Chapitre 18
— Va t'installer sur le canapé pendant que je vais faire le feu.
Noah se laissa guider, grelottant et claquant des dents.
L'après-midi avait été agréable. La main d'Aaron n'avait pas quitté la sienne durant tout le trajet. Leurs doigts enlacés s'apprivoisaient exactement comme le faisait leurs propriétaires. Les mots s'étaient échappés de leurs bouches, dans des échanges partagés et avaient, parfois, laissé place à des chamailleries.
La main d'Aaron l'avait quitté, le temps de faire quelques achats, mais avait rapidement repris sa place. Les magasins s'étaient enchainés sous leurs yeux, à la recherche des premiers cadeaux de Noël.
Noah avait profité des décorations dans les rues, ses yeux s'illuminant comme pour un enfant de cinq ans devant une pile de présents, sous le regard charmé d'Aaron. Ils avaient partagés un chocolat chaud et des gaufres dans les rues fraîches. Ils avaient passé un excellent moment mais s'étaient laissés surprendre par la pluie inattendue qui s'était abattue sur eux. Il s'était mis à pleuvoir de façon brute et violente et, même s'ils avaient couru pour rentrer chez Aaron, ils étaient arrivés trempés.
Noah s'affaissa sur le canapé alors que ses vêtements goûtaient sur le sol, mouillant par la même occasion les coussins sur lesquels il était appuyé.
Aaron se dirigeait vers la salle de bains, sans prendre le temps d'ôter ses vêtements humides. Il s'empara de deux serviettes puis, après un passage dans sa chambre pour se saisir d'un pantalon de jogging et d'un pull en laine noir, il alla s'installer aux côtés de Noah.
— Tiens, souffla-t-il en lui tendant une serviette.
Noah s'en empara, ses dents claquant toujours. Il frotta énergiquement ses cheveux avec cette dernière, tandis qu'Aaron déposa les affaires à ses côtés.
— Il faut que tu te changes pour te réchauffer. Ses affaires devraient convenir. Tu te souviens où est la salle de bains ?
Noah acquiesça d'une voix étouffée, le visage perdu dans la serviette. Il finit par se redresser pour prendre la direction de la salle de bains, sous le regard d'Aaron. Ses lèvres rouges, ses cheveux totalement ébouriffés après avoir été égoutté, lui donnait un air dévergondé. Tout à fait le visage qu'il pourrait avoir après une nuit sensuelle, dans un état post-coïtal.
Aaron secoua la tête pour reprendre le fil de ses pensées, occultant l'image d'un Noah nu, alangui dans son lit, le souffle court, les doigts crispés sur les draps alors que la langue d'Aaron le parcourait, le découvrait avec envie.
La seconde serviette toujours dans sa main, Aaron se dirigea vers sa chambre. Il devait se sortir ses pensées, ses envies de son esprit. Noah était un animal sauvage à apprivoiser et il était hors de question qu'il l'effraie en allant trop vite. Malgré son impatience habituelle, il prendrait le temps qu'il faut pour se rapprocher du beau brun qui était en train de se dévêtir dans la salle de bains.
Frigorifié et gêné de se retrouver nu dans l'appartement d'Aaron, Noah se sécha rapidement et enfila les vêtements prêtés. L'odeur d'Aaron présente sur les habits se glissa dans ses narines et Noah aspira à plein poumon. Il aimait son odeur. Elle était à la fois douce et masculine, rassurante et affirmée.
Une fois vêtu, il se dépêcha de sortir de la pièce. Tellement, que lorsque Noah pénétra dans le salon, son regard se posa sur Aaron, toujours dans sa chambre, dos à lui. Il avait enfilé un jean gris, soulignant la courbe de ses fesses. Son dos nu était musclé. Sa colonne vertébrale se dessinait et deux fines fossettes terminaient sa chute de reins.
Les joues de Noah s'empourprèrent alors qu'il était incapable de détacher son regard. La vue du corps de cet apollon l'émoustillait autant qu'elle le complexait.
