Chapitre 15
Les gens ont une formidable capacité d'adaptation et d'organisation quand leur vie est menacée. Quelques phrases à l'heure du dîner avaient suffis pour informer de la trahison de Sunia, et de la gravité de la situation. Personne n'avait d'affaires, juste une couverture, des vivres et des armes.
Ayaan m'avait accueilli, forte et reposée, ses cernes avaient disparues et son regard noir brillait de détermination. Elle était toujours aussi belle malgré ses traits marqués par la douleur, elle avait un air plus dur et grave qu'auparavant. Je sentis mon cœur se pincer en serrant sa main mais je savais que cela passerait, je la préférais comme amie qu'en épouse forcée.
Faire marcher près de cent personnes à travers la forêt, en plein hiver et toute la nuit, était risqué. Mais cela restait moins risqué que de rester ici à attendre que Judicaël nous trouve le lendemain matin. Tout le monde devait partir, il n'était plus question de laisser les enfants et les vieillards ici.
Armelle paraissait avoir choisi son camp, et c'était celui qui allait crapahuter dans la neige jusqu'à Ketj pour combattre Judicaël. Elle courait partout, donnant des ordres, répartissant les provisions, créant les groupes. J'envoyais Hector prévenir la Reine Eirythin du changement de programme, il partit seul dans le noir sans la moindre hésitation
- Tu envoies souvent des gamins seuls dans la forêt ? Fit Keyr en le voyant partir.
- Hector est différent, fis-je simplement.
- Hector a visiblement cinq ans et part pieds nus dans la neige à une heure où il devrait dormir avec une veilleuse, répliqua-t-il.
- Il est le fils d'une fée, expliquais-je. Si quelqu'un peut prévenir la Reine, c'est lui. Ne t'inquiète pas, il n'est pas comme les autres enfants.
L'ensemble de la caverne était prête à partir, ceux incapables de se battre étaient supposés se cacher dans les égouts de Ketj. Il me restait encore deux ou trois points à régler, Rhys partit en éclaireur, Armelle était supposée guider l'ensemble avec Ayaan.
- Je peux partir en éclaireur avec Rhys, proposa Keyr.
- Non, j'ai besoin de toi, répondis-je. Nous vous rejoindrons le plus vite possible.
J'observais la caravane s'engager, les meilleurs gardes étaient à cheval pour protéger les résistants. Je les saluais, leur expliquant que je les rejoindrais en chemin. La plupart avaient l'air épuisé et la perspective d'une longue marche ne les réjouissait pas, mais ils étaient prêt à tout pour survivre. C'était pour cela qu'ils étaient là.
- Au moins, la tempête de neige s'est arrêtée, commenta Keyr en les regardant s'éloigner.
- Au moins, ils ne mourront pas piégés sous terre comme des rats, répliquais-je.
Le regard surpris de Keyr me fit réaliser que mon ton dur était un peu plus froid que je ne l'avais voulu. L'heure n'était pas aux sentiments, je ne savais pas ce que Sunia avait révélé à Judicaël, s'il connaissait réellement notre emplacement et notre plan à Ketj. Une chose était sûre : Judicaël savait que désormais je dirigeais les choses et que la résistance avait pris suffisamment d'ampleur pour le menacer. Quitte à mourir, autant mourir en se battant.
- Suis-moi, ordonnais-je à Keyr.
- Où allons-nous ? Demanda-t-il intrigué.
- Voir Briag, répondis-je.
Il était la dernière personne dans la caverne, enfermé dans sa chambre derrière son mur magique. Ed était partie avec le convoi et Armelle m'avait plusieurs fois supplié d'emmener Briag avec nous. Plutôt mourir.
Il bondit sur ses pieds quand j'entrais, il avait l'air tellement vieux. Il était pâle, son visage s'était creusé, sa barbe en bataille lui donnait l'air hirsute et ses cheveux poivres et sels avaient repoussés. Ils'apprêta à dire quelque chose mais pâli et se tut en voyant Key rentrer.
- Je ne fais pas les présentations, déclarais-je. Tout le monde ici se connaît.
- Que fais-tu avec lui, Alec ? Demanda Briag. Ce n'est pas un homme bien.
- Je ne suis pas un mec bien, le corrigeais-je. Pas lui. Et toi, tu es la personne la plus horrible que je connaisse.
- J'ai fait ce qu'il fallait pour nous assurer une victoire Alec, répliqua Briag. Pour faire chuter Judicaël et revenir le Roi-Dragon.
