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Chapitre 14

Keyr se fondait parfaitement parmi les ombres, enveloppé dans sa cape et appuyé contre le tronc. Il semblait s'être endormi dans le froid mais se redressa quand j'arrivais. J'aperçus l'éclat d'une lame qui ne se rangea que quand j'eus mis pied à terre et me fus approché.

- Désolé pour le retard, fis-je la voix étouffée par mon écharpe et le vent. J'ai eu quelques imprévus.

- Pas de soucis, fit-il sarcastique. Je n'ai perdu que ma main droite mais la gauche devrait pouvoir se décongeler.

Je lui fis signe de me suivre, je n'avais pas choisi ce point de rendez-vous pour rien. Discuter debout dans le froid était peut-être le hobby de Briag, mais ce n'était pas le mien. Je me glissais dans l'étroit passage entre deux pierres et me retrouvais dans la minuscule caverne où les traces de mes fugues d'enfant étaient encore visibles.

Keyr entra, plus méfiant que jamais, et s'installa à mes côtés. L'espace était à peine assez grand pour nous deux, à l'abri du vent et de la neige, nous devrions nous réchauffer rapidement, en partie grâce à la fiole de rhum que j'avais apporté. Il me lança un regard suspicieux mais je l'ignorais, retirant mon écharpe et mes gants pour boire une rasade.

- Pourquoi avoir changé d'endroit ? Me demanda-t-il en buvant une gorgée.

- Il y a eu du changement, répondis-je.

- Nous étions censés nous rencontrer dans deux jours, observa-t-il.

- Ça fait partie du changement, répliquais-je.

Je sortis la sacoche et les documents de Judicaël qu'il avait dérobé. Je sentis Keyr se raidir imperceptiblement mais sa main ne s'approcha pas de sa dague. Nous allions devoir travailler sur la confiance.

- Où est Briag ? Demanda-t-il d'un ton méfiant.

- Je te l'ai dit, répondis-je en levant les yeux vers lui. Il y a eu du changement. Beaucoup de changement.

Keyr fronça les sourcils et je vis l'inquiétude se peindre dans ses yeux. J'avais toujours ce sentiment étrange au fond du ventre en le regardant, mais j'avais beaucoup trop de soucis pour que cela me déconcentre.

- Je te propose un marché, déclarais-je en fixant ses yeux verts. Je vais te dire la vérité sur ce qu'il s'est passé, et je vais t'expliquer ce qu'il va se passer à partir de maintenant. Et toi, tu vas me dire la vérité sur pas mal de trucs.

- Comment saurais-je que c'est la vérité ? Répliqua-t-il.

- Parce que je te le promet, fis-je simplement.

- C'est un peu léger comme justification, répliqua-t-il. Et comment sauras-tu que je dis la vérité ?

- Parce que tu n'as pas le choix, répondis-je. Je suis le Roi-Dragon.

C'était assez osé comme justification, et si quelqu'un m'avait un jour sortit cette phrase, je lui aurais ri au nez avant de tourner les talons. C'est ce qu'il fit. Keyr souleva un sourcil avant de pouffer de rire et de remettre ses gants.

- Désolé Alec, mais je refuse ton marché, répondit-il. Je n'ai aucun moyen de savoir si tu es sincère ou non. Je ne peux pas me permettre de prendre le moindre risque. Je ne discute qu'avec Briag, dis-lui de venir me voir.

- Briag est hors-jeu, l'informais-je d'un ton nonchalant. Il n'est plus en état de venir te voir.

Keyr se figea alors qu'il se trouvait à l'entrée. J'entraperçus son visage se figer d'horreur avant qu'il ne se jette vers moi pour me plaquer violemment contre le mur, les mains serrées autour de mon cou.

- Espèce d'abruti ! Hurla-t-il. Qu'est-ce que tu as fait ?

Je restais une seconde figé de surprise par sa réaction, et par la panique qui déformait son visage et ses yeux verts. Ce n'était pas sa colère qui m'étranglait, c'était une peur terrible à l'idée qu j'ai tué Briag.