Inconsciemment, ses mains glissèrent sur le bas du pull enfilé pour tirer dessus, amenant celui-ci jusqu'au haut de ses cuisses, dissimulant ce fessier plat qui le complexait tant. Une de ses mains se glissa dans son cou, avant de remonter le long de sa mâchoire et de gratter sa fine barbe brune qui cachait les quelques cicatrices de son visage, vestige de son acné d'adolescent.
Comment un tel spécimen pouvait s'intéresser à lui ? Il se le demandait tous les jours depuis qu'Aaron l'avait invité à prendre un verre.
— Noah, tout va bien ?
Perdu dans ses pensées dont il venait d'être tiré, il n'avait pas vu Aaron enfiler un pull, ni remarqué qu'il s'approchait de lui.
Il acquiesça d'un signe de tête juste au moment où ses dents reprirent leur claquement. Il avait beau avoir enfilé des vêtements secs, l'humidité semblait avoir transpercé sa peau et il avait toujours froid.
— Un film, ça te tente ?
Noah jeta un œil à sa montre pour constater qu'il était 18h15. L'heure du couvre-feu était dépassée et le souvenir de la prune qu'il avait prise deux jours plus tôt était encore bien présent... Cependant, quitte à prendre le risque de recevoir une nouvelle amende, autant le prendre jusqu'au bout. Alors il répondit par l'affirmative et lui adressa un fin sourire.
— Je te laisse choisir le film. Pendant ce temps, je vais nous préparer du thé pour te réchauffer.
Noah se dirigea vers la salle de cinéma.
Son regard se perdit sur les étagères, ignorant les films d'horreur pour la seconde fois. Finalement, il ne tarda pas à se décider pour le premier film de la saga Fast & Furious, qui lui avait déjà fait de l'œil vendredi soir.
Il glissait le DVD dans l'appareil prévu à cet effet au moment où Aaron pénétra dans la pièce, une couverture coincée sous le bras, alors qu'il tenait deux tasses fumantes dans ses mains.
Il les posa sur la table basse, déplia la couverture pour la poser sur Noah qui venait de prendre place sur le canapé. Comme la première fois, il s'assit dans l'angle de celui-ci, droit comme un piquet et Aaron fut incapable de retenir une moue moqueuse, mais il ne fit aucune remarque.
— Parle-moi de ta famille.
Aaron suspendit son mouvement, alors qu'il tournait la tête vers Noah, surpris par cette demande.
— Je t'ai parlé de ma famille, de mes neveu et nièce. Tu m'as écouté déblatéré à leur sujet alors que je ne te laissais pas en placer une et je ne t'ai rien demandé concernant la tienne.
— Bof, il n'y a pas grand-chose à en dire, répondit Aaron en haussant les épaules.
Il allait appuyer sur la touche « play » de la télécommande lorsqu'il remarqua la moue déçue de Noah et entendit sa respiration avoir un raté. Surpris par cette réaction, il détailla Noah dont le regard ne quittait pas l'écran. Il semblait plus tendu que quelques secondes plus tôt et Aaron percuta.
Noah était telle une biche apeurée par les feux d'un véhicule, une proie fuyant désespérément le chasseur. Il avait évité Aaron, avant de se laisser convaincre de lui laisser une chance. Il s'ouvrait à lui, doucement mais sûrement, et lui répondait par la négative à la première question personnelle qu'il lui posait.
— Mark est ce qui se rapproche le plus d'une famille pour moi, reprit Aaron après avoir réalisé son erreur. Je n'ai jamais été très proche de mes parents, ni de mon frère. Nos contacts sont presque inexistants, alors je n'ai pas beaucoup de chose à te raconter.
Aaron osa glisser sa main sur la cuisse de Noah pour y exercer une légère pression. Un signe réconfortant de sa part, pour qu'il comprenne que ce n'est pas qui ne veut pas en parler avec lui, c'est juste qu'il n'a que très peu de chose à raconter.
— On s'appelle pour nos anniversaires, Noël et le nouvel an. Le reste du temps, c'est silence radio et encore, on a beau se parler peu souvent, on arrive encore à se prendre la tête les rares fois où on se parle. Je ne serais pas étonné d'être déshérité !