- Cesse tes mensonges, Briag, personne ici ne te crois, répliquais-je. Utilise le temps que je t'accorde pour faire quelque chose d'utile.
- Que se passe-t-il ? Demanda-t-il aussitôt. Tout le monde est parti, il n'y a plus un bruit, Armelle n'est pas venue me voir. Que se passe-t-il ?
- Sunia nous a trahi et a vendu notre position à Judicaël, répondis-je. Il arrivera rapidement, à l'aube. Et il tuera tout ceux qu'il trouve.
- Toi et moi, conclut Briag.
- Il n'y a qu'une seule personne qui ne peut pas sortir, répliquais-je.
Le visage de Briag devint livide et tourna au vert. Derrière moi, Keyr se tenait raide et impassible, je lui adressais un regard et claquais des doigts pour faire tomber la barrière. Je m'approchais jusqu'à coller mon nez à celui de Briag.
- Dis-nous où est sa sœur et je te cacherais de Judicaël, fis-je.
- Ne sois pas idiot Alec, fit Briag comme si j'étais un enfant. Il n'a pas vu sa sœur depuis vingt-deux ans, elle ne sait même pas qu'il existe. Tu vas risquer nos vies pour une personne que tu ne connais pas ? Pour ses beaux yeux ?
- Non, fis-je d'une voix grondante comme un Dragon. Seulement la tienne.
- Alec, soupira Briag d'un air navré. Cesse d'agir comme un enfant, pense comme un Roi !
Un éclair de rage éclata en moi, mon sang ne fit qu'un tour pour bouillonner et un incendie explosa dans mon ventre. Un rugissement terrible s'éleva quand j'ouvris la bouche. Je levais ma main brillante de lave et Briag se retrouva propulsé contre le mur.
Je sentais le Dragon Rouge tourner autour de moi, rugir dans mon ventre, gronder et menacer Briag. Rahelm coulait dans mes veines et m'entourait, furieux et terrible. J'étais Rahelm. Je m'avançais vers Briag qui était toujours plaqué contre le mur, chaque pas faisait trembler la caverne, ma respiration résonnait comme un grondement.
- Je suis le Roi-Dragon, Briag, tonnais-je. Et je suis ton Roi ! Je ne te laisserais pas m'utiliser et m'humilier un seul instant de plus. Tu n'es pas Roi, Briag. Tu as servi mon père, et à présent tu es lié à son héritier. Je suis le Roi-Dragon, je suis tous les Dragons, je suis le dernier héritier de l'Ancienne Magie. Personne ne me dit quoi faire, ni toi, ni personne !
Une main se posa sur mon épaule, je fis volte-face, brûlant de rage. Les yeux verts de Keyr me fixaient sans crainte, son visage calme et impassible alors que j'écumais de rage. Il s'approcha en veillant à garder ses distances pour ne pas brûler.
- Alec, fit-il gravement. Calme-toi. Il ne pourra rien nous dire s'il est mort.
L'orgueil du Dragon Rouge manqua de l'envoyer balader contre le mur, mais c'était sans compter sur les autres Dragons, tous les Dragons qui se dressèrent pour l'écouter. Mes veines incendiées se calmèrent et la lave revint lentement sous ma peau, tandis que mon souffle brûlant redescendait. Il attendit que je fus suffisamment calmé et que le rugissement dans la caverne cesse pour porter un regard grave et froid sur Briag.
- Où est ma sœur ? Demanda-t-il d'une voix dénuée de toute émotion.
Je relâchais la pression sur mon père adoptif qui atterrit sur sa couche en toussant. Il récupéra son souffle en se remettant de ses émotions.Je n'arrivais pas à croire qu'il s'était cru hors d'atteinte des Dragons. Personne ne l'était.
Keyr s'agenouilla devant lui et j'aperçus l'éclat argenté d'une dague dans sa main. Il avait une posture féline et menaçante comme une panthère, ses yeux verts luisaient d'une colère froide trop longtemps contenue. Il était prêt à découper Briag pièce par pièce avec son canif. Je le laissais faire. Il avait plus besoin de se venger que moi.
- Je vais répéter une dernière fois ma question, fit-il d'un ton glacial. Ensuite, je ne prendrais même plus la peine de t'adresser la parole. Où est ma sœur ?
- Je suis désolé de ce que tu as enduré, toussa Briag. Je suis désolé que tu ais du endurer toutes ces souffrances, mais tu dois comprendre : ce que tu as fait nous a tous sauvés. De nombreuses fois. Tu étais l'une des pièces maîtresses de notre plan contre Judicaël, Keyr. Tu étais notre espion au cœur même de Grael.