L'espace était trop étroit pour que je parvienne à lui asséner un coup de pied et l'air commençait à me manquer. J'allais devoir abîmer son beau visage et réduire à néant toute chance de prendre le thé avec lui un jour pour pouvoir reprendre ma disparition.

Je frappais le creux de ses coudes et sa poigne se relâcha suffisamment pour que je puisse lui asséner un violent coup de boule. Mon front heurta sa pommette avec un bruit sec, le choc le propulsa en arrière et sa tête heurta la paroi avec un second bruit. Il grogna de douleur et je remarquais que nos deux respirations étaient rapides, lui parce qu'il était à deux doigts de faire une crise de panique, moi parce que je venais de me faire étrangler.

- Je ne pensais pas que tu l'aimais autant, commentais-je en massant ma gorge.

- Tu n'as aucune idée de ce que tu as fait, gémit-il en se massant le crâne. Tu n'aurais jamais dû le tuer, tout est foutu maintenant.

- Qu'est-ce qui est foutu ? Réagis-je en me gardant bien de dire la vérité.

Keyr ne répondit pas toute de suite et fixa le toit de la caverne exiguë. Sa panique avait laissé place à un abattement profond, il paraissait au bord des larmes. Mon ventre se serra d'angoisse et de colère. Qu'est-ce que Briag avait fait à ce type pour qu'il soit aussi dépendant delui ?

- Keyr, l'appelais-je d'un ton calme.

Il tourna la tête vers moi sans chercher à dissimuler son émotion. Ses yeux verts luisaient dans la pénombre et se plantèrent dans les miens. C'était l'occasion ou jamais.

- Pourquoi as-tu besoin que Briag reste en vie ? Demandais-je. Je peux t'aider, mais il faut que tu m'expliques au lieu de m'étrangler.

Il se redressa et se rassit contre le mur, buvant une longue rasade du rhum que je lui tendis. Je devinais déjà que l'histoire allait être longue et que je n'allais pas l'aimer.

- Que sais-tu sur moi ? Demanda-t-il. Je me doute que tu lui as demandé qui j'étais. Que t'a-t-il répondu ?

- Je lui ai demandé deux fois, répondis-je. La première fois, il m'a répondu que tu était son neveu, fils de son frère haï prêt à tout pour se racheter une conduite, ou une autre connerie dans le genre.

- Nous nous étions mis d'accord pour cette histoire, fit-il d'un ton amer. Tu l'as cru ?

- Si je l'avais cru, je n'aurais pas demandé une seconde fois, répliquais-je.

- Il ne t'a pas dit la même chose ? Fit-il surpris.

- Les circonstances étaient différentes, expliquais-je. Il m'a dit que tu n'étais qu'un pauvre type prêt à tout pour le fric.

Le visage de Keyr se figea un instant sous le choc avant de se déformer dans une expression de colère. Il but un coup et je repris ma flasque avant qu'il ne me la vide. Il avait l'air si furieux qu'il aurait pu tuer Briag de ses mains s'il ne l'avait pas déjà cru mort.

- Je ne l'ai pas cru, continuais-je. Ce qui me ramène à ma question. Qui es-tu ? Et pourquoi tu as besoin de Briag vivant ?

- Mon nom est Keyr Urhiel, répondit-il. Mon père était le comte de la Mer du Nord. J'avais six ans quand Judicaël a pris le pouvoir, mon père nous a confié, moi et ma sœur, à Briag. Ça a été sa plus grande erreur.

- Qu'est-ce que Briag a fait ? Demandais-je le ventre serré par la peur.

- Il m'a vendu à Judicaël, répondit-il. Il cherchait des esclaves en bas-âge, Briag m'a vendu en me promettant qu'il reviendrait un jour. Et il est parti avec ma sœur.

- Il est revenu ? Fis-je septique.

Briag tenait toujours ses promesses mais les tournaient toujours à son avantage. Keyr hocha la tête et je compris qu'il aurait préféré rester esclave et oublié, plutôt que de revoir un jour la tronche de mon père adoptif.