Il l'avait dit avec dérision, mais la vérité était qu'il avait envié l'amour avec lequel Noah avait parlé de sa propre famille. Il n'avait pas eu de rupture brusque et difficile avec ses parents, ils n'avaient jamais été proches, alors il vivait plutôt bien cet éloignement, mais parfois il se demandait ce que cela faisait d'avoir une famille. Une vraie, présente dans les moments difficiles comme dans les instants courants de la vie.
— On ne peut pas déshériter un enfant.
Aaron ne s'était pas attendu à cette réponse. Il n'y avait pas grand-chose à répondre en réalité, mais il ne s'attendait pas à une remarque si détachée et impersonnelle.
— Pardon, murmura Noah. Déformation professionnelle.
Il passait tellement de temps derrière son bureau, à travailler sur des dossiers difficiles, à écouter les gens raconter leurs histoires de famille dans le cadre des règlements de succession, qu'il avait du mal à laisser de côté cet aspect de sa vie.
Gaëtan lui avait annoncé, en début d'année, qu'un ami de collège divorçait et la seule chose qu'il avait trouvé à répondre avait été : « La maison est à elle, il va se retrouver à la rue. ». Il s'était senti stupide, exactement comme à l'instant.
Il hésita une seconde, puis se décida à poser sa main sur celle d'Aaron, mélant leurs doigts ensemble. Il appréciait ce contact, comme il était satisfait qu'Aaron s'ouvre à lui comme lui le faisait.
— Ils n'ont pas accepté ton coming-out ?
— Même pas. Mon orientation sexuelle n'est pas le problème. On est juste une de ses familles qui ne sait pas s'aimer.
Il connaissait ça.
Lors de ces premières années derrière son bureau, il avait été surpris et étonné par les querelles familiales dont il pouvait être témoin sur son lieu de travail. Ces disputes, parfois violentes, lui semblait insensées. Proche de sa famille, il peinait à comprendre comment des fratries pouvaient ainsi se déchirer. Le temps avait fait son oeuvre et aujourd'hui, il en avait tellement vu et entendu, qu'il n'était plus étonné. Néanmoins, il était conscient de la chance qu'il avait d'avoir une famille aimante et présente, même si sa mère et sa soeur pouvaient se montrer envahissantes et intrusives en ce qui concernait sa vie personnelle.
Noah exerça une pression plus forte sur les doigts d'Aaron, profitant de la chaleur émanant de sa peau, alors que la sienne était toujours fraîche après la douche impromptue qu'il avait pris dans les rues de la ville.
— Tes doigts sont toujours gelés ! s'exclama Aaron.
Comme pour approuver ses dires, les dents de Noah claquèrent. Aaron s'esclaffa, appuya - enfin - sur la touche lecture de la télécommande et le film démarra.
Il saisit un oreiller pour le glisser dans son dos avant de venir s'appuyer sur l'accoudoir du canapé. Il allongea ses jambes sur celui-ci, au bout duquel Noah était toujours assis comme une statue. Son pied effleura la cuisse de Noah, mais ce dernier ne compris pas le message, se resserrant un peu plus au fond de l'assise.
Alors Aaron se redressa, ses doigts glissèrent sur le poignet de Noah pour le tirer vers lui. Il se retrouva blotti contre le torse d'Aaron qui ne tarda pas à les faire s'allonger, retrouvant sa place sur l'oreiller installé, la tête de Noah reposant dans son cou. Leurs jambes se mêlèrent et, s'il fut crispé un instant, Noah ne tarda pas à se détendre dans l'étreinte chaude d'Aaron, profitant de la chaleur dégagée par son corps et de l'odeur qu'il appréciait tant.
Un soupir d'aise s'échappa de ses lèvres lorsque ses pieds froids entrèrent en contact avec ceux, chauds, d'Aaron.
☆
Petite information de fin de chapitre... Le titre de Noël au boulot va bientôt être modifié. J'ai toujours eu une petite insatisfaction le concernant et j'en ai – enfin – trouvé un autre... Il fera donc prochainement place à : Le dossier de Noël.
Ne soyez pas surpris ! Il me reste juste quelques détails à régler avant ce changement.
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