés propres de la Citadelle.
Notre déguisement avait beau être crédible, aucun de nous ne tenait à croiser d'autres gris et échanger des politesses. Heureusement, la Citadelle avait visiblement besoin de bien moins de surveillance que la Ceinture et je connaissais suffisamment les rues pour pouvoir prendre les moins empruntés.
- Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ? Demanda Elen la voix étouffée par le casque.
- On joue aux dés en attendant la prochaine relève, répondis-je.
- Non mais c'est une blague ? S'énerva-t-elle alors que je m'asseyais à une table déserte. C'est ça ton plan ? On s'assoit, on joue et on picole avec des gris en fraternisant avec eux ?
- Je ne voyais pas les choses sous cet angle mais ce serait une bonne idée pour avoir des infos sur l'armée de Lokki, approuva Rhys.
- Je ne parlerais pas avec des gardes en jouant aux dés, répliqua-t-elle. Et de toute façon, on ne peut pas enlever nos casques.
- Alors on discute juste en jouant aux dés, trancha Rhys avec un sourire dans sa voix.
- On ne prend pas un verre ? Me scandalisais-je.
La botte crantée d'Elen m'écrasa le pied tandis qu'ils entraient dans la caserne en s'incrustant à une patrouille qui rentrait visiblement à la maison. Nous avions tous trois des pulsions de meurtre qui nous faisaient trembler les mains et une habitude de courir qui nous faisait piétiner. Pourtant, je n'avais pas d'autre choix que de me fondre dans la masse de mes ennemis.
- Putain de froid, pas vrai ? Fit un garde qui se réchauffait autour du feu.
Je restais un instant stupéfait sous mon casque. J'avais toujours été convaincu que les gardes ne parlaient pas entre eux, ou ne parlaient pas du tout, ils gueulaient des ordres aux humains. Et là, ce type me parlait comme si nous avions élevé les cochons ensemble.
- Vous ne trouvez pas ? Insista-t-il. Vous verrez quand vous irez dans le merdier, on s'y caille qu'on y perdrait ses couilles.
Je parvins à marmonner que j'y étais habitué et fixait le feu. C'était horriblement gênant. Un gris me parlait comme à son pote, et en plus, il était vulgaire. Le silence plana un instant, l'autre garde était visiblement refroidi par mon manque de coopération. Je ne pouvais pas compter sur Elen pour discuter avec un gris, et Rhys était trop occupé à compter et analyser les mouvements autour de nous et de la grange.
J'observais mon interlocuteur à travers les fentes de mon casque. Son uniforme était neuf, il serrait sa cape autour de lui et frottait ses pieds dans la neige pour les nettoyer. Il n'était pas habitué au froid et à la merde. Donc il n'était pas d'ici.
Je songeais à Keyr qui m'avait conseillé de bosser ma diplomatie et mon art de la conversation. C'était l'occasion ou jamais. Je rassemblais mon courage et serrais mon poing dans ma poche pour éviter de le mettre dans sa tronche.
- C 'est comme ça tous les hivers, répondis-je. Vous vous y habituerez.
- Putain j'espère que non ! Répliqua-t-il. J'espère bien qu'on attrapera ce connard de rebelle avant le prochain hiver, pas vous ?
J'étais prêt à parier que j'étais le connard en question et je priais pour que mon casque dissimule mon regard assassin. Ou pas. Rester calme. Fixer le feu pour ne pas l'assassiner d'un regard.
- Qu'on le chope ou pas, moi je vais devoir rester ici, répondis-je en haussant les épaules.
- Ça doit pas être facile de bosser dans cette ville merdique, commenta l'elfe encouragé par mon ton antipathique. Dans le Sud non plus ce n'est pas facile, mais la populasse se tient à carreaux. Apparemment, les humains ici étaient déjà chiants avant tout ça, vous croyez que c'est lié au fait qu'il habitait ici ?
- Sans aucun doute, répondis-je d'une même voix avec Rhys et Elen.
Le garde eut l'air surpris d'entendre nos trois voix mais hocha la tête d'un air songeur. Ne pas rire. Ne pas le buter. Il regarda autour de lui avant de se pencher vers nous et nous confier d'un air de confidence.