- Tu n'as aucune idée de ce que j'ai enduré, répondit-il.
Je vis sa silhouette frémir, sans doute à l'idée de ce qu'il avait traversé. Vingt-deux ans d'esclavage à Grael. Mes propres tripes se nouaient, et Briag était là, haletant, s'accrochant à son mensonge comme un noyé à une bouée. Keyr répéta une nouvelle fois la question, lentement, en détachant chaque mot. Je sus au fond de moi que c'était réellement la dernière fois, la prochaine fois, sa lame s'enfoncerait dans la chair de l'homme qui l'avait vendu.
- Elle est en sécurité, répondit Briag. Elle l'a toujours été. Elle ignore qui tu es, Keyr, et elle ignore qui elle est. Mais si tu veux que ta sœur reste saine et sauve, tu dois retourner à Grael et continuer à espionner Judicaël, sinon il nous trouvera tous. Tu dois continuer, Keyr, quelles que soient les souffrances.
Je vis mon ami sursauter, son visage se déforma de colère et s'il avait eu un Dragon en lui, celui-ci aurait explosé en ravageant la caverne. Au lieu de cela, il empoigna le col de Briag en sautant sur ses pieds. Son poing s'abattit sur la joue de l'Ancien Général, se releva, s'abattit encore, éclatant la pommette et broyant la joue, encore et encore, emporté dans une rage folle.
- Tu n'as aucune idée de ce que j'ai enduré ! Hurla-t-il en martelant son visage. J'ai été vendu, frappé, affamé, exploité, battu, violé, enfermé, torturé ! Tu m'as vendu quand je n'étais qu'un gosse et tu as vendu ma sœur ! Tu es le pire porc que j'ai jamais connu, c'est toi qui m'a condamné à l'esclavage alors que tu avais promis de nous protéger. Mon père te faisait confiance ! Tu as vendu ma sœur ! Dis-moi où elle est ! Où est ma sœur ?
Il hurlait tellement que sa voix se brisait pendant qu'il répétait sa question. Le sang de Briag commençait à éclaboussait les murs et j'aperçus son visage sanguinolent alors que le poing rougi de Keyr se levait une énième fois. Je m'inquiétais qu'il ne puisse pas répondre à nos questions si Keyr ne cessait pas rapidement des'acharner sur lui.
Je m'avançais pour le tirer en arrière mais il résista sans paraître se rendre compte de ma présence. Je dus l'empoigner à bras le corps et l'appeler pour qu'il recule avant de parvenir à m'interposer entre eux. Ses yeux verts brillaient de foli, son visage si fin était déformé de rage, je le pris entre mes mains et le forçais à me regarder.
- Keyr, calme-toi, fis-je soucieux de capter son regard. Keyr ! Calme-toi. Regarde-moi. Il ne pourra pas parler si tu continues.
Il finit par planter ses yeux verts dans les miens, sa respiration se calma peu à peu et la folie meurtrière disparut de ses yeux. Il tremblait encore d'émotion mais je le vis masser ses doigts couvèrent de sang. Si la douleur revenait, alors la raison reviendrait avec.
- Je crois qu'il va parler maintenant, fis-je calmement.
- Et s'il nous ment encore ? Objecta-t-il d'une voix tremblante d'émotion. C'est un ancien Chef de Guerre, ce ne sont pas quelques coups de poings qui auront raison de lui.
- Je connais un moyen de s'assurer de la vérité, affirmais-je.
C'était faux. Je n'en connaissais aucun. Rahelm, en revanche, en connaissait un. Tout comme Virhys. Tout comme Synna. Tout comme Gendraryhïn. Parce que les Dragons, s'ils peuvent mentir, haïssent plus que tout qu'on leur mente.
Les mains serrées autour du visage de Keyr, je fermais les yeux. Et je plongeais. Je plongeais au plus profond de moi, là où tous les Dragons sommeillaient, attendaient. Et je les appelais tous. Ils surgirent autour de moi dans une vague de magie brûlante qui m'entoura d'une auréole dorée, j'ouvris les yeux et Keyr hoqueta en apercevant mes yeux de Dragon dorés.
Je fis volte-face et m'avançais vers Briag. La face gauche de son visage était ensanglantée, son nez éclaté, sa pommette détruite, son œil gonflé, il hoquetait de douleur, du sang plein la bouche. Keyr avait raison. Il n'allait pas céder pour si peu.
