Chapitre 17
> Samedi 28 novembre
La sonnerie de son interphone le tirait de son sommeil.
Grognon, les paupières lourdes, les yeux encore à demi-fermés, les cheveux en bataille, Noah quitta son lit pour aller ouvrir à l'imposteur qui venait de le réveiller.
Les yeux sur l'écran de la petite caméra de l'interphone, il ouvrit à Gaëtan, qui semblait impatient.
Il ne fallut pas longtemps à ce dernier pour monter les deux étages et se trouver devant la porte de Noah qu'il avait laissé entre-ouverte pour lui.
— Loulou ! s'écria-t-il en claquant la porte derrière lui.
— Pourquoi t'as pas utilisé le double de tes clefs, comme tu le fais d'habitude, au lieu de me réveiller ?
C'est naturellement et sans une once d'hésitation que Noah avait remis un double de ses clés à Gaëtan après avoir acquis son appartement. Diverses raisons l'avaient poussé à le faire, mais l'une des principales - et peu glorieuse - était qu'il en avait assez de sursauter à chaque que l'interphone retentissait dans son appartement. D'autant plus que Gaëtan avait tendance à laisser son doigt appuyé sur le bouton uniquement pour faire enrager Noah.
— Je ne voulais pas tomber sur une scène compromettante, répondit Gaëtan en rejoignant Noah dans le salon, après avoir quitté ses chaussures. J'ai apporté le petit-déjeuner !
Le sachet de viennoiseries finit sa course sur la table et Gaëtan se dirigea sans gêne dans la cuisine de Noah pour se faire couler un café. Il en fit un deuxième pour son ami et, les breuvages bien chauds en main, il rejoignit Noah.
— Tu as une petite mine.
Noah avait désormais les yeux bien ouverts, mais des cernes se dessinaient sous ses paupières. Son teint était légèrement plus gris qu'à l'habitude, signe qu'il n'avait pas assez dormi.
— Il a abusé de ton corps toute la nuit, c'est ça ? demanda Gaëtan en haussant les sourcils de façon plus que subjective.
— T'es con ! souffla Noah en réponse, avant de croquer dans un croissant.
— Oh allez ! Ne me fais pas supplier ! Raconte-moi.
— Il n'y a rien à raconter.
— Comment ça, rien à raconter ? Ne me dis pas qu'il ne s'est rien passé durant cette soirée. Je te jure que si tu me dis ça, je me jette de ton balcon !
Cette réplique digne d'une grande drama-queen arracha un rire à Noah qui n'avait aucun mal à imaginer son ami prendre un air théâtral et simuler un saut depuis son petit extérieur.
— On a regardé un film, enfin trois pour être précis. Et ça s'est bien passé, puis je suis rentré chez moi.
— C'est tout ?
— Oui. Quoi que...
Noah croqua une nouvelle fois dans son croissant, laissant sa phrase en suspens, alors que Gaëtan le fixait, excité, se retenant difficilement de le presser pour avoir la suite.
— Ses lèvres sont aussi douces que je le pensais.
— Je suis content pour toi, répondit Gaëtan, un large sourire sur les lèvres.
Noah lui rendit un fin sourire. Lui aussi était heureux, mais interprétait-il cette soirée comme Aaron ? Peut-être n'avait-ce été qu'une passade, une envie d'un soir inachevée puisqu'il avait refusé de passer la nuit chez lui. Aaron ne voulait peut-être que tirer son coup, vider ses bourses et lui dire au revoir, sans lendemain.
Il avala une gorgée de son café, jeta un œil à son téléphone qui n'annonçait aucune notification et ses tergiversations n'eurent pas le temps de reprendre, interrompue par un soupir de Gaëtan.
Son sourire avait quitté ses lèvres, ses yeux étaient baissés sur la table et seulement maintenant Noah remarquait qu'il ne semblait pas au meilleur de sa forme.
— Qu'est ce qui ne va pas ? demanda-t-il.
— Adrien, souffla Gaëtan.
Noah s'empara de leurs tasses à café, désormais vides, pour aller les remplir. Gaëtan but une longue gorgée, sous le regard patient de Noah, avant de reprendre la parole.
— Il est devenu distant, fuyant, évasif, alors que c'était tout l'inverse pour moi. Ca fait plusieurs semaines que ça dure, peut-être deux mois.
Il souffla avant de terminer le breuvage se trouvant dans la tasse qu'il tenait entre ses mains, légèrement tremblantes.
— J'en ai eu marre et j'ai fini par le confronter. S'il voulait rompre autant qu'il me le dise. J'ai finalement appris qu'il ne tenait pas à rompre, mais qu'il n'assumait pas son homosexualité... Si peu qu'il a femme et enfants qui l'attendent tous les soirs à son domicile... Celui que je n'ai jamais visité puisque celui on se retrouvait, quand on n'était pas chez moi, était sa garçonnière.
Il aurait pu dire qu'il était désolé, qu'Adrien n'était qu'un connard arrogant qui n'avait aucune idée de la perle rare qu'il laissait filer entre ses doigts, mais ce n'était pas ce dont avait besoin Gaëtan. Tout ce qu'il pouvait faire, tout ce qu'il devait faire, c'était être l'épaule attentive sur laquelle Gaëtan pourrait s'épancher.