- Je sais pas si vous avez patrouillé en ville aujourd'hui, chuchota-t-il. Mais la ville grouille en disant qu'il est de retour. On l'acclame comme s'il était le Roi-Dragon et qu'il allait les sauver de la merde dans laquelle ils se sont mis tout seul. Plusieurs gosses l'ont gueulés dans la rue mais on les a calmé.
Je commençais à croire que ce type était une exception à son espèce et qu'il était particulièrement con. Une chance pour nous, même s'il mettait nos nerfs à rude épreuve. Il attendait visiblement que je dise quelque chose mais je me contentais de le fixer à travers mon casque. Je fixais ses yeux gris, sans me détourner un seul instant, sans un mot. Il finit par se redresser et se détourner, mal à l'aise.
- Vous avez raison, répondit-il en hochant la tête. On serait au courant s'il se passait quelque chose. Et puis, quel con il ferait de venir ici avec toute l'armée et Lokki qui l'attend !
- Il est revenu ? Demandais-je aussitôt en essayant de ne pas avoir l'air trop pressé.
- Non, il est en chemin, il devrait arriver demain, répondit-il. Pourquoi ? Vous le connaissez ? Vous prenez vos ordres directement de lui ? Vous êtes des spéciaux ? S'inquiéta-t-il.
Il semblait prêt à fuir et s'incliner en nous baisant les chaussures. Ce qu'il aurait sans doute fait si Rhys n'avait pas levé la main et lui ait intimé de se taire, profitant de notre nouveau statut d'agents spéciaux ou je ne sais quoi. Il resta avec nous mais paraissait mal à l'aise. Donc, le seul gris avec lequel j'allais discuter de toute ma vie était un gamin, incompétent, tout juste diplômé et con comme ses pieds. Parfait.
- De toute façon, déclara l'imbécile d'un air satisfait, ce merdier est bientôt fini. Sa planque a été trouvée, tous ceux à l'intérieur ont été massacré. Ce n'est qu'une question de temps avant que les rebelles ne soient écrasés ou ne se balancent les uns les autres en réalisant que leur prétendu leader n'était qu'un malfrat caché dans sa propre merde.
Je commençais à en avoir ras-le-bol qu'il soit incapable de parler de moi sans insulte. Elen devait avoir raison, je m'étais trop habitué au respect mutuel qui régnait dans la Résistance. Courage, Alec, me répétais-je, sois fort et fais-le parler. C'est pour la bonne cause.
- Tu ne t'arrêtes jamais de parler ? Répliquais-je. Si tu parles, dis des choses utiles.
Rhys me poussa discrètement du pied mais je savais ce que je faisais. Ce petit con rêvait de monter en grade et de faire ses preuves et taper la causette à des prétendus chiens de garde de Lokki lui faisait briller les yeux. Il fit mine de se draper dans sa dignité alors qu'il était visible qu'il cherchait un truc pertinent à dire.
- Il y a eu de l'agitation dans la Ceinture cet après-midi, fit-il simplement. Des pirates ont tentés de forcer le barrage pour accéder au port. Il a fallut en calmer quelques uns et les balancer au trou, les autres se sont enfuis.
Mon cœur rata un battement et l'elfe paraissait tout content de sa nouvelle. Je n'avais pas de mal à identifier à quoi faisait référence le trou ou les pirates, mais je n'avais jamais entendu parler d'un quelconque barrage. Un regard rapide à Elen m'informa qu'elle non plus n'en avait aucune idée. Mon cœur battait à l'idée de cramer notre unique carte et de se faire pincer, mais l'occasion était trop belle. Et l'information trop cruciale.
- Le barrage ? Réagis-je. Il est encore d'actualité ?
- Bien sûr, répondit-il surpris. On remettra le péage et la douane quand Lokki sera revenu avec ses troupes. Et les prisonniers.
La lumière se fit dans mon cerveau et mon cœur s'emballa. Ils étaient moins nombreux. Lokki était parti nous traquer avec ses hommes de Ketj. Combien de personnes avait-il pu lancer à ma poursuite et à celle de Briag ? Nous ne valions pas moins d'une cinquantaine de soldats.