Je m'accroupis devant lui, ses yeux à moitié fermés m'étudiaient et pour la première fois, je vis de la peur dans son regard. Il n'était pas terrifié, il redoutait plus qu'il ne craignait, curieux de ce que j'allais lui faire, convaincu que je cherchais à l'impressionner sans oser lui faire le moindre mal. Il ne savait rien des Dragons.
Au fond de moi, les Dragons tournaient, volaient, griffaient, grondaient, rugissaient. Attendaient. Je levais ma main, lentement, tendrement, vers mon père adoptif qui ne broncha pas, surpris. Les yeux rivés dans les siens, j'enserrais son front dans ma main, mon pouce et mon index posés sur ses tempes.
L'Ancienne Magie se déversa dans son esprit, forçant le barrage, détruisant son cerveau. Les yeux de Briag se révulsèrent pendant que les miens se fermaient. Je plongeais dans son esprit, dans ses secrets, ses mensonges, cherchant la moindre trace de vérité avec les Dragons. Je vis tout.
Je repris connaissance appuyé contre le mur, les yeux douloureux, la tête prise dans un étau. Keyr appuyait un linge humide sur mon front en m'appelant d'un air inquiet. J'ouvris les yeux et vis Briag qui gisait sur son lit, le visage boursouflé, la respiration rauque et courte, les yeux remuant derrière ses paupières closes. J'étais nauséeux mais je ne savais pas si cela était dû à un trop-plein de Dragons ou de vérité.
- Alec ? S'inquiéta Keyr. Tu vas bien ?
- Oui, répondis-je en avalant ma salive de travers.
- Tant mieux, répondit-il aussitôt. Je ne tenais pas à être tenu responsable de la mort du Roi-Dragon. Alors, qu'est-ce que tu as vu ?
- Tout, soufflais-je. J'ai vu tout ce qu'il me cachait depuis des années. Tellement de mensonges.
Keyr se tut un instant, je sentais sa question lui brûler les lèvres mais il me laissa quelques instants pour me remettre de mes émotions. Il était plus poli que moi qui serait déjà en train de le harceler de question si les rôles étaient inversés. Je reportais mon attention sur lui et vis son visage inquiet, ses yeux verts sombres me fixant avec attention.
- Tu m'as vraiment laissé faire un truc pareil ? M'étonnais-je.
- J'estime que tu es assez grand pour savoir ce que tu fais, répliqua-t-il. Ce n'est pas le cas ?
- Pas la plupart du temps, répondis-je en me remettant debout avec son aide. C'est pour ça que j'ai des amis : pour m'empêcher de faire des conneries et me tirer de la merde quand je les fais.
- Je retiendrais pour la suite, répondit-il. Alec, est-ce que tu as vu ma sœur ?
Je ne répondis pas tout de suite. Les secrets, les mensonges, les informations, m'étaient venus si brutalement que j'avais encore du mal à les trier. Je remontais le fil confus d'images et de souvenirs qui n'étaient pas les miens jusqu'à atteindre Keyr et sa sœur. Je vis son visage, je vis la ville, je vis ce qu'elle était devenu et comment Briag était parvenu à avoir un œil sur elle toutes ces années. Quel enfoiré.
- Bordel de merde, murmurais-je.
- Quoi ? S'affola Keyr. Il y a un problème ?
- Jamais nous n'aurions pu la retrouver par nous-même, répondis-je. Briag est un putain de génie.
- Et un sacré connard, me coupa-t-il. Comment va ma sœur ? Où est-elle ?
- Ta sœur est à Ketj, répondis-je. Et elle va bien. Pour l'instant.
- Tu la connais ? Soupçonna-t-il.
- Oui, répondis-je en souriant. J'aurais dû m'en douter, elle a tes yeux.
L'instant d'après, nous étions à cheval, galopant pour rejoindre les autres. Briag était caché dans sa prison magique avec de l'eau et des vivres, à l'abri de Judicaël, de la faim et de la soif comme je l'avais promis à Armelle. Ma tête me faisait encore mal et je laissais Sun nous guider en somnolant.
- Pourquoi tu n'as pas peur des Dragons ? Demandais-je soudainement à Keyr.
- Je devrais ? Répliqua-t-il.
- Je ne sais pas, réfléchis-je. Ils effraient tout le monde, sauf Charlie mais elle n'a aucune conscience du danger. Alors que toi tu ne bronches pas quand Virhys crame des soldats, quand Synna sort du sol et tu m'interromps quand j'utilise ma magie.