- Quand j'avais quatorze ans, répondit-il. Je pensais qu'il m'avait oublié, mais loin de là. Je faisais partie de son plan, j'étais son espion infiltré au cœur même de Grael, il n'allait pas me laisser tranquille. Il m'a expliqué qu'il voulait que j'espionne les conversations, que je dérobe les lettres et les papiers que je pourrais intercepter.

- Comment aurais-tu pu accéder à tout cela ? Relevais-je. Tu étais esclave, tu n'as pas du quitter les cuisines de Grael de toute ton enfance.

- De mon enfance, non, répondit-il. Mais à l'adolescence, j'ai changé de fonction. Je ne sais pas si Briag l'avait prévu ou si cela lui tombait du ciel, mais apparemment, j'étais au goût des gris. Quand j'ai eu douze ans, j'ai commencé à devenir l'esclave sexuel de plusieurs elfes noble, et j'ai ainsi accéder à leurs appartements et leurs papiers.

- Et tu as accepté la proposition de Briag ? M'étonnais-je.

Quel genre de type acceptait immédiatement de risquer sa vie pour celui qui l'avait vendu ? Qui acceptait de bosser pour le mec qui l'avait envoyé dans un tel enfer ?

- Bien sûr que non ! Se révolta Keyr. Ce type m'avait vendu comme esclave et maintenant il voulait que je bosse pour lui ! Je l'aurais balancé à Judicaël à la moindre occasion.

- Pourquoi tu ne l'as pas fait ? Demandais-je.

- Parce qu'il avait ma sœur, soupira-t-il. Il avait ma sœur depuis sa naissance et je me souvenais d'elle. J'avais promis à mon père de la protéger, et si je voulais que Briag veille sur elle, je devais faire ce qu'il me disait.

Mon sang se glaça, la réalité se fraya un passage dans mon cerveau et mon estomac se retourna quand je compris.

- Briag gardait ta sœur en otage ? Résumais-je. Et il t'a vendu en esclavage à la cour de Judicaël ?

- Il la garde encore, corrigea-t-il. Je ne sais pas où elle est, personne ne le sait. Il était censé me le révéler un fois que Judicaël aurait été renversé.

- Tu as travaillé pour le type qui t'a vendu et qui garde ta sœur en otage pendant vingt-deux ans ? Compris-je.

- Judicaël ou Briag, fit-il d'un ton fataliste. Il fallait bien que je choisisse un camp.

- Et tu as enduré la torture pour lui ? Rappelais-je.

- Personne ne survit à la torture ou aux cellules de Judicaël, répondit-il simplement. Je n'ai jamais été démasqué, jusqu'à maintenant.

Je ne répondis pas et lui tendis la flasque de rhum, nous en avions tous les deux besoin. Dehors, la tempête avait cessé, quelques flocons tombaient encore et l'aube était bien avancée. Je sortis le petit-déjeuner que j'avais emmené sous le regard surpris de Keyr et lui tendis une tasse de thé froid.

- Briag n'est pas mort, expliquais-je. Je l'ai emprisonné pour qu'il cesse de comploter contre moi et de me manipuler. Désormais, c'est moi aux commandes, pas Briag, ni ses amis. Je retrouverais ta sœur Keyr, je te le promet, que tu acceptes de bosser pour moi ou non.

- Tu me donnes le choix ? Fit-il en prenant la tasse de thé sans la boire.

- Oui, répondis-je. Quoiqu'il arrive je retrouverais ta sœur pour toi, et tu seras libéré de tout esclavage une fois que Judicaël sera mort. Mais tu n'as pas à risquer ta vie pour un Roi-Dragon que tu ne connais pas et dont tu te fous éperdument.

- Tu n'es pas aussi con que le disait Briag, remarqua-t-il.

- Il disait vraiment que j'étais un incapable ? M'estomaquais-je.

- Il le sous-entendait fortement, nuança Keyr. Qu'a-t-il fait pour que tu emprisonnes ton propre père adoptif ?