- Les prisonniers, fis-je du ton le plus autoritaire possible, c'est toi qui les a mis au trou ?
- Non, répondit-il. Un collègue.
- Montre-le nous, ordonnais-je.
J'ignorais le regard appuyé d'Elen derrière son casque et le suivi en priant pour que son ami soit aussi débile que lui. Il était dans la salle de garde et je fis mine de l'attendre à l'extérieur, au garde à vous comme un colonel attendait ses prochaines recrues. Il ressortit quelques instants plus tard avec son ami qui portait son casque et remettait sa ceinture.
- Vous m'avez demandé quelque chose Lieutenant ? Demanda-t-il en se mettant au garde-à-vous.
Je m'efforçais de réprimer un sourire, me faire donner du lieutenant par un gris était à la fois jouissif et vomitif. En tout cas, ni celui-là, ni son ami, n'avaient eu le bon sens de vérifier l'identité de leur interlocuteur ce qui était la première règle de survie. Sauf que les elfes gris ne survivaient pas, ils vivaient. La survie c'était pour les humains.
- C'est toi qui arrêté et emprisonné les pirates ? Demandais-je d'un ton mal-aimable.
- Mon unité a été chargée de les acheminer du port jusqu'aux cellules pour les y enfermer mon Lieutenant, répondit-il. Je peux les appeler pour confirmer.
- Non, je me contrefous de ton unité, répliquais-je. Je veux les prisonniers, emmène-moi et toi, fis-je à l'intention de notre première rencontre, viens avec nous.
Ils parurent surpris mais n'osèrent poser aucune question. L'instant d'après, nous passions la porte d'entrée des cellules, pour la première fois sans fers ni escorte en mémorisant tous les gardes et les porteurs de clés.
Je me retrouvais dans les cellules moisies qui empestaient la pisse et couinaient de rats. Le soldat m'emmena d'un pied fringant jusqu'à la porte grillagée où cinq pirates étaient mis aux fers. Mon cœur se serra. L'équipage d'Elliot.
Ils levèrent un regard remplis de haine et crachèrent dans notre direction. Je me souvins brutalement que tout ce qu'ils voyaient était un connard de gris de l'autre côté de la grille. Ils étaient tous amochés mais pouvaient sans aucun doute courir jusqu'au port, surtout si on offrait une distraction de taille.
Je retirais mes gants et glissais mes mains dans mes poches, l'air de réfléchir pendant que les pirates nous insultaient dans toutes leurs langues. Dans ma poche Imlee s'agita, je sentais Elen et Rhys se tendre, prêt au combat et notaient qu'ils s'étaient positionnés de façon à couper toute retraite. Les deux imbéciles étaient en pause, ils n'avaient pas de casque.
- Ils sont tous là ? Demandais-je.
- Oui, mon Lieutenant, répondit le gris. Le reste de l'équipage s'est enfui malheureusement.
- Je ne suis pas ton Lieutenant, fis-je pensivement.
- Je vous demande pardon ? Fit le crétin surpris.
- Je suis ton Roi, répondis-je.
Ma main agrippa sa nuque avant qu'il put réagir et j'explosais son crâne contre la grille. Je retins sa chute pour éviter de donner l'alerte tandis que la dague de Rhys s'enfonçait rapidement dans la gorge de son ami. Les pirates se turent brusquement et je retirais mon casque, imité par mes amis. L'un d'eux lâcha un chapelet de juron en me reconnaissant.
- Faites-moi pincer les couilles par un crabe ! S'exclama poliment l'un d'eux. Alec ! C'est toi bordel !
- Salut les gars, répondis-je simplement.
- Alors la rumeur dit vraie, ajouta l'un d'eux. Le petit merdeux d'Elliot est le Roi-Dragon. Félicitations mon mignon, c'est Elliot qui doit être content.
- Il est mort, annonçais-je brutalement. Judicaël l'a tué sous mes yeux, je pensais que vous le saviez.