- Je ne sais pas, répondit-il en haussant les épaules. Ils m'impressionnent, bien entendu, mais je ne vois pas pourquoi ils m'attaqueraient. Sauf si tu veux ma mort. Je pense que je préfère les voir comme des alliés, comme une part de toi qui crache du feu.
- Et tu n'as pas peur de moi ? M'étonnais-je. Même quand j'utilise ma magie ?
- Je suis censé avoir peur de toi ? Répliqua-t-il avec un sourire en coin.
- Je ne sais pas jusqu'où je peux aller, répondis-je gravement. J'aurais pu te tuer d'un regard tout à l'heure, ce n'est pas une bonne idée de m'interrompre de cette façon.
- Je ferais attention, fit-il d'un air sérieux. Et si c'est là ta question, sache que je n'ai pas peur de toi, ni de tes yeux dorés, ni de tes mains en feu. J'ai vu bien pire au château de Grael, que ce soit en magie ou en danger.
- Qu'as-tu vu ? Demandais-je doucement.
Ce que Maël et Elen m'avaient racontés des prisons et de l'esclavage était déjà horrible, je ne pouvais pas imaginer ce qu'il se passait dans la demeure même de Judicaël. Le visage de Keyr devint blême et ses mains se crispèrent tellement sur les rênes que son cheval se cabra. J'attendis qu'il reprenne le contrôle de sa monture et de ses émotions pour lui adresser mon sourire le plus charmant.
- Tu n'es pas obligé de répondre, répliquais-je. Je fiche de ce qu'il t'est arrivé, je voulais juste être poli.
- Tu vas devoir prendre des cours de diplomatie et de conversation, répliqua-t-il. Quoiqu'il en soit, ce ne sont pas tes étincelles qui vont m'effrayer. Et puis, tes yeux dorés te vont assez bien.
Il eut un sourire en coin tellement adorable que sa fossette se planta dans mon cœur trop tendre. J'enfouis mon nez dans mon écharpe pour cacher mes pommettes rougissantes et accélérais l'allure pour rattraper notre armée de pouilleux.
Le groupe marcha toute la nuit, se guidant lors de brefs éclairs, piétinant dans la neige. Les mages effaçaient nos traces et nous guidaient dans le noir, voyant à travers les arbres et les animaux pour nous éloigner des patrouilles de plus en plus nombreuses. Nous avancions lentement, nous étions épuisés, et l'aube fut synonyme d'une sieste trop courte pour pouvoir récupérer de véritable forces. Je marchais avec eux, Sun portait les enfants trop épuisés pour marcher.
Je tentais d'encourager ceux qui faiblissaient mais la motivation cédait peu à peu face au froid et à la fatigue. L'appel d'une corne, déchirant la forêt malgré la distance, l'immense explosion et la colonne de fumée qui s'éleva dans le ciel gris raviva les troupes mieux que je n'aurais jamais pu le faire. La caverne avait été trouvée. Unæ mage m'informa que Lokki menait les troupes mais que nos traces étaient couvertes.
J'observais Ed et Armelle du coin de l'œil pendant que nous marchions dans le jour gris. À ma grande surprise, mon effraction dans l'esprit tordu de Briag n'avait fait que confirmer leur version de l'histoire :ils avaient été tous deux manipulés. Armelle n'avait jamais soupçonné l'ampleur des conspirations de Briag, seulement son désir de rebâtir ce qu'il avait perdu avec Meliorn. Quant à Ed, il pensait avoir fait le bien, œuvrant pour le futur Royaume et surtout contre Judicaël, Briag l'avait tenu à l'écart de toute machination trop complexe.
Le groupe s'arrêta à la fin de la journée, dissimulé entre les arbres nus, tentant de rester le plus silencieux possible. Je gravis le talus avec Rhys et Keyr, observant la ville qui s'étendait devant nous. Une immense enceinte marquait l'entrée de la citadelle qui dominait la mer noire et immobile, mais entre les deux s'étendait un bidonville crasseux et fumant, où la neige avait fondue pour se mêler à la merde et à la cendre. Le Canal reliant l'enceinte à la mer avait gelé, recouvert d'une neige maculée de traces de pas et d'ordures, les enfants y patinaient pieds nus en criant et riant malgré les gris qui tentaient des les attraper.
L'odeur familière de mort, de merde et de pourriture m'accueillit. Comme la promesse de tous mes problèmes à venir.
Ketj.
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