Il se mordrait les doigts plus tard pour ne pas s'être aperçu que si Gaëtan voulait tant être à ses côtés dans son histoire avec Aaron, passait tant de temps à effacer ses doutes, s'était pour supprimer les siens aussi et se changer les esprits.
Il glissa sa chaise à côté de celle de son ami, puis passa un bras autour de ses épaules. Ce simple geste suffit à Gaëtan pour qu'il laisse tomber sa tête dans le creux de son cou.
— Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant ? demanda-t-il après plusieurs minutes de silence, même s'il connaissait déjà la réponse.
— Tu avais tes propres doutes à gérer Noah, je n'allais pas t'embêter avec les miens.
— Je suis là pour ça, comme tu es là pour moi, chouchou.
Sa main caressait de façon réconfortante le bras de Gaëtan.
— Tu aurais dû m'en parler même si j'ai des doutes sur ma propre histoire.
— Ca n'aurait pas changé grand-chose, répondit-il en haussant légèrement les épaules. Tu as toujours des doutes ?
A son tour, Noah haussa ses épaules. Le manque de confiance avait toujours été l'un de ses plus grands défauts et ce n'était pas une soirée agréable en compagnie d'Aaron qui le ferait changer. Ses interrogations revinrent au galop et le fait de n'être qu'une distraction s'insinua encore une fois dans son esprit.
— Je crois que tu n'as pas à en avoir, sourit Gaëtan en lui tendant son téléphone.
Noah, dont l'esprit avait tendance à rapidement divagué lorsque les incertitudes devenaient comme une seconde peau pour lui, ne l'avait pas entendu sonner. Son regard se posa sur l'écran annonçant l'arrivée d'un message.
« — Tu as quelque chose de prévu cet après-midi ? »
☆
— J'aurais dû t'écouter et ne pas rentrer chez moi. Je me suis pris une amende.
Aaron franchissait à peine le seuil de la porte de son immeuble que, déjà, Noah râlait.
Le bonnet enfoncé sur son crâne, ses mains gantées glissées dans ses poches, son manteau fermé au maximum, son écharpe autour de son cou et remontée jusqu'au bas de sa bouche, Noah était appuyé contre le mur.
Aaron lui adressa un sourire avant de s'approcher de lui.
— Salut, souffla-t-il, son regard planté dans celui de Noah.
Noah se déroba à son attention, fixant maintenant ses pieds, alors qu'il grommelait un « salut ». Il commençait à bouger son poids d'un pied sur l'autre. Il était gêné et ignorait comment agir.
Aaron avait proposé de se revoir la veille, mais il avait refusé pour pouvoir passer sa journée aux côtés de Gaëtan. Ils avaient donc prévus de se voir en cette froide journée de dimanche et, depuis que le rendez-vous était fixé, Noah était incapable d'ignorer les interrogations et l'angoisse provoquée par ces dernières.
Aaron esquissa un sourire devant la timidité flagrante de Noah.
— Tu as apprendras, mon petit Noah, qu'en plus d'être plein de ressources, j'ai toujours raison.
— Ca va les chevilles ? Tu arrives encore à passer les portes ?
Une seule petite phrase et la timidité de Noah semblait s'être envolée. Aaron jeta un regard nonchalant à ses chevilles, avant d'hausser les épaules.
— Elles vont bien et sont magnifiques. Si tu veux, on peut monter dans mon appartement pour que tu constates par toi-même leur état.
Aaron adressa un clin d'œil à Noah. Une seule phrase et la pudeur de Noah revenait au galop, et ses joues prenaient cette jolie teinte rouge qui lui seyait tant.
— Je... Euh... On y va ?
Noah ne laissa pas le temps de répondre à Aaron, que son dos s'était déjà décollé du mur pour prendre la direction du centre-ville. Il avait à peine fait deux pas, que la main d'Aaron se posa sur son bras pour le retenir.
— Tu n'oublies pas quelque chose ?
Noah resta stoïque, alors qu'Aaron serra un peu plus l'emprise de sa main sur son bras. Son corps s'approcha de celui de Noah jusqu'à ce que leurs visages se trouvent à quelques millimètres l'un de l'autre. Leurs souffles se mêlèrent et le regard d'Aaron toujours fixé dans celui de son vis à vis, il posa sans précipitation ses lèvres sur celles de Noah.
Rapidement, sa langue vint jouer avec la lèvre inférieure de Noah, demandant l'accès à sa bouche. Leurs muscles roses se rencontrèrent, dans une danse plus douce que celle menée lors de leur soirée cinéma, mais tout aussi agréable.
— Maintenant, on peut y aller, enchaina Aaron, un sourire aux lèvres, alors que sa main glissait dans celle de Noah pour enlacer leurs doigts.
Et Noah était rassuré de cet échange.
Finalement, il avait ruminé inutilement. Au diable ses doutes, il comptait bien profiter de son après-midi et s'il pouvait encore goûter aux lèvres d'Aaron, il n'allait pas se faire prier.
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