- Il y avait des bruits, confessa l'un d'eux. On préférait vous croire en lune de miel. On le vengera. Tu nous libères, belle gueule ?
- On a pas les clés, intervint Elen. Fermez-la et ne bougez pas, je vais les chercher.
- Pas la peine,l'arrêtais-je.
Imlee vint s'enrouler autour de mon doigt et je sentis la vague de feu jaillir. Mes bras devinrent plus brûlant que jamais, des bras de lave si pure que ma propre peau me brûlait. Je posais les mains sur la serrure qui fondit sous la magie et fit de même pour les fers de chacun d'eux.
- Au fait, qu'est-ce que vous foutez dans cette tenue ? s'exclama l'un d'eux en se remettant debout.
Une chose qui m'avait toujours fasciné chez les pirates était leur capacité à tout considérer comme normal. Aucun d'eux ne bronchait devant mes yeux dorés ou mes bras luisants, ni à l'idée que nous aurions pu nous engager dans la milice elfique avec notre casier judiciaire.
- On est venu foutre le feu aux réserves de Lokki, déclarais-je. Pour le faire revenir en ville lui et Judicaël. Ensuite on les attaque, on les bute et je monte sur le trône pour réparer le Royaume.
- Beau programme, commenta un pirate en prenant les armes d'un garde. On peut venir ?
- Si tu rejoins ton navire avant demain soir, invite-les à la fête, répondis-je. Je m'arrangerais pour que vous puissiez passer le barrage.
- Marché conclu, fit-il en me serrant la main. Tu connais la tradition du compagnon quand l'un de nous meurt ?
- Non et je ne suis pas sûr de l'aimer, répliquais-je.
Il plaqua sa bouche sur la mienne avant que j'ai pu ajouter quoique ce soit. Un second baiser se posa sur mes lèvres avant que j'ai pu comprendre la tradition. Je laissais passer les trois autres baisers, en songeant qu'Elliot était le dernier des abrutis pour ne pas m'avoir informé de cette tradition débile avant de rendre l'âme.
Je m'essuyais la bouche, en m'attirant les regards noirs des pirates puisque c'était visiblement contraire à la tradition, et remis mon casque avant qu'ils ne songent à recommencer. J'avais encore la dignité de choisir ceux que j'embrassais. J'ouvris la marche avec Elen, la méthode était relativement simple et rapide. Toquer à la porte. Vérifier le couloir. Trancher la gorge des gardes. Vérifier le couloir. Avancer avec les pirates et Rhys qui fermait la marche. Passer au suivant.
La cour m'apparut tout à coup grouillante de garde et de gris. Impossible de la traverser avec cinq pirates amochés et insouciants qui rêvaient d'en découdre. Il fallait une diversion. Je commençais à monter un plan, et remarquais le regard d'Elen rivé au plafond.
- Tu m'écoutes ? M'agaçais-je.
- J'ai une question qui m'empêche de me concentrer, répondit-elle.
- Pose-la qu'on puisse monter un plan, répliquais-je.
- Pourquoi tu te casses la tête à monter un plan où on doit s'infiltrer, porter ces putains de déguisements puants, allumer deux granges avec des torches au risque de se faire choper, alors que tu peux lancer des flammes avec tes mains ou invoquer un Dragon pour faire le boulot ? Demanda-t-elle en plantant ses yeux dans les miens.
Je ne répondis pas. Personne ne répondit. J'étais vraiment trop con. Elen attendit patiemment que je lui dise qu'elle avait raison, pendant que Rhys se pinçait l'arrête du nez en murmurant que j'étais vraiment un boulet.
- La demoiselle n'a pas tort, commenta un pirate.
- La demoiselle est une guerrière et Chef des Armées du Roi-Dragon, répliqua-t-elle. Soit tu m'appelles Chef, soit tu m'appelles Elen, soit tu ne parles pas de moi.
- Tu fais quoi ce soir Elen ? Répondit-il avec un sourire séducteur.
- J'envoie des gris brûler en Enfer, répliqua-t-elle.
- Tu es parfaite, commenta-t-il d'un air amoureux.