- Il m'a pris pour un con, répliquais-je sèchement.

Keyr éclata de rire, comme si toute la pression et la panique s'envolait d'un coup. Je me retrouvais à rire avec lui, dénouant le nœud qui oppressait mon ventre depuis des jours. Notre hilarité mit un instant à se calmer, j'étais à bout de souffle et des larmes de rires perlaient sous mes yeux épuisés.

- Si j'ai le choix, alors je choisis le Roi-Dragon plutôt qu'un imposteur antipathique, parvint à articuler Keyr.

Je trinquais ma tasse de thé contre la sienne, soulagé par sa réponse. Il était temps de passer aux choses sérieuses. Je sortis les documents de Judicaël, ou tout du moins, les copies et les notes de Briag.

- Alors finalement tu acceptes mon invitation pour prendre le thé ? Sourit Keyr. Ou bien tu as toujours une copine ?

- Ni l'un ni l'autre, répliquais-je. Je suis là pour parler boulot, et si tu veux avoir la moindre chance que j'accepte ton invitation, remplace le thé par un truc un peu plus alcoolisé. Je viens de me séparer violemment, j'ai besoin d'une belle cuite.

Le sourire en coin de Keyr creusa davantage sa fossette et je ne pus réprimer mon sourire à mon tour. Je baissais la tête sur les notes pour me donner un contenance, retenant chaque détail des récits de Keyr. Il me rapporta tout ce qu'il avait raconté à Briag pendant les dernières années, ce qu'il avait appris à Grael, les conséquences des actions de mon père adoptif.

Ses récits me faisaient froids dans le dos et je compris toute l'importance d'avoir un espion au cœur de l'ennemi même si les moyens employés me rendaient malades. Les cellules de Judicaël débordaient, bien que l'espérance de vie y soit de plus en plus courte. Une véritable chasse à l'homme dans les villes et les forêts avait lieu pour trouver une trace de notre cachette, ce n'était qu'une question de jours avant qu'ils ne nous trouvent.

Judicaël savait qu'en faisant vivre un enfer à la population, il me provoquait. Il attendait que je sorte de ma cachette pour me cueillir comme une fleur ou que les hommes disparaissent, ce qui était tout à son avantage. Le bruit courait que j'avais des informateurs à Ketj et qu'Elen s'y était rendue pour trouver de l'aide, Lokki était censé partir ce matin.

Il était presque midi quand il termina son récit. Il était temps d'honorer ma part du marché. Je commençais à lui raconter comment j'en étais venu à emprisonner Briag, nommer mes amis au gouvernement et tuer le père de mon ex-petite amie. Un cri déchira la forêt.

Un cri lointain qui n'avait rien d'animal.

Le silence tomba entre nous comme un couperet. L'oreille tendue et le corps prêt à bondir, nous nous contemplions en écoutant.

Un second cri, terrorisé et lointain, brisa le silence.

Je surgis dehors, mon épée brandie, le jour gris qui se reflétait sur la neige immaculée m'aveugla. La voix était fragile mais brisait le silence vibrant de la forêt. Sun était rentrée à la caverne pour se protéger de la tempête. Tout mon corps était tendu, Keyr apparut à mes côtés, nous restâmes immobiles et silencieux.

- Alec !

L'appel à l'aide de Charlie déchira la forêt et je m'élançais à toute vitesse dans sa direction. Je courais malgré la neige qui m'entravait, talonné par Keyr qui avait saisi sa dague. Je me débarrassais de ma cape et de mes vêtements qui me gênaient pour redoubler de vitesse.

Devant moi, Imlee volait à la recherche de Charlie. Mais ce ne fut pas ma petite sœur elfique que j'aperçus. C'était quatre gris à cheval qui encerclaient Armelle qui les affrontait, épée à la main, sans la moindre peur.

Ma dague se planta dans le cou d'un des leurs, tandis qu'une flèche tirée par Keyr se fichait dans l'œil d'un autre. Leur attention se reporta aussitôt sur moi ce qui permit à Armelle d'atteindre l'un d'eux. Je courus vers elle et plongeais pour éviter le cavalier qui courait vers moi, parvenant à entailler l'artère de la cuisse. Il chuta au sol, tâchant la neige immaculée d'une mare de sang.

- Que se passe-t-il ? Demandais-je à Armelle en arrivant à sa hauteur.

- Judicaël nous a trouvé, répondit-elle affolée. Ils ont emmenés Charlie et vont vers la caverne.

Je me juchais d'un bond sur un monture après l'avoir débarrassée de son cavalier mort et partit au triple galop dans la direction indiquée. Keyr me suivait toujours de près, une flèche encochée, pas un moment il n'avait hésité.

Mon cœur battait la chamade, je poussais la monture qui glissait dans la neige, le ventre brûlant de rage et de peur. Imlee fonçait devant et je vis à travers ses yeux les cavaliers en armure qui galopaient dans la direction de la caverne. L'un d'eux enserrait Charlie dans ses bras qui se débattait férocement en griffant et mordant.

Mes yeux de Dragon aperçurent les cheveux blonds de Sunia qui chevauchaient avec eux. Mon sang bouillonna de rage et un rugissement terrible s'éleva dans la forêt, faisant trembler le sol et paniquer les chevaux elfiques. Je vis Sunia dégainer aussitôt son arc, prête à assassiner son frère pour pactiser avec Judicaël.

Imlee fusa vers le garde qui retenait Charlie, son corps argenté invisible dans le décor étincelant. Son aile de métal aiguisé trancha la gorge du garde, le sang écarlate aspergea la neige immaculée, tandis que Charlie sautait au sol et courait en m'appelant à l'aide.

L'instant d'après, ma monture gravissait le talus et je pus contempler le spectacle de mes yeux. Keyr décocha aussitôt une flèche qui ricocha sur une armure, la seconde se planta dans le poitrail d'un cheval qui se dirigeait vers nous. Le cavalier s'écrasa dans la neige et ma lame traversa son cou quand je passais auprès de lui.

- Prenez la gamine et fuyez ! Hurla Sunia.

Les soldats avaient visiblement reçu l'ordre de l'écouter, puisqu'ils firent demi-tour. L'un d'eux attrapa Charlie par le col qui se débattit avec des cris de rage désespérés. Imlee revint s'enrouler autour de mon doigt, mes veines s'enflammèrent, mes bras étaient plus luisant que jamais, véritables membres de feu.

Je tendis la main en avant en appelant ma petite sœur. Au pied du soldat, le sol trembla, bouillonna, gonfla, la monture s'affola, hors de tout contrôle. Synna surgit du sol, grande comme un homme, ses ailes immenses brunes et couvertes de neige masquèrent le cheval. Ses crocs arrachèrent la tête du garde qui n'eut pas le temps de hurler de terreur, pendant qu'elle attrapait Charlie entre ses pattes pour l'emporter. Synna déposa sa protégée entre des racines avant de disparaître.

La panique était totale, les chevaux s'emballaient, les gardes paniquaient. Je sentis la main de Keyr m'agripper par le col pour me faire éviter la flèche qui fusait vers moi. Sunia n'avait pas perdu le nord, son visage déformé par la rage, elle ne visait que moi.

Un incendie de rage explosa dans mon ventre, mes veines en feu hurlaient, mon cœur battait de fureur. Je poussais un cri de rage qui fut repris par Virhys. Il dévala du ciel en rugissant, fonçant vers les gris qui se pissaient dessus à la vue du Dragon de feu à la gueule ouverte débordante de crocs.

Il cracha un jet de flammes qui brûla vif deux cavaliers et leurs montures, dans des cris et hennissements de douleur. Il plongea au sol, incendiant les arbres et faisant fondre la neige. Un coup de patte terrible sectionna un elfe, tandis que sa gueule engloutit un elfe qui disparut purement et simplement.

Un soldat fonça sur mon Dragon qui le balaya d'un simple mouvement de queue. Virhys se redressa, dépassant les arbres et dominant les elfes de toute sa hauteur. Les cavaliers prirent la fuite mais la cascade de flammes qui dévala sur eux fut plus rapide. Ils se consumèrent dans une odeur de viande grillée, tentant de rouler dans la neige pour éteindre un feu qui brûlait jusqu'à la mort.

J'aperçus Sunia décocher une nouvelle flèche du coin de l'œil. Le trait fusa dans ma direction mais mon Dragon l'intercepta en se tournant dans sa direction. Il poussa un rugissement terrible, mais la terreur ne parvint pas à effacer la rancune dans ses yeux verts. Le jet de flammes l'entoura au moment précis où la flèche de Keyr se plantait en travers de sa gorge. Elle était déjà morte quand elle brûla.

J'observais un instant autour de nous, tous les soldats étaient morts, tas de cendres ou cadavres calcinés. Virhys s'envola vers le ciel pour scruter la forêt, trois autres cavaliers galopaient à toute vitesse vers Grael pour donner l'alerte. Une ombre géante de feu plongea sur eux, il les engloutit dans une vague de feu qui ne laissa que des cendres et quelques flammèches sur les branches nues.

Du haut du ciel, je scrutais la forêt mais ne vit rien d'autre que la neige étincelante et les arbres nus. Virhys disparut comme une étincelle mais mon ventre brûlait encore de rage. Keyr avait mis pied à terre et examinait les cadavres, cherchant je ne sais quoi. Je descendis à mon tour et m'avançais vers Sunia. Elle n'était plus rien qu'un cadavre noirci avec une flèche en travers de la gorge.

- Ce n'était pas un soldat, observa Keyr. Tu la connaissais ?

- C'était ma demi-sœur, répondis-je. J'attendais qu'elle nous trahisse depuis le jour où je l'ai rencontré.

- Tu as une charmante famille, répliqua-t-il d'un ton léger.

Je levais mon regard vers lui, il ne semblait nullement traumatisé par le spectacle de Virhys qui venait d'anéantir toute une escouade. J'allais lui faire la remarque quand la voix de Charlie m'appela, je fis volte-face et elle sauta se réfugier dans mes bras.

Elle était encore tremblante de peur et couverte d'un sang qui n'était pas le sien, sa tunique était déchirée et sa peau hérissée par le froid. Je l'enveloppais dans ma cape en la serrant contre moi de toutes mes forces, le cœur encore battant de frayeur. Armelle arriva à cet instant sur un cheval volé, son regard balaya la scène avant de se poser sur nous.

- Charlie ! S'écria-t-elle soulagée.

- Que s'est-il passé ? Demandais-je.

- Des soldats nous ont attaqués, expliqua Charlie. Je cherchais Sunia avec Armelle et elle est arrivée avec toute une escouade. Ils m'ont attrapés et ont voulu aller à la caverne. Je me suis battu le plus possible, Alec, mais ils étaient vraiment très fort, alors j'ai crié le plus fort possible.

- Tu t'es très bien battu, la rassurais-je en l'embrassant sur le front. Et tu as eu raison de crier très fort, on t'a entendu et on a pu venir à temps.

- Alec, je suis désolé, fit-elle à toute vitesse. Je t'avais promis de surveiller Sunia mais elle a disparue. Et quand je l'ai retrouvé, j'ai essayé de me battre, mais ils étaient trop fort et j'avais peur.

- Charlie calme-toi, fis-je attrapant son regard. Tout va bien. Tu as fait tout ce que tu as pu. Je n'aurais jamais dû te demander de surveiller Sunia, ce n'était pas à toi de le faire. Je suis désolé, tout ira bien maintenant.

Son regard saphir se calma peu à peu et je sentis sa respiration redescendre. Elle était accrochée à mon cou et je sentis sa poigne se détendre.

- Tu as envoyé un Dragon pour me sauver, murmura-t-elle les yeux brillants.

- Tu as eu peur de ma Synna ? Demandais-je.

- Non, répondit-elle sans hésitation. C'était génial, j'ai volé entre ses pattes et elle a tué le gris pour me protéger.

- Quand la guerre sera finie, je te promet que je t'emmènerais voler avec les Dragons, fis-je.

Un faible sourire apparut dans le masque de sang qui recouvrait son visage. Son regard s'accrocha à celui de Keyr qui se tenait en retrait, discret et patient. Armelle l'examina d'un air suspicieux, ce qui m'exaspéra, elle se méfiait du type qui avait sauvé sa vie mais pas de ma demi-sœur avide de vengeance ? Il était grand temps qu'elle revoit ses priorités.

- Qui est-ce ? Demanda timidement Charlie.

- Un nouvel ami, répondis-je. Il s'appelle Keyr, Briag aussi lui a beaucoup menti et lui a fait du mal, mais on va réparer ça. Keyr, je te présente Armelle, ma mère adoptive, et Charlie, je te préviens c'est une vraie chipie.

- C'est normal, je suis un enfant, répliqua-t-elle.

- Quand ça t'arrange, seulement, répliquais-je en lui ébouriffant les cheveux.

- Je suis ravi de te rencontrer Charlie, sourit Keyr. Je suis sûr qu'on pourra embêter Alec ensemble.

- D'où venez-vous ? Fit Armelle un brin agressive.

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. D'abord, Armelle m'ignorait, ensuite elle pactisait avec la personne qui me haïssait le plus, puis elle me reniait et me méprisait, et maintenant elle se permettait d'insulter mes amis. Je sentis mon sang bouillonner et mes mains luire de lave quand je me tournais vers elle. Dans mes bras, Charlie retint son souffle et la réplique de Keyr resta suspendue à ses lèvres.

- Keyr est mon invité, fis-je à son intention. Il a été manipulé et trahit par Briag, tout comme moi, tout comme des dizaines d'autres personnes. Il est digne de confiance et vient de vous sauver, toi et Charlie, parce que vous avez été attaqué, je le rappelle, par des soldats qui ont été appelés et guidés par Sunia. Ils ont faillis te tuer et livrer Charlie à Judicaël, et ils savent probablement où est la caverne à l'heure qu'il est. Et peut-être qui si tu avais moins idéalisé et adoré Sunia qui trempait dans chaque complot de ton compagnon, et complotait pour m'assassiner depuis des années, et pris deux minutes pour réfléchir à la situation, tu aurais pu éviter tout cela ! Alors tu la fermes, tu respectes mes invités et tu te remets en question avant d'avoir des sursauts de méfiance envers mes amis, est-ce clair ?

Le visage d'Armelle était devenu de plus en plus livide et ses yeux se noyaient de larmes qu'elle s'efforçait de retenir. Elle avait l'air sincèrement désolée et je priais pour que cette attaque la fit revenir à la raison. Elle ouvrit la bouche mais je n'étais pas d'humeur à l'entendre parler, je détournais la tête pour l'ignorer.

Je croisais les yeux verts de Keyr qui me dévisageaient avec une lueur étrange, qui fit enflammer mon ventre avec un rugissement de désir. La main de Charlie se posa sur ma joue et je vis mes yeux aux pupilles de feu se refléter dans les siens, son visage d'enfant était couvert de sang séché, masquant toute émotion. Je clignais des paupières et respirais profondément pour tenter de me calmer, l'incendie dans mes veines se tarit, devenant de la lave couvant prête à exploser.

Le bruit des chevaux galopant dans la neige nous firent tourner la tête. Keyr encocha aussitôt une flèche et Armelle se remit en garde, le visage lisse de concentration, le corps prêt au combat. Je fis glisser Charlie qui s'abrita derrière mes jambes et prit la dague que je lui tendis. Je dégainais mon épée, ma bague-dragon toujours serrée à mon doigt, prêt à bondir.

La silhouette noire de Rhys apparut sur son étalon, accompagné de plusieurs autres résistants armés. Son visage impassible était tendu d'inquiétude, son épée tirée au clair, il croisa mon regard. Je poussais un soupir de soulagement et baissais ma garde en le voyant approcher, ce qui n'apaisa pas ses angoisses.

- Que s'est-il passé ? Demanda-t-il en sautant à terre.

- Sunia nous a trahit plus vite que je ne le pensais, répondis-je en le serrant dans mes bras. Elle a du conclure un pacte avec Judicaël ou Lokki, les guider à la caverne en échange de la vie sauve. Elle a essayé de kidnapper Charlie et attaqué Armelle.

- Elle a disparue peu après ton départ pour la Cité des Lumières, m'informa-t-il. Elle a profité de l'enterrement de Maureen. Je l'ai cherché mais impossible de la retrouver. Où est-elle ?

Je désignais le cadavre calciné et posais ma main sur les yeux de Charlie pour qu'elle ne contemple pas plus longtemps le massacre. Rhys n'accorda qu'un bref regard au corps mais adressa un regard interrogateur au nouveau venu.

- Keyr, présentais-je brièvement. Voici, Rhys, mon Conseiller et frère d'armes.

Un simple signe de tête scella les présentations officielles. Il était temps de se remettre route, nous devions regagner la caverne au plus vite. Je hissais Charlie sur ma nouvelle monture encore nerveuse par les Dragons.

- Au moins, elle ne nous trahira plus, fit Rhys en adressant un dernier regard à la haute-elfe.

- Mais le mal est fait, répondis-je. Même si elle ne leur a pas donné l'emplacement exact, ils savent où chercher à présent. Sans parler de Virhys qui a signalé notre position. Il faut rentrer au plus vite, ordonnais-je en me mettant en selle. Nous partons dès ce soir pour Ketj, tous, on ne peut pas s'attarder. Je suis prêt à parier que Judicaël rassemble déjà ses troupes.

Mon ordre électrisa chacun, qui se mit en selle et se prépara à partir. L'heure n'était plus à la panique, il fallait que chacun garde son sang-froid et que la caverne soit vide avant la nuit. J'aperçus Keyr qui restait immobile, arc à la main, ses yeux verts rivés sur moi.

- Tu viens te battre avec nous ? Ou bien tu retournes à Grael continuer ta mission ? Proposais-je.

- Je ne suis pas le meilleur des archers, répondit-il, mais rien ne m'honorerait plus que de me battre avec vous contre Judicaël.

- Alors viens, souris-je.

Il sauta souplement en selle et je pris les devants avec Rhys qui me résumait rapidement la situation à la caverne. Tout était normal à l'exception de la trahison de Sunia qui avait bouleversé tous les plans. Ayaan avait dormi toute la nuit et toute la journée, veillée par le mage.

Je lui racontais mon expédition chez les fées et ma rencontre avec Keyr, les nouvelles manipulations de Briag qui l'écœurèrent à son tour. Il jeta un regard rapide à l'espion avant de me lancer un regard entendu avec un sourire en coin.

- En effet, approuva-t-il, il n'est pas mal. Je comprend que tu es été perturbé la première fois que tu l'as vu.

- Et la seconde, soupirais-je.

- Tu arriveras à te concentrer pour la bataille ou je dois lui demander de porter une cagoule ? Se moqua-t-il.

Je levais les yeux au ciel et lui lançais une boule de neige, j'avais choisi le seul Conseiller qui n'avait aucun respect pour ma réputation. J'entendis Charlie pouffer de rire, mais son rire sonnait faux. Je baissais les yeux sur elle, son visage et ses cheveux étaient maculés de sang et de boue. Elle empestait l'odeur de viande cramée et de sang séché, l'odeur des gamins des rues à Ketj.

Je posais ma main sur la sienne et embrassais ses cheveux, et je la sentis s'appuyer contre moi, épuisée. Pourtant, sa main restait crispée autour du poignard qui brillait sous les éclairs de la nuit. Quelque chose au fond de moi céda devant la dure réalité. Quelque chose aujourd'hui avait été brisé en Charlie. Elle n'était plus une enfant.

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