- Tu ne m'apprends rien, répliqua-t-elle. Alec, crame-moi cette grange.
Je ne répondis pas et remis mon casque pour m'engouffrer dans la cour. Je m'immobilisais devant le premier brasero que je trouvais, les mains dissimulées par ma cape, ma bague-dragon à mon doigt.
Je fixais la grange gardée par les gris, les veines brûlantes de laves, espérant que mon casque dissimulait mes yeux dorés. Je ne pouvais pas envoyer une boule de feu sur la grange sans révéler mon nom et mon identité.
Ce qui se passa fut bien plus étrange. Le sol se réchauffa. Une odeur de brûlé s'éleva du sol boueux, les flaques se mirent à fumer légèrement, la glace qui avait survécu craqua. Personne ne remarqua rien jusqu'à ce qu'une abruti ne se crame la main en ramassant son épée. Alors tous les regards des gris convergèrent vers le sol, tâtonnèrent la terre brûlante, observèrent la boue qui noircissait.
Le temps pressait. Dans quelque secondes, la panique allait gagner quelqu'un, l'alerte serait donnée et la panique gagnerait la ville. Le feu couvant et grondant au fond de mon ventre explosa d'un seul coup. Il balaya le sol et fit trembler la terre dans un onde de terre brûlée et fit chuter les gris.
La première grange explosa comme un feu d'artifice. Des flammes surgirent du toit sans prévenir, faisant exploser la charpente, brûlant le grain et la paille. La seconde grange explosa avec le même fracas, la charpentes'écroula, des gravas enflammés furent projetés partout dans la cour.
Un gris hurla au feu comme si personne ne l'avait remarqué et la panique s'organisa en même temps que la discipline. Chacun alla chercher de l'eau tout en criant à la magie, sauvant le grain tout en tremblant de peur. Mes forces m'abandonnèrent et je m'écroulais sur place, Elen me retint de justesse et m'entraîna dans un coin sombre où Rhys et les pirates m'attendaient.
- Alec ? Alec ! M'appela-t-elle affolée. Tu peux marcher ? Alec ?
- À boire, murmurais-je dans ma gorge desséché.
J'étais assoiffé,aussi sec et brûlant que le sol et la grange. Rhys bondit sur un garde qui transportait un seau d'eau et lui craqua la nuque dans le même mouvement. Je bus de tout mon saoul, sentant mes forces revenir à mesure que l'eau coulait dans ma gorge. Je finis par reprendre conscience et hochais la tête quand je me sentis prêt à prendre la fuite.
Dans la cohue et la panique, personne en remarqua les trois gardes qui s'enfuyaient, ni les cinq ombres furtives. Quelques minutes plus tard nous courions à toute vitesse dans les rues et rampions à travers le passage. Je me débarrassais de mon putain d'uniforme et enfilais mes vêtements avec soulagement.
La panique avait gagné la Ceinture de Ketj avec des gardes qui couraient, discutaient entre eux. Ils hésitaient entre rejoindre la caserne pour prêter main forte ou rester ici à patrouiller. Les pirates s'élancèrent dans les rues en nous promettant de revenir avec leur équipage et tous les alliés qu'ils auraient d'ici demain soir. Regagner la bouche d'égout fut plus facile qu'à l'aller et je retrouvais le caniveau avec soulagement.
À l'intérieur, loin de toute agitation et de tous les gris, cinq cents soldats discutaient, dormaient et mangeaient tranquillement. L'air empestait toujours autant mais les voir ainsi rassemblés par petit groupes, comme si nous étions à l'abri de tout danger, me rassura plus que tout autre vision.
- Alors ? Demanda Ayaan en accourant avec Keyr et Llyn.
- Ils n'ont plus de grains pour le reste de l'année, répondis-je. Lokki sera ici demain et je sais comment énerver Judicaël pour qu'il vienne ici à dos de Dragon. Et les pirates nous accordent leur soutien.
- Alec c'est génial ! S'écria Ayaan. Comment avez-vous fait ?
- Tu ne veux pas savoir, répondis-je d'une seule voix avec Rhys et Elen